IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 1.1 làâ|28 12.5 m JUÀ 12.2 ^ m ^ m m u |2.0 m II u. 1 1^ 6" Photographie Sciences Corporation as WIST MAIN STRf IT WIKTIR.N.Y. MSM (716)I72-4S03 ^ i^. CIHM/ICMH Microfiche Séries. CIHM/ICIVIH Collection de microfiches. Canadian Inttituto for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductions historiques Tachnical and Bibliographie Notas/Notas tachniquaa at bibliographiquaa Tha Inatituta liaa attamptad to obtain tha baat original copy availabla for fllming. Faaturaa of thia ccpy which may ba bibliographically uniqua, which may altar any of tha imagaa in tha raproduction, or which may aignificantly changa tha uaual mathod of filming. ara chackad balow. □ Colourad covara/ Couvartura da coulaur I I Covars damagad/ D [3 D D Couvartura andommagéa Covars raatorad and/or laminatad/ Couvartura rastauréa at/ou palliculéa r~~1 Covar titia miaaing/ La titra da couvartura manqua I I Colourad maps/ Cartas géographiquat an coulaur □ Colourad ink (i.a. othar than blua or black)/ Encra da coulaur (i.a. autra qua blaua ou noira) I I Colourad platat and/or illuatrations/ Planchas at/ou illustrations «n coulaur Bound with othar matarial/ Ralié avac d'autraa documants Tight binding may causa ahadows or distortion along intarior margin/ La re liura sarréa paut causar da l'ombra ou da la diatortion la long da la marga intériaura Blank laavas addad during rastoration may appaar within tha taxt. Whanavar poasibla, thasa hava baan omittad from filming/ Il sa paut qua cartainas pagas blanchas ajoutéas lors d'una rastauration apparaissant dans la taxta, mais, lorsqua cala était poasibla. caa pagas n'ont pas été filméas. Additional commants:/ Commantairas supplémantairas: L'institut a microfilmé la maillaur axamplaira qu'il lui a été poasibla da sa procurar. Las détails da eat axamplaira qui sont paut-étra uniquas du point da vua bibliographiqua, qui pauvant modifiar una imaga raproduita. ou qui pauvant axigar una modification dans la méthoda normala da fiimaga sont indiqués ci-daasous. D D D 0 D 0 D D D D Colourad pagas/ Pagaa da coulaur Pagas damagad/ Pagas andommagéas Pagaa raatorad and/or laminatad/ Pagas rastauréas at/ou palliculéas Pagas diseolourad. stainad or foxad/ Pagas décoloréas, tachatéas ou piquéas Pagaa datachad/ Pagas détachéas Showthrough/ Tranaparanca Quality of print varias/ Qualité inégala da l'imprassion Includas supplamantary matarial/ Comprand du matérial aupplémantaira Only adition availabla/ Saula édition disponibla Pagas wholly or partially obscurad by arrata slips, tissuas, atc, hava baan rafilmad to ansura tha bast poasibla imaga/ Laa pagaa totalamant ou partiallamant obscurcias par un fauillat d'arrata. una palura. atc. ont été filméas à nouvaau da façon à obtanir la malllaura imaga possibla. This itam is f ilmad at tha raduction ratio chackad balow/ Ca documant ast filmé au taux da réduction indiqué ci-d«aaoua. Tha totl Tha poai oft film Orif bag tha aior oth( firal sion or il Tha ahal TINi whi Mai dlff< anti bagi righ raqi mat 10X 14X 18X 22X 2tX 30X ^y 12X 1SX »X MX 2ÊX 32X Th* copy filmad h«r« hM b««n rsproducad thankt to th« ganarotity of : Bibliothèqu* nationale du Québec L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la généroalté de: Bibliothèque nationale du Québec The Imagée appearing hère are the beat quailty poeaible ooneidering the condition and leglblllty of the originel copy and in keeping with the filming contract apecifieationa. Les Images suivantes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplelre filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de fllmege. Original copies in printed paper covers are filmed beginning with the front cover and ending on the lest page with a printed or illustrated impres- sion, or the back cover when appropriate. AH other original coplea ère filmed beginning on the f Irst page with a printed or illustrated impree- slon, and ending on the laat page with a printed or lllustrsted impreeelon. The lest reeorded frame on each microfiche shall contain the symbol -^ (meaning "CON- TINUED"). or the symbol Y (meaning "END"), whichever applles. Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est Imprimée sont filmés en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'Impreesion ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première pege qui comporte une empreinte d'Impreesion ou d'illustration et en terminant par la dernière pege qui comporte une telle empreinte. Un des eymboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole -^ signifie "A SUIVRE ", le symbole ▼ signifie "FIN". Maps, plates, charts, etc., may be filmed et différent réduction ratios. Those too large to be entirely included In one expoaure ère filmed beginning in the upper left hand corner, left to right end top to bottom, as many frames es required. The following diagrams lllustrate the method: Les certes, planches, tabieeux, etc., peuvent être filmés è des taux de réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un eeul cliché, il est filmé è partir de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite, et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode. 1 2 3 1 2 3 4 5 6 I sinr e'i rm •iff/j TROISIÈME £T DERNIERE ENCYCLOPEDIE THËOLOGIQCE, ou rnOISlKME et DGItMÈnB SÉRIE DE DICTIONNAIRES SUR TOUTES LES PARTIES DE LA SCIENCE RELI6IEUSB| «rraABT ■■ r«ABOAM, ct vak okom ai^babéviqv*, LA PLUS CLAIKB, LA PLUS FACILE, LA PLUS COMMODE, LA PLUS VARIÉE , ET LA PLUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES. eu DICTIONNAIRES SONT CEUX : BK rilll.OSOPIIIB C4TII0UQUF., — o'ANTII'IIII.OSOrilISJIE, — DU rARAI.I.t:i.E DES DOCTRINES RELIGIEUSES ET rUILOSOlillOUES AVEC I.A FOI CATIIoriQUE, — DU PROTESTANTISUE, — DES OBJECTIONS POPUI.AIIIES CONTRE I.E CATIIOI.ICISUE, — l>e CRITIQUE CHRÉTIENNE, — DE SCOLASTIQUE, — DE rilYSIOI.OGIK , — hï. TRADITION PATRISTIQUE ET CONCILIAIRE, — DE LA CHAIRE CIIRIvTIENNE,— d'iIISTiiIRE ECCLÉSIASTIQUE, — DES MISSIONS CATHOLIQUES, — DES ANTIQUITÉS CHRÉTIENNES ET DÉCOUVERTE» MODERNES, — DES RIENFAITS DU CHRISTIANI>HE, — d'eSTHÉTIQUE CHRÉTIENNE, — DE DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE, — •'ÉKUDITION ECCLÉSIASTIQUE, — DES PAPES, — DES CARDINAUX CÉLÈDRES, — DE RIRIIOCRAPHIE CATHOLIQUE,— DES MUSÉES RELIGIEUX ET PROFANES, — DES ARBAVKS ET MONASTtRKS CÉl.tilitES. — d'orfèvrerie chrétienne, — de Légendes chrétiennes, — de cantiuues chrétiens. — d'ÉCONOUIE CHRÉTIINNE ET CHARITABLE, — DES SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES, — DK LÉGISLATION COMPARÉE, — DE LA SAGESSE POPULAIRE, — DESERRI.IIRS ET SUPERSTITIONS POPULAIRES, — DES LIVRES APOCRYPHES, — DE LEÇONS DE LITTÉRATURE CHRÉTIENNE EN PROSE ET EN VEHS, — DE MYTHOLOGIE UNIVERSELLE, — DE 'lECHNOLOGIE UNIVERSELLE. — DES CONTROVERSES HISTORIQUES, — DES ORIGINES DU CHRISTIANISME, — DES SIJENCES PHYSIQUES ET NA1UHELI.ES DANS I.'ANTIQUITÉ, — DES HARMONIES DE LA RAISON, HE LA SCIENCE, DE LA LITTÉRATIHE ET l>E I.'ART AVEC LA FOI CAT.IOLIQUE, — DES PitOPOBITIONS CATHOLIQUES. — DE MYSTIQUE CHRÉTIENNE. — DE LINGUISTIQUE. — DE L4 DIVINITÉ ET DE L'HUMANITË DU CHRIST. riJlILIÉK PAR M. L'AUDE MIGNB, ADITBOII OB la ■IBI.IOTBÉ9aB VMtVaBaBI.I.B DO G(.BB«B, DES cevma ooMri.K*a sur chaque branche db la science ecclésiastique. r«»;liF«.L«VOL.ro«JR le souscripteur a la COLLECTION entière. 7 rn. ET MtuE 8 FH. lOURLKSOIM-.RIPIEUt A TEL ou TEL DICTIONNAIRE PARTICULIER. 60 mues. PRIX : 360 FRANCS. TRENTE-ÇUATRIEnE. DICTIONNAIRK DE LINGUISTIQUE. TOUG UKIQUE. rnix 9 KRANCS. S'IMIMIIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR, AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMROISE, AU PETIT-MONTROUGE , HiRBIÈBB u'kNPKR IIB PARIS. 1838 r' .111; Il ' y u s . Précédé d'uo Essai snr le rftie di liigage dus rèvolotion de rintelligence honaine. PAR L.-F. JEHAN (de Salat-ciaTicn). Membre de la Société géologique de Franco, de l'Académie royale des sciences de Turin, etc. Ce n'est que des hauteurs de l'intuilioa chrétienne que l'anliquité se dévoile au phiiologiie dans toute tj >'- ' vérité et sa beauté. Otfruo Miauit. PUBLIÉ PAR M. L>ABBË MIGNE. ÉDITBim DB LA BIBLIOTHÈQUE IIMIVER8ELLB DU CLERGÉ. W DKS OO0Mi eOWliSrS SUU chaque DR4NCHC DE LA SCIIENCE ECr.LÉSIAST'QUK. TOME UNIQUE. »o< t-<:me! PHIX 9 .H A>'CS. • • '• * * • S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR. AUX A riiI.IKUS CATHOLIQUES, KUE D'AMBOISE, AU PKTir-MONïROUGK, BAHHlàRB d'bNFBH DB PtlUS. i i / I 1 I li OUVRAGES DE M. L.-F. JEHAN («• sid.t-ctaTie.). MKMBHB UK LA lUCIÉTÉ GÉOLOOtQl'B OB rRANCR, llC L'ArADÉSIIR ROTALB HBS «CIBNCBS DR TURIN. KTC. ' ' V ,/■■■' DU LàNGAGZ et de son rAle dans la coMtitaUon de la raison, ou Vues philosophiques sur l'orisine des con- naissances humaines, t vol. in-18 Jésus, cnei LecoOre, rue du Vieux-Colombier, S9, à Paris, rrii : 9 fr. «0 e. — C'i. ouvrage, dont les Joumaui et les revue* catbo- llque» françaises «t étrangères ont rendu le compte le plus favorable, présente, sur l'origine de nos connais- xances, la seule théorie qui, ainsi que l'a montré le cé- Ic'-lire auteur des deux articles publiés sur ce livre dans l'Univenité eatlmlique (Juin et Juillet 18SS), por- te le dernier coup li tous les faux systèmes et k toutes les hv|Mith{^ses auxquelles le rationalisme a eu recours pour résoudre celle question capitale. EPITOME IMKTOni.e SACRiCANALYTICO-SYNTHÉ- TIOt'Ki rus.'ige des commençants, méthode nouvelle pour la version, l'anal.vse, l'élude des règles, etc., siius les inconvéïiienis du dictionnaire et de la gram- maire. Avec cette niélhode il n'est pas nécessaire de savoir le laliii pour l'enseigner, il suffit de savoir lire. 1 vol. iu-U. chez Lecoflye, k Paris. Prix : I fr. 2S c. NOUVEAU TnAfTE DES SCIENCES GÉOLOGIQUES considérées dans leurs rapports avec la religion et dans leur application générale ï l'intluslrip et aux arts, avec un lab. eau figuratif des terrains et la représenia- tion des fussilos les plus caractéristiques et les plus curieux. Ouvrage adopté dans les petits et les ti^ands séminaires Dour l'enseignement de la géologie, et dé- die k son Effiinenee Mgr le cardinal Morlot, archevê- que de Paris. N ouvelle édition emiidéralitement ana- menlie. 1 vol. in-U, avec pi., chex LccolTie, k Parb. Prix :Sfr. 80c. 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DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES SCIENCES PHYSI- QUES ET NATURELLES. DICTIONNAIRE DE LINGUISTIQUE ET DE PHILOLO* GIK COMPARÉE. (*) Ce', ouvrage avait été primiiivemenl annonet «ou* le titre de : Visionnaire des Objectiont tavmdtt. rr'ç^-- Imprimerie MIONK, au KMil-Moi'.rAiiRe. I DOt mei n'ai n'at avo as8( raiti civi min tes( foui ceih graj l'on II tude toin que HCIENCM Kt il, a«lifi»é- leiiunt mg- ife, k Pirte. ;AT10N, ou e «ue |))iUo- liiin k rin- iiiilincU tlfS ûci'^dé d'un* es représen- » etgraviet i>ari«. rrti : TOETACNK. i i gravurei. MANIFESTA t's avpc lune, r idilion. ALE. \ V..I. acier et *ur RE. par Pill- ai iivea actuel- INTRODUCTION. DES LANGUES OGNSIDÉRÉES DANS LEUR ESSENCE ORGANIQUE ET DANS LEURS RAPPORTS AVEC L'HISTOIRE DES RACES HUBiAINES. Iqiie.Vhlnlot.» tpiiiUiquei qu4 onire la reli- nnes. l'ALÉONTiK ISTIANlSMK. E PHILOLO* IroiiRe. ComiM la inonde est fliniré dans la nature, ainsi la Bitore humaine se peint diM la langage, et c'est par U que la linguistique peut-être nonmSe la dïnamiqu* de rcsprtl. ^ BOKH. Dans notre Dtcft'onnatVe d'Anthropologie ou Bittoire naturelle des racée humaineet nous nous sommes principalement appuyé sur les caractàres physiologiques pour ra- mener à l'unité tous les types divers de notre espèce, répandus sur le globe. Nous n'avons point sans doute négligé l'argument tiré de 1*'' l'ié des langues, mais nous n'avons pu donner à cette partie de notre travail toui; ' Mendue convenable. Nous avons pensé que la linguistique est devenue, dans ces uerniers temps, une science assez vaste, assez importante surtout dans la solution des graves problèmes qui se rattachent à la nature de l'esprit humain ainsi qu'à l'histoire, h la filiation, h la civilisation des peuples, pour mériter une étude k part, et c'est ce qui nous a déter- miné à réunir, dans un Dictionnaire spécial, l'histoire de toutes les langues mor- tes et vivantes et de leurs principaux dialectes. Nous y avons joint l'examen d'une foule de questions d'un haut intérêt, particulièrement sur l'origine des peuples , sur celle de leurs idiomes, de leurs religions, de leurs traditions diverses, sur l'ethno- graphie philologique, linguistique, archéologique et sur la philologie comparée, que . l'on pourrait appeler la physiologie du langage. U n'est aucune personne un peu instruite aujourd'hui qui ne sache comment l'é- tude comparée des langues peut conduire aux résultats les plus précieux pour l'his- toire primitive. Ce que peut avoir de fécond le procédé de la comparaison appli- qué è certaines études s'est rarement mieux révélé que dans les rapides progrès accom- DlCTIOHN. DB Ll^Gt;lSMQIJE. 1 3*^7îi4: i Il l^iTRUDUCTION. Il plis par la science des langues h poriir du jour où, no bornant plus son effort k faire passer d'un idiome dans un autre un discours ou un ouvrage, elle a rapproché les procédés et les mots des divers idiomes, interrogé les grammaires, non pour en appliquer les règles, mais pour en analyser le génie, cherché enlin dans l'histoire du langage l'explication des origi- nes ou du classement des sociétés humaines. La philologie comparée a pour but d'établir, par la comparaison des mots et des formes grammaticales, les lois de développement do la faculté qu'on nomme la parole, et, dans les divers modes d'application de ces lois, elle ar- rive h reconnaître satis peine l'flge d'une langue comme le degr'' de civilisation qu'elle représente. On congoil qu'on puisse aller loin dans cette voie quand on considère; et qu'on étudie tous les mots, et qu'on ajoute à cette étude celle des constructions grammaticales, tel que le système des signes pour représenter les temps et les modes des verbes, les divers rAles des noms, dans les phrases, qu'on a appelés ca* dans plusieurs langues, etc., etc. Or, depuis Leibnitz, qui proposa l'étude comparée des langues comme moyen d'éclairer les migrations des peuples dans l'antiquité, qui commença cette étude d'une manière vrai- ment scientifique, parce qu'elle était philosophique, et qui annonça d'avance une partie des nombreuses découvertes qu'on a faites, la philologie ethnographique est devenue une des sciences les plus fécondes des temps modernes. Après des efforts vains et longtemps prolongés pour faire remonter toutes les langues à quelqu'une des langues connues qui auraient été leur mère commune, et que l'on suppo- sait être l'hébreu, on prit enfin le parti de renoncer h tout système préconçu et de se met- tre à comparer simplement les langues entre elles, mortes et vivantes, afin de constater, par détails, leurs alQnités. Ce qui constitue le fondement et tout è la fois l'objet de la phi- lologie comparée, c'est la reconstruction du travail mental d'où sont sorties les langues et qui a présidé è leurs variations. Cette science poursuit deux ordres d'études. Dans le pre- mier, elle refait l'histoire intérieure, interne, d'une langue ou d'une famille de langues. Dans le second, elle dresse une classiQcation des langues connues, compte les familles et détermine k laquelle chacune d'elles appartient, puis scrute les affinités qui lient ces fn- milles entre elles. L'ensemble des premières recherches met sur la voie des secondes. Les principes que promet de poser l'histoire d'une langue poursuivie dans toutes ses transformations et ses dérivations apprennent à fixer l'âge d'une idiome, la période à la- quelle appartient la forme qu'il nous présente, et l'on n'est plus alors exposé k prendre pour des différences spécifiques ce qui ne tient qu'à des inégalités de développement, et h tomber ainsi dans cette erreur, fréquente en ornithologie, qui fait regarder comme d'es- pèces diverses des individus spécifiquement identiques, mais dont le plumage diffère à raison de l'flge et du sexe. Parmi les nombreux déblayeurs d'une Babel à effrayer les plus audacieux, nous devons mentionner les Paulin de Saiiit-Barthélemy, Young, Anquetil Duperron, Abel Remusat, Adelung, Vater, Bopp, Grawfurd, Marsden, les Champollion, G. de Humboidt, Klaprotb, Baibi, Kennedy, Gallalin, Duponceau, Jackel, Sharon Turner, Leyden, Betham, les deux âchlégel, Prichnrd, Whiter, Goulianoff, llérian, Hammcr, Lassen, Lepsius, Eichhoff, J. Grimm, Pott, notre immortel Burnouf, et une innombrable phalange d'idiomographes et de philologues du second ordre dont les ouvrages formeraient seuls une bibliothèque considérat)le. Ces hommes, qui ont surgi depuis un siècle, de tous les pays savants, tra- vaillèrent d'abord sans aucun plan commun et sans méthode commune. Chacun attaquait au hasard les langues pour lesquelles il avait le plus d'attrait; chacun observait à sa manière. Les uns, tel que Kloproth, prétendant que « les mots sont l'étoffe du langage et que la grammaire ne donne que la forme, » s'attachèrent aux étymologies et for- mèrent ce qu'on a appelé l'école des Lexicographes; d'autres, tels que Bopp, Schlégel, G. de Humboidt, considérèrent la construction grammaticale comme plus importnnte, et les analogies qu'elle présentait entre plusieurs langues comme plus fondamentales. Il est résulté, de tous ces travaux épars, des matériaux scientifiques que l'on a pu coo> «s DES LANGUES CONSIDEREES DANS LEUR ESSENCE ORGANIOUE, ETC. U donner el qui ont conduit è la solution de questions fort curieuses et du plus vif in* lérét. Nous nous proposons de résumer d'abord les principaui résultats de l'élude interne des langues, de ce qui constitue leur essence, leur organisme, ou concerne leur déve- loppement historique, puis nous rechercherons les données qui •a ont réglé la classifi- cation, usant de toutes les ressources que l'idiomographie comparée peut nous fournir pour déterminer l'origine et la filiation des races et des peuples. II. L'activité de l'esprit a besoin d'une langue pour se manifester sous les formes de la pen- sée, do la même manière que l'âme a besoin du corps : on ne peut penser qu'au moyen d'une langue et plus une langue est apte k exprimer toutes les émotions, tous les mouve- ments de l'flme, plus ellese rapproche de la perfection. Klle est, au contraire* d'autant plus imparfaite que son expression acoustique reste davantage en arrière de la pensée et n'en peut donner que des abréviations. Penser, c'est mettre les conceptions de notre esprit, les notions, dans tel rapport ou telle re- lation. Toute langue se décompose donc en deux éléments : les notioni et les rapporté. Les notions oa représentations sont comme les matériaux de la langue; les rapports entre les notions constituent la forme. La perfection d'une langue consisterait k exprimer d'une ma« nière acoustiquement complète et ses éléments matériels et ses éléments formels. On ap- pelle iignifieotioiu les notions ou représentations. L'essence d'une langue est donc basée sur la manière dont elle exprime aeouHiquenunt, c'est-k-dire par un mot, les significa- tions et les rapports. La iignilkationt exprimée par un mot, s'appelle racine; elle peut être séparée de tout mot qui exprime le rappori: ainsi lvimm,j» frappaU, se compose d'abord de tun . racine et mot de siguiflcation, et de plusieurs mots de relation : c — , exprimant le rapport du passé; ->T— , le rapport du présent; — ov, exprimant le rapport de la première personne du sin- gulier ou de la troisième du pluriel. Ainsi le mot est un produit k la création duquel ont concouru la signification et la rela- tion. C'est de l'expression de l'une et de l'autre que dépend la formation du mot, puis la construction de la phrase, enfin le caractère entier de l'idiome. Une racine n'apparait d'une manière bien déterminée que par l'expression acoustique de la relation : c'est de la sorte qu'une racine doit revêtir ('«s diverses figures appelées adjectif, substantif, verbe, cas, mode, temps, etc., et servir de base k la déclinaison et k la conjugaison. La signification peut se trouver exprimée phonétiquement sans que la relation le soit. Cettedernièro reste pour ainsi dire latente; elle est alors suppléée par quelque autre mani- festation, par la place qu'on lui fait occuper dans la phrase, par l'accentuation et l'intoua- tion, par le geste, ete. Ces moyens détournés pour exprimer la relation entre les significa- tions s'observent principalement dans les idiomes monosyllabiques, dans la langue chinoise, par exemple. Une langue monosyllabique ne se compose que do racines exprimant une signification, mais ne renfermant qu'implicitement la relation. Ici les catégories des mots ne sont pas distinctes par des sons acoustiques particuliers, et le même mot, le même son, peut représenter un substantif, un verbe, une particule, un nominatif, un génitif, un temps présent ou passé, un indicatif, un subjonctif, un actif, un passif, etc. Les distinctions ne se font qu'à l'aide de la place qu'on donne k ce mot dans la phrase, et c'est ce qui lui imprime lo cachet spécial de telle ou telle relation. Dans les langues k syllabes simples, k racines monosyllabiques, la simplicité, l'unité de lïdee se reflète dans l'unité du «on, dans la syllabe unique; le mot n'est point encore de- venu un organisme, une multiplicité de divers membres : le mot n'est ici qu'une unité ferme et sèche comme un cristal. Il IMUODUCnUN. it On remarqua cependanl une transition proitiue insenaibte entre ce principe rigoureuae- menl unitaire et l'opposition d'un son déterminant, d'une rtlation, 5 côté du ion de liyni- fication. Ici on choisit, pour exprimer la relation, toit dos sons ayant une signification générale, homme, femme, par eiemplo, pour désigner le sexe, soit des racines de relation, nomme des pronoms, c'est-à-dire des racines qui avaient primltlvomcnl une signlQcatiun très-générale ou qui l'ont reçue plus tard. Quand ces sortes de compositions augmentent en nombre, le caractère de l'idiome mo* nos>llal)ique se transforme. En effet, quand la relation s'exprime par des mots accolés à la fln du mot de la êignifieation resté immualile, le signe caractéristique de l'idiomo roonosyl- labique disparaît : le mot iij/ni/lcaf 1/ ne renferme |ilus le mot relatif; celui-ci obtient une existence h part. Tous ces mots do relation avaient été à l'origine des mots designiflcation, plus tard ils se sont altérés et ont (Ini par devenir des mots de relation. C'est ainsi que nous arrivons h la deuxième grande classe do langues, celle des longues ti'agglomération ou d'agglutination, qui procèdent dans leur formation par voie simplement mécanique. Celte langue, à laquelle appartiennent presque toutes les langues américaines (1) et le basque, en Europe, comprend beaucoup de subdivisions, selon la manière plus ou moins intime dont les mots do relation s'attachent soit k la racine, c'est-k-dire au mot de signlH- cation, soit entre eux. Quelquefois les mots afllxes existent encore comme s'ils n'étaient que des mots isolés; d'autres fois la fusion est si intime que la langue agglomérante se rapproche visiblement des langues de la troisième classe, ou langues è flexion. Celte classe intermédiaire des langues, nous parlons des langues par agglutination, compte un grand nombre d'individus, ou plutôt la plus grande partie des langues du genre humain appartient à celte catégorie. Dans ces langues, le mot se forme par des membres qui se juxtaposent; tel est le caractère tranché qui les distingue des idiomes monosylla- biques. Mais ces membres ne se confondent pas encore en un seul organisme entier ; c'est là ce qui constitue une différence fondamentale entre ces langues et les langues à flexion. Le mot n'est encore dans les premières qu'un composé de plusieurs mots conservant en- core chacun une sorte d'individualité. Dans la première classe, nous rencontrons l'unité la plus rigoureuse, mail «ans l'exrref- sion particulière des relations. Dans la deuxième classe, nous rencontrons l'expression souvent très-explicite des rela- tions è l'aide des mots allixes, mais aux dépens de l'unité. Dans la troisième classe, enfin, nous trouvons la signiflcation et la relation incorporées dans des mots particuliers, et cela sans déroger h l'unité. Voilk certainement la classe la pi us, élevée, la plus riche, la plus féconde, la plus flexible; elle seule reflète, mieux que les deux précédentes, les mouvements de l'âme et de l'esprit, l'acte de la pensée, dans laquelle il y a fusion complète de la signification et de la relation, qui le pénètrent réci- proquement. Ce qu'il y a de grandiose dans ce triple développement, c'est que, sur le pre- mier échelon, nous voyons Videntité sans différencee, l'identilé pure et simple de la signiQ- eation et de la relation ; sur le deuxième échelon, nous découvrons la différenciation de la signiflcation d'avec la relation ; à l'aide de mots spécialement affectés k manifester l'une et l'autre; enfin, sur le troisième échelon, cette différenciation, cette séparation se reforme do nouveau pour reconstituer Vunité, mais unité infiniment supérieure k l'unité de l'iden- tilé primitive, |)uisquo cette seconde unité est le résultat de la différence précédente. Cette seconde unité' n'est plus le contraire pur et simple de la différenciation, elle l'a absorbée, digérée, assimilée; bref, elle agit comme le vrai organisme vivant, comme l'animal. Les idiomes à flexion sont donc les êtres les plus parfaits de tout le règne de la parole; dans ces idiomes le mot est devenu Vunité de la multiplicité des membres ondes organes, c'est-k- dire l'organisme unitaire et multiple k la fois. {l)Noiis difions pre»que tonte», car il Tant au mniiii l'ucept^T In quarimi du ItrcsU el l'oihoiiii du Mexique, qui n'ont pas du tout celle naiure pnlijHijn- thiiiqiie nu de langues k composUIon par a^gluli- iiaiioii, thèse que Uupuneeau nous semble avoir trop géiiénlis c. i; DES LNNCllES CONSIDEREKS DANS LEUR ESSENCE ÛnUANIQUE, ETC. It C'est réluiio du sanskrit sartout qui a rnis en éviiionco cos lois curieusoi de la transfor- nation gradiiollo des langues. Au dfibul, dons le Riij-}' dans les premiers agunceinenls, dans les procétiés nri|jinel$, il n'était pas une articulation de la parole qui ne correspon- dit k une articulation de la pensée? Depuis long- temps le débat est engagé sur leiie question entr^ les niiiUres de la science, et il est demeuré jusqu'à ce jour sans conclusion définitive. — Voy. J. Uaiiiv {beuuvhe Grammaiik) ; Pott (Etifmotogiêehe fer- ^1 M If $yUàbique$ 'e; en dedans le la Toix à la naturel puur lUX exigences it juste et fln, . On n'a qu'à ux. ité du mot en la pénétration leux instinct, ne signes de avoir d'abord r spontanéité, irée arriverait individuel de iition), on ne rue. Telle est son principe I germe, peut it langage, dit it notamment e ses sons, sa r leur propre n linguistique communique, ^rs comme un l'expression En soi, toute réellement le iiit et s'opère Aucun mot \pttl: car il se ir des accents nation. ions. ;rés de l'étal ion. Or, c'est siècles, plus le en formes qui dérivent I sublime de ue celui des storiques les loD sens par- las premiers iiiels, il n'était ne correipon» Oepuii long- question entrti incoré jusqu'à Voy. J. tiiuiiv ologiiehe Fwt' S5 DES LANGUliS CONSIDEREES DANS LEUR ESSENCE ORGANIQUE ETC S« langues déclinent et nous n'assistons jamais è la naissance d'une langue nouvelle. En voyant aux premiers rayons de l'histoire la langue déjà si richement développée, nous en inférons avec raison que la formation de la langue avait eu lieu avant l'histoire. Ici se présentent les hypothèses plus ou moins incohérentes, toutes insoutenables, de l'origine humaine du langage (11). Nous ne pouvons nous arrêter à les discuter. — Koy. Langaok (Origine du). Pour nous le langage est d'institution divine, les langues seules sont l'ou- vrage de l'homme. Nous bornant donc à constater des faits, nous ferons observer qu'aus- sitôt que l'histoire prend naissance, nous voyons la langue commencer à effacer peu à peu ses particularités caractéristiques. On parait donc autorisé à reconnaître comme deux époques distinctes dans l'histoire des idiomes : d'abord l'histoire de leur développiment, c'est ré|)oque anté-historique ; puis l'histoire de leur décadence, c'est l'époque his- torique. Vouloir remonter plus haut, essayer de rechercher les lois qui ont présidé à la création des sons de signification, c'est une tflche qui nous |)arait au-dessus des données de la science. Nous nous contentons du développement de la langue, ce qui constitue ses 'ormet, et nous supposons sa nuitiire, sa substance phonétique ou acoustique, qui sert pour ainsi dire de matière première à ce développement; ce sont, en d'autres termes, les racines ou les sons de signiûcation. Comment cette matière première, commune à tous les idiomes, comment les racines ont-elles pris origine ? Cette question est tout aussi insoluble scientifiquement que la question relative à l'origine d'un organisme quelconque. On peut bien comprendre le rapport général entre la langue et l'esprit, mais il n'en est pas de même de la question suivante : Pourquoi cette racine a-t-eth cette signification particulière? C'est-à-dire : Quel est le rapport qui exi: El s'il y a qu Ii|ue > hose d'incontestable, n'est-ce pas que le langage eu o» parait tout à fait arbitraire ? En effei nous compre- nons sans peine que toute espèce du son est , de sa nature, indilTérenie à rendre telle ou telle idée , et cela précisémeut parce que, de sa nature, le son ne peut rende aucuiic idée, aucune pensée. Uira-t-en que, s! personne aujourd'hui ne connaît plus le& relations naturelles de la parole et do la pensée, il ne s'ensuit pas qu'elles aient été inconnues de ce- lui qui les n créées? .Mais c'est donner un ilegré d'intelligence surhumain à celui dont on veut abso- lument faire un homme. Aiiiïi l'on est forcé, en abandonnant le sentiment qui attribue l'iiiiiiiiutioii du langage à Dieu inùiue, et qui en rapporte l'ori- gine au eommenceinent du genre humain, on est lorcé, dis-je, de tomber dans une contradiction frappante, puisque, d'une paît, on suppose riionime privé de langage, rétiuit à l'état lu plus misérable , tout oicupé Iles besoins physiques, et dans une ignorance qui laissait peu d'iiiieivalle entre lui et la biute; et que, de liulre, il est nécessaire de donner au prcmitr inventeur des langues un génie supérieur à tout ce qui a existé dans la suite, même dans les tiède» de tumièret. Aliriliucr à riioiiinie l'inventon du langage, c'est lui donner un vrai fiouvuir créateur, pouvoir qu'un seul aurait d'ail- eiirs exercé une seule fois, dans un seul objet ; c'est- à-dire qu'il s'est ci ce lui même, quant a son être moral, en créant ses idées avec leurs expressions. Voir notre ouvrage Du langage et de ion rôle dam ta conKilultoii de la ration, 1 vol. in-i8, chez Le» coffre, éditeur ii Paris. r îi ; :i 1 f'- t ! 87 iiSTRODUCTION. S8 venuo ensuite et en dernier lieu la (Itxion. On a (prétendu '^e les langues monosylla- biques s'étaient les premières orrfilées^ dans leur développement,! que les langues agglu- tinantes s'éiaient développées du monosyllabisme, et de celui-d les langues à flexion. Tout cela n'est qu'hypothèse encore, car nulle part nous ne voyons ces transformations s'accomplir. Pourquoi ces arrêts de plusieurs milliers d'années dans le développement des langues monosyllabiques (le chinois, par exemple), dans celui des langues par aggluti- nation, comme le tatar, le turk, le finnois et le plus grond nombre des langues améri- caines? Pourquoi aucune de ces langues n'a-t-elle pu atteindre au degré le plus éïevéi celui de la flexion? Pourquoi trouvons-nous au contraire les langues à flexion arrivées à leur développement complet dès l'antiquité la plus reculée ? S'il e.st difllcile de constater, dans la croissance des langues, une marche ascendante et régulière; il n'en est pas de même de leur décroissance. Plus l'esprit se déploie dans la courant de l'histoire, plus il semble se dérober au son; on voit les flexions s'affaisser, presque s'effacer, tout luxe disparaît; les éléments phonétiques qui ne sont plus sentis dans leur signification, se plient aux lois physiques des organes phonétiques et acousti- ques. Ces lois, en agissant sur l'organisme de la parole, déterminent des assimilations et des décompositions phonétiques de toute sorte. L'expérience démontre que l'histoire nationale et l'histoire de la langue sont en rapport inverse. Voyez les nations de la civi- lisation moderne; toutes ont eu une histoire politique et sociale fortement agitée, et aucune, appartenant è la grande souche indo-germanique, n'a pu conserver la perfection primitive de son idiome. N'oubliez pas non plus que toutes ces nations, les véritables pionniers et architectes de la civilisation humaine, se sont mises en contact permanent entre elles; c'est encore là un motif, du moins accessoire, de la décroissance des idiomes primitifs. Quelle énorme différence entre les idiomes romans ou germaniques, surtout l'idiome anglais d'un côté, et l'idiome lithuanien de l'autre 1 Ceux-là, appartenant à des nations profondément et depuis longtemps travaillées en tout sens par les luttes de l'esprit, ont perdu beaucoup de leur richesse primitive; tandis que l'idiome des Lithua- niens, qui n'ont eu ni une histoire ni une littérature riche et féconde, s'est maintenu dans son originalité antique et naïva. Les langues slaves, de même, se montrent à l'observa- teur comme des langues dont les possesseurs n'ont pas encore achevé leur développement politique et social. La langue norvégienne, telle qu'elle se parle aujourd'hui dans l'tle d'Islande, ancienne colonie des Norvégiens, possède encore presque toutes les richesses de l'antique langue du Nord; tandis que cette langue a beaucoup dégénéré chez les Suédois, les Danois, et même chez les Norvégiens du continent. Pourquoi ? Parce que les habitants de l'Islande restaient étrangers aux mouvements de l'Europe, et que les Suédois, les Danois et les Norvégiens proprement dit, ces trois branches du grand arbre nordlan- dais, participaient et participent constamment \ l'histoire universelle du continent euro- péen. Les grandes époques, celles qu'on pourrait appeler les cataclysmes des races et des sociétés, sont accompagnées d'un rapide décroissement des idiomes ; la migration des peuples vers t'empire romain était suivie d'une dégénérescence subite des langues romanes et germaniques. La manière dont cet affaissement s'opère est partout le même au fond, parce qu'il existe une ressemblance fondamentale dans la nature de toutes les nations et, par conséquent, dans leurs organes phonétiques et acoustiques. Ainsi, il y a des mutations qui se font dans certaines combinaisons phonétiques chez les nations les plus diverses absolument d'après la même méthode; on voit se présenter peu è peu les mêmes changements dans les langues monosyllabiques, dans les langues d'agglutination, et dans les langues de flexion. C'est là quelque chose de surprenant à la première vue, et qui ne s'explique parfaitement que par la nature physiologique des organes de la voix humaine, qui sont identiques partout et toujours. Un fait qui se reproduit dans toutes les langues qui marchent avec la civilisation, c'est qu'elles perdent la prosodie de leurs syllabes, et quelles la remplacent par l'accent : Voyez les langues latinisées vis-à-vis du latin. a M ^1 yj DES LANGUES CONSIDEREES DANS LEUR ESSENCE ORGANIQUE, ETC. 50 Les langues d'une organisation supérieure, colles de flexion, tendent k simplifier leurs formes grammaticales. Elles coupent, par exemple, les terminaisons de flexion, les cas de 'déclinaison, en leur substituant des prépositions; le verbe a perdu les formes des temps et des modes, il les remplace par des verbes auxiliaires, et se voit obligé d'y ajouter les pronoms personnels, parce que les terminaisons personnelles se sont effacées à leur tour, ou que si elles restent encore debout, elles ne sont plus senties par l'oreille comme telles. De cette manière se trouve presque rompue la vieille synthèse qui existait entre la tigni- fieation et la relation; ces langues secondaires k flexion descendent sur le deuxième plan, celui de Vagglotnération et la vraie flexion ne s'y maintient souvent que dans le cas où le radical lui-même est changé. Ce qui s'était dit par un seul mot, ne se dit plus que par plusieurs : en latin ma/rt, en italien alla {ad là) madré, en français à la mère: — atnor, io ioHo amato,je suis mW.-G'est ce qui a fait donner k ces langues le nom de langues analy- tiques. Un autre signe de la décadence formelle, c'est raffaiblissement du pronom démonstratif et plus tard encore du nom de nombre un, au point que l'un et l'autre finissent par de- venir l'article : en latin homo, piscis, signifient aussi bien un homme, un poisson, que V homme, le poisson; mais dans les langues modernes on a, en allemand : Der Mann, dtr Fiscli, ein Mann, ei'n Fisch; /' homme (le, la vient de ille, illa, comme cet, cette de iste, ista) et le poisson, un homme, un poisson. Quand les terminaisons des déclinaisons du nom ont été usées, il a besoin de l'article. De même le verbe, quand il a rejeté ses terminai- sons, ou quand elles ne sont plus senties comme jadis, ne peut se passer des pronoms per- sonnels. Ceux-ci sont pour le verbe ce que l'article est pour !e nom. Les antiques formes finales, si abondantes et si multiples, font place k un nombre restreint de quelques formes prépondérantes; cette analogie monotone des terminaisons est un signe caractéristique de la dégénérescence : homme, latin homo; rose, rosa; corne, cornu; latin homine*, rostv, cornua, s'affaiblissent, en français jusqu'k devenir homme», rose*, corne», c'est-k-dire que la consonne finale s, en français, a chassé par voie d'analogie toutes les autres terminai- sons si variées e«, a, a, etc. Il n'est guère probable que les langues k flexion redescendent jamais k l'état d'aggluti- nation, moins encore k l'état monosyllabique, mais on peut aflirmer que les langues k flexion qui sont tombées en ruines, ne pourront jamais se relever k leur hauteur primi- tive. Du reste, on ne saurait admettre que les idiomes monosyllabiques et agglutinants de nos jours sont d'anciennes langues k flexion retombées k l'état d'enfance. Ce serait sup- poser que ces peuples auraient eu une histoire de la pensée, une littérature riche et puis- sante, dont la disparition complète serait inexplicable. Quant au chinois monosyllabique, on en possède des monuments de la plus haute antiquité, qui suffisent pour détruire toute idée d'une perfection antérieure au monosyllabisme, et quant aux idiomes agiomérants, ils ne proviendraient, si cette hypothèse était admissible, que du monosyllabisme, mais nullement des langues k flexion. On s'est demandé quelle était la cause de cette décadence des langues k flexion. On a cherché cette cause au-dessus de toutes les langues, en dehors de la libre volonté de l'homme. L'histoire sociale d'une nation, surtout sa littérature, pourra accélérer la déca- dence de son idiome, mais le point de départ de cette décadence existe dans la nature humaine. L'altération continuelle des sons se montre clairement dans le rapport entre l'écriture et la prononciation. L'alphabet d'une langue peut nous fournir une image assez nette de la prononciation k l'époque où il y fut introduit. — Abstraction faite de l'impossibilité maté- rielle de nous représenter chacune des nuances si multiples de la voix et de l'oreille. Or, bientôt après l'établissement de cet alphabet on s'aperçoit de certaines divergences entre la prononciation et l'écriture du même mot. Ces divergences vont en augmentant; les sons changent de plus on plus, les caractères alphabétiques restent immuables en montrant une 4l)oque du passé, commme l'aiguille d'un cadran arrêté. M INTRODUCTION. 81 Nous Tfinons d'esquisser quelques-ans des phénomènes généraux que la science a saisis dans ce qu'on peut appeler la vie du langage. L'étude de ces phénomènes a conduit à la notion précise des existences individuelles, ce qui a permis & la philologie comparée d'entrer dans une voie plus féconde et plus large; elle a quitté la psychologie pour l'eth- nologie, c'est-k-dire l'étude de l'individu pour celle des sociétés. Elle a découvert entre chaque langue et l'état social du peuple qui la parle des rapports intimes; elle a retrouvé tous les mots et les formes grammaticales des documents historiques qui lui ont permis de reconstruire l'histoire des migrations des races diverses répandues sur le globe. C'est maintenant ce que nous allons essayer de constater. il il su. Une feuille enlevée à l'un des livres sacrés de la Perse tombe un jour par ha»ard sons les yeux d'un jeune Parisien. A la vue de ces caractères dont la clef était perdue, ce jeune homme (il n'avait pas vingt-trois ans) se sent consumé d'une curiosité infinie ; il se repré- sente toute la sflgesse du monde antique cachée sous cette lettre enchantée ; il fait serment d'apprendre cette langue que personne n'entend plus en Europe. Il ira l'épeler au bord du Gange. Dans cette idée, il prend un engagement de volontaire dans un détachement de la compagnie des Indes. Il part; lui-même raconte comment il sortit de l'esplanade des Invalides, à pied, tamèour en tête. Ce jeune soldat qui emportait dans son sac une Bible et les essais de Montaigne , arrive dans les grandes Indes; délié de son engagement , il entreprend seul, sans ressources, d'immenses voyages par terre, aQn de mieux fouiller les souvenirs de la contrée. C'est ainsi qu'il parcourt, un pistolet à la ceinture, sa Bible h. son arçon, la distance comprise entre Benarès et les côtes de Coromandel. C'était le temps de la guerre des Anglais et des Français. Maltraité par les uns et par les autres, il remonte à Surate. Là, enfln, il rencontre des prêtres persans, qui avaient conservé dans l'exil les anciens monuments de la liturgie des Mages. Il retrouve cet ancien culte du feu, ce reste de flammes qu'Alexandre n'avait pu éteindre et qu'une population sans patrie ranime aujourd'hui de son souffle. Sa curiosité commence par exciter la défiance des prêtres; mais un séjour de près de dix ans lui sert à gagner l'amitié du plus savant d'entre eux. Le Parsis lui enseigne en secret la langue sacrée de ses ancêtres, le zend, qui aven le sanskrit est pour la haute Asie, ce que sont pour notre Occident, le grec et le latin, c'est-dire une langue qui n'appartient plus qu'au culte. L'espérance de toute sa vieest remplie, lltient dans ses mains les livres .sacrés que n'avait encore vus aucun Européen. Car le reyard seul lt$ touille, disent les Mobeds. Il en a recueilli plusieurs copies: il les lit, il les traduit. Chose qui semble incroyable, il possède dans la langue morte , les livres des Mages, compagnons (le Dnriu;, de Xercès, de Cyrus, de Cambyse ; de ses voyages il rapporte toute une biblio- thè(|ue composée de manuscrits ; et comme Camuens, avec son poôme échappé du nau- frage (cnr on peut bien comparer le héros au poète), il revient en Europe où il publie les monuments de la religion persane, un peu avant que n'éclate la révolution. Ce jeune Frnnçaissi passionné pour la science, si courageux, si ferme, si persévérant dans ses résolu- tions, était le célèbreAnquelil Duperron qui fonda ainsi la science de la tradition orientale. D'autre part, l'Angleterre, restée maltresse des Indes, achevait d'en prendre possession par la science. Un Français a retrouvé la langue et la religion des peuples persans ou zPDils. Un Anglais, William Jones, a retrouvé la langue des anciens peuples hindous. De- (tiiis que cette double civilisation est rentrée dans la tradition vivante, chaque société a été, en quelque sorte, rejetée sur un autre plan. Par delà les dieux de l'Ionie, on aperçoit, dans les montagnes de l'Asie, les dieux indiens. L'Oly npe recule jusqu'à i'Hymalaya. Peu à peu l'Occident recueille les dépouilles et la sagesse de ce vieux monde, manuscrits apportés par les missionnaires et,les:voyageurs, hymnes, genèses, liturgies, rituels, épo- pées, codes de lois écrits en vers, drames, philosophie, théologie. Dans la première ardeur des découverles, les orientalistes publièrent qu'un* antiquité plus profonde, plus philo- SS DESIANCUESCONSIDEHEES DANS LEUR ESSLNCB ORGANIQUE, ETC. S» sophique, plus poétique tout ensemble que celle de la Grèce et de Rome, surgissait du fond de l'Asie. Un nombre considérable d'habiles et patients scrutateurs se mirent à l'œuvre, et les philologues ne furent ni les moins ardents, ni les moins heureux dans leurs recherches et leurs élucubrations. L'étude comparative des langues de l'Europe av»it constaté la parenté plus ou moins étroite de ces langues entre elles. Outre l'identité de leur système grammatical, leur vocabulaire est composé de mots qui tous peuvent se rattacher les uns aux autres par les règles de l'étymologie. Ces règles sont iMisées sur la comparaison que l'on a faite des changements subis par les mots en passant d'une langue dans une autre ; ce travail comparatif a conduit h la découverte de lois de permutation pour les lettres et de procédés réguliers pour l'échange des sons. On verra par le tableau que nous avons tracé de ces permutations, à quel patient travail il a fallu se livrer pour en découvrir les lois et pour remonter de mots en apparence assez dissemblables, à un radicui, à un type commun. Ce radical ou typti primitif a été trouvé dans le sanskrit, ou du moins les mots de celte langue se présentent sous une forme beaucoup plus ancienne que les formes européennes et par conséquent ils se rapprochent le plus du type dont nous ue pouvons aujourd'hui saisir que des dérivations diverses. Pour fixer les idées, nous donnerons un exemple de permutations de consonnes dans quelques langues germaniques. Ces langues aiment & mettre h pour /c; th pour ( ; /pour p: t pour d; p pour b ; A pour g ; g pour x ; d pour o et 6 pour /. Santkrit. Cm. Lalin, Gothique. fàdaa TOÛ;(nofi(S{) pes fôlus apàla xeçaX^ caput baubilb dvau Sûo duu ivai gn& Yv(ô|i( giiosco kan IHi m(x(o Tiiigo laigé Aneie* allemand. vûoz koitpit ziiéiié clian lékAm On a naturellement conclu de cette étude comparative que les langues de l'Europe ap« partiennent à une grande famille originairement divisée en plusieurs branches dont nous ignorons l'ancêtre commun, mais dont le sanskrit nous représente une des plus anciennes lignes collatérales. Le perse et le zend sont deux sœurs du sanskrit auxquelles les langues germaniques tiennent de plus près, tandis que le grec et les idiomes slaves rappellent davantage le sanskrit. La famille lithuanienne surtout , a gardé presque sans altération le moule de la langue de l'Inde. Aussi a-t-on remarqué que plus on avançait vers l'est, plus les langues offraient de ressemblance avec la langue antique qïi fut leur mère commune. Refoulé à l'extrémité de l'ouest, sur les côtes de l'Armoriquft en Irlande, etc., le celte présente des affinités incontestables avec le sanskrit, mais plus difficiles b saisir. Parmi les quatre grandes classes de langues européennes se rattachant à la souche indo- germanique, nous avons nommé les langues germaniques, les langues slaves, les langues celtiques; «joutons une quatrième famille dite pélasgique, qui comprend le grec, le latin et toutes les langues romanes. Le groupe piUugique tire son nom des Pélasges qui auraient originairement peuplé la Grèce et l'Italie et dont l'idiome aurait été la souche du grec et du latin. Ces deux langues doivent être considérées comme deux sœurs dont l'aînée ne serait pas le grec. L'éolien, le plus ancien dialecte hellénique, ressemble au latin bien plus que les autres dialectes plus récents du grec. Le latin n'était qu'une des branches de l'ancienne famille des langues italiques comprenant le japygien, l'étrusque et l'italiote. Ce dernier se subdivisait en deux rameaux dont l'un constituait le latin et l'autre renfermait les dialectes des Ombriens (12), des Marses, des Volsques et des Samnites. "(12) Il est à peu près déinonlrë que les popu'a- lion» ahorigèue» de l'Italie, saur (|tielqiii;s nvcep- tiooi, 8« raliacliaient fondameiiuluiuciii aui Om- onens ; cl quant à ceux-ci , c'étaient, ainsi que leur nom l'indique , de» éntissions de ta (oucli*! kymri- qiie, peul-ùlre niodiAùes d'uiio manière locale par 'IJ Vt INTRODUCTION. M La langue japygienne (13) nous a été révélée par des inscriptioos découvertes en Calabre etqueGrotefend, KIrchhoffetMommsen ont essayé de déchiffrer; celte langue est indo- européenne ; les inscriptions des idiomes ilaliotos démontrent encore plus nettement leur parenté avec le prototype asiatique. De plus leur comparaison avec le sanskrit nous fait connaître le degré de civilisation auquel étaient parvenues les tribus qui les parlaient, au moment où elles commencèrent leur migration. Ainsi tous les noms d'animaux domestiques sont les n]6mes en sanskrit, en latin et en grec : bmuf, sansk. gaû», lat. bo$, grec ^; brebis, sansk. ovis, lat. oviSf grec oT(, etc.; eMes savaient construire des chars, faire des jougs (sansk. juyam, devenu jugum, en grec Zûroc); elles divisaient l'année en mois lunaires, employaient le système décimal dans leur calcul et professaient un culte semblable à celui qui e&t dépeint dans les pins anciens livres sacrés des Hindous. A une époque qu'il est impossible de préciser, les Pélasges se séparèrent en populations helléniques et en populations italiques, et les mots propres à la fuis au grec et au latin nous montrent quels étaient les progrès accomplis et les connaissances communes chez les Péliisges. C'est h eux que remontent l'établissement de l'agriculture, la culture des céréales, de la vigne et des oliviers. Les mots particuliers au latin attestent les progrès propres aux peuples italiques. Ainsi le mot qui signifle barque ou navire, sansk. nâus, lat. navr's, appartient aux trois langues ; mais les mots vélum, malus, antenna sont exclusivement latin, parce que ce furent les anciens peuples d'Italie qui inventèrent la navigation k voiles. Nous ne nous arrêterons pas aux langues romanes nées de la décomposition du latin. Nous avons déjà dit comment elles perdirent leur caractère synthétique et les flexions de leur mère. Passons aux langues slaves. Ces langues forment des groupes qui correspondent à des degrés divers de développement linguistique. Ainsi le lithuanien, l'ancien prussien et le liv'onien ou cekique, appartiennent h une période moins avancée que celle où apparaît le rameau slave proprement dit. Cela ressort de la comparaison des grammaires. Le slave propre comprend deux branches; l'une occupe te sud-est et renferme le russe, le bulgare, i'illyrien, le serbe, le croate, etc.; l'autre embrasse dans l'ouest le polonais, le bohème, le wende, etc. La famille germanique se rattache plus particulièrement aux langues iraniennes qui comprennent le perse et le zend et beaucoup d'autres idiomes dont plusieurs ont disparu. Celte parenté des idiomes germaniques avec les langues de l'Iran nous montre assez quel fut le berceau des peuples qui vinrent occuper l'Europe centrale, chassant devant eux les Celtes qui les y avaient précédés. On trouvera l'histoire et la classiflcation de ces langues aux articles qui leur sont consacrés dans ce dictionnaire. On observe entre ces langues une afllnité beaucoup plus étroite que celle que l'on a constatée entre les langues pélas- giques et entre les langues slaves. Le principal trait qu'elles possèdent en commun, c'est l'existence de deux formes différentes de verbes et de substantifs, que les grammairiens ont appelées déclinaisons et conjugaisons fortes et déclinaisons ou conjugaisons faibles. Enfn la quatrième et dernière famille indo-européenne comprend les langues celtiques qui sont venues mourir sur les rives de l'Atlantique. Cette famille qui fut sans doute puissante dans une hante antiquité, ne nous offre plus aujourd'hui que des représentants très-dégénérés; c'est à elle qu'appartenait sans doute la langue que parlaient les Gaulois nos ancêtres (14) — Voy. Celtiques ( Langues). la mesure de l'inrusion finnique reçue dans leur •«•In. Celle parenié des Ombriens avec les Kymris esi prouvée suriout par plus de trois cenls mots nilés par le cardinal Mai, au lome V de sa collecllon des «iassiqiies , édités sur les manuscrits du Vati- can, et que le latin a tirés du celtique, gaélique , gttUoii et breton, etc. .. ^'?' ^' Japyge» seraient venus en Iulie vers l'an 1186 avant notre ère. (U) A partir de l'époque romaine, il faut ronsi- dérer les nations celtiques, de la Gaule, de la Germa- nie, du pays licivélien, de la Rliétie, comme deve- nues étrangères II la nature spéciale de leur Inipi- ration antique, et se borner à ne plus reconnaître chez elles que des traditions de faits, et certaines disposi- tions d'esprit qui, persistant avec la mesure du sang des Kymns demeurés dans le nouveau mélange ethni- que, ne gardaient d'autre puissance que de prédis- poser les populations nouvelles à reprendre un jour quelques-unes des voies j&dis familières i l'iiiti'lli- gence spéciale de la raee galliqun. Voy. DiErrEx* BACH, Ce/lira II ,i— l'HiERnT, //ii(. des Gaulois. Nous verrons ailleurs que les monuments gros- siers, attribués ans Celtes, appartiennent plus pru- v! V N vertes en Calabre langue est indo- s nettement leur inskrit nous fait les parlaient, au aux domestiques , bo$, grec poSc; chars, faire des l'année en mois H culte semblable nt en populatiom et au latin nous munes chez les ure des céréales, grès propres aux idui, lat. iiav(«, lusiveroent latin, ion à voiles, osition du latin. l les flexions de «spondent à des n prussien et le Ile où apparaît le naires. Le slave usse, le bulgare, ]ais, le bohème, iraniennes qui urs ont disparu, ontro assez quel devant eux les de ces langues tre ces langues langues pélas- commun, c'est BS grammairiens gaisons faibles, ngues eeltique$ fut sans doute es représentants ent les Gaulois iale de lear intpi- isreconnatircchrz certaines diAposi' la mesure du sang Muméliingeélhiii- ce que de prédis- rcprendre un jour «iliéres à riiiblli- le. Voy. DiEFFEiV (. dei Gauhii. monuments gros- ticnnentplus pru- Sl DES LANGUES rONSKiEREES DANS LEUR ESSENCE OBGANIQUE. ETC. ZH Un simple coup d'œil sur l'ainnité des langues européennes avec les antiques idiomes parlés des bords de la mer Caspienne aux riifës du Gange, nous permet de reconstruire arec certitude l'ordre des migrations qui ont peuplé l'Europe. Nous trouvpns dans l'histoire de ces langues un indice incontestable de l'origine asiatique des nations euro- péennes; des tribus, parties du pied del'Imails, se sont poussées les unes les autres, et les Celtes, les plus anciennement arrivés sur notre continent, ont flni par en devenir les habitants les plus occidentaux. Outre les inductions, tirées de l'évidente affinité des langues, des rapprochements d'un autre ordre et non moins décisifs viennent s'ajouter aux faits qui établissent en Asie le norceau commun des peuples de l'Europe. Dans les plus anciens monuments religieux de L'Inde et de la Perse, dans les Yéda$, le Zendavetta, etc., nous trouvons une foule de traditions mythologiques, de croyances, de surnoms de dieux, de rites sacrés, dont la Grèce antique, la vieille Italie, l'Allemagne, la Scandinavie, la Russie et môme l'Angleterre, nous offrent des variantes curieuses dans leurs légendes et leurs mythes. Au milieu de la mobilité, des changements, des transformations que subissent ces mythes héroïques ou religieux, un fond commun d'idées reste, qui permet de saisir la parenté originaire des croyances. Ce sont les mêmes traits sous un costume différent. MM. Aufrecht et Kuhn, orientalistes distingués de Berlin, et un des premiers indianistes de l'Allemagne, M. Alb. Weber, ont particulièrement fait ressortir dans leurs ouvrages ces frappantes analogies. Il faut donc nécessairement reconnaître que des peuples, partis des confins de l'Inde, de la Perse, ont apporté en Europe leurs idiomes et leurs traditions. Mais à cette époque reculée où les tribus asiotiques se mirent en marche, faut-il admettre que cette partie du monde n'était point encore peuplée et que les tribus conquérantes ne trouvèrent devant elles que des solitudes? C'est encore dans Téludo des langues que nous trouverons la so- lution de ce problème ethnographique. La science a démontré, nous venons de voir par quels procédés, que les langues de l'Eu- rope appartiennent h la souche indo-européenne, mais pas toutes absolument; trois grou- pes font exception : le ba$que,\e finnoi$ et le hongrois ou magyar (15). Ce troisième groupo qui se rattache au groupe finnois, est la langue des anciens Huns, lesquels se sont mêlés aux populations de la Dacie et de la Pannonio et ont ainsi donné naissance aux Hongrois dont le nom môme rappelle l'origine. Quant au basque ou euskari, des travaux récents sur cette langue ont montré qu'elle a eu jadis un domaine beaucoup plus considérable que l'espace étroit où elle est aujourd'hui confinée et qu'elle a été parlée par une population (les Ibères) qui s'étendait des Alpes jusqu'à l'extrémité occidentale de l'Espagne (16). C'est aux savante^ recherches de G. de Humboldt et è celles plus récentes a'un habile philologue de Béziers, M. Boudard , que nous devons l'élucubration de ce fait d'un grand intérêt. Le basque serait donc le dernier ves- tige de la langue des Ibères, peuples que les Celtes auraient repoussés au midi de la Gaule, où nous les voyons établis au temps de César. Le nom de Celtibérie indique un mélange de ces deux peuples en Espagne et l'on ne peut douter qu'il n'ait eu lieu éga- lement dans le Languedoc et l'Aquitaine. Le basque ou langue ibériennc présente de frappantes analogies avec les idiomes po- lysynthétiques on agglomérants du Nouveau-Monde, ainsi qu'il sera facile de s'en con- vaincre par la comparaison de ces langues dans les divers articles que nous leur avons consacrés. On croit être fondé ainsi è regarder le basque comme la langue d'un peuple en- bablement ^ la race finnique qui les avait précédés dans nos contrées. (15) Nous ne parlons pis du liirk et du maltais dont l'introduction en Europe est de date relative- ment récente. (16) Suivant Ewald, les Ibères du Caiicatic appar- tiendraient i la kouclio sont là des jalons dignes d'être re- marqués. M INTRODUCTION. 40 core dam an état intellectuel fort primitif.et l'étude du aunoia permettrait mAme de suppo- ser que les Ibères étaient d'une race alliée à la race tartare (t7). Le deuxième groupe de langues européennes étrangères ou sanskrit est le groupe fin- nois qui occupe tout le territoire de la Russie septentrionale jusqu'à l'extrémilé du Kamlschatka. L'étude comparative de la grammaire et du vocabulaire des nombreux idio- mes que parlent les tribus répandues dans la Sibérie, a révélé entre eux un lien commun. Toutes ces langues, depuis le Japon jusqu'à la Finlande, offrent ce même caractère d'ag- glutination que nous' venons de signaler dans le basque, mais à un moindre degré. — Voy. Finnois, etc.— Les langues finnoises et basque étaient donc des idiomes d'une organisation analogue qui dénoterait un faible degré do développement intellectuel (18). On voit par l'étude du vocabulaire des langues finnoises et tartares que les populations qui les par- iaient manquaient d'une foule de connaissances que nous rencontrons dès l'origine chez les populations indo-européennes. Ainsi le nom du sel est, dans tous ces idiomes, exprimé par un dérivé du nom sanskrit, grec et latin (19). On peut donc supposer que les tribus asiatiques, lorsqu'elles pénétrèrent en Europe, n'y rencontrèrent que des populations dont la puissance iutellectuelle n'était probablemct pas supérieure à celle des hordes actuelles de la Sibérie. Les conquérants, venus de l'Asie occidentale, n'eurent donc pas de peine à soumettre ces barbares auxquels ils se mélèr'ent souvent sans doute, mais dont ils cons- tituèrent l'aristocratie. L'esprit guerrier et hautain est un trait caractéristique des Aryas {Voy. ce mot) , et des Iraniens et il ressort dans toute l'histoire des peuples germains» la- tins et grecs. Nous ne pouvons nous arrêter à tracer le tableau de l'organisation de ces nombreuse» langues finnoises, appelées aussi «ouraliennes et ougro- tartares, qui sont parlées par les races de la Sibérie et celles de l'Asie centrale, vaste famille divisée en quatre groupes t le groupe ougrien, comprenant l'ostiak, le samoïède, le vogoul et quelques autres dialec- tes; le groupe tartare, auquel appartiennent le mongol , l'ouïgour, le mandchou et le lurk s le groupe japonais auquel se rapporte le coréen; le groupe ttnuo-ougrien ou tchoude, qui embrasse le suomi ou fiilandais , l'esthonien, le lapon et le magyar. Les langues de ce dernier groupe sont sujiérieures à celles des groupes précédents sous le rapport du sys- tème grammatical et de l'idéologie (20). On retrouve jusque dans la partie la plus boréale de l'Amérique des rameaux de la Ca- mille finno-ougrienne, ce qui concorde avec l'étude des races, car l'Eskimau, habitant de ces régions polaires, se rattache par ses traits au type ougrien (21). (17) Nask ne voit dan« les \Mn% que des Finnois. et il préifnd fonder sa démonslratiou suri* linguit- tidiie. (Vr$prung, etc., p. 112-146.) (18) Le nom d« finnoii viendrai! par contraction et miiUlioii de leilres de linn, fcii, li-oiien , fl-gen, jit-gen, pll-gcn. pil-goma , homme jaune , d'où le latiu genut el ^etiiut et le grec ituy-t*aIo;, pygmie; on sait que celte race a les yeux bridés, le nez plat, la taille obèse el ramassée. Ccsl à file qu'il faut rapporter tout ce qu'on a dit des naiiu, desgnômet, des génie», des tarîht, des pinaeih, des fad, taiet, fie, etc., etc. (19) On sait que l'usage du sel fut longtemps in- connu aui babiiantsdu nord de l'Eurouc, el que c'est un roi de Danemark, Chrislieru II , qui l'ap- porta aux paysans suédois. La permer que les tribus populations dont I hordes actuelles onc pas de peine lis dont ils cons- ilique des Aryas lies germains, la- I ces nombreuse^ ut parlées par les natte groupes t le es autres dialec- idchou et le turk t ou ichoude , qui «s langues de ce e rapport du sjs- ameaux de la Ci- nau , habitant de iqnes eit malheii- Gore, et fait obsi»- léÛiiUif e des autres Dgiqnea d'un grand des popiilaiions Amérique du Nord ■s les rives du Mis* es dans le nord de uropo entière, de- 1 Italie et de i'Es- en couvrant la iniques , toute l'Ai- « la Suède, la IV>- !t elles qu'il faut nients grossiers de imoigne partout de iale de notre con- dans de telles œu- ortir de la culture onnue aujourd'hui des nations cehi- reviendrons sur ce BBS). — Voy.WoRii- >an«marfc.— ScHAF* — KErEaSTEIN, rlhûmer. il DES LANGUES CONSIDEREES DANS LEUR ESSENCE ORGANIQUE, ETC. H On a découvert dans trois parties distinctes de la presqu'île do l'Inde des populations fl3ricolos que l'on considère comme dos déiM'is ilc la nationalité indicnno primitive. Ces tiilius seraient les rostcs do l'ancienno raco qui occupait l'Inde lorsque les Ar^as y péné- trèrent et qui fut repousséo par ces conquérants aux deux extrémités opposées do sun vaste territoire. Cos tribus parlent des langues qui sont absolument étrangères au sanskrit, mais qui sont très-voisines dos idiomes tartares. Toutes les données philologiques con- courent à nous faire admettre qu'une raco très-voisine do la racetartare, et |iar conséquent alliée elle-même à la race tinnoise, précéda dans i'Hindoustan la race supérieure, qui, des bords de l'Ëuphrate et de l'indus, envoyait un de ses rameaux, sous le nom d'Aryas, vers l'extrôme Orient, tandis que l'autre allait peupler l'Europe. — Yoy. Dhavihiennes (Langues) et Inpb. — Plusieurs savants philologues et ethnographes (Hask, Hodgsoh, Max Aluilor, Hawlisson, Noriis, etc.) paraissent avoir exogéré le rôle que la race jnunc , scythicpie, mongole, finnoise ou comme on voudra l'appeler, aurait joué sur lo globe et dans les des- tinées du monde. Qu'il y ait derrière l'antiquité de la race chamitiquo, spécialement do la céphèno (celle des Ethiopiens orientaux, qui sont les Oé|ilièncs des anciens, les Couschites de la Genite), une antiquité plus rcculéo encore, qui pourrait rendre compte de la disper- sion de la raco humaine jusqu'aux extrémités do l'AmCTiquo par les voies de l'Asio orientale, où les Tongouses forment lo pont vers le nord-est de l'Asie ; do la dispersion dos Malais sur l'océan Paciliquc par le mouvement de la race chinoise ; de l'arrivée des peuples du Dekkhan dans le midi do l'Inde, cl des Rrahouisdans lo midi do la Perse orien- tale; de la dispersion dos nègres océaniens, expulsés du midi de l'Indo; de celle des races africaines rattachées à l'ouest do l'Inde, où les géographes indiens citent une population do Varvaras aux cheveux crépus et qui no sont pas nègres, mais qui rappellent peut-être les Somanlis et tribus parentes de lu côte d'Afrique, où les anciens connaissent une mare Barbaricum; que les nègres aient été refoulés p^r les Couschites et autres Chami- tes vers le sud de l'équateur; tout cela peut se présumer, mais les preuves sont encore lointaines. A part la philologie |)roprcmenl dite, il y a la question des croyances, tradi- tions, légendes, institutions, mœurs, coutumes, en défalquant tout ce qui lient h la na- ture humaine, tout ce qui s'enlond de soi, les contacts évidents ou les contacts pro- bables. Il y a là plus d'une question compliquée, qui ne sera dénouée, si elle l'est jamais complètement, qu'à la suite des âges. Quoi qu'il en soit, cl pour en revenir au rôle do la race scylhique, nous pouvons dire que partout où elle a passé sur la scène du monde et où nous pouvons nous rendre un compto historique de sa présence, nous la voyons ravager tout sans jamais rien fonder. Quand elle cosse de ravager, ello cesse d'agir; cl tût ou tard cessant d'agir cl de comprimer, elle succombe. On dirait le fléau de Dieu, qui sert à châtier les peuples ot les empires. L'invasion des Scythes dans la vieille Asie cl la vieille Europe du temps de l'empire des Mùdes et à plusieurs époques précédentes, invasion qui amène des flots temporaires vers l'Inde, la Perse, l'Arménie, l'Asie Mineure, ou du c6té de la Scylhie d'Europe; celle des races scythiques qui bouleversent l'empire grec de la Dactriane et fondent un empire d'Indo-Scylhes dans l'Inde; colle dos races hunniques qui jf^ttent à bas l'empire romain cl déterminent la grande émigration des peuples slaves et germaniques; celle des Avares et des Madgyars , comme des Polovtses, qui remplissent l'espace intermédiaire entre l'inva- sion hunniquc cl celle des hordes turkes; celte dernière qui, se'précipitanl sur l'Asie musulmane, y écrase la domination des Arabes; celle des Mongols, qui engloutissent mo- mentanément la terre, depuis la Chine et le Tibet, la Perse, la Syrie, l'Asie Mineure jus- qu'aux extrémités do la Russie, de la Pologne, do la Silésie, de la Hongrie; celle des Turks de Qonstanlinople, com'me celle des Turks qui fondent l'empire du grand Mogol dans l'Inde, ou s'établissent dans la Perse sous la dyaaslie do Kadjar; voilà de grands retentisse- ments, un fracas épouvantable... mais qu'en est-il resté? A part l'empire du grand Mogol, devenu persan et indien de lurk jqn'W était en son principe , une destruction épouvantable de toutes les parties du globe, 4'élouffcmcnl universel de tous les germes de culture dans DlCTi0N^f. DE LlMGUISTIQl'E. 2 Il II II I' -I 13 INTllODUCTIUN. 41 toutes les régions du mondo aralio comnio du monde persan oùcosfléflux pèsonl. C'est luut GO que l'on trouve h signnier. Si CCS Scyllios s'Iiumaniiicnt sur quelques points, ils no se trnuiiformont point, ils ces- sent d'âlro. Tel fut le sort dos Mongols do la Chine, (|ui flcre[it6r<'ni les insdiulions et les mœurs dos Taincus, conservant les posios militaires ; des Montiiioux do la mémo région^; des Seidjoucidos qui embrasseront la civilisation arabe; dos Gaziiévidos dans la Perso cl l'Inilo. Tul fut celui do l'ompiro du grand Mogol qui rcsr^o d'Alro lurk do l)oniio licuro, pour devenir persan et imlien, se mêlant ou sang do» Radscliapoutras. Les vaincus, mallrei de fait, entrent dans le conseil des vainqueurs, s'alliont h leur cause, les absorbent et los dominent, uu les expulsent. Quant au Turk de Conslanlinoplo, il reste campé en Asie cl on Europe, comme l'a si bien dit M. do Ronald, et partout oà il domino, il stérilise loi peuples et los territoires, témoins la Syrie et la ,Babylonio,rAsio Mineure, ta Palestine, l'Egypte, Méro6 et lo Soudan. Les Aryas nous présentent un tout autre spectacle ; on peut les regarder comme la plus fluide do toutes les familles do l'espèce liumaino; elle en est, en mémo temps, la plus rompréhonsive, ce qui est cxprimô par l'cnsemblo do ses idiomes. Ln poésie profonde do la languo des Indiens, des Grecs et des Germains s'est traduite on une singulière a|)titude pour la métaphysique. L'énergio et la forme juridique du vieil idiome des Perses et des Romains on ont fait, de bonne heure, des peuples d'empire et de gouvernement, ou génie pokilique, administratif et législatif, caractère qui a passé h la nation fronçoise. Le gou- vernement de soi, ou l'indépendance personnelle, vieux fonds de la noblesse guerrière do la vieille Inde, de la vieille Perse, de la vieille Grèco, do la race des Kymris et do la vieiliu Germanie, s'est perpétué dans le telfgovernmtnt do la rauo anglo-saxonne et onglo-normonde do la Grande-Bretagne et dos Etats-Unis du nord do l'Amérique. Si les Aryas n'ont inventé ni les arts, ni les sciences, ni l'industrie des hommes, loin do s'immobiliser, do se momider, comme los Chinois, les Egyptiens, les Chaldéons, ils ont progressé avec los Grecs, comme k travers la naïve ignorance du moyen Age. Prenant feu à l'exemple du Pape Gcrbcri (Sylvestre 11), d'Albert le Grand, do Roger Bacon au moyen Age, du cardinal Cusanus h la Renaissance, ils sont arrivés aux hauteurs d'un Kepler, d'un Goliléc, d'un Newton, d'un Laploce, d'un Lavoisior, comme à tous los prodiges do la science et do rinJusirio dos temf s modernes. Ce sont eux seuls qui ont produit de grandes littératures dans l'Inde et la Grèce aux Jours do l'antiquité; une autre littérature éminente par l'histoire, la poli- tique, la jurisprudence dans la vieille Rome; la poésie héroïque, chevaleresque et ga- lante du moyen Age; le Dante, Pétrarque, au xiv' siècle; les grands écrivains de l'Italie, do l'Espagne, du Portugal, dans les Ages suivants ; ceux de l'Angleterre sous la reine Elisabeth et son successeur ; ceux de la France sous Richelieu et Louis XIV; ceux de rAllemagne au xviu' siècle. Jlien n'est arrêté ni ne s'est immobilisé chez eux, depuis leur accession au christianisme. A eux fut dévolu le gouvernement du mondo sous Alexandre et les Césars romains ; à eux sous Charlemagne et la papauté du moyen Age ; h eux revient» depuis la Renaissance, celte lente et graduelle élaboration d'un système d'équilibre qui volant, dès le xvi' siècle, sur les doubles ailes de la navigation maritime et de l'imprimerie, dès le xviii* siècle, sur les doubles ailes de la science et de l'in- dustrie, toujours précédé ou suivi d'une action chrélionno directe ou indirecte, leur assigne l'empire du globe, sur les pas de la religion et de la science qui pénètrent tous les res- sorts de l'activité humaine. § III. A côté de cette grande et forte race des Aryas, apparaît, dès la plus haute antiquité, une autre race non moins féconde dons l'histoire des destinées de l'humanité: nous vou- lons parler des Sémites. Mais avant d'en faire l'objet spécial de nos études, recherchons d'abord quel fut lo rapport primitif de voisinage entre les plus antiques famillus de l'os- (lèce humaine. tèieiil. C'ost luul U DES LANGUt:» CONSIDEREES DANS LEUli ESSENCE ORCANIUUE, ETr. id Los |iou|)los primitifs, les peuplet d'uvonl l'tiistoiro consiiiuonl un Dionilo ft part dona l'histoiro )io l'iiumanilé. Ils concevaient los calastroplios do leur osistonce sociale, com< liiniSos avec los catastrophes du niondo pliysicpio snus la formo du mylht. Ce nnllio avait presque conslommunt ili-ux faces : la physique ol la cosn)Ogunit|ue, l'éllii(|ue et la rcli- (jieuse. Il n'ciiste pros(|uo pd» do inytlio important qui no soit mélangé de ces éléroonts. La raison en est simple : l'osl qut' los mythes formaient un antique, un primitif langage, spécialement chez los niition^ arycn(i«.^ Il tait, pour eux, l'équivalent do la tradition patriarcale propre aux Séinilos, qui vxiiriniaidit, à l'instar des Hébreux et dos Arabes is- maélites, un mémo fuuJ '''idées «oiis la forme du l'histoire pure, encadrant lo tout dans une généalogie des pairiitilics de la r«te pastorale; d'autre part, la mytiiolugio dos Aryas correspond aussi h la hi^rugli/phir/ue {ics (kib de Chani, plus spéciolemciii propre aux peuples do l'Kiitypto. Elle corrospourJ inômo, mais d'une ando f/<«;on, au tystime graphique sur lequel est établie la totalité do la culture do la race chinoise. Quiconque se pénètre h fond do ces analogies ot de ces différences, peut a^scz facilement se rendre compte d'une foule do phénomènes moraux, sociaux et mlivae historiques il'un monde primitif, qui doniouroroicnt sans cola à peu près lettre close. Tel est donc le rapport entre los trois familles los plus grandes et les plus antiques de l'espèce humaine, dont nous pouvons nous rendre compte d'après dos monuments d'un lrè.<*- vioux langage et d'une très-vieille écriture. La raco aryenne, dont lo génie est mythologique par excollence, cultive aussi la première lo verbe humain, rendant la parolo lluido cl lui imprimant un cachet universel. Les mote les plus importants de son lang'ige furent, en leur principe, do véritables mythes, cti quelque sorte des hi&oglyphes parli'i, qui n'eurent pas - besoin d'un système graphique pour s'expliquer, pour étendre leurs racines dans la mé- moire dos hommes. Tout autre est la race sémitique. Los Hébreux et les Arabes ismaélites, qui seuls nous en ont conservé le grand type, manifestent un génie généalogique dans son contraste avec un génie mythique. Los (Ils do Sem ignorent les mythes des Aryas, et les mots de leur langage ne renferment pas lo môme germe. Ils présentent leurs pensées et leurs sentiments sous la forme muette do la généalogie de leurs ancêtres; c'est ainsi que la fable dos uns devient l'histoire des autres, que la pensée des Sémites relève d'une auto- rite, s'appuie do l'esprit de tradition, tandis que l'idée des Aryas se déploie dans le sons do l'art et de la poésie. Comme la race sémitique était, en son principe, exclusivement no- made, la tradition se formulait naturellement chez elle dans la généalogie des pères, et c'était là le grand legs de la famiMo pastorale. Le reste do ses idées et de ses sentiments s'exprimait au moyen d'un parallélieme constant entre los affections du cœur ou lus élévations de l'es- prit humain, et la majesté des phénomènes du mondo sensible. Il n'y avait pas là, comme chez les Aryas, d'identification complète de l'idée ou de l'affection avec le phénomène du la nature, ce qui est le propre de ta donnée mythique de l'esprit hnmain. Le culte de la race sémitique pure est une adoration en permanence du Dieu suprême; mais elle ne sort pas de la sphèro d'une sublimité qui nous paraît monotone; elle ne croit pas en étendue et ne s'étend pas, par les' racines, dans la profondeur de son sujet même. C'est ainsi que les rap- ports les plus intimes de l'âme humaine y font souvent défaut, que l'horizon intellectuel ne s'y fraye pas de nouvelles avenues, qu'il y a absence de ce riche développement de la pensée, du cœur et de l'esprit, qui caractérise les races aryennes et européennes, les- quelles, mises en contact avec le christianisme, devaient déployer toutes les facultés du génie humain, le poussant vers la domination du globe. J'aborde les races chamites, dont les Cuuschites ou los Ethiopiens orientaux et occiden- taux constitunnt la branche principale, noyée, il est vrai, sous la conquête dos races aryennes et sémitiques, mais réagissant sur elles d'une manière variée. Nous ne pouvons en juger, malheureusement, que d'une façon indirecte ; mais nous pouvons en juger de deux manières, soit par la réaction du peuple couschilo sur lo peuple conquérant, depuis la con- quête, soit par l'action directe que, dans un âge primitif, il exerçait sur les peuples qu'il civilisa en partie avont do plier sous la force de leurs armes. Voici maintenant la différence i iii i ni il H!!i il DES LAN(;UGS CONSIDEREES DANS LEUR ESSENCE ORGAMQIE, ETC. i» i établir cnirc son innuenco sur les doux races de Sem et de Japliet. Les Couscliites ont subjugué .partout les Sémites, leurs conquérants, au moyen de leurs sciences et de leurs industries, par les formes do leurs cultes et les modes de leurs gouvernements. Dans la Clialdée, dans l'Assyrie, dans l'Arabie Heureuse, les Sémites sont les maîtres niatéricls, mais les* Couschites leur ont imposé le joug de leur pensée. Quant aux Aryas, c'est tout autre chose ; ils no se sont laissé absorber par les Couschites sur aucun point. Les Shoûdras sont devenus Aryas dans l'Inde, et les Aryas, en adoptant une science et une philosophie couschites, les ont digérées, les développant d'une façon supérieure et originale. Le système hiéroglyphique prouve, du reste, une infériorité évidente i>ar rapport au sys- tème du verbe humain chez les peuples qui sont obligés de s'en servir pour sefoiro entendre, qui sont forcés d'en faire le dépôt absolu de leur science et de leur intelligence. Il n'en ct^t ))«s moins vrai que le double système de l'écriture des Egyptiens et des Chinois témoigne d'une rare inj/^m'osi/^ d'esprit, d'une grande force d'attention et d'uncirainutio d'observation étonnante, h part la grande naïveté de l'ébauche première et môme la grossièreté du la donnée primitive. Dans un pareil système de langage, le mythe ne saurait exister dans son génie propre, no pourrait devenir iluide et former un idiome parlé, pour l'embrancher è travers toutes Ips conceptions de l'esprit humain. Il ne pourrait devenir cet arbre vivacc de la parole des langues aryennes, qui ouvrent tous les hori.'.ons du monde intellectuel dans leur étendue la plus vaste et la plus profonde. 11 manque, en revanche, au langage dos my- thes, ce caractère i'ulililé pratique, ce travail d'une observation minutieuse pour tout ce qui concerne la civilisation dans son ébauche technique et matérielle, caractère et travail qui font l'honneur et la gloire du système des hiéroglyphes. C'est ainsi que les Aryas ont tout développé et tout agrandi, mais qu'ils n'ont, en principe, rien imaginé en fait d'astro- nomie et de géomélrit). d'industrie et d'art. Les Sémites sont bien plus pauvres encore, à cet égard, parce qu'ils se renferment bien plus étroitement dans la sphère des intuitions de la vie nomade propres à leurs idiomes. Comme le génie des fils de Cham, bien que sous do tout autres rapports, bien que dans des combinaisons d'une tout autre famille de peuples, le génie de la race chinoise est essentiellement technique et scicnlitiquc. Il n'en est pas moins vrai de dire que toutes ces races de la Chine et de la Chaldéc, que toutes ces races de l'Egypte et do ia Phénicie, quoiqu'elles observent bien et qu'elles inventent mieux encore, quoiqu'elles portent la technique, la science et l'industrie à un haut degré de perfection, s'arrêtent |à diverses stations d'un point nommé, s'immobilisant plus ou moins dans ce point unique. Aussi voit-on, et cela de très-bonne heure, que tontes appartiennent, sous diverses conditions et à divers degrés, à un nondo qui finit et non pas à un monde qui commence. Pour que ces peuples si hétérogènes de mœurs et d'idées aient pu se trouver en contact par leurs fomilles premières, il faut remonter h un état bien plus antérieur h l'existence des |;;rands empires de l'Asie méridionale et de l'Egypte, h un état bien antériour encore h l'ex- tension de la laco sémitique et do la race aryenne, comme aussi au développement do la civilisation chinoise. Les traditions aryennes et sémitiques, jusqu'à un certain point aussi les traditions chinoises, nous renseignent h cet égard. Il est vwii que colles de l'Egypte nous font absolument défaut, car il n'y a que les hiéroglyphes qui y parlent, et les hiéro- glyphes n'expriment qu'un présent et non pas un passé traditionnel ; mais il nous est tou- jours ouvert une ressource, nous pouvons toujours juger par une certaine analogie do croyances avec d'autres peui>les, analogies qui nous offrent des points de comparaison solide. Toutes les traditions de l'espèce humaine, ramenant les primitives familles h I» région de leur berceau, nous les montrent groupées autour des contrées où la tradition hé- braïque place le jardin dans l'Edcn, où celle des Aryas établit l'AiryAna vaèdjà, ou le Mérou avec les régions voisines. Ce sont, du côté de l'occident, lo Fcrghana ou le Kokhand, ainsi que le Tokharestan, en outre le Soghd et la Bactriane; ce sont du côté de l'orient, la Sériquo ta leTourkestan chinois; puis du côté du midi, le Baltistan ou le petit Tibet, avec tout l'Afghanistan oriental et occidental ; enfin, du côté du nord, les contrées qui aboutissent au lac Aral vers Je nord-ouest, au l;'x Balgliasch, etc., vers le nord-est. Tout concourt à , ETC. 48 ,cs Couscliitcs ont ences et de leurs nements. Dans la naltres matériels» Aryas, c'est toul lint. Les Shoûdras I une philosophie ginale. flr rapport au sjs- • se faire entendre, igence. Il n'en est Chinois téaioigne ulio d'observation I grossièreté du la il exister dans son iir l'embranclicr à cet arbre vivacc D intellectuel dans u langage dos my- ieuso pour tout ce ;araciôre ot travail que les Aryas ont iné en fait d'astro- pauvres encore, h î des intuitions de , bien que sous du araillc de peuples, ic. Il n'en est pas e toutes ces races ent mieux encore, gré de perfection, tu moins dans co parliennent, sous à un monde qui rouver en contact r h l'existence des lîur encore à l'ex- 'eloppcment do la Drtain point aussi lelles de l'Egypte ent, et les biéro- s il nous est tou- aine analogie du do comparaison ves familles h !'• ù la tradition lié- âdjA, ou le Mérou e Kokband, ainsi orient, la Sériquo Tibet, avec tout qui aboutissent Tout concourt à i ■i 1 49 INTRODUCTION. M) prouver que ce fut ici le séjour d'une humanilé primitive, à laquelle nous sommes forcés du remonter pour expliquer les rapports d'Idées et de cultes d'une nature tout h fait spéciale, et qui sortent de la catégorie des sentiments naturels h l'espèce humaine. Or tous ces rap- ports tournent autour d'un point unique qui est celui des grand» arcanes du genre humain pour tout ce qui concerne son génie propre, pour tout ce qui touche à ses origine: (22). L'Eden devient géographiquement impossible si on le prolonge, avec la Genèse, du côté du Tigre et de l'Euphrate en leur cours supérieur; mais on conçoit fort bien, mythiquement parlant, que l'on ait considéré l'Oxus et l'Indus ( le Gihon et le Pishon), comme sortis d'un mômo lac, quoique cela ne soit pas vrai en géographie. Il en est ainsi du Tigre et de l'Eu- phrate, qui ne dérivent pas de la même source, mais peuvent être envisagés, mythiquement, de co point do vue. Comme l'Oxus et l'Indus, l'Euphrate et le Tigre naissent dans des régions rapprochées. Rejetons une hypothèse trop scientifique pour les jours de la haute antiquité , celle qui prétend expliquer la source unique des quatre fleuves par leur issue de ce gigan- tesque système de montagnes qui sépare l'Asie centrale de l'Asie méridionale. Le souvenir de la migration des ancêtres de la race sémitique sert à expliquer parfaitement celte im- mense extension de l'Ëdcn biblique, qui va des sources do l'Indus et de l'Oxus à celles du Tigre et de l'Euphrate. Doubles voisins d'une race primitive de Couschiles ou de Céphènes, ainsi que de celle des Aryas de la Uaclriane, ces proto-Sémites doivent avoir constitué un chatiion de peuples intermédiaires par suite de leur migration d'orient en occident, do peuples (pii rattachent les traditions mythiques des races métallurgiques du Pont et du Caucase, aux traditions mythiques des races métallurgiques de l'Uindou-Koussh, du Belour cl des montagnes du petit Tibet. En faveur do cette solution d'un problème important pa- raissent militer une foule de raisons mythiques, géographiques et ethnographiques, relevant d'un primitif ordre historique d'idées et de choses. Si jamais celle question devenait soluble, elle le serait par les mythulogies comparées de toutes les branches de la famille des Aryas, par celles des races finnoises du Touran oc- cidental, qui roulent, presque exclusivement, sur les dieux de la métallurgie, ainsi que par les mythologies des peuples charaitiques do l'Asie méridionale. Influentes sur les croyances des Aryas pour tout ce qui louche aux origines do l'art et do la civilisation maté- rielle d'un monde primitif, ayant absorbé en outre toute la foi patriarcale de quelques-unes dos grandes bramhes de la famille sémitique, les croyances chamites reposent sur un fond de culture technique et scientifique, spécialement proitro aux Ethiopiens orientaux, qui sont les Couschiles ou les Céphènes. On a 8U|>posé l'existence d'une langue anlésémitiquo. Non content d'établir un rapport de primitif voisinage entre les Sémites et les Aryas, une tradition sur les origines do l'es- pèce humaine qui leur serait à peu près commune, on a voulu faire découler les idiomes des Aryas et des Sémites d'une même source. Parce qu'il est possible de décomposer la langue des Aryas, d'y faire des mots isolés de chacune des parties du discours, d'où il no suit nullement qu'elle ait jamais existé h l'état du chinois sans composition et sans grammaire» on a voulu essayer cette analomio sur l'idiome sémitique. On ne peut nier qu'il y ail entre ces deux idiomes des rapprochements môme assez significatifs ; mais vouloir pousser ces rapproclieraents aussi loin que l'ont essayé MM. Fursl cl Dolilzscb, c'est-à-diro jusqu'à la décomposition des lettres mémos, par delà la décomjjosilion dos mots, c'est, à force de té- nuité exagérée, ramener la science aux tristes théories des Court de Gébelin et des Condillac. (22) Ce qtii est ceiisti préexister «laiis le monde des dieux, embrassant l'ordre cosiniquc des ehoscs, la création ot l'ordunnance, comme le maintien du système de l'univers, doit se reproduire, à sa façon, dans le mmu le résultat de l'oltération graduelle des lanj^ucs malaises, plus énergiques cl plus arrôlécs, Telle est la pauvreté de leur système vocal, que, pour former dos mots nouvoaui, elles répèlent le plus souvent une mémo syllabe. On y voit lo môme mot a|)partenant h dif- férentes parties du diseoiirs, tantôt exprimant une action, tantôt désignant un objet. Sou- vent inèine le genre et lo nombre no sont pas indiqués. Malgré lo pou d'bomogénéilé do ces races, sorties sans douio de nombreux mélange», ce fait d'un fonds do mots communs et d'une grammaire reposant sur les mj^mes iiases, nous autorise h admettre qu'une seule et mémo race a exercé son influence sur toutes ces po|>u- latioiis. Cette race, la pliilologio comparée nous en indique lo berceau dons la presqu'île tratisgnngélique. Là nous trouvons un ensemble do langues appartenant h \a môme famille que lo chinois, et se rallacliant d'un côté au tibétain iet do l'autre au siamois. Ces langues sont caractérisées par lo monosyllabismo dont la langue chinoise est le type le plus pur, surtout sous sa forme ancienne ou arcbaïiiue. Chaque mot chinois, t'est-ù-diro chaque syl- labe, se compose d'un son initial et d'un son final. Le son initial est une des trento-six con- sonnes chinoises, lo son linal est une voyelle qui no sup|)orte Jamais qu'une consonne na- sale par laquelle il se termine souvent, ou une seconde voyelle. Coqui caractérise lo chi- nois et les autres langues do la mémo famille, c'est l'accent, qui se manifeste par une sorte d'inlonalion chantante, laquelle varie de quatre manières ditréroiiioi' dans le chinois, se réduit h doux dans le birman et thiit |>ar s'elfacor dans le tibétain Lu présence de cet accent détruit toute harmonie et s'oppose h la liaison des mots entre eux, c.,r lo moindre change- ment dans lo ton du mot dunnorail naissance h un autre mot. Pour qnu je langage denicuro intelligible, il faut que la prononciation du mot reste invariable. De là l'absence, dons lu famille chinoise, do ce que les philologues a|)pollenl phonologie. Cependant, en siamois, on remarque une disposition J» appuyer ou h traîner sur lo dernier mot dans uno expression composée. Cette tendance au dissyllobisme se montre iiovoniago dans le cambodjien. Kn- fm, dans le birman, presque tous les mots, quoique monosyllabiques, ont la faculté de so modifier dans leur prononciation, do façon à so lict ai;x autres mots et i donner naissance à une vocalisotion plus harmonieuse. Dans lo bassin do l'Iraouaddi et dans l'Aracan, au pied dos monts Youmah, on trouve des tribus qui parlent des idiomes alliés h celui des Birmans. D'autres langues do la même famille, toiles que le laos, ont été peu à peu repoussées du nord-ouest de la presqu'île transgongétiquo par les populations conquérantes sorties do celle race belliqueuse des Birmans. C'est h leur race qu'appartiennent les populations los plus sauvages tie l'Assam, telles quo les Singphos et les Manipouris. La langue et lotypo physique de ces tribus no laissent aucun doute à cet égard. Le tibétain n'est lui-même qu'une modification, qu'une altération des langues de la famillo monosyllabi((ue à laquelle appartiennent les dialeclus assamais: c'est ce que nous montrent les idiomes de plusieurs tribus do l'Assam et de l'Aracan. par exemple celui dosNagas et celui des Youmahs, qui servent de passage du birman au tilJélain. Les populations plus ou moins barbares ré|)andues au nord-ouest de la presqu'île transgongétiquo ont tous les caractères de la race que l'on a appelée jaune. Evidemment c'est chez elles qu'il faut aller chercher le ty|)o do la famille chinoisu (29). (29) Siiivaiil le Chanava-Dliarm.t-Saslra, nu codu rrUt;iiMix des lliiulous, compilé à une épnque pos- Ici'lcurc à la rédaction des grands poèmes, mais sur des documents incontestalileineni tort anciens, le M.dia 'rsin(dc inalia, |;i'aiid,d'où inatjnus,(i,clc.), le gi'.iiiil pays de la Cliine, lut conquis par des tri- bus de Kscliallryas rélractaircs qui, après avoir passé lu Gan^9 et erré ({ui^iquc temps dans lu Ben- gale, iravcrsèreiil lus niooLigncs du l'est cl su ré- panlirent dans le sud du Céleste Empire, donl ils civilisorenl les peuples {Cliauava-DliiirmaS/nda, cil. tO, 1^44, 44, 4.'>). Ainsi, du lémoignaj^e des lois do Manou , il lésultc que la Ohine, à une époque postérieure aux premiers temps liéroïipits de l'Inde, a'élé ci\iH-.éu par une nation immigruiilc de la race hindoue, kseliattrya, ariaiie, lilanelie, qui est venue opérer en Chine, dans le tiôuan, les mûmes merveilles qu'un rameau égilemciil hindou c» ni mAmc clic n'est les consonnes sil'» h faire disparottre oivo les con.siil(5ri'r (énergiques et plus os mots nouveaux, t appnrtenflnl iidif- ont un objet. Sou- ireux mélange», ce nômes hases, nous r toutes ces popu- dans la presqu'île h la môme famille luiois. Ces langues ! type le plus pur, à-dire chaque sol- des trento-six con- 'unc consonne na- caiactériso le rlii- il'uiparlient & la grande lamillc touranienno qui embrasse les po|)ulations tinnoises et tar- tares; quant h la troisième, il n'est pas si facile d'en assigner la patrie. Si la comparaison des langues nous autorise h fuire sortir de lu presqu'île transgangétiquo une portio des l'olynésiens, ces insulaires n'en présentent pas moins des caractères spéciaux qui les dit>- tinguent nettement des Malais, et l'homogénéité de leur idiome on fait une famille bien tranchée. Quelques ^.avants font venir cette race du nord-est de l'Amérique, d'autres do In Sibérie orientale ; d'autres ont prétendu qu'elle pouvait être un débris d'un ancien conti- nent submergé. Quoi qu'il en soit, les Polynésiens ont plusieurs traits communs do lan* gage et de mœurs avec diverses tribus d'Amérique et semblent être lo chaînon par lequel ces populations sont unies à celles de l'Asie. Terminons ce rapide aperçu des familles do langues distribuées sur la tcrro pnr un coup (l'œil sur la nature et les caractères des idiomes du Nouveau-Monde. Les langues américaines ont un :.ir do famille bien plus prononcé quo n'ont entre eux les idiomes de l'Afrique et de la Malaisie. Elles sont surtout remarquables par leur homo- généité grammaticale et par une tendance à l'agglutination beaufoup plus décidée que dans aucune autro famillo linguistique, à l'exception du basque. Cette agglomération de mots par contraction, par suppression d'une ou plusieurs syllabes des radicaux combinés, sert à former de nouveaux mots qui sont traités comme des mots simples, susceptibles d'être employés et moditiés comme eux. Les idiomes h incorporation aiment ainsi à fondre en un mol tout ce qui aurait dû composer la phrase entière. En mexicain, nùnu-caqua n^ forment qu'un seul mot, qui se traduit par «je mange de la viande. » Cette jiropriélé a fait donner aux langues du Nouveau-Monde le nom i]e polysynthéiiqttes (Du Ponceau) ou d'holophrastigues (Lieber). Les idiomes américains possèdent encore quelques outres traits distinctifs : ainsi au lieu d'un genre masculin et d'un genre féminin, ils ont un genre animé et un genre ina- nimé : ils ont deux pluriels cl quelquefois deux duels, l'un particulier et l'autre général, ce qui leur est commun avec les langues hottentotcs et quelques idiomes de la Polyné- sie (31). (31) « Le sauvage communique ses pensées par un lissu de lapprucLemenis et d'analogies, pour ainsi dire , dont les combinaisons , véritablement poétiques, dcccicnl un esprit observateur et des sensations très-dcllcates , dont le charme lui fait aimer ses liabiiu'tus sauvages et craindre la civili- sation qui les émousse. Tirez-le, en effet, de ses forêts qui furent son berceau, cherchez à le façon- ner h la société européenne , il se plie à celle gène, il s'y résigne , mais pour un temps seulement... > [ M. Debret, Voyage pittoresque du JMtil (1851).] A l'appui de cette observation que l'on ne songe \\ i 'M 1 terro pnr un coup ie polysynthétîques |Ti I K8 LiVNGUES CONSIOEHEES DANS LEIR ESSENCE ORGASIUlE. ETC. 71 La cla»»illt:aHon des langues do l'Amôriquo prébonio lot plus grandes didlcullôs, parce I que le fraclionneraonl des populations qui vivent par petites tribus sauvages, amène une prompte ali- -atlondes mots. Toutefois, c'est une cliose digne de remarque (|uo l'incapacilë absolue do nomme à créer une nouvelle langue, malgré les tentatives ni6mn» qu'il a faites ,)our y iMrvenir. Il y a ou des réunions d'individus qui ont voulu sn faire un langngo b iMirt, qui se sont composé des jargons, des argots. Dans ces idiomes de création arbitraire, on a inven t^ dos mots nouveaux, imaginé des expressions bizarres. Eh bienl malgré cette volonté p' "iévéranto de briser avec la langue antiienno, sous cotlo enveloppe do fanlalsio les forait' grammaticales do la langue qu'on voulait abandonner ont toujours reparu Ainsi, dans l'Amérique du Nord, on a vu des peuplades indiennes, à la suite do dissensions, se séparer on deux tribus, aller vivre chacune dans des endroits éloignés, on évitant désor- maiH tout contact entre elles; des habitudes nouvelles, dos conventions particulières, des impressions locales n'ont pas tardé à transformer les mots du vocabulaire dont ces tribus se servaient. Ces mots, en nombre naturellement très-restrcint, se sont aliénas au point qu'il n'ostplus possible d'en saisir la parenté d'origine avec ceux dont ils sont pourtant sortis. En réalité, un vocabulaire nouveau a été créé,roaisla grammaire est restée lu mémo. Les formes verbales, le modo d'emploi des catégories du discours subsistent identique- ment quant au fond, et en dépit du changement do peau, la similitude du squelette accuso la communauté de race. On connaît des langues qui vivent depuis plus de trois mille ans, qui ont été parlées par des peuples ayant traversé do notables vicissitudes, et cependant lo fond de ces langues est encore ce qu'il était h l'origine. Lo grec que l'on parle aujourd'hui à Athènes n'est pas aussi éloigné du grec d'Homère que le français l'est de l'espagnol ou do l'ilalien; le chinois qu'on écrit à la cour do Pékin n'est pas différent, quant au fond, du chinois des Kingi, les anciens livres sacrés de la Chine, et le rabbiniquo s'éloignent moins du style de la Genèse que l'anglais no s'éloigne du saxon. Ce grand principe de la persis- tance des langues nous fournil un moyen de les classor, d'en saisir les Qliations et les mé- langes. Nous savons que les modiflcalions qui s'opèrent dans la vie d'une langue ne la font pas sortir de la condition même de son Atre; elle ne peut briser son organisme et effacer totalement sa marque originelle (32). C'est en se basant sur ce principe quo MM. Galalin. Duponcoau, Buschman, etc., ont entrepris la classification des langues américaines dont on a trouvé, dans la seule Améri- que du Nord, trente-sept familles comprenant plus do cent dialectes. Il y a des idiomes américains, tels que le moxa ou pampéen et le caraïbe, dans l'Amérique méridionale, dont la simplicité grammaticale est excessive. Ainsi, dans le galibi, langue des tribus sauvages de la Guyane française, on ne trouve ni genres ni cas; lo pluriel est simplement exprimé par l'addition du mot papo qui signifie tou$, et qui sert h la fois pour le substantif et pour le verbe. Dans cette dernière partie du discours, on ne distingue pas les personnes, et la même forme sert |»our les trois personnes au pluriel et au singulier. Les langues du Nouveau-Monde ont donc aussi passé par des phases de développement très-diverses ; mais alors même qu'elles atteignaient, comme dans lo Quichua et lo Guarani, un degré remarquable d'élaboration , elles ne pouvaient cependant dépasser les formes élémentaires sur l«squellos elles ont été échafaudées. Elles ont eu leur moule arrêté, leur tenue prédestiné, de même que les langues africaines, qu'elles rappellent singulièrement par leur génie, par leur douceur, mais sur qui elles l'emportent de beaucoupen puissance agglutinativo. guère ii contester, que nous sachions, le voyageur cite l'exemple assez frappant d'un jeune Indien qui, élevé avec soin par un riche habitant de Bahia, liuit par demander h entrer dans les ordres ; et 3ui,lejour même de sa première Messe, s'élani irigé vers les forêts que son coeur regrettait en si- lence, s'y enfonça pour ne plus jamais revenir. (33) En vain, une langue esi-elle transportée dans une contrée différente de son l>erceau , elle n'en garde pas moins son cachet, son type primi- tif.- Des altérations secondaires peuvent se pro- DlCTION.II. DE LilNGl'ISTIQL'E. duire, des modiflcalions dues au génie des hommrs nouveaux qui l'adoptent , la font dévier de la ri- gueur de ses prcmierit principes, mais sans jamais loucher i son organisme constiiutif. La langue basque, refoulée il y a bien dos siècles à l'uxtrc- mile occidentale de l'Europe , pénétrée de mots indo-européens, et forcée de vivre iltins une société infiniment supérieure ^ celle des races antiques qui la parlèrent pridiitivenieni, n'a pas plus atiandunnu son type que le nègre transporté en Amérique n'a perdu le sien. 78 INTRODUCTION. 7« C'est on parcournnt la chaîne entière îles langues, en jeinnt un coup d'oeil sur ce tableau mobile soumis h une rotation continuelle, dans laquelle la parole humaine se reflète sous mille nuances diverses , que l'on reconnaît avec admiration l'unité et la variété do la na- ture. Unité dans l'essence ,môme du langage, dans l'expression concise des idées simples, dans l'échelle limitée dos sons fondamentaux, qui ne sont guère qu'au nombre de cin- quante; variété dans leurs combinaisons inflnies , dans l'abstraction et l'assimilation des idées mixtes, dans les formes de chaque idiome spécial, qui caractérisent les progrès de chaque peuple , et qui des cris discordants du sauvage s'élèvent jusqu'à l'inspiration du poëte et h la dialectique de l'orateur. Combien d'idiomes plus ou moins élaborés ont déjà disparu de la surface du globe; combien d'autres ^e sont confondus, transformés par des révolutions violentes, ou modifiés et altérés par la marche progressive des siècles , comme ils se modifient encore tous les jours, sans que 1ns efforts de la science ni les chefs-d'œuvre de la littérature puissent arrêter ce mouvement irrésistible imprimé à toutes les choses terrestres! L'histoire des langues est la base de celle des nations. Au milieu des épaisses ténèbres qui couvrent les premiers Agos du monde, parmi tant d'erreurs et de fables dont chaque peuple a environné son berceau, elle est comme un fil conducteur qui nous dirige, sinon avec certitude, du moins avec méthode et probabilité, en marquant dans la famille humaine les analogies et les différences, en caractérisant chaque génération successive, et en signa- iant sur le sol mobile les traces de son rapide passage que tant d'événements postérieurs (laraissaicnt avoir effacés sans retour. En effet, que nous apprend l'histoire générale sur les premiers établissements des hommes, sur leurs rapports, sur leurs divisions , sur la formation des tribus et leur dis[X)sition respective? Qui a suivi leur marche silencieuse h travers les déserts, les fleuves et les montagnes , et observé ce vaste réseau de peuples s'étendant progressivement sur la terre? Un seul livre, dans quelques pages sublimes, nous laisse entrevoir cet imposant mystère; mais se bornant aux grandes vérités, il pro- clame l'unité primitive des nations sans tracer le tableau de leurs vicissitudes. Le où l'histoire se tait, où la trodition révélée s'arrête , quel guide nous reste encore dans cette recherche d'un si haut intérêt, sinon l'éthnographin comparée, qui peut jusqu'à un certain point reconstruire le monde à sa naissance, en retraçant, au moyen de la linguistique et du la géographie réunies, le mouvement général de sa population ? APPENDICE. Le chiffre des langues connues a dû naturellement augmenter h mesure que les voya- geurs ont fait de nouvelles découvertes. Tandis qu'autrefois le P. Kircher craignait d'être taxé d'exagération en gratifiant le genre humain de cinq cents manières d'exprimer sa pensée, M. d'Azara lui en a accordé mille, Don J.-F. Lopez quinze cents. Don J.-E. Rayo deux mille. F. Adolung, dans son Catalogue de toutes les langues et de leurs dialectes, trouve, d'après ses calculs, un total de trois mille soixante quatre, qu'il répartit ainsi : Europe 6M Asie . Vm Afrique $76 Amérique et Océanie i%9i J •■■. ; frjl Baibi, dislinguont les langues des dialectes, a constaté dans l'univers deux mille sept cent quatre-vingt-seize langues de plus qu'Adelung, savoir : Langues, En Europe hjU Eu Asie En Afrique En Amérique Eu Océanie 117 Dialectes, environ, soou Total. S,8(i0 s deux mîllo sept 71 DES LANGUES CONSlDEREi.S DANS LELR ESSENCE ORGANIQUE, ETC. 19 Voici la proportion dans laquelle certaines langues d'Europe sont parlées dans le Nou- veau-Monde : L'anglais y est parlé, dit-on, par 11,647,00( indiv. L'espagnol, par 10,504,000 Le portugais, par 5,740,000 Le français, par 1,242,000 Le hollandais, le danois et U suédois, par 21 6,000 27,349,000 Un curieux et patient habitant de Nimes a relevé en 1786 le nombre de mots que conte- nait alors le Dictionnaire de l'Académie française, et il y a compté : Subsuintifs. Adjectirs. Verbes. Adverbes. 18,716 4,803 4.557 1,634 Total. 29,710 mots. Ce chiffre a dû beaucoup augmenter depuis cette époque. En 1831, le relevé des mots de la langue anglaise contenus dans ie Dictionnaire de Johnson donnait le nombre suivant : Substantifs. Adjectifs. Verbes. Adverbes. Total. 15,910 8,444 10,142 2,288 36.784 mots. Sur ces 36,78^ mots, on en compte 15,779 dérivés dont voici la liste : Du latin. Du français. Du saxon. Du grec. Du hollandais. De l'italien. De l'allemand. Du welche. Du danois. De l'cspaj^nol. Du suédois. De l'islandais. D'autres langues. Total. 6,732 4,812 1,665 1,148 691 SU 173 95 75 36 KO 50 41 15,779 Si,' comme d'autres calculs l'établissent, le vocabulaire italien en a 35,000 , l'espa- gnol 30,000, etc., à quel chiffre effrayant ne doit pas s'élever le total des mots qui forment les 5,860 langues et dialectes qui,'suivant Baibi, se parlent dans l'universl Un journal an- glais, le Panorama de Londree (novembre 183!l^) , prétend que « tous les habitants du globe, d'après un calcul brut, ne pourraient, dans l'espace de mille millions d'années , écrite toutes les transpositions des vingt-cinq lettres de l'alphabet, même en supposant que chaque individu écrivit par jour quarante pages dont chacune contint quarante différentes transpositions de lettres. » Ce sont là de ces calculs que les lecteurs aiment en général beaucoup mieux admettre sur parole que de les vériQer. Un mathématicien , nommé Toquet, a pourtant voulu savoir h quoi s'en tenir, et sans s'effrayer du travail, il s'est rendu compte du nombre des combi- naisons des vingt-cinq lettres de l'alphabeth. Suivant lui, ce nombre s'élève, sauf erreur, à : 620,4^8.M1.733,2.19,(^39,360,000. II faut que l'anstrument vocal soit bien compliqué et qu'il offre des ressources bien mer- Toilleuset pour sufQre «ux.devoirs que certaines langues lui. imposent. Il semblerait, au 70 INTRODUCTION. 80 premier abord, qu'un nom qui sert h désigner une personne, et qui, par conséquent, doit se répéter sou vent, devrait ôlre simple, court et d'une prononciation facile. Ce n'est pas l'opinion de certains peuples. Un des chefs de Tthiii s'appelait Demslrgrfmomldammfr. ' Un chef indien do la tribu des Sacs a écrit ses Mémoires en mauvais anglais (Boston, 1834); il s'appelle itfaiAomicAiifcioilrioA;, c'est-à-dire Corbeau-Noir. Dans les îles Sandwich, un roj dOwajhi se nommait Pourahouaoukaikaïa, une reine, Kaïkiraniariopoum. Enfin on a pu lire dans les journaux du 12 septembre 1839 : « S. M. le roi de Hollande vient de nommer commandeur de l'ordre du Lion néerlandais le sultan de Djocjockarla (ile de Java), dont le nom est : HamankoeboetDonosenopaitingalgougabgurrachmansagdinpanotagomode, V* du nom; » il était le cinquième I Sous quatre règnes avant le sien, les Djoujocartiens avaient déjà été obligés de crier de temps en. temps Vive ce nom-làl Nous espérons que ces sortes de noms, qui sans doute ont été choisis de celte taille pour faire peur aux ennemis, sont e.iclusivement réservés aux rois et aux chefs; sinon la démocratie ne pourra jamais s'implanter dans ces pays-là. Figurez-vous une assemblée nationale composée de noms pareils, et un de ses secrétaires obligé de faire l'appel nominal I AVERTISSEMENT SUR L'ESSAI SUIVANT. lit' ''I Naus nous sommes proposé dans VEttai qui suit d'esqnisscr le tableau du développement inlellectnel i!e Tenfant, siijol d'observations délicates et dilllciles, auquel, de nos jours, un des plus profonds serutaicurs des mystères el des lois de la nature, n'a pas dédaigné d'accitrder une large pari dans ses méditations tôro. €e sujet, d'une importance capitale dans l'étude de l'homme, se raitaclic naturellement à la philnsopbii! du langaai', puisque c'est un fiiU aujourd'hui démontré que l'homme ne peut penser aux intelligibles, no peut se développer rationnellement, sans le signe ou sans une parole quelconque. Après avoir suivi l'enfant dans son évolution première et toute sensorielle, nous le montrons prenant Eeu à peu possession du langage. C'est ainsi que nous avons été amené à l'étude du problème taut dé- auu du rôle du signe dans la constitution de la raison humaine. Pour résoudre ce problème, nous sommes parti de l'abstrait, du général, de l'universel, puisqu'ils sont les éléments de la pensée propre- ment dite, et nous avons prouve qu'ils ne peuvent être conçus par la raison qu'à la condition d'être ilé- irrminés par une forme propre ; et comme ils n'ont point de formes naturelles qui les manifestent il faut qu'ils soient constitues, posés par des formes arliucielles, qui sont les signes ou le langage. S'il tsi vrai de dire que la nature te numme, parce que tout phénomène particulier est signe d'idée k l'égard de i'é)re qu'il manileste, il n'en est pas de même de l'universel et de l'abstrait qui n'ont point de forme natu- relle, qui ne peuvent ètre^peiçus, déterminés, s'ils ne sont point nommés. Placée entre le concret it l'abstrait, entre le particulier et l'universel, la raison ne peut concevoir l'un sans l'autre, et ne peut par conséquent s'apercevoir elle-même, si ce n'est dans l'acte par lequel elle taisit le concret et l'abstrait, la l'orme naturelle et la forme artiQcielle ; d'où l'on doit conclure que l'une et l'autre forme préexistent à l'opération rationnelle. Pour mieux se rendre compte de ces conditions ou des lois de la pensée, il suffit d'approfondir la no- lion que nous avons du concret et de l'abstrait. Quel que soit l'être réel ou concret que nous considérions, il ne nous apparaît jamais qu'enveloppé de notles ott attributs. Ces modes supposent deux choses, la substance dont ils (sont la forme extérieure, le lieu qui unit le mode à la substance, pour ne faire de l'un et de l'autre qu'un seul et même tout. Ces troi» éléments, la substance, le mode et leur copule, constituent ossentiellement la notion de tout être rcil Quelconque. Or, de ces trois éléments, la forme naturelle en exprime un seul, l'attribut; elle ne sullit donc pas pour nous manifester l'être ; d'où il suit que sans la détermination propre, individuelle, opérée Ïiar la forme ou le signe ariiliciel, les deux autres éléments, la substance et le rapport qui unit le mode à a substance, n'existeraient pas pour l'homme. Il y a plus : le signe naturel lui-même n'est un vrai signe qu'à la conduion d'être transformé en signe ariiliciel, c'est-à-dire abstrait, généralisé par le langage, et c'est ce que rend évident la nature même du langage qui ne se constitue que par la syntaxe de la proposition, loi absolue du signe articulé. La propo- sition est l'expression des trois éléuteiils que renferme la notion de l'existence, et répond ainsi au plan de l'idée, comme l'idée est conforme elle-uièine au plan de l'é're. Elle se compose, en effet, de trois mots qui se supposent entre eux comme les membres d'un même tout, tl dont le système a dû nécessairement être donné tout d'une pièce ; ces trois mots, triangle lumineux qui supporte tout l'édifice de la pensée et de la science humaine, sont le sujet qui fleure la substance, l'attribul qui ligure le phénomène, le verbe qui ligure l'union de l'un et de l'autre dans une même existence (34). Ici, par un effet merveilleux du m (35) M. Ampère. Voy. son Etial sur la pAi/oso- phie des leieiice», t. I, Préface, pag. xxi et suiv. (34) I Trois élémunts dans lo monde : la sub- stance, la qualité,' le rapport; trois idée;s dans la Pcnséâ : l'idée de substance , l'idée de qualité . idée de rapport ; dans le langage, trois classes de 81 AVERTISSEMENT. ^2 'approfondir la no- siRiie arliflciel, l'individuel, le particulier, le concret, disparaît : car il n'y a point de science de l'indivi- iliiel ou de ce qui passe, mais seulement du général, de l'universel, ou de ce qui subsiste (35). On ne connaît point Socralc si l'on ne sait qu'il est homme Les lois des êtres , voilà le véritaltle objet de mutes nos investigations intelieiluelles. Les objets de la création ont été placés dans l'espace les uns à côté des auires, non-seulement avec leurs caractères propres et diflcrcniiels, leurs oppositions et leurs contrastes, leurs qualités spéciales cl dislinctiveg, mais encore avec leurs analogies, leurs similitudes, leurs rapports de nature, de substance et de Torme : voilà l'oeuvre de la Toute-Puissance créatrice. L'observuiion, s'attachant à ces caraclèrei particuliers, à ces propriétés communes, les dislingue ou les assimile, les sé- pare ou les unit, les dispose et les ordonne dans ses combinaisons scientifiques, selon les ressemblances ou les dissemblances que la nature elle-même a mises entic eux : voilà l'oeuvre de l'homme. Mais l'homme ne classe pas seulement les objets de la nature, il classe aussi les qualités, les relations, les actions, les alTections, les propriétés, les passions, toutes choses en un mot, et une langue lonl en- licre ne se compose que d'abstraci ions et de généralisations , comme chacun peut s'en convaincre en ouvrant un vocabulaire. C'est ainsi qu'au moyen de l'extension et de la compréhension des propositions, la connaissance hu- maine se condense en quelque sorte sous une forme adaptée à la capacité de noire intelligence, et qu'elle acquiert une simplicilé admirable, sans rien perdre de sa certitude et de sa clarté. C'est ce qui fait diru au père de la philosophie écossaise, que la sagesse des siècles cl les plus sublimes tliéoièmes de la science pourraient être déposés, comme Vlliade, dans une coquille de noix, qui les transmettrait aux gé- nérations futures. Cet effet miraculeux du langage, ajoute- l-il, réside tout entier dans les termes géné- raux, sans lesquels tout langage, toute proposition, sernienl impossibles. C'est donc sur le rôle même du langage dans la pensée humaine que nous avons étab'i nos preuves de la nécessité du signe pour l'évolu- tion de notre inti-lligcnce et la consliluiion de la raison. On sait combien cette question a soulevé, dans ces derniers temps, de controverses irritantes et passionnées. Mous croyons que, de part et d'antre, ou se serait épargne la peine d'écrire de gros volumes inutiles, si l'on avait abordé la question au fond , au lieu de se livrer à la surface ou en dehors à d'interminables débals qui ne pouvaient aboutir. Quelques- nns ont cm frapper un grand coup en s'aliaquant à M. de Donald ; ils l'ont poursuivi à outrance à iruvers leurs in-octavo, labeur aussi douloureux que stérile. M. de Ronald reste avec les lois de la pensée et di: hon évolution, qu'il a mises dans un jour éclatant, avec le grand fait, le fuit (onstant, universel, de la ijéiiération iiileUeciuelle, en dehors de la()uelle aucun homme ne parvient à la vie intelligente qui convient à sa nature, n'arrive, en un mot, à l'usage de la raison. Ce fait de lu nécessité de l'enseignement soci^il au moyen du langage pour le développement primiiif de l'intelligence, doit être cherché sans doute dans la nature même de la pensée. C'est donc de ce côté qu'il aurait fallu porter ses investigations, montrer <|uelle était la vraie théorie de la connaissance humaine, et la substituer à celle qu'on supposait insufli- saiite ou erronnée. Au lieu de se placer franchement sur ce terrain , on a diffusément épilogue, ergoté sans dignlié comme sans raison, et Von n'a pas pris garde que l'étude approfondie de l'esprit humain, dans ses moites de inanircstalion, et les travaux psychologiques.de toutes le!> édiles, ont singulièrement fait progresser la question dans ces derniers temps, en sorte que, aujourd'hui, .M. de Uonald a cent foii plus raison qu'à l'époque où il publiait son livre de la Légiilalion primitive; sa inagnilique thèse a pour elle toutes les données de la philosophie contemporaine. Du reste, nous avons fait peu de controverse. La meilleure controverse, selon nous, est celle qui met le problème et sa solution même, vraie ou présumée telle, en présence du lecieur. Si cette solution a quelque valeur, t^Ue se f itient d'elle-môine ; si elle est illusoire, elle tombe pour ne plus se relever: toutes les ressources de l'esprit n'y feront rien. Mous avons pourtant cité quelques noms propres et relevé comme en passant quelques attaques, qui pourront donner une idée de la portée de tant d'autres aux- quelles il eût été laslidicux de s'arrêter. Enfin, nous devons expliquer le nom d'idéoihétique (36) que nous proposons pour désigner la branche de ridéogénie qui H pour objet l'^iaft/iitemeni de l'idée dans l'esprit au moyen du langage ; sous celte dénomination, nous comprenons ce que M. Ampère a appelé conceptiom onomatiquet, aest-à-dire con- ceptions relatives aux mots (37). mots : le mot qui reproduit l'idée de substance, le mol qui reproduit l'idée de qualité, le mot qui re< produit l'idée de rapport; dans notre terminologie grammaticale cnfln, trois dénominalions expres- sives : la première pour le mol qui reproduit l'idée de substance, le substantif; la seconde pour le mot qui reproduit l'idée de qualité , le qualiiicalif ; la tioisièine pour le mot qui reproduit l'idée de rap- port, le relatif. Le monde est le prototype, dont l'image se retrouve de plus en plus altérée , mais toujours reconnaissable dans les copies qui s'en éloignent de plus en plus, dans ta pensce qui le sait, dans le langage qui le nomme, et dans la liiammaire i|ui analyse et compte ses différents uums. > (CuABiiA, £«iai sur le tangage, p. 80.) (35) Toute pensée, toute raison véritable a pour base, pour substance, ce nui ne change point, et le variable , le contingent, 1 individuel , n'est inlelli- gible qu'autant qu'il se lie à la vérité invariable, nécessaire , universelle ou infinie. L'être qui n'est en rapport qu'avec le variable, le contingent, le relatif , par cela même est dépourvu d'intelligence ou prive du vrai. (36) De Unç, l'action de poser, A'itablir, et ISéix, idée. (37) Vou., dans le journal le Temps du 22 juil- let 1833, 1 extrait remarquable, donné par M. Hou- lin , d'une leçon faite au Collège de France par M. Ampère. Cet extrait se trouve aussi à la fin de la Piélace de l'Essai sur ta philosophie des sciences. k3 INTRODUCTION. 84 IDÉOTHÉTIQUE 00 ESSAI SDR L'ÉTOmTION DE l'INTEllIGENCE HUIAINE. m _' A LA MEMOIRE YËNËRËE M. debonald: HOMMAGE A SON GÉNIE PBOTESTATION CONTRE LES INTERPRÉTATIONS ININTELLIGENl'ES DE SES DOCTRINES. I I. — Première en/lmc*. Voyez cette jeune [tlante qui élève à peine au-dessus du sol sa tige délicate. Sous les influences vivifiantes des tièdes rayons du jour et des rosées matinales qui abreuvent ses rameaux naissants, elle se pénètre de fluides nourriciers, afl'ermit ses fragiles tissus et déroule au soleil ses premières formes où circule une vie qui devient de jour en jour plus intense. Bientôt une riante végétation se déploie, de nouvelles harmo- L'homme penie sa parole avant de parler ta pensée. (De Donald.) La parole est le moteur primitif et nécessaire da nos idées. (Lacordaire.) Le signe est tellement associé avec la chose signi» fiée, que celle-ci ne s'offre point à Tcsprit sans l'autre. (Keid, Eitai VI, p. 198.) Sans un sjstème de signes quclGonque point d'idées possibles. Celle proposilion qui paiatl un paradoxe est une des plus importantes décoiiveries de la pliilo- sophie moderne, et toutes les écoles sont d'accord sur ce point. (U. l'abbé NoiROT, Leçont de philotoohie, profeitiet au lycée de Laon, p. 18i.) nies se révèlent de brillantes transforma- tions se préparent. L'heure arrive, et de cha- que branche s'élancent des germes féconds qui s'ouvrent en radieuses corolles d'où s'exhalent de suaves arômes et où s'éla- borent ces fruits savoureux , l'honneur de nos vergers et les délices de nos tables : har- monieuse image du développement de l'âme humaine dont les pouvoirs d'abord obscurs, latents, repliés sur eux-mômcs et réduits à leurs plus, étroites dimensions , s'éveillent r:S!)mmm m fSSAI SUR L'EVOLUTION DE peu h peu sous (J neureuses influences , dé- ploient leur énergie interne , so fécondent, se constituent et bientôt s'épanouissent en une riche floraison dans toute la plénitude de leur vie propre. Telle est la marche de notre inteliigenoc dans son évolution : avant qu'elle arrive à son midi, il faut qu'elle soit à son aurore : avant l'aurure, c'est l'aube naissante; avant l'aube, c'est la nuit sombre. Comme toutes les créatures visibles , l'homme s'élève graduellement à la perfection. Pareil à cet univers, dont il est la partie la plus noble, il commence par la nuit, et c'est du soir et du matin que so compose le jour de son pè- lerinage. Essayons de suivre le mouvement do ces énergies intimes , profondes , dans leur mar- che progressive , en remontant h cette pre- mière période de la vie où leurs manifes- niions soulèvent à peine le voile qui nous les dérobe. Le ferme n'est pas le bouton qui va s'ou- vrir, la corolle déployant ses pétales embau- més n'est pas le fruit doré qui couronnera le fertile rameau; mais c'est toujours la môme vie , le même être , la même plante , seulement sous des manifestations diverses, sous des formes progressives, avec des mo- que les oreilles restent encore sen- sibles à l'inipressiun du son. (lo) Quand nous disons que l'enfant ne combine pointi n'oppose point ses scnsalions, nous entendons qu'il n'y a |>oinl chez lui acte volontaire, intelli- gent, de combinaison ou d'opposition de sensa- tions. [\6) Nous opposons ici naturel k artificiel, imper- lonnet i réfiétki. (17) ( Tous les appareils, tous lv« licsus, t«us Us organes se forment du blastoderme ou des sucs qui le péné'reni, dans le point môme où ils doivent ser- vir à raccomplisseinentdes fonctions transitoiri'Sde l'embryon ou des fonrlluns permanentes de l'animal parfait. Aucune de ces parties ne semble provenir d'une autre, elles paraissent pour ainsi dire indé- pcuJanles ; mais elles tendent en réalité vers un but commun, et l'un ne larde pas i les voir se rac- corder entre elles, suivant les lins d'une sorte de prévision ordonnatrice aussi admirable que mysté- rieuse. I (LoNGET, Traité de plitjsiolugie, p. 258.) Ainsi le blastoderme serait le point île départ du développement orKanique nomme I» symbèse primi- tive est le point de départ de l'évo niion intellec- tuelle. Tous les appareils sont confondus dans le blastoderme comme tous les éléments de la pensée dans la syniliése. Il y a parallélisme barmoniqui^ Nous trouvons à chaque pas les manifeslsitions de celle belle lui du monde : «iii(c< tluns la variété. 01 INTRODUCTION. ;r,, h m h la perception des traits et du jei> de la physionomie, des vêtements, do l'extérieui, >le la voix (48), des personnes qui prennent soin de lui, qui lui puiicnt, qui le promô-i lient, qui le caressent, qui l'amusent, il as- socie les sensations aiïentives dontellessonl pour lui l'occasion, et c'est le concours si- multané de ces diverses sensations qui les lui fait connaître. Ainsi encore h la percep- tion de la couleur, de la forme des substan- ces qui le nourrissent ou du vase qui les contient, etc., il associe la jouissance que ces substances lui procurent en satisfaisant f^es besoins. Plus tard aussi il combine la vue à l'ouïe et veut voir ce qu'il a entendu, voix, cri, son, etc. Enfin, si l'on y prend garde, on vnrra qu'à l'origine aucun de ses sens ne marche isolément et que toute connaissance chez lui est le résultat d'une association ou combinaison d'activi- tés sensorielles (49). Les sens ne tardent pas h être ûerondés par In mi^moire (50), acte par lequel l'enfant re- connaît comme antérieurement perçu un phénomène ac(t<«{. Primitivement le nouvel être vivait tout entier dans le préseiii; la sensation avait la même durée que l'affec- tion des sons; à peine un objei dont la pré- sence le réjouissnit, avait-il cessé d'êtro sous ses yeux, qu'il s'elEnçait d» son Ame. Mais aussitôt que l'aurore de la faculté pro- créatrice de l'idée commence èpoindre, l'im- pression devient plus durable et le regard de l'Ame ne tarde, pas à se porter sur le pas- sé immédiat. On voit alors l'enfant rede- mander l'objet qui lui était agréable et qui a été soustrait à sa vue, ou bien rester dans l'état d'excitation où cet objet l'avait mis. C'est qu'en effet l'Ame ayant saisi dans les (iS) Qu'on ne se mciircnne point snr le sens qu'ij faut (lonner 1 celte étiuniéralion de déialls. Ceriai- nement rcnfani voit c<>s détails d'abord d'une ma- nière irè>-riij;ilivc, puis pi;u à peu, par reffet de l'Iiabilude, d'une ni;inière plus disliniue; nutis il les voit dans le tout, dans l'ensenildo pour lui indivisi- ble et dans lequel il n'a ni le b suin ni les moyens d'introduire aucune division. Sans doute un mode peut prédominer au milieu de tous les autres et hapiier le sens d'une impression pins vive, comme l'éclat de la flanune, le brillant d'un métal poli, la vivacilé d'une couleur, etc., mais cela encore est un tout, une image où, pour lui, le mode est i;nn- fondu avec la substance. Jamais l'entant, jamais l'homme dépourvu du signe qui abstrait, nomme, détermine, classe et tlx j les modalités, ne pouna dégager cette modalité, quelle qu'elle soit, de l'ob- jet qui la supporte et voir le mode indépendamment du sujet auquel il est nécessairement uni. Là est toute la question du langage. (t9) Dans les premiers temps la sensibilité n'a yu être éveillée que par la sensation allcclive. L'en- objets plus do rapports ou des rapports plus distincts, a pris possession de Iq réalité, elle ■s'en forme une image, elle en fait une pro- Ipriété qui lui reste, que la mémoire coiiser- 'vo après que les choses ont cqssé d'alfecter les sons. Une fois que l'enfant a connu une chose, il la reconnaît; aussitôt qu'elle alToc- te de nouveau ses sens, elle éveille l'idée des qualités antérieurement perçues par lui, et l'enfant manifeste dès lors les mômes sensations que celles qu'avait précédem- ment produites en lui cette mémo chose. C'est ainsi qu'il reconnaît les personnes qui s'occupent de lui, les objets visibles q'ji frappent souvent ses yeux. Mais longtemps ia sensation, chez lui, prédomino sur le moi, ce qui nuit à la netteté, à la précision Je ses idées, en sorte qu'il lui arrive sou- vent d'être induit en erreur par des analo- gies générales, a Je n'oserais assurer, «dit Iteid (SI) «que les enfants, au premier éveil (le l'imagination (par ce mot Reid entend la conception, c'est-à-dire la vue, dans l'esprit, de l'objet absent), démêlent toujours avec exactitude ce qu'ils conçoivent simplement (>lce que la tnémoire leur retrace. » L'ha- bitude se forme en même temps que la mémoire se développe : rar l'habitude est la mémoire du sentiment. Elle a pour caractè- re la pérennité. Elle vient faire contre- poids h ce besoin d'activité qui sans elle dissiperait les forces dans la variété des sen- sations. L'enfant s'attache donc à ce qu'il connaît déjà, il y revient, il lo revoit avec plaisir. La jouissance qti'il éprouve dans la diversité des objets a son point d'appui dans l'habitude. S'il se plaît à la promenade, c'est porté sur les bras de sa mère ; s'il aime les cofosses et les joui, c'est de la part de ceux fant r.>pporle d'altord tout à la jouissance ou à la sonfTrance, au plaisir ou à ta peine; les choses ne le louchent que par l'un ou l'autre de «es côtés; c'est là ce qui détermine instinctivement son atten- tion à se porter sur les olijets. C'est qu'effective- ment il ne peut primitivement les atteindre que sous les rapports du plaisir ou de la peine qu'il éprouve à leur occasion ; tout autre rapport lui est inconnu ou indifférent, et ne cesse de l'être qu'au- tant qu'il se raitache à un rapport affectif, i L'as- lociatmn des idées, dit madame Neck-ir, ne se forme (tuèredans la tête des enfants que lorsque leur sen- timent est excité. Dans tout ce qui n'intéresse pas leurs petites passions, l'expérience est longienips perdue. > (50) Il ne s'agit ici, bien entendu, que de la mé- moire phyiique ou celle qui cncliainc les objets par leurs rapports physiques, et non de la mémoire mi- tapliytique qui enchaîne les objets par les raiiporis de cause ou d'effet, de princi|ie et de conséquence. (51) Essai, tv, cliap. 1, loin. IV, p. lié. 93 ESSAI SUR L'EVOLUTION DE L'INTELLIGENCE HUMAINE. 9i qu'il connaît. Tel enfant ne veut recevoir les soins que de telle personne; tel autre ne veut s'eniiormir qu'au balancement de son herceau ou au bruit monotone d'une chan- son. C'est avec l'habitude que commence l'é- ducation. Occuperses sens est pour l'enfant un besoin impérieux ; il est avide de sensations ; sa vie intérieure n'ayant en elle-mômo rien (|ui la remplisse, appelle un aliment et le cherche dans le monde extérieur qui s'ou- vre à SCS pouvoirs sensoriels, les excite et lui fournit des matériaux d'idées. C'est Ih premier germe du désir de savoir, do con- naître ce qui n'a point de rapport immédiat avec lui, et no fait que mettre en jeu ses forces intérieures. Aussi, aime-t-il qu'on le promène, qu'on renouvelle à ses yeux la scène des objets; cette distraction l'apaise s'il pleurait; la diversité plattà ses sens, et quand ses impressions sensorielles ne sont pas variées, son agitation et ses cris attes- tent un ennui que calme aussitdt le moin- dre changement dans ce qui l'entoure. L'enfant, dépourvu du signe, est-il capable de l'opération intellectuelle qu'on appelle/u- gementf II est évidemment incapable du ju- gement proprement dit, du jugement qui nie ou affirme un prédicat do son sujet, parce que l'être intelligent, qui l'a conçu, a l'idée de l'un et de l'autre. Dans l'appréhension de l'objet sensible l'enfant sent cet objet agréa- ble ou pénible, ot par suite il le recherche ou le repousse et semble ainsi Yaffirmer bon uu mauvais; mais ce n'est pas \h juger, c'est senlir, c'est éprouver un mouvement instinc- tif el rien de plus. Cette t^ensation, ce mou- vement, portent sans doute l'enfant aux taè- lucs actes auxquels l'homme est conduit par !(> jugement de la raison. Mais l'identité des résultats ne saurait démontrer ici l'identité de la cause prochaine qui les a produits. Le mot jugement convient donc seulement pour indiquer cette cause dans l'homme pourvu du signe ou parlant, et si l'on veut désigner cette môme cause dans l'enfant, on devra ra|)peler jugement par sensation ou juge- ment par instinct, ou encore, comme Vu\y- pelie Rosmini, discernement instinctif, Enfln nous signalerons une dernière fa- culté qui se manifeste de bonne heure chez l'enfant , c'est celle de compréhension. La compréhension est l'œuvre de la sympathie ; elle se rapporte à l'expression générale des aifections humaines, à la mine, au ton de la voix, et même à l'imitation. Ces modiiica- lions du cor|)s qui frappent la vue et l'ouïe, déterminent sympathiuuement, dans l'Ame do l'enfant, la disposition intérieure qui les a fait naître. Par l'association des deux sens supérieurs et antagonistes que nous venons do nommer, l'enfant parvient à saisir le rap- port de deux idées produites par des sensa- tions simultanées, et s'élève ainsi jusqu'à l'intelligence des signes ou de la parole. Nous touchons ici à une nouvelle phase du développement moral. Cette seconde période de l'enfance est marquée par l'intervention d'un élément nouveau dans la pensée, le langage, ce puissant levier qui , soulevant l'enfant dc^ région» inférieures de lâ| sensa- tion et de l'instinct, l'introduit peu à peu dans le monde de l'intelligence et do la ratio- nalité. Nous disions que l'enfant fait ses pre- miers pas dans le domaine de la compréhen- sion des signes au moyen de l'association des deux sens supérieurs, la vue et l'ouïe. En elTet, la lumière apparaît à la surface des corps, occupe l'esprit, et, en séparant les choses, procure des intuitions déterminées des objets; le son, au contraire, vient de la profondeur, et pénètre dans la profondeur ; il désigne plus la qualité que les choses el- les-mêmes, plus l'activité que l'existence, et éveille des sentiments plus obscurs. Aussi l'enfant apprend-il à embrasser les objets visibles dans son esprit, c'est-à-dire & les connaître, tandis qu'à l'égard des sons, com- me il les reçoit dans le sentiment, et non dans l'esprit, il apprend à les considérer, non comme des choses indépendantes, mais comme des caractères indicateurs. A-t-it souvent entendu un certain bruit à la vuo d'un objet, à l'aperception d'une propriété ou d'un événement, ce son, lorsqu'il se fait entendre de nouveau, rappelle l'idée qui précédemment s'était formée simultanément avec lui. Cette association d'une idée, venant de la vue, à une perception acquise par l'o- reiile, lui apprend à comprendre des mots qui sont d'abord pour lui des signes d'objets visibles, des noms de choses ot de person- nes. Nous venons de parier du son ; qu'est-co que ce phénomène ? quelle est sa nature ? Le son, lorsqu'on fait abstraction des ef- fets immenses qui résultent de son union avec la pensée, est, de toutes les sensations, la plus indilTérente, tandis qu'elle devient la plus importante par les effets que nous lui faisons produire. Elle est différente par sa nature de toutes les autres sensations. Los autres sensations se rapoortent à l'or- 91 gane qui a reçu l'impression, ou \ i|ui l'a produite, ou à l'un et l'autre en di6 me temps, et elles sont destinées h nous instruire, les unes de l'état de l'organe, les iiutros des qualités de l'objet qui les pro- duit. Il n'en est nullement ainsi du son ; il ne se rapporte ni h l'organe qui a été ébranlé, ni à l'air quija produit cet ébranlement, ni aucorps que nous appelons sonore uniquement parce que nous apprenons d'ailleurs que c'est lui (pji produit l'i^branlement de l'air, cause im- médiate de l'impression reçue par l'organe, ut do la sensation qui en est la suite. Ainsi elle ne nous apprend rien, ni de l'étal do l'organe, puisqu'elle no s'y rapporte pas, ni du corps qui l'a produite, puisque nous ne pouvons regarder le son comme une qualité du corps sonore ; et ce n'est que pnr le rai- sonnement que nous sommes portés h lui sup|)usor la propriété de le produire. Le son est une espèce de création étrangère à nous et h tous les corps de la nature : ce n'est point un corps, ni rien qui y ressemble ; ce n'est pas non plus une qualité. C'est un phé- nomène impossible à définir, impossible h classer, qu'un ne peut analyser puisqu'il n'a point de parties. Nous savons seulement que deux choses sont nécessaires pour le for- mer, la vibration du corps sonore, et l'oreille capable de l'entendre. Supprimez l'un ou l'autre, et le sou n'existe plus. Pour peu qu'on y fasse attention, on reconnaîtra qu'en l'absence de l'oreille qui entend, quelle que soit la vibration de l'air, il n'y aura que de l'air qui change de place avec plus ou moins de rapidité ; mais là on ne trouvera rien qui soit son ou bruit (S-2}. Il faut absolument une oreille pour apprécier la vibration qui produit alors une sensation dans l'être qui IMKUDIUIUN. M 'objet entend, et l'excite par là à porter son atten- tion sur les objets dont il est entouré. De tous les êtres capables d'entendre les sons, il en est peu qui ne soient doués de la faculté d'en produire quelques-uns ; mois, parmi ceux-ci, aucun nu la possède à un degré aussi étendu et aussi varié que l'hom- me. Lorsque l'éducation et l'habitude ont donné à son organe toute la flexibilité dont il est susceptible, il peut le modifier, ainsi que le témoigne l'étonnante variété des lan- gues, d'un nombre incroyable de manières différentes par la diversité des articulations. L'homme exerce sans doute une grande influence sur tous les objets de la nature; il en est plusieurs auxquels il peut h volonté faire subir une grande variété de modifica- tions; mais il y a l'infini entre l'espèce d'empire qu'il exerce sur ces objets divers, et celui qu'il exerce réellement sur le son. Le son parait élrc sa propre création; sans autre instrument que l'organe vocal, il lo produit et lo modifie à son gré. On dirait qu'il le recèle en lui-même avec toutes ses modifications, pour l'en tirer à volonté; et il le produit en effet, on pourrait dire, comme Dieu produisit la. lumière; ut les modifica- tions qu'il lui fait subir se convertissent en une véritable lumière qui éclaire l'intelli- gence : production merveilleuse qui ne res- semble à rien de ce que nous connaissons; qui n'a aucune analogie avec les modiQca- tions de la matière, ni de rapport avec quoi que ce soit, si ce n'est celui dont il se trou vo revêtu dans l'homme, où il est devenu, modifié par l'articulation, le signe, l'expres- sion, le corps de la pensée. Si, en étudiant le .son dans son essence, on le trouve différent de toutes les modifica- tions matérielles,, il ne faut point s'en i"H '' |ï (52) Le son n'est pas, comme on Ta trop répété, un simple iiliénonicne de mouvement, une vibration imprimée a l'air ou à un autre fluide : car, oniru les qualités de ton, de force ou de durée, il y a dans le son une propriété ronïianinient en rapport avec la nature intime de l'élre qui le produit, et crtte propriété qu'on appelle timbre ne saurait trouver sa rai^on dans une cause purement mécanique, dans un mouveini ul qui ne peut, après tout, engendrer que du mouvement. On est donc rnrcénient conduit à considérer le son comme un fluide spécial, comme quelque chose de positif et de substantiel, dégage (lu corps sonore par le moyen des vibrations. Les onilulatmns de l'air, comme les mouvemeiUs des autres milieux à traveis lesquels le son se trans- inei, ne peuvent eue égali ment que des conditions de sa propagation, bans r<-sp:tce, elles ne pcuveiU cire le 'OH lui-même, ou, si vous aimez mieux, la cause essentielle du pliéiioniéne que nous nonmions ainsi. Quclnucs sjvunts oui supposé que le fluide siHiore est ideBii4|ue au fluide lumineux. Quoi qu'il en soit, il est certain que chaque corps ayant une rornie intime spcc lique, le son, en tant que perçu, doit avoir une relation immédiate à cette forme et la manifcstur à sa manière. Cf. Chavée, Lexicologie indo-européenne, p. i. t L'analogie qui subsiste eiure le ion et la lu- mière a été découverte par une série de rapports qui ne permeUent pas de douter de leur intime coïn- cidence dans un phénon.éne commun, le mouvement vibratoire il'un milieu élastique. > J. Uerscuell, Diic. lur l'étude de la philotophie 'nat., p. 90, 25i. — Cf. Lahe.'«hais. Etquiste d'une philotophie, lib. x, c. 6. (.;omme le son, par ses diversités, manifeste la forme distiiictive du corps d'où il émane, de même devenu parole, c'usl-à-dire mudilié selon les luis de la nature liumaiiie. il manil'este la forme intime de l'bommCi.son intulligencc, .t.tiSi. ire le ton et la lu- ne Bci'ie «le rapporis de leur intime coïn- iiinun, le mouvemenl jti. I J. IIerschell, iie nat., p. 9U, 254. e philotophie, lib. x. j./ ESSAI SUB LTAOLIITION DE élonncr. Quoique produit par un mouve- ment matériel, il est destiné h devenir une raodiflcalion tout h fuit intelleclueiie, h faire partie de l'intelligence ïiumaine, comme lo corps fait partie de l'homme; aussi, si l'on considère la parole comme signe do la pensée, il faut reconnaître (jue ce signe est différent de lousles autres; il est ce tpi'on pourrait appeler la partie matérielle de l'in- telligence, comme le corps est la partie matérielle de l'homme (53). Au moment d'étudier le rôle du son, deve- nu parole et signe de la pensée, il conve- nait d'en signaler la nature mystérieuse. Uevenons h l'eniant. Los sons sortent d'altord involontaire- ment de sa poitrine, lors(|u'il éprouve une vive sensation qui le remue avec force au dedans. Bientôt sa volonté prend possession de la voix, et il commence à balbutier dès qu'il éprouve du plaisir à manifester sa force par dos démonstrations qui puissent (rappcr son oreille. C'est do cette manière qu'on le voit jouer avec ses organes vocaux dans les moments de calme et de satisfaction et faire entendre des sons confus, qui sont le pré- lude de la parole. Après cet exercice préli- minaire, il émet, mais involontairement encore, des sons plus déterminés, des es- pèces d'exclamations, lorsqu'il aperçoit quoique chose de nouveau et qui lo flatte. Un peu plus tard, l'instinct de l'imitation entre en jeu aussi sous ce rap|)ort. L'enfant regarde avec attention les lèvres de sa mère, quand elle lui parle, et s'il entend un mot facile à prononcer, il reroue les lèvres en essayant de le prononcer lui-même à voix basse (5^). Enfin, vers la fin de la première période de l'enfance, le besoin de commu- niquer avec les autres s'éveille en lui ; il so (S3) Par cela même que le son n'rst pas destiné i manifester l'étendue, il est le niovon propre de la maiiir<;slallon du riiilelligciice k l'état plus élevé dont le baractcre spécial est Tunilé de l'orgaiiisnio et l'unité de h vie, lesquelles exclueul l'idée de l'o- teniliie. I Quelque admirable que nous paraisse la struc- ture-de l'œil, il y a de bonnes raisons de penser que le sens de l'ouiD tst un appareil d'une complication et d'une perrectioii organique encore plus grundo, occupant le plus liaut rang dans la séiie desorgancs des gens; et, sans rapporter les explicaiions que donnent à ce lujet les anatnmisles modernes, nous ferons remarquer que le sens de la vue est moins parfait chez l'homme que chez des espèces qui s'é- iuigncut beaucoup de Vbomnie et qui occupent in- coiitcstablenieiit un rang inférieur dans la série ani- male ; tandis que l'appareil de l'audition atteint sa perfection chez l'homme, où il doit être en rapport avec la faculté de produire des voix articulées, de mauiére à déierniiner la formation du langage, con- L'INTELLIGENCR IIL'MAINE. '18 crée une espèce de langage, h l'aide duquel il parvient b so faire comprendre. Suivons-le dans cette seconde phase de son évolution intellectuelle. S IL — Seconde tn fanée. Dans cotte seconde période q*;i par la ilémcnts de la pa- I sons qui se lais* létvrminées. rn est l'existence le suppose h son le sujet ou le moi iffecté et l'objet ou rminé par la i>a- le l'Ame se rédui- f avait aussi ehez iculée, expression iltjcctivilâ; la voix st la peinture d'un est donné par le toi qu'il s'est re- Ix articulée repose e imago, par con- soi-mème, du moi nct,«'omme la voix a sensation. Cotte tto vue au dedans, première enfance, soit encore h cette lisièmo condition édiaire, nécessaire uction, dans l'Ame, ée au moyen de la Ire une idée déter- mcnt déterminés. )de , les progrès et et de la synthèse jelle le son, nui Tas- :u voile, qui 1 éteint ; )iiple, flexible, ondu- urc t, qui s'étend, qui ntre ses valves, selon 'épaucher la voix, qui é ou qui les eflleure UH clavier ferme, ai- tympan grave et so- l'oreille et de l'audit âges 285 et 502 du ,0, KSSM »l)ll 1/F.VOl.UTION DE mit mené roiifaiil h l'idée (58). Il a appris h embrasser les dllférenles activités senso- rielles dans l'unité de la représentation ou imago: maintenant l'enfant, qui cherche h traduire l'idée dans un langage physique, choisit ce qui peut frapper l'oreille, parce que c'est sous celle forme que son activité propre peut le rendre do la maiWère ii la fois In plus libre et la plus précise, et qu'en jouant avec ses organes vocaux, on prenant plai»ir 6 faire sortir des sons de lui-même , il s'est oxircé depuis quelque temps dOjh h cette faculté. Il y a donc dans l'enfant un penchant in- dividuel qui provoque en lui la porole et le porte à manifester au dehors la vie inté- rieure. De môme que la sensation so révé- lait par la voix, le cri, l'exclamation, do mémo aussi toute idée nette veut se tra- duire par des sons déterminés : ce qui avait pris une forme dans l'intérieur, h l'occasion d'knpressions sensorielles, tend h se relié- 1er sous une forme susceptible do frapper les sens. Ainsi la parole émane de l'intérieur par l'elfet de la réaction , par suite de l'an- tagonisme et en même temps de l'unité du monde physique et du monde intellectuel. Ce qui provo(|ue encore la parole, c'est la sympathie avec nos semblables , c'est l'ins- limtde l'imitation et de la sociabilité; l'en- fant reconnaît sa nature dans les autres hommes, il veut leur ressembler par l'imi- tation des sons qu'ils émettent, et il cherche h se rendre semblable h eux eu faisant naî- tre dans leur intérieur les mêmes idées quo celles iq'ui existent en lui-même. Il se plie donc aux formes qu'il trouve admises déjà, il apprend k comprendre la langue de ceux qui l'entourent, et è l'imiter en comparant ses propres sons k ceux qu'il entend. [.0 langage devient pour lui un moyen de perfectionnement. Il est l'œuvre de l'inlolli- gence, tire naissance de ce qui a été com- pris, et permet de se faire comprendre. Par (r>S) L'analyse fait saisir les diffcreiils traits d'une chose rucnitnite, «.ivoir d'aliord, pour les u|)- iels viiibles, rilluroination, la couleur, la forme et le volume, puis plus lard, pour le son, te timbre, l'inlcnsitc. le ton, la vitesse. La syullicse, au con- traire, réunit les diverses activitéi sensorielles en uiie seule unité intérieure : si la concentrulion des sens sur une chose extérieure avait fait connaître d'abord l'unité de l'objet, celle des sensations dans l'intérieur produit l'unité du sujet. Le résultat commun de ces deux actes est de ramener les di- vers phénomènes extérieurs à l'existence intérieure et unique. L'idée qui découle de là est une image des objets affectant les sens, que l'activité spouta* liée du sujet crée dans sou propre intérieur, et qui L'INTELLICFNCE IIUMAIMK. 10* olln-mêmola ponséecst illimitée et n'aciiuiert une signitication précise que par la parole; elle prend corps dans les mots, et revêt ainsi une forme spéciale, individualisée, quo lu mot terme rappelle dans toutes les langues. Hien no peut être plus intéressant (jue de voir l'intelligence sortir peu b peu du nuage qui l'enveloppait, prendre un léger essor chaque fois qu'elle découvre une expression nouvelle et l'aire servir ses premier» succè:» h en oIStonir toujours do plus grands. L'en- fant, encore étranger dans le monde dis choses qu'il ronnolt b peine, sent bientôt le besoin d'entrer dans le monde des mots qui y correspond et qui fournira des instrument» i sa pensée. Alors commence pour lui l'oxis- tonco intellectuelio proprement dite, une existence où les images et les désirs lumul> lueux qu'elles excitent, régnent toujours, mais oii il s'introduit pourtant un élément plus tranquille. Il n'est personne qui n'ait remarqué que', bien longtemps avant que l'enfant puisse l>i comprendre, la parole, par ses articulations pénétrantes , par les gestes , par les regards , par les mouvements do physionomie qui l'accompagnent, excite en lui ()ne attention mêlée d'étonncment. La parole est-elle dou- ce, caressante, l'expression du visage de celui qui parle est-elle riante, atfable, bienveil- lante, l'enfant, por un mouvement instinctif, prend une physionomie analogue, et déjh il essaie lui-même en souriant et a'agilant do répondre par de petits cris inarticulés è ces provocations flatteuses. Si, au contraire, la voix est rude, grondeuse, menaçante, si le visage lui-même exprime la sévérité, tous voyez aussitôt l'enfant surpris, ému, se détourner ovec effroi et morquer le trouble qui l'agite par ses pleurs et ses cris (59). Le développement verbal dans l'homme n'a point lieu au début par une proposition complète. Avant do composer le discours il faut qu'il en ail acquis les matériaux ou les embrasse, comme unité, les divers caractères do ces olijeiB. L'enfant k la maïuelle entre dans ce domaine, mais sans y avancer bien loin ; ses idées n'acauièrent ni une entière précision, parce qu'cllet, n'embrassent point encore coinpléicment tout l'en- semble des caractères, ni une parfaite clarté, parce que la sensation prédomine encore sur le moi. (59) On se tromperait toutefois si l'on regardait ces mouvements comme primitifs ou innés chex renfant. Un langage caressant, une parole sévère, seraient sans effet sur un enfant qui n'aurait pas ressenti à leur occasion quelques sensations «le plaisir ou de douleur, car ce sont là les deux prin- cipaux aiguillons de l'enfant assoupi dans ses. or- ganes, et le point de départ, comme nous l'avons M I t|!|!i IC3 éléments, e( il ne peut los scquérir que suc- cessivement. Comme dans la nature tout ce qui peut être aflirmése rapporte h une subs-' lanco, ainsi, dans le discours ou dans la pro-' position, c'est au substantif que tout so rap- porte. Aussi les mots qui se détachent les premiers, dans l'esprit du jeune enfant, du la phrase dont ils font partie, ce sont les noms des personnes ou des choses qui ont attiré .son attention. Il en répète d'abcrd la syllabe la plus marquante; d'où est venue! l'idée de former de syllabes redoublées les premiers mots qu'on lui «(«prend. Ces pre- miers mots ne sont que les articulations les plus faciles dont se composait le rama^je naturel de l'enfant : ma, pa, da, na,'etc., au- quel il n'attachait aucun sens et dont on a fait papa , marna , dada , etc. Il no (arJo pas ii associer ces mots h l'idée de certains objets et à en faire un langage, mais ce n'est jamais qu'après qu'on a pris soin du lui en donner un exemple. De lui-même l'enfunt ne nomme aucun objet, et quand il est parvenu k employer un nom, ce n'est ja- mais que celui qu'on lui a souvent répété en lui montrant l'objet qu'il désigne. C'est, comme on yfiïi, un véritable enseignement. Ainsi le substantif devient, dans le langage, la base du discours, comme son prototype, la substance, est dans la nature le fonde- ment de l'existence et de la manifestation réelle (00). Après les noms des objets matériels, les mots qui s'introduisent le mieux dans la tôte de l'enfant, ce sont les adjectifs qui ex- priment des sensations très-marquantes : bon, joli, grand, chaud, froid, blanc, etc. Comme les qualités naturelles sont des ca- roclères particuliers des substances, ainsi les qualificatifs ou noms adjectifs sont dans la proposition des modificateurs du nom substantif. On a souvent lieu de remarquer que l'énoncé d'un seul nom ou d'un seul qualificatiféquivaut, dans l'esprit de l'enfant, à toute une proposition. A la vue ou même INTRODUCTION. lOi au souvenir d'une pomme, l'enfant criera !en gesticulant : pomme I pomme /c'est-à-dire : je veux une pomme l ou voilà da pommes! En buvant du lait, il dira : bon! En man- geant un potage, 11 dira : chaud! c'est-à- dire : le tait est bon! le potage (%t chaud! ; C'est sans doute une chose assez simple que l'enfant apprenne le nom des objets ma- tériels et de leurs qualités, quand on les lui a souvent montrés en profi^rant certains sons ; la chose réveille ensuite l'idée du mot ut le mot celle de la chose. Mais il semble plus diflicilede concevoir comment l'enfant .attai'hc un signe à ce qui n'existe pas maté- riellement, à ce qui n'est ni substance ni mode de substance. Les actions exprimées ou supposées par les verbes, n'ont point eu ciïut de type permanent dans la nature. Le verbe est l'expression nécessaire du rapport perçu entre le sujet et la qualité, ou attri- but. Toutefois on comprend que l'enfant, témoin des actions, retienne le mot qui les exprime, et que voyant, |iar exemple, Paul courir, Albert pleurer, etc., et entendant dire : Paul court, Albert pleure, etc., il ré- pète cette proposition et une foule d'autres analogues. Ne se livre-t-il pas lui-même continuellement à toutes sortes d'actes? il pleure, il crie, il joue, il court, il promine, il marche, il boit, il mange, il frappe, il rit, etc. Toutes ces actions sont des faits sensi- bles; on les désigne devant l'enfant par le verbe qui les exprime, il s'habitue à le ré- péter dans les mêmes circonstances, à l'infi- nitif, au |irésent de l'indicatif, au parfait, au futur; les autres modifications du temps viennent plus tard (61). Il emploie d'abord ces divers mots sans lus lier entre eux, mais on peut aisément juger que son esprit les rassemble. Ainsi un enfant qui. voit son père et sa mère auprès du feu, dit aussi- têt : Papa, maman, chaud, en laissant de cêté les mots intermédiaires. A ce degré si peu avancé de développement, les enfants énoncent à tout moment des observations montré, de son activité et «le son atlcntion. Tout le nioiiilc sait qiu'l r6lc jouent lest earesHcg, (>i, dans pliisieiirg eas, los pelilt-s sévérités simulées, dans Its (ireinières années de l'enfance et mémo plus tard. La tendresse niaternclle est à cet é^ard singulièrement ingénieuse. Dans la première pé- riode de la vie, l'enfant ne parait avoir te senti- ment de l'existence que dans une alternative de ]ilaisirg et de peines, et tout, dans ce ^ul l'envi- ronne, est pour lui ou une ocrasion de jouissance )u un sujet de contrariété, en sorte qu'à «liH.|ue iiislant son attention est stimulée. C'est là sans ioate un moyen puissant d'avancement inlel'vctiiel, secondé surtout , comme il l'est perpéiucllemcnt. par les soins des personnes qui sont chargées de i'enrinl. (00) i..a parole a pour point de départ ce qui est isolé «tu particulier. L'enfant commence par des nionos)llal)cg, et ne s'élève pas Iteaucoup au delà des mots dissyllabiques. (61) On a avancé que l'enfant prononçait le verbe itre avant les verbes dérivés, el le verbe être dans sa généralité, avant de le déterminer par le temps, le nombre et les personnes. Cette liaule méta- physique n'est nullement iians la pratiqua de l'enfant. de départ ce qui est coiiiiiienie par des s beaucoup au delà 4„S ESSAI SUR L'EVOLDTION DE désintéressées, sans autre motif que le plai- sir de les énoncer. En y réfléchissant, on s'aperçoit que ces trois sortes do mots, le nom, l'adjectif et le verbe, prononcés dans le premier Age avant les autres, sont vérjMr ment la matière et comme [le corps du discours. Ils expriment les grands intérêts du ' me dans ce monde, celui de distinguer les objets extérieurs |>ar les noms, celui de déûnir les propres im- pressions |)ar les adjectifs, et enfln d'énon- cer les déterminations par les verbes. Il y a là coiiiialtre, sentir et vouloir. C'est tout 1 homme. Avec quel plaisir, avec quelle étonnante rapidité, l'enfant n'avance-t-il pas dans l'é- tude du langage, une fois qu'il en a franchi les premiers pas 1 Tous les jours il se sert de termes nouveaux, et s'engage dans de plus longues phrases. L'amusement qu'il trouve à parler est intarissable. Quand il voit une chose qui l'intéresse, il' répète vingt fois qu'il la voit, avec une satisfaction dont nous n'avons pas d'idée. Il se raconte à lui- même ce qui le frappe; le pouvoir qu'il a de prolonger ainsi son impression le ravit, et une tierté mêlée de joie éclate dans ses youx. Si c'est la difficulté d'articuler les sons qui l'iirrète, il se tourmente jusqu'à ce que le mot ait pris l'essor. Résumons. L'enfant voit les objets, il en saisit les qualités sensibles, on les nomme devant lui ; il s'habitue à en répéter le nom. Voilà comment il procède au début dans l'acquisition de l'idée particulière et dans celle du langage qui la nomme. C'est dans le monde sensible et au moyen du monde sensible que l'intelligence de l'enfant se dé- veloppe d'abord. Il en prend possession à l'aide de la parole qui classe lec objets, les faits, les phénomènes sensibles, dans son esprit, dans sa mémoire. L.a première idée ou les premières idées de l'enfant appartiennent donc au monde sensible. A l'époque où la réceptivité sen- sorielle prédomine encore, ce sont ou des sensations agréables qu'il recherche ou des sensationsdésagréablesqu'il repousse. Avant de pouvoir les nommer, il a dans l'esprit, au moyen de la sensation, l'idée particulière d'un certain nombre d'objets et de qualités L'LNTELLIGCNCE HUMAINE. in6 sensibles perçues dans ces objets. On en prononce tous les jours le nom devant lui; il s'hdbitue & le répéter et bientôt le mot lui rappelle l'objet ou la qualité dans l'absence même des objets. Telles sont les premières idées de l'enfant. Ce sont des imaget, des sensations. Il ne tarde pas à y joindre des idées d'actions physiques au moyen des ver- bes qui les expriment et dont on se sert en lui parlant. Le feu brûle, l'eau mouille, le couteau coupe, le chien aboie, Albert p/f ure, cm, mange, dort, court, frappe, etc. La langue de l'enfant est donc d'abord celle de la sensation, le vocabulaire du monde des corps. Il l'apprend non par rai- sonnement, mais par instinct, par besoin, par imitation, par curiosité, par écho. Jetons un rapide coup d'oeil sur le déve- loppement des facultés pendant cette période de la seconde enfance. La perception devient plus vivante; les impressions sont encore généralement pas- sagères, mais, peu à peu, elles acquièrent plus de durée. L'attention croit aussi par degrés; en même temps, elle se reporte des phénomènes isolés sur les événements, et des objet j sur les rapports, d'abord dans l'espace, puis dans le temps, do manière quo l'esprit d'observation se développe. Vers cinq ans, l'enfant suit déjà avec intérêt la marche des faits qu'on lui raconte, et il a la faculté de les lier dans son imagination, parco que la parole dont il jouit pleinement fournit un point d'appui intérieur à la marche de ses idées. La masse de ses connaissances s'ae- croit de jour en jour, et, comme il reçoit plus par la parole que t)ar l'intuition senso- rielle immédiate, il est soustrait, jusqu'à un certain point, à l'esclavage des sens, et le commerce qu'il entrelient avec des êtres pensants lui apprend h pénétrer plus avant dans son propre intérieur. La mémoire est soutenue par la parole, le mot donnant h l'image une forme détermi- née et par cela même permanente (G2). D'a- bord elleconsiste uniquement à reconnntlm : c'est la simple conscience qu une impression actuelle ressemble à celle qui a eu lieu di'jà auparavant. Plus tard, l'idée antérieure est rappelée par d'autres idées alfiucs. Ainsi la mémoire croit avec la vivacité et la clarté (G3) I Si rhomme arrive a la connaissaneA , et par Huiir, jui>i|»'à un cerluin point, à la possession du inonde inaiériul, c'est grâce à la parole. Par la parole Ituinitine, le monde, tel qu'il doit exisier pour l'homme , sort en quelque sorte de l'abtme, DlCTI0< divers objets, et lui fait découvrir en quoi ils se ressemblent. C'est i'.iCie par lequel il conçoit en quoi consiste ceue ressemblance, qui laisse dans la mémoire l'idée gé- nérale de fott^e qui s'associe à ce mot. « D'autres conceptions de même nature se rap- portent aux phéiioméues actifs. Ainsi, quand l'en- fant entend prononcer les mots lenlir, disfrtr, ju- ger, vouloir, il cherche à concevoir ce qu'il y a dn commun dans les étals ou les actes de la pensée auxquels il entend donner le même nom ; et de là les conceptions que plusieurs psychographes ont appelées avec raison idée» réjlexivet , en prenant le mol réflexion dans le sens que Locke lui a attribué. H en est de même des idées des rapports sociaux, du bien et du mal moral , du devoir, • eic. ( Am- père, E$$ai sur ta philotophie det tcïtncit, Préiacc, p. LVII.) (65) < On ne parle point s»ns conceptions géné- rale»; car il entre nécessair'.'meul des termes génù- raus dans le tissu de la plitase la plus courte et la plus simple. La «liUlculié de fumier des concepiions générales est très-exacteinent mesurée par la dilli. culte d'apprendre à pailer; car elle est, avec celle d'articuler les sons, la seule que les enfants aient à vaincre. • (Reid, Ëiiai, v, cb. 6, p. 359.) ,09 ESSAI SLR L'EVOLUTION DE de là toutes les opérations inlellentuelles, toutes les formes de la pensée, comme ob- server, comparer, généraliser, classer, dé- duire, etc. Qu'est-ce qxx'obierver? C'est distinguer, composer et recomposer les éléments d'un objet pour en prendre une connaissance claire et distincte. Or, il ne suffit pas d'em- brasser d'un regard fixe, immobile, l'ensem- ble d'un objet, pour s'en former une idée ; un tel acte pourra produire une impression vive, mais celte impression ne fera pas con- naître l'objet perçu. Ce n'est pas là l'atten- tion. Tout acte d'attention renferme une dé- composition, une analyse, une abstraction des parties ou des qualités de son objet. Une éternelle attention qui ne conclurait pas, serait un miracle de patience, un chef- d'œuvre d'inutilité. Mais, pour conclure, il faut qu'une idée se soit produite par l'alten- lion, qu'un mode, un élément quelcoiique, un rapport, ail été saisi dans l'objet soumis à l'activité sensorielle. Or, comment saisir une qualité sans analyser? ri)mment analyser sans abstraire? comment abstraire sans le signe qui nomme, détermine et fixe le mode abstrait? Et quand vous parviendriez à déterminer res éléments, ces parties de l'objet que vous éludiez, si, à mesure que vous les observez, vous ne joignez à la distinction intellec- tuelle une distinction matérielle; si vous ne les marquez du signe qui porte avec lui la lumière, l'ordre, la méthode et la précision, tout retombera dans l'obscurité, la confu- sion, l'indélermiiialion, et ce travail do Si- syphe sera sans cesse à recommencer. I^ parole est donc la condition de toute obser- vation proprement dite. Comparer, c'est saisir des rapports, noter des ressemblances et des différences entre les objets. Mais, si on ne peut les fixer sous un signe à mesure qu'on les découvre, que retiendra-t-on de la vue de ces rapports? Coiument les coraposera-t-on eux-mêmes L'INTELLIGENCE HUMAINE. ttO entre eux ? « Sans un langage quelconque, « la comparaison serait vaine, et ses résul- « tats, sans nom, confus et fugitifs, se suc- ci céderaient en nous sans y laisser aucune « trace (66). » On ne peut généraliser qu'on ait d'abord observé et comparé : la parole est donc né- cessaire pour la généralisation, puisqu'elle l'est pour ses deux antécédents. Mais, de plus, l'idée générale et les principes géné- raux ont en eux-mêmes quelque chose de si purement intellectuel, ils sont si peu perceptibles dans la vue des réalités indivi- duelles, que, si on ne les fixait pas sous des formules et des mots spéciaux, ils dispa- raîtraient de l'esprit immédiatement après y être entrés. Pour la formation des prin- cipes généraux, la parole est donc indispen- sable. Ce que nous venons ae dire de la paroie, comme moyen de s'élever aux généralités, s'applique avec la même justesse à la déduc- tion. Cela résulte trop évidemment des con- sidérations qui précèdent pour qu'il soit né- cessaire d'insister. Enfin, comment la clat$ificalion pourrait- elle s'accomplir si l'on ne pouvait distinguei par des noms les divers groupes, les genres, les espèces, que l'on a distingués sur la vue de leurs qualités communes? Les sciences de classification dépendent tellement des noms, qu'elles ont reçu de cette dépendance le nom de sciences de nomenclature. Nous ajouterons que, comme il n'y a point de connaissance véritable et profitable sans l'aide de la mémoire, et que, comme la mé- moire n'a de prise sûre et durable qu'au moyen des signes qui expriment les percep- tions, la parole assure la conservation, comme elle assure l'acquisition des connais- sances. Cela est vrai surtout de tout ce qui est rapports composés, principes généraux, abstractions, lesquels ne peuvent se pro- duire ni se conserver qu'au moyen du lan- gage (67J. (06) Trailé ae logique , par Duval-Joiivc, p. 204. (61) I Le LinsngK est certaiiiemeiil la coiidiiion (te louten les opciatioiis comiilexes, et peui-étre de Kiiiirs les o|iër»iions simples de la pensée. > (Cou- sin, Court de 1819, i" parti^ p. 109.) I Les oi^ralioiis iiilelleciuellei devienntnt im- possibles sans Ik secours du langa||c. Quelle que soit , en effet , celle de nos iruls (ipèralions foiiua- iiieniales que l'on considère, l'idée, le jugement, le rsiisoniicincnt, oui également besoin du Tangage. • (JulfS Simon, Hanutl de phHo$ophie à l'utage dtt coHégti , |i. 274, 378.) — Le même auteur pote en- suite deux faits : < Le prcuiier, c'est que h langaga nalurel est absolument impuissant pour exprimer uii«^ idée abstraite; le second, c'est que le plus simple développement de la pensée suppose et exige de nombreusca abstraciions. > (Loc. cit.) « La parole accompagne toujours raltciitMin pour l'aider dans ses travaux. C est en énonçuiit successivement les parties, les propriétés, les qua- lités, les rupports sur lesquels l'attention !• 'exerce, que nous acquérons une véritable connaissance des obji'ts. ( La parole accompagne toujours la mémoire passive, pour remlrc plus sensible et plus dislim l ce q^ii lui e&l conlié. C'est elle qui l'y grav« d'une im% Itl INTRODUCTION. 119 il!ti; ^ ii¥ I m. — Nouvelle» considératiotu sur le dé- veloppement de l'intelligence. — Les idées abstraites, générales , nécessaires , univer- selles, absolues. Dans sa plus grande généralité, et par con- séquent dans sa plus grande simplicité, une connaissance ou perception consiste à voir, ou à percevoir, ou à comprendre , ou à sa- voir qu'un objet est avec telle ou telle 9ua/i(/. La perception est un fait éminemment simple et indécomposable dans sa produc- tion ; il a lieu dans sa totalité ou il n'a pas lieu. Un objet ne se montre pas sans une qualité, ni une qualité sans un objet ; et tel est le rapport qui unit la qualité à l'objet , que l'v-n voit l'objet et la qualité qui le rend évident, ou qu'on, ne voit rien du tout. Ainsi, comme fait , la perception ne se pro- duit pas à demi et ne résulte pas d'éléments qui se réunissent successivement pour la constituer. Mais si, dans sa production et dans ce qu'il a d'objectif, ce lait est indécomposable, il n'en est plus de même après sa produc- tion et dans ce qu'il a de purement subjectif. L'être intelligent voit l'objet et voit la qua- lité indivisiblement unis dans leur rapport; mais par suite d'un pouvoir dont il est doué, il peut concevoir la séparation de l'objet de la qualité; il peut au moins es s'attacher manière proronde , et l'y conserve en en ravivant de lempsen temps le souvenir, qui s'efface presque toujours si nous négligeons les moyens qu'elle nous fournil. 4 La parole accompagne la mémoire active, pour en rendre le jeu plus facile et plus sAr. C'est elle qui dirige le rayon lumineux que la mémoire active promène d»ns la chambre obscure, ou plutôt elle est elle-même ce rayon lumineux qui échire les ob- jets que renferme la cbambre obscure, et les met a noire disposition. I C'est |iar la parole que nous abstrayons, que nous généralisons, que nous classons les éires, les qualités et les rapports; or, l'Inielligence humaine ne se compose que d'abstractions, de généralités et de claâslUc^itious. < Comment la vérité s'établit elle dans l'esprit t N'est-ce pas par lejugcnientetlesallirinationsî Que seraient les jugements et les allirmaiions pronon- cés par l'iniclligence, si elle n'éiait secondée par la parole? Ils resuraieiit de même nature que les ju- gements et les aflirmatiotis que prononcent les ani- maux sur les objets qui agissent directement sur eux, par leurs rapports immédiats à leurs besoins. I Nous raisonnons, mais que serait le raisonne- ment tans la parole?... Il est donc vrai de iiire que toutes les opérations par lesquelles l'intelligence se forme et se développe, sont faites au moyen de la parole, qu'elles ne peuvent se faire sans elle; qu'ainsi une fois reconnue comme faculté do rhomine, la parole doit être rangée parmi les fa- cultés intellecluellus ; et toute theoiie des facultés serait incomplète , i>i elle ne comprcn lit celle là, Îui féconde toutes les autres. > (Cardaillac, ■ludei élém.àe phit., i. Il, p. Z'.i.) qu'à la vue de la qualité, ne Gon.server que la vMe delà qualité sans la vue de l'objet, ou réciproquement. Or, cette vue isolée d'un objet ou d'une qualité nécessairement unis dans le fait réel et total de la percep- tion, c'est l'idée abstraite, c'est Vabstraetion. Ainsi, par exemple, je ne vois pas un ob- jet avant et sans une couleur, ni une cou- leur sans et avant un objet. Je vois néces- sairement l'un et l'autre simultanément et unis; mais je puis négliger la vue de l'nlijet pour ne m'attacher qu'à la vue de la couleur ou réciproquement. Voir un objet et sa cou- leur est une perception: la vue isolée do l'objet ou Cfllle de la couleur est l'idée ab' straite. Ainsi, dans toute perception, il y a trois idées que l'on peut isoler, l'idée de Vobjrt, l'idée de la qualité, et l'idée de rapport qui les unit. Et *i, pour saisir mieux encore les rela- tions de la perception et de l'idée , nous les considérons dans leur expression par la pa- role, nous trouverons que la perception s'ex- prime par la proposition, et l'idée par le mot. La connaissance ou perception est un fait intellectuel entier et complet; l'idée est encore un fait intellectuel , elle est encore do la connaissance, mais une connaissance incomplète, brisée et décomposée (68). Do (68) Une idée pure ne serait jamais qu'un pro- duit incomplet de l'intelligence. Que quelqu'un po- nonce devant nous le mot homme : ce mol exprime une idée, mais n'offre pas un si!iis complet; car que veut-on nous faire entendre? qu'on pense à l'homme, qu'on le connaît, qu'on l'etudie, qu'on l'aime. qu'on le hait, quun t'estime, qu'on le plaint, eic ? Ce mot est susceptible de mille interprétations. Cependant nous avoiiS pris pour exemple un sub- stantif, c'est-à-dire la seule espèce de mots nui semble exprimer une idée entière ; car toutes les autres espèces de mots, à l'exception du verbe qui peut à lui seul traduire un jugement, impliquent toujours un rapport à quelque chose qu'ils ne font pas counalire, et n'expriment, par coiiséi|uenl, qi e des fragments de pensée. Aucun mot n'existe pour soi et ne se suffit à lui-mémo. Chaque espèce de mots est, par sa nature, destinée à former un él>'- nient dans une combinaison, et cette contbinaisoii, unique objet du langage, n'v&t autre que la propo- sition qui, seule, forme un tout dans rtiitelligenie. Puisque l'idée n'est en soi que le résultat d'une ab- straction psychologique, elle ne s'offre point à nous comme un objet immédiat d'analyse, puisque, da.e : elle, ne l'est que dans le jiigeinent, et c'est dans le jugement qu" nous devons essayer de saisir la nature, d'ap- piccier l'étendue de notre connaissance. Dans tous nos jugemeuis le sujet est nécessaire- ment conçu comme une substance. Aucun mode, considère dans la substance dont il dépend, ne peut être l'objet de l'ainimation. l'our que les luodus 119 conserrer que vue de Vobjel, lie vue isolée nécessairement I de la percep- 8i Vabstraction. vois pas un ob- jr, ni une cou» Je vois néces- multanément et a vue de l'niget le de la couleur objet et sa cou - I vue isolée do ir est l'idée ab- ion, il y a trois l'idée de Vobjrt, de rapport qui encore les rela- l'idée, nous les ssion par la pn- ptrception l'tx- et l'idée par le irception est un aplel; l'idée est elle est encore lo connaissance posée (68). Do amais qu un pro- lie quelqu'un p' o- ce mol exprime Complet ; car que pense à Vhomme, le, qu'on l'aime, on le plaint, eic 1 interprctalions. exemple un «ul>- ;iè(*e de mots oui car toutes les tiun du verbe qui ment, impliquci'l lose qu'ils ne font r coiiséi|uenl, qie mot n'cxisie pour Chaque espèce île e à former un élo- eue combinaison, ire que la propo- ans riiitelligcme. résiiliat d'une ab- uffre point à nous rse, puis(|ue. da«s jugement qui lui de son existence, est rexèiue* elle e : elle, ne l'est laiis le jugement r la nature, d'ap- isaiice. it est nécessaire- ce. Aucun mode, I dépend, ne peut r que les modes ,15 ESSAI SUR L'EVOLUTION DE niôine la proposition est seule une expres- sion complète j le mot est encore une ex- pression, mais si incomplète , qu'ainsi isolé il ne représente rien de réel. El comme on ne parle pas sans parler d'une chose et de ses qualités, on ne connaît pas sans connaître une chose et ses qualités: avec cette diïé- rence toutefois que, quand on parle, les pa- roles se succèdent suivant tel ou tel ordre, tandis que, quand on connaît, on ne connaît pas d'flhord l'objet et puis la qualité, mais d'un seul et même coup l'objet et la qualité, unis dans leur étroit rapport. Tout est si- multané dans le fait de connaître, et si, dans le langage, l'on exprime l'objet et la qualité par un terme et puis par un autre terme, ce n'est pas pour noter par la place des termes la place relative dans la perception de l'ob- jet et de sa qualité, leur antériorité et leur postériorité, c'esl tout simplement pour no- ter leur distinction et leur relation. La perception résulte do l'évidence des objets ; l'idée résulte du pouvoir qu'a l'être intelligent de déi^omposer les perceptions. Les objets se montrant dans l'unité concrète de leur existence, ne déterminent point des idées, mais des perceptions. A la perception répond un objet réel, une réalité évidente ; à l'idée pure et isolée ne répond aucune réalité ainsi isolée. Ainsi, h la perception (|ue ce papier est blanc, répond comme réa- lité objective ce papier blanc; à l'idée isolée de papier ou à celle de qualité blanc ne ré- pond rien de tel , car ce papier ne peut ni exister ni se rendre évident, et se montrer sans être et se montrer blanc , ou gri$ , ou rude, ou doux, ou avec une qualité quel- conque, sans quoi on serait forcé d'admettre des objets sans qualités , ou des qualités ijans objets; des qualités qui n'appartien- draient h rien, ou des objets qui ne seraient rien. On ne compose donc point les percep- tions de la réalité avec des idées, puisque les objets ne déterminent point des idées , mais des perceptions; mais en décomposant ces perceptions on trouve l'idée et on la dé- qui, dans nos premiers jugements, figurent comme sUrihuts, puissent fournir des sujeis a de nouveaux jui;eineiiis, il faut que l'esprit les concevant à paît, el les défachaut par la pensée des sujets auxquels Us apparlirniient, les élève à U comlilion de sub- siances abstraites. De là la néiessilé des substan- tifs abstraits. La fonuaiion de cette seconde classe de substances a prodigieusement étendu le cercle de nos connaissances. Sans elle, l'hoinine demeu- rerait renfermé dans l'analyse de chaque objet in- L'INTELLIGENCE HUMAINE. Ili gage. L'idée est donc moins un élément qu'un fragment de perception. Un élément peut exister d'abord seul et indépendamment de la totalité qu'il concourt à former; un frag- ment suppose, au contraire , un tout préala- blement existant, et ne peut être que le ré- sultat de la décomposition de ce tout. L'eau, le carbone, etc., qui sont les éléments d'une plante, existent avant elle et sans elle : la tige, les feuilles, les fleurs, etc., en sont des fragments, et n'ont pu exister qu'en tant que la plante a existé. Ainsi en est-il de l'idée par rapport à la perception qui la con- tenait. La perception, répétons-le, peut seule résulter de l'évidence : l'idée ne résulte de l'évidence qu'en ce qu'elle se trouve dans la perception. Les idées n'existent pas d'à- bord et par elles-mdmes, ainsi fragmentées et incomplètes, devant constituer la percep» tion par leur rapprochement. On ne peut donc pas dire qu'on acquiert directement des idées, mais on acquiert des connaissan- ces, des perceptions, et de ces perceptions on dégage les idées par un travail d'analyse plus ou moins difQcile , selon la clarté de la perception totale. Par exemple, on n'acquiert pas d'abord et isolément l'idée de cause, mais par la conscience on se voit être cause, on se connaît comme cause, et de cette con- naissance totale l'être intelligent sépare la connaissance partielle el fragmentée qui est l'idée de cauee. C'est en ce sens seulement qu'on peut dire qu'on acquiert des idées, el qu'on peut rechercher quelle est l'origine de nos idées. L'origine d'une idée est dans le fait total de connaissance qui la renfer- mait pou<> la première fois, el dans l'acte ou les actes de décomposition , d'abstraction qui l'en ont séparée. Nous avons dit tout h l'heure que l'idéo se dégageait de la perception ou la modalité de la substance par un travail d'analyse. Ap- profondissons ce qui se passe dans cette opération. Rappelons d'abord que nos premières dividuel; il deviendrait incapable de concevoir cette multitude infinie de relations qu'il établit entre les substances; car toute relation entre ùvu\ substances est fondée sur la similitude ou sur la difléience que la comparaison peniiet d'apercevoir entre leurs modes ; et l'on ne comprend pas co.n- ment l'homme parviendrait à discerner la similituitu ou la différence qui existe entre les nioiles, s'il ne pouvait poser abstraitement les modes comme su- jeti de ses jugements. :Hl!illJ ; Il if il ■ ! 115 perceptions ou idées sensibles sont néces- sairement composées , puisqu'elles ont tou- jours pour objets des substances revêtues de plusieurs qualités. Il en est de même de nos premières idées intel1<>ntuelles, lesquelles nous représentent toujours ou le concours simultané de plusieurs opérations pour un but commun ou une tendance do chacune d'elles, prise isolément, vers plusieurs Ans différentes. Entin la conscience non plus ne peut nous donner dès l'abord aucune idée simple sur les faits intérieurs. Il suit de là qu'avant le travail de l'esprit secondé par les signes, la pensée, n(^nessairement co.'.i- plcxe, demeure entière et en quelque sorte indivise dans notre esprit. Comme tous les éléments qui la composent ont pris simulta- nément naissance, tous aussi ils se retracent h la fois dans la conscience, qui ne reçoit de l'ensemble qu'une impression vague et con- fuse. Cette complexité, cette espèce de chaos de la pensée primitive ne peut se débrouiller que par l'analyse. Or quel sera l'instrument de cette analyse? Les sens ? Examinons. Les sens , nous l'avons vu, sont des machines à abstractions. C'est par leur secours que l'en- fant apprend à discerner les objets avant l'emploi des signes. Cette distinction repose évidemment sur une sorte d'analyse, puis- que pour distinguer les objets les uns des autres il faut avoir saisi entre eux des diffé- rences de couleur, de son, d'odeur, de sa- veur, d'étendue, de forme, de solidité, etc. Mais signalons ici, sous le rapport de la pensée, entre l'homme qui a l'usage du signe INTRODUCTION. »« et celui qui en est dépourvu, une diffi 'cncv qui n'a pas été assez remarquée : c'est que l'homme, avant le langage, ne pense aux qualités ou modes qu'il a saisis dans les ob- jets qu'en rappelant à sa mémoire les objets mêmes qui ont affecté ses sens. Les choses mêmes se présentent à son esprit, et non les termes qui en sont les signes ; il ne pense que par images; penser, pour lui, c'est re- voir, c'est éprouver les sensations que l'ob- jet réel aurait excitées. Tout se passe dans sa tête en tableaux ou plutôt en scènes ani- mées, où la vie se reproduit partiellement. Il faut donc reconnaître dans l'enfant, dans l'homme, avant le langage, le pouvoir de distinguer les diverses parties d'une impres- sion reçue ; mais, nous le répétons , ces dé- tails ne subsisteront dans son esprit qu'i- dentifiés à tel ou tel objet qui les supporte. Ainsi, il aura dans l'esprit l'image d'un ob- jet ou blanc, ou chaud, ou rcni, etc., déter- miné, jamais l'idée de blancheur, de cha- leur, de rondeur, etc., et ainsi de mille autres idées de modes ou de rapports (69). Il importe donc d'établir plusieurs espèces de distinctions entre les idées sensibles • 1' elles peuvent être distinctes parce que l'analyse en a décomposé les éléments , parce que la comparaison a fait ressortir, parmi les rapports particuliers qui les unis- sent, les différences précises qui les sépa- rent; a* les idées sensibles peuvent être distinctes dans un de leurs éléments, en raison de la prédominance qu'un sens donne toujours è ses impressions; 3" enfin une idée sensible peut-être distincte dans son ensem- (G9) < Sans l'usage dus signes, dit Dugald-Sie- wart, toutes nos pensées se seraient borné<;s aux inilividus. > ( Elém. de la phil. de Veiprit humain, tom. I, pag. m.) — A part qiii^lqucs détails peu exacts, l'auteur de l'article l'arote, dans VEuc^lO' pidie du xix* siècle, trace de la situation intellec- tuelle de riiomnic, dépourvu du signe, un tableau qui peut aider à faire comprendre tout ce que la pensée doit au langage. I il n'est pas.t dit-il, I difficile des'expliquerces in- gulicr état de langueur iniellecluelle «lu muet, non du muet à qui l'abbé de L'Epée a révélé un langage symbolique, traduction fidèle du langage vocal, mais du muet abandonné à la seule nature, tel que nous le supposons, du muet qui ne peut ni parler, oi lire, ni voir en lui-même, sous quelque emblème connu, sa propre puiisée. Les choses qu'il a vues, les évé- nements dont il a été témoin, les impressions qu'il a ressenties, il les retrouve aisément dans sa mé- moire, mais il les retrouve si>U'« leur première Tor- mc, plus ou moins afAiblit; par le temps. Il se sou- vient des lieux qu'il a habités et les revoit tels qu'il les a laissés, des persoiineir qu'il a aitnées ou le- doutées. des émotions qu'il a éprouvées' près d'elles. Mais, pour lui, l'idée du paysage ou celle de inai- $uii se cuitrotid avec. U mic inteiieure de telle mai- aon ou de tel najrsage; le nom de tel homme, ceux de sa mère et de ses frères, sont identiques à la vue intérieure de la personne de sa mère ou de celle de ses amis ; l'idée des hommes, en général, se pré- sente »ous l'aspect d'une multitude dispersée ou assemblée; l'idée de joie, de chagrin, de jiisiicp, n'est que le ressentiment plus ou moins profond des sentiments qu'il a éprouvés dans tel et t«l niomeul de sa vie. Les idées abstraites, il les a donc; n ais elles se présentent à liti sous une forme connètp, (qu'es; -ce que des idées abstraites sous une forme concrète?) et toujours environnées du cortège nua- Scux des phénomènes circonstanciels sous lesquels les a une fois perçues. Il ne peut les eu dépger pour les revè ir d'une forme plus pure qui lut per- mette de les contempler en elles-mêmes, ou qui s ap proprie aisément à toutes les hypothèses sous les- quelles se rencontrerait la même idée. Il est donc obligé, pour penser, de remuer en quelque façon d'imin» nses machines qui fatiguent bientôt sa tète et répandent sur ses conceptions toute sorte d'em- barras et de téiièbres. Do là l'iin|H)ssibilité et le dé- goût de toute oeuvre mentale qui exigerait un p«u d'huleitie. > — lou. la note A à la Un de l'inlroduo- lioo. ilO I, une diflv -cnco quée : c'est que , ne pense aux isis dans les ob- moire les objets iens. Les choses îsprit, et non les nés ; il no pense ur lui , c'est re- lations que i'ob- it se passe dans ^t en scènes ani- it parlieitemenl. ns l'enfant, dans , le pouvoir de es d'une impres- épélons , ces d(5- son esprit qu'i- qui les supporte, l'image d'un ob- p(,;.d, etc., déter- ncheur, de cha- it ainsi de mille de rapports (69). plusieurs espèces idées sensibles • inctes parce que ô les éléments, a fait ressortir, iers qui les unis- ses qui les sépa- es peuvent être irs éléments, en qu'un sens donno 3" enân une idée dans son ensem- dc tel homme, ceux Il idciiliqiies à la vue mire on de celle de en général, se pré- liiluue dispersée ou chagrin, de jnsdce, u moins profond des IIS tel et l«l inomeul il les a donc ; u^ais ine forme coiicièle, Iles sous une Turine léesdu cortège niia- nciels sous lesquels peut les en dé^.igiT us pure qui lui per- ■inénies.ou quisap ypotlièses sous lés- ine idée. Il est donc en quelque façon lient bienléi sa tète IIS toute sorte d'em- iipoisibililé et le dé- |ui exigerait un peu la Od de l'inlroduo- 117 ESSAI SUR L'EVOLUTION DE ble, en raison de la vivacité de l'impression qu'elle fait sur la conscience; l'Ame alors embrasse l'objet d'un seul regard sans qu'elle en ait démêlé les qualités diverses ou saisi les détails; mais I image qu'elle en a tion- servée est si vive, qu'elle ne le confond avec Aucun autre et elle le reconnaît partout où elle le retrouve. U y a dans tous les esprits un grand nombre de ces idétt-imaget qui n'ont jamais été analj'sées, et dont chacune, dans son ensemble, se détache nettement sur le fond de la conscience. Or, si nous obser- vons ce qui se passe dans les animaux, il nous paraîtra évident que pour établir une distinction entre leurs idées, ils n'ont point recours & l'analyse de leurs éléments : leurs moyens de décomposition sont trop bornés, et il leur serait d'ailleurs impossible de con- server les résultats d'un travail analytique. Chaque idée forme en eux un tableau dont la couleur générale est nette et tranchée, ou dont un seul point est vivement éclairé; c'est ainsi qu'ils parviennent à distinguer les objets qui les intéressent (70). L'analogie nous autorise i croire qu'il en est de même de l'homme privé des moyens d'analyse que lui fournit la parole; toutes ses idées ne sont que des images et il ne saisit que des ensembles. Pour aller au deli d'un senti- ment général et en quelque sorte tynthé- ligue de différence entre les choses, il faut étudier séparément les qualités qui leur ap- partiennent, et comparer ces qualités entre elles. Or, la comparaison des qualités ne produit aucun résultat net et précis tant que l'on n'est pas parvenu à les détacher de leurs sujets (71). Nous ne pouvons donc apprécier quelle serait, sans le secours du langage, l'étendue possible de notre connaissance, qu'endéterminant jusqu'à quel point l'homme serait encore capable d'opérer dans les subs- tances l'Abstraction des modes. Avant d'entrer dans cet examen, qu'il nous soit permis d'insister sur celte mer- veilleuse propriété du langage d'être la vi- vante analyse de tous les éléments de la (70) I Les an'maux.t ditCiivier, i restent toujours i réiat où est l'cnrant lorsqu'il ne peut pas encore parler, c'est-à-dire qu'ils apprennent hicn à connaî- tre, jusqu'à un rerlain point, hs objets qui leur sont utiles ou nuisibles, à se conduire d'anrès celte con- iiaissanre, mais qu'ils ne viennent jamais jusqu'à posséder et à pouvoir manier des idées générales par li; moyen tie* sifçnes qui sont l'instruinenl né- cessaire pour conduire jusqu'au raisonnement de l'hiuiiiiie. t ( Hntoire du iciencei naiur., loin. V. p. 173.) , (71) < C'est principahmpntk ta possession exclu- sive dt la l'acuité d'aburaciion et des autres facultés L'INTELLIGENCE HUMAINE. 118 pensée. Aux prises avec des ensembles de phénomènes et de propriétés, l'homme ini- tié au langage, commence par donner un nom à tous ces ensembles, dont il prend une connaissance vague, superficielle, générale; puis, toujours à l'aide de la parole, il revient sur eux, cherche b en démêler les parties, attribue è chacun d'eux les propriétés qui lui conviennent, rejette celles qu'un aperçu incomplet lui offrait è tort, enfln, prend pos- session des objets ou des faits autant qu'il lui est donné de le faire, en se les représen- tant dans leur totalité et dans les parties qui les composent. Ce beau travail s'il était partout et tou- jours habilement et consciencieusement ef- fectué, serait assurément le dernier degré auquel pût atteindre la perfectibilité hu- maine. Là où dans les sciences exactes, l'homme s'est posé ce but et l'a poursuivi avec persévérance, il a obtenu des résultats prodigieux. Il faut donc que le travail ana- lytique par lequel nous manions les élé- ments de notre pensée, c'est-à-dire les phé- nomènes et les parties distinctes qui les constituent, ait quelque chose de complet et de réel, puisqu'il nous mène quelquefois è celte vérité relative vers laquelle nous convergeons avec effort. Or, ce travail est le fruil de l'analyse dite grammaticale, et cette analyse est depuis l'origine de l'homme le seul procédé dont l'intelligence fasse emploi présentent chacune un des éléments de la pensée, et à mesure que nous prononçons ces paroles, chacun de ces éléments vient s'offrir à l'at- tention de la conscience qui les (lerçoit et les saisit mieux, parce qu'ils sont isolés et distincts des autres éléments. Ain.si, penser, c'est combiner des notions; mais point de combinaisons sans composition et décompo- sition, et point de composition et de décom- position sans le langage. La pensée, en effet, séparée du langage ou de l'art, est quelque chose d'infini, de vague, d'in.xaisissable; la parole lui donne une forme, elle la limite, elle lui donne le caractère de fini, elle la met au monde, si l'on peut ainsi parler (73). Il faut que la pensée soit réfléchie, et en quel- que sorte condensée par l'art pour être sai- issable. La lumière pure n'éclaire point, substance et rrllue pour ainsi dire par sa racine \ers son centre pour s'y n-poscret s'y souder. C'est le terme mystérieux de la proposition. (73) L'évolution de i'intelligence humaine à l'aide du langa(;e peut nous aider à comprendre, au moins jusqu'à un certain point, l'évolution de l'inlflligence divine. Une haute contemplation nous fait entrevoir comment, dans les profondeurs de l'intelligence divine, se lorme, émerge , pour ainsi dire, une notion inlinie. illimitée ; comment encore, k l'aide d'une activité (|ui lui est propre, celle intelligence ne cesse d'imposer à cetie notion première dus limitations, des déteiininalions nouvelles. Or nous ne saurions tenter de nous rendre compte de la fa- çon dont nous exprimons notre pmpre pensée par le langage sans apercevoir que les choses ont lieu absolument de même. Nous voyons sous toutes les formes que peut revêtir la pensée (|U'il s'agit tou- j'iurg d'une notion plus ou moins générale, à la- ijuelle nous faisons subir une nouvelle limitation, déierminalion. Nous le faisons »u moyen du verbe, qui léunit, met en contact les deux termes de la proposition, base cl fondement de luul langage. Le verlie esl ainsi l'expression de celle activité inlellec- tuelle qui nous pirinel e de l'homme deri^ nt l'écho du Verbe suprême, du Verbe di; Dieu. Mais tandis que nos propres paroles frap|)cnl l'air d'un vain siui llienlAt évanoui, la parole de Dieu, en raison de ce mystère de la création pour nous iusontlable, prend corps et consistance ; elle devient visible et dnra- 'ble. Supposons que toute proposition émise dans le langage humain, par cela même qu'elle a été émise reçoive une existence réelle, objective ; sup- posons qu'elle se matérialisa en quelque soi te aus- siidt que prononcée, et ptMil-éire pourrons-nous nous faire une idée, bien' qu'affaiblie, de h façnn dont les choses se pass-'nl daiiliiiir, car les individus ne sont pas susceptible» L'INTELLIGENCE HUMAINE. IM se concertent l'unflé et la variété, l'être et le paraître, la substance et le mode, se nomme relation ou rapport. Aucune réalité ne peut subsister sans ces trois éléments qu'elle assemble et harmo- nise en soi. Substance, qualité, rapport, voilé l'être, voilà le monde; notion de la substance, notion de la qualité, notion du rapport, voilà l'idée; le signe, c'est le sujet, le verbe et l'attribut; le sujel qui flgure la substance, l'attribut qui figure le phénomène, le verbe qui flgure l'union de l'un et de l'au- tre dans une même existence. Le signe arti- flciïl se pose logiquement a priori, c'eit-à- di.-d qu'il va du sujet à l'attribut en passant pt** le verbe; le signe naturel, au contraire, vh du dehors au dedans, de la circonférence au <;entre. Il impose à la raison >e mode a posteriori, tandis que le signe artificiel la place a priori. Ainsi, constitué dans le mode a posteriori de la connaissance par sa na- ture relative et contingente, l'homme est placé a priori par le langage, qui lui révèle l'universel, l'abstrait, le nécessaire, etc., et voilà la vraie fonction du signe : il fait pas- ser la raision humaine de la puissance à l'acte. Approfondissons celte merveilleuse pro- priété du langage et voyons comment il Of < iU. On sait que pour exprimer les modes, nous employons deux espèces de roots. Les uns, appelés adjectifs nous les montrent dans une relation do dé|)en(lance à quelque sujet exprimé ousous-entetniu. Tels sont les mots blanc, solide, liquide, pesant, sonore, etc. Les autres, comme blancheur, solidité , liquidité, pesantextr, son, etc., sont des substantifs abs' traits qui nous font voir les modes en eux- de déllnitions : les iiAlversaus seuls en comportent. I Sans notions abstraites et générales, il n'y au- rait ni raisonnement ni langage. « Les animaux ne se montrant point capables de distinguer les divers attritmts d'un même snj^l, de classer Irs choses en genres et en espèces, de défi- nir, de raisonner, de communiquer leurs pensée» par des signes artificiels, comme le font les hom- mes, il y a lieu de croire , avec Lo.ke, nn'ils sont privés de la faculté d'abstraire et de générali- ser, et que c'est une différence spéciliqne entre eux et l'espèce bnmaine. » (ËMat, v, citap. 5, p. i4G.) I Sans la lumière préalable de la généralité supé- rieure, la généralité inférieure ou individualité res- terait, |H>ur l'esprit ainsi disposé, d'une obscuiitc impénétrable. Une fleur est là soM mes yeux; bo- taniste, je ne suis satisfait qu'autant qite je me re- présente le genre auquel elle se rattache ; c'est le pigaiiion et» Alpes, de Déeandolle, le Thalictrvm alpinum, de Linné! «'(CttiftHit, Estai sur le lamja'jc, p.WI.) lu INTRODUCTION. 121 I ,1 mêmes, indépendamment de tout sujet, et qui les élèvent au rang des substances (75). Nous concevons donc les modes sous deux points de vue opposés ; et cependant un seul de ces points de vue nous est donné par In nature. Toujours en effet la nature nous pré- sente les modes engagés dans la substance; la blancheur dans le lait, la liquidité dans l'eau, la pesanteur dans le corps, etc. Le sujet et la qualité sont donc partout insépa- rables. Mais alors par quel effort d'analyse l'esprit pourra-t-il séparer deux conceptions qui lui arrivent toujours unies et qui font partie d'un seul et même tout? Comment abstraire le mode de la substance ? Les objets eux-mêmes ne peuvent nous conduire à l'abstraction ; ils n'y sont qu'un obstacle , puisqu'ils nous présentent toujours le mode dans une dépendance nécessaire. Quand mon ottention se porte sur ce papier, j'en distingue sans doute la blancheur, mais je ne déplane pas cette moditicotion ; elle de- meure liée à la substance, et je ne l'aperçois que comme partie dans un tout. Si nous nous rejetons sur l'idée, nous n'obtiendrons pas plus de succès. En effet, nous ne pouvons concevoir ni mode sans substance , ni subs- tance sans mode, parce qu'une substance sans modo et un modo sans substance impliquent contradiction. Le mode et le sujet ne sont réels, n« lonl potsibles qu'ensemble ; ils so servent de complément l'un à l'autre, ou plutôt ils ne font réellement qu'un et cons- tituent comme deux faces corrélatives d'une indivisible unité (76). Mais si toute sépara- tion réelle du mode et de la substance est absolument impossible dans la pensée comme dans la nature, qu'expriment donc tes subs- tantifs abstraits? Ils n'expriment qu'une apparence, et l'abstraction des modes ne doit être considérée que comme un phénomèno artificiel produit par l'emploi successif et distinct des signes du langage. Si maintenant nous examinons la nature des jugements humains, nous trouverons qu'ils ont tous pour objet d'unir un mode à une substance ou de l'en séparer. Toute idée de mode implique un rapport , et dans la réalité intellectuelle, on ne pourrait dé- gager le rapport de l'idée même sans dé- truire celle-ci. Il y a, dans toute idée de mode même le plus simple, deux éléments inséparables, l'impression produite par son objet et la conception d'un rapport quel- conque qui la détermine. Or, pour percevoir ce rapport, il faut avoir comparé ses deux termes. Mais pourcomparer les deux termes dont le premier est une idée de substance, le second uneidée de mode, il est nécessaire préalablement que chacune de ces idées soit le itil; (75) Dans les langues témliiqiiet. Il n'y a pas, à iropremenl parler, de noms abstraits; eu hébreu, les mots qui y correspomlenl sont lous ou des subs- tantifs pluriels ou des adjectifs féniiniiis. Ainsi la vie se traduit par un mot ^ui signifle littéralement les vivants, ceux qui respirent, ehaUm; vieillesse et virginité, par takenim et beloulim, les vieui et les vierges ; Diviniié ou Dieu, par elohim, les forts uu les forces ; Jusiic«. par uedeqah, le juste, cic. D'un côté, ^est i» cullcoiun prise pour désigner la qualité commune à toutes les parties du groupe ; de l'autre, c'est la pt-rsonnilication de celte qualité. Ce dernier piooédé parait avoir été suivi exclusiventent nar les langues indo-geiinaniques, dans lesquelles les noms al>àti'aits sont furinés généralement de deux radicaux, l'un qui exprime l'idée purliiulièro cachée sous l'abstraction; l'autre, qui sert pour ainsi dire à réaliser cette idée : virj|iii-i8 ce sens lorsqu'on dit, par exemple : Remède tau$ venu. Alors il représente une idée particulière. Mais les moralistes oal pris le nom de vertu pour désigner tout effort que l'homme fait sur lui-même eu résistant & la fougue de ses penchants ; la venu, dans ce sens, indique une série logique. Le procédé par lequel le signe représentatif d'une idée simple devient signe de série logique se noniiiiv. génirali- saiion. La série logique constitue une partie consi- dérable du langage humain, et sans elle le discours serait impossible. (7G) I Quand je vois la plaine lune et que je lixe mon attention uniquement sur son contour, je forme l'idée de la rondeur, mais je ne saurais dire que la rondeur existe par elle-même. La lune est bien ronde, mais la figure ronde n'existe pas séparément hors de la lune. Il en est de même de tontes les au- tres figures ; ei quand je vois une table triangulaire ou carrée, je puis avoir l'idée d'un triangle ou d'un carré, quoiqu'une telle ligure n'existe jamais par elle-même ou séparément d'un objet réel doué de cette fleure. Quand je vois un poirier, un cerisier, un sapin, etc., louies ces idées sont différentes; mais cependant j'y remarque plusieurs choses qui leur sont communes, comme le tronc, les branches, les racines. Je m'arrête uniquement à ces choses que les différentes idées ont de commun, et je nomme un arbre l'objet auquel ces qualités conviennent. Ainsi, l'idée cfe l'arbre que je me suis formée de cette façon est une notion générale et comprend Us idées sensibles du poirier, du pommier, et en géné- ral de tout arbre qui existe actuellement. Or, l'ar- bre qui répond k mon idée de l'arbre n'existe nulle part; il l'est pas poirier, car alors les pommiers en seraient exclus; en un mot, il n'existe que dans mon àme, il n'est qu'une idée, mais une idée qui se réalise dans une infinité d'objets, t (Evler, ii* part., lettre 82.) ' v * IIS ESSAI SUR L'ETOLUTIOM DE isolée, potée k pari dans notre esprit et mise en race de l'autre. Or, avant le signe qui l'ubstrait, le oioiie se montre toujours engagé dnns la substance , et les conceptions do ces ilf'ui éléiDcnls corrélatifs forment dans la conscience un tout indivisible; il suit du là que, sans l'usage du signe, oucune compa- raLsoi) ne peut avoir lieu, et que, par consé- qut'iit, les trois parties du jugomeiil, Mujti, ttUribut et rapport, n'apparaissent plus iso- lées, mais forment dans la pensée une seule el unique conception ; et si, dans cotte con< ce|ition, on peut apercevoir trois faces ou trois points de vue distincts, il est impos- sible d'en considérer un seul ailleurs que duns le tout indivisible où il est compris. Enlin, sans le langage, les parties du juge- ment ne se présenteraient pas non plus dans un ordre successif; la succession en elfet n'est pas dans la pensée dont les éléments sont corrélatifs et par conséquent simulta- nés; elle est uniquement dans les termes do la proposition qui exprime les parties du jugement , non dans l'ordre où l'esprit les forme, mais dans l'ordre où il les distingue. Les considérations que nous avons pré- sentées sur la simultanéité et l'indivisibilité des éléments qui constituent le jugement dans l'esprit humain et sur l'impossibilité, sans le signe, d'abstraire le mode de la subs- tance, sont applicables à toutes les hypo- thèses que l'on pourrait adopter sur la for- mation de nos jugements. Kefusera-t-on d'admettre que le jugement soit un résultat de la comparaison ? Le jugement sera alors une perception analytique des qualités con- tenues dans un sujet soumis k l'observation, ou une conception immédiate et synthétique de rapport suggérée par l'intérêt rationnel. Dans le premier cas, c'est-à-t>nsée. L'expérience doiiioiiire qu'il est rare que, dans U prati(|ue, lus Inspirations du sens commun nous prosentent dis- linctemenl un sujet, un attribut et un rapport ; elles eut peine à se laisser traduire en propositions, et )uie tendance naturelle les ramène toujours à la forme du sentiment. (78) Votf. Laromiguière, Leçont de philotophie, toin. Il, citiquicuie Iccna. — Mous fiions ruiuuniuer L'INTELLIGENCE HUMAINE. ifO le jugement est un produit immédiat do l'instinct. l'identincation et la simultanéité des parties qui le constituent sont nécessai- rement impliquées dans l'origine même qn'on lui assigne (77). Ainsi, dans quelque hypothèse qu'on le place, dès que l'on fait abstraction du langage, on trouve toujours dans te jugement une conception simple, dont les faces sont réellement inséparables et se montrent simultanément. « Le lion n'a jamais posé ici l'idée du moi, là l'idée de la force, et entre ces deux idées la notion du rapport qui les unit ; jamais il n'a dit en lui- même successivement et en séparant ces trois choses : Je $uii fort ! il les a senties dans une conception simple, qui est une dans sa nature et triple dans ses as- pects (78). » En supposant d'oilleurs que le mode pût en réalité être conçu indépendamment de la substance, on ne pourrait l'abstraire sans la généraliser. Tant que nous nous représentons In mode dans un objet déterminé, il reste individuel dans notre pensée, nous le con- cevons nécessairement dansia substancequ'il détermine, et l'idée de mode est alors telle- ment engagée dans celle de substance qu'il y aurait folie à vouloir se rappeler l'un sans l'autre. Or, quand la nature n'offre à nos yeux que des modes particuliers, toujours indis- solublement attachés à quelque sujet, de bonne foi, peut-on croire que, sans le se- cours de la parole,on parviendrait h leur Ater ce qu'ils ont de déterminé dans chaque être pour ne plus voir que ce qu'ils ont de com- mun? Pour rendre la difficulté plus sensi- ble, prenons un exemple et voyons ce qu'au* rait à faire, pour former la notion générale de blancheur, un homme dépourvu du si- gne. Etant données, je suppose, les idées de papier, de lait, de toile, etc. , il lui faudrait isoler chaque couleur particulière du sujet auquel elle appartient et des autres qualités qui sont unies avec elle dans le même sujet; après celte première abstraction, contrariée que si tous nos raisonnements rouient ici sur la substance et le mode, c'est que tous les objets de notre pensée sont conçus sous le double point de vue du sujet et de l'atttibiit, et par conséquent de la substance et du mode. Celle corrélation entre dans tous nos Jugements et en détermine universellement la forme. I Aucun jugement. > dit M. Gourju, i ne peut sub- sister dans l'esprit s'il n'est exprimé. En sorte que, sans le langage, la raison serait un« force réduite à rinaclion. > m IMTROUUCTION. IM nmii i • !i >l il n ,t , il cherche un conceptions dans dividuel. Veut-il, idée générale de luainT il Sxo son que lui présente- sujet de même )n esprit sur des in qu'a nuire esprit nre , ii une catégorie Ile part on ne trouve lerniinëe que dans U e racine iiui marque aUaclier intiniemttnt ;e ; ce n'est pas une le, eitérieure, super- ins les langues occa- une combinaison or- ratiou mutuelle dcH enl pour former une Mliaéc par l'accent dirait que ceux qui nt nuanié)-8, savent is le non-moi , louK; me individualité, et ne se comprend que . Cette puissance de liic, de faire qu'un ision avec un autre, nces et dépendances, Siemple hngulstique I, du sens iransfor- 1:5 ESSAI SUR L'ItOLIITION Dl points de vue partiels , il fait de l'individu qu'il observe le type du genre. On procéda de In même manière dans toutes les sciences physiques et naturelles. Jamais les déflniliona ne sont intelligibles par elles • mêmes : on no parvient k les comprendre, qu'en les ap- pliquant k quoique modèle que l'on ima- gine ou que l'on a sous les yeux. I..es choses se passent de mémo encore quand on aborde l'élude (te soi-même; les phénomènes ne se conçoivent point immédiatement sous un point de vue général 1 la réflexion se con- centre sur des souvenirs, sur lea impres- sions que les dit[érents actes individuels de la pensée ont laissées dans la conscience. Enfin la mémo nécessité de fonder les con- cepts ou raisonnements généraux sur quel- que concept ou type individuel se manifeste plu.i clairetuent encore en géométrie. A-t-on è démontrer un théorème : on n'y parvient qu'k l'aide d'une flgure (Mirticulière et dé- terminée. En résumé, quelle que soit la science que l'on étudie, on ne peut, dans le principe, contprendre ni les délinitions ni les raisonnements sans les secours de mo- dèles ou exemples individuels, qui servent de fondement ou de support aux concepts généraux que nous formons. L'objet qui occupe l'esprit dans les méditations généra- ' les ou scientifiques est donc toujours ou un individu réel, considéré comme type du genre, ou une idée individuelle, que l'on (81) I On n» niera pas, je suppose, que celui qui commence à étudier la géométrie, considère les (1- gurei comme des ohiets individuels, et uniaucmeni comme des objets individuels. Lorsqu'il lit, par i-xemple, la démonstration de l'égalité des trois an- gles a di;ux angles droits, il ne pense qu'au triangle qu'il voit tracé sous ses yeux ; bien plus , son at- tention est tellement absorbée par cette flgure par- ticulière, que ce n'est pas «ans qu Itiue dilAculté qu'il parvient d'abord & appliquer la démonstration à dvi triangles d'une autre fspéce, ou même en- core i ce premier triangle placé dans une position renversée. C'est pour rednsser cette pente naturelle (le l'esprit , qu'un maître inlelligeni, lorsqu'il est assure que l'élève comprend parfaitement la force di; lu démonstration, appliquée au triangle particu- lier choisi par Kuclide, varie la Ugure «le plusieurs manières, alin de lui fnire voir que la même dé' iiKMistration . exprimée dans les mêmes ternies, est également applicable à toutes. C'est ainsi qu'il ar- rive peu à peu ii comprendre la nature du raisonne- nHiit général, et que ton esprit se met insensible- ment en possession de ce principe logique, que, lorsqu'une proposition malbémalique ne contient tluiis son énoncé qu'un certain nombre des attributs «le la Ugure qui sert d'exemple , la même proposi- tiuii est vraie à l'égard de toutes les autres flgures ayunt les mêmes attributs, quelque différentes qu'elles puissent être d'ailleurs par leurs particula- rités propres et distinctives. • Le calcul algébrique appliqué à la géométrie L'INTLLLIGENCE nUMAINR. ISO envisage sous certains points de vue par- tiels, et dont l'application est généralisée par le langage (81). On convient de la nécessité où nous som- mes d'appuyer, dau4 nos premières éludes , noa conceptions générales sur dt-s idées in- dividuelles, mais on veut qu'après un long cxeruiro do notre intelligence aux généra- lisations, la nécessité d'écloircr l'abstrait par le concret cesse de se foire sentir. L'objection accorde donc qu'au moment où nous abordons pour la première fois l'étude des sciences, on ne |>eut comprendre l'abstrait que par le concret. Nous no disons pas autre chose. Mais nous soutenons do plus qu'en tout genre et dans toute hypo • thèse, le raisonnement ne paraît devenir indépendant des idées individuelles qu>) quand une fréquente répétition l'a tourné eu habitude. D'où lui vient alors ce caractèio apparent du généralité pure et abstrnite? On n'en saurait chercher la raison ailleurs qiiu dans l'habitude, qui nous permet de détour- ner notre oltention des idées, pour la con- centrer sur des combinai-sons de signes qui nous sont devenues familières. Quand nou-« nous occupons de matières, qui sont depuis lontemps l'objet de nos études, nous cessons d'éveiller distinctement les idées et de cher- cher leurs rappels en elles-mêmes : nous nous laissons conduire par les nombreuses liaisons, précédemment établies entre les place cette théorie sous un jour plus vif encore. Co calcul, en effet, 1 présente queii|uefois d'un coup I d'oeil , dit llalley, tous les cas possildos d'un problème, et enil>rasse souvent, dans l'énomé il'nn tliénrème général , toute une science qui , iléveloppée en propositions et déinonirée a la manière des anciens, pourrait fournir la matièi e d'un traité. • « Si dans cette discussion je prends mes exem- files dans les mathémaiiiiucs, c'est parce que, à 'époque de la vie où Ion aborde cette étudr, l'esprit a acquis un degré suffisant de maturité pour éire en état de réfléchir sur les pliases de sch pm- grès ; tandis que, dans les conclusions générales auxquelles nous sommes arrivés et hubitnés «'es l'enfance, il nous est tout k fait impossible de cons- tater par l'observation directe quel est le procédé que notre pensée a primitivement suivi dans leur acquisition. Sous ce point de vue, les pas mal as- surés et incertains du géomètre débutant offrent au logicien un phénomène particulièrement intéressant et instructif, pour éclairer l'origine cl le développe- ment de nos facultés ratiimncllcs. La véritalde théorie du raisonnement, et surtout du rtti$oniW' ment giniral, peut ici être clairement déteriniiiée par tout observateur attentif, et peut ensuite èiio appliquée avec confiance i toutes les autres bran- ches de la connaissance humaine. » ( Poualii- Stgwart, Elément* de la phil. de l'aprii humain, I. il, p. 79,81,82.) m ll m ti Il ils i i i\ !f II* M' i\ u M iiîi '■■ I II 1 m m Mit s' ■i i m ir>i signes; et le langage ordinaire devient pour ie savant ce quo les caractères algébriques sont pour le mathématicien (82). Assurément quand nous parlons, quand nous improvi- sons, nous n'attachons pas actuellement à tous les mots que nous prononçons un sens distinct et précis (83). Puisque, dans nos raisonnements habituels, les idées ne sont pas actuellement distinctes pour la conscien- ce, nous n'éprouvons pas non plus actuelle- ment les rap|)orts qui les unissent. Notre esprit se renferme donc alors dans des combinaisons verbales, auxquelles il attri- bue par habitude le caractère de la vérité; c'est là un fait d'expérience (8i). Ainsi donc MOUS croyons qu'il reste démontré que les concepts généraux sont toujours liés dans INTRODUCTION. 133 notre pensée k quelque idée individuelle, puisque tout raisonnement qui cesse do s'appuyer sur des types ou sur des exemples particuliers revêt un caractère en quelque sorte algébrique et se renferme dans des combinaisons rapides de signes associés par l'habitude. C'est dans ce dernier sens que Dugald-Stewarl a dit : « Lorsque nous rai- sonnons sur les classes ou genres, les objets de notre attention sont de simples signes; ou si, en quelques cas, ie mot générique nous rappelle des individus, celte circons- tance doit être regardée comme l'elTet d'une association accidentelle, et elle a plutôt pour résultat de troubler le raisonnement que de le faciliter (85). » Des considérations développées dans ce ,(82) C'est a la faveur ae l'emploi des letlres de PaiphatH't dans l'algclire , que Lcilinilz et Berkeley «lit si bien réussi it taire cnniprendre l'emploi du langage comme inslruineiil de la pensée. (83) Il n'est pas vraisenilthibli; , en eOet , qu'un savant qui improvise attache aciuellenient à tous les mois qu'il prononce un sent d'une précision rl- );oureuse. Voulez-vous une preuve de l'obscurité actuelle de ses idées? Arrôiez-le sur un mot quel- conque, et dcniandez-lui de le dclinir : il sera forcé de réfléchir un muinenl avant de vous répondre, et |H)nr trouver les éléments île sa déllinlion, il lui iaiidra les chercher. Du reste, ce que nous disons du savant, nous pouvons le dire de tout homme qui a l'usage et l'Iiabilude de la parole. Il y a bien peu d'hommes qui observent avec assez de soin les divers emplois iies mots pour déterminer avec pré- cision tous les éléments de leur signilleation. Quand on est parvenu à saisir les principales idées élé- mentaires comprises dans une idée complexe, on s'en lient pour le reste ii un senlimeni vague, et comme l'usage nous apprend à faire des noms d'idées complexes une application baliilucllemenl juste, on linii par s'imaginer que ces idées sont aussi précises que les notions des substances et des modes simples; souvent inéine les noms de ceux-ci ne sont pas les moins diiliciles à détinir. Qu'une personne sans instruction vous dise en par- lant de t'iMiains objets : J'en romiuii le nombre, la (orme el la couleur. Si vous lui demandez ce qu'elle entend par nombre, forme et couleur, il lui seni imposslblf de vous en donner ta déllnilion , el pourtant il est incontestable que cette personne se comprenait bien, et que vous l'avez bien comprise vous inciiic. Pour ie commun des hommes, nombre, c'est lin , deux , trois, etc. ; ferme, c'est ce qui est carré, rond, cylindrique, etc.; couleur, c'est le blanr, le noir, le vert, le jaune, le rouge, etc. < Le langage, i dli le profond linguiste Lassen,* n'exprime jamais ailéqiialement, ccniplélement l'objet, mais se borne à rendre le caractère saillant, ou ce qui lui parait tel. L'étyniologie a pour bu; de retrouver ce point de vue. Partout la ntUtion, l'expression i.'est que partielle. > (84) C'est dans le sens que nous venons d'expli- quer qu'il est vrai de dire que let moti $onl lei idée$, el que let idée» sont le$ moU. Certains espriis snperticiels su sont beaucoup récriés contre ces expressionj ; ils n'ont pas su ilislinguer entre l'homme qui a rhabilude de l'emploi des signes dont il a acquis depuis longtemps une parfaite inlelli- gcuce , el celui i qui pour la première fois on en- seigne simultanément les signes et les idées. Par habitude, l'idée s'incarne dans le mol , s'incorpore au mol : de sorte que pour l'esprit alors le mot c'est toute l'idée, el combiner des mois c'est réel- lement combiner des idées , aussi bien lorsqu'on pense sa proie que lorsqu'on parle sa pensée. < L'action everréc sur la pensée humaine par In langage, t dil M. Ampère, < se fortifie tellement par l'habitude que le signe finit par se confondre coin- plétcment avec l'idée, i (Enai $ur la pliilotopliie detieiencei, t. Il, p. Kl.) Comparés aux autres systèmes de signes, et en particulier aux signes oculaires, les signes vocaux présentent plusieurs avantages inappréciables ; ils impliquent deux éléments es.senlielleint-nl dislinris, l'articulation el le son. Ces deux éléments sont réellement séparables dans l'emploi de la parole. Quand nous réiléchissons, la parole intérieure dont nous nous servtms ne conserve plus que les ariicu- lalions; an se dépouillant du son, elle Aie toute prise à l'imaginalion, el donne aux signes un ca- ractère de spiritualité presque égal ^ celui qui au- pariienl à la pensée. Dans l'exercice des faculies analytiques el rationnelles , nous panions donc ces signes vocaux ; nous ne sommes obligés ni de les firoduire extérieurement, ni même de les imaginer. 1 n'en n'est pas ainsi des signes ociilairatière d'observations, afin d'y découvrir les vérités générales qu'ils renferment, ou bien les termes d'application des vérités gé- nérales dont ils font partie. Toutes les scien- ces se composent de vérités générales et de» rapports que ces vérités ont entre elles; et l'intelligence ne se nourrit que de vérités générales (88), dont la possession donne h l'homme un rang si distingué dans la créa- tion. Ainsi on doit comprendre que tous les travaux de la raison se bornent h cette dou- ble opération : tirer des faits individuels les vérités générales qu'ils contiennent, trou- ver, dans ces vérités, les vérités moins gé- nérales qui en font partie. C'est dans ce cer- cle étroit dont la raison ne peut sortir, et par cette double opération sans cesse répé- tée, qu'elle donne à l'intelligence tout le dé« vcloppement que celle-ci peut recevoir. Ces deux opérations sont le jugement et le rai- sonnement, ce qui suppose que l'ofllcc de la raison se borne h juger et h raisonner. Mais, sans abstraction et sans généralisation, il n'y a ni jugement proprement dit ni raisonne- t'etprii humain, 1. 1, (86) 4 Les ahstraclions font la bcuutë «le nos lan* giies et nous rapprochent des es|irils cëiesies, qui s'entendent par intuition. • (Duponceau , Mimone mr te iyitime grammatical det tangitei américamtt , p. 5i.) (87) I Le vocabulaire d'une langue est un réper- toire d'idées abstraites. La cointtinaison la plus simple des termes du discours, la proposition , est roinice d'iilëus alisirailus. Li; sujet, le verbe et l'at- tribut sont trois lurines alislrails, un s<;ul cas cx- ccpli', l(irs(piclu sujet est un nom piopru. Un ordre pirtieulier de science porte le iioiii de sciences «twiraiws; mais elles le sont toutes. L'iiidi\idu, Vèlte concret, n'y flgure que dans son rapport avec son genre ou sou espèce, ou avec sa loi. i Voyez la spirituelle et iiiléiessanle leçon deLaroiniguiére, sur les idées altstrailes. (Lefoiu de Pliil.) — Voif. la noie It, ii In lin de l'Iutroduciion. (88) < Non-seulement tout langage, mais toiiio proposition serait impossible sans les termes géné- raux ; ces tenues furiiieiit le fond des langues, < t seuls, leur coiniiiuiii(|uciil cette inappi'éeialile pro- firiélé d'exprimer sans elTcU't et avec rapidité louies es vérités de IVxiiérieiue et toutes les découvertes delà science. » (Reio, Eitai, v, c. 1.) fdS INTRODUCTION. 138 m m iRonl (89). Donc, faute du signe ou du lan- gage, l'homme ne pouvant s'élever à l'abs- traction et à la généralisation, ne peut non plus former aucun jugement, aucun raison- nement, et ne peut, par conséquent, consti- tuer sa raison. Sans le signe, point d'idées abstraites ni d'idées générales, point de jugement ni de raisonnement, ajoutons point de principes de raison, dits encore principes absolus, principes de sens commun, vérités nécessai- res, principes premiers, principes ou véri- tés de raison, etc. En eOTet, ces principes ou idées et vérités nécessaires, universelles, ne peuvent aussi se développer dans notre es- prit qu'à l'aide du langage. Elles existent d'abord dans notre intelligence à l'état con- cret, enveloppées dans les notions sensibles et dans nos jugements particuliers. Pour les en dégager, pour les concevoir sous leur forme abstraite et pure, il faut un signe qui facilite celte opération de la pensée et eo fixe le résultat. Sans cela l'esprit retombe» rait bientôt sur lui-même, épuisé par l'ef- fort infructueux qu'il aurait fait pour saisir l'idée dans son abstraction et son universa- lité. Il resterait donc enchaîné dans les liens du monde sensible. Jamais il ne s'élèverait à l'intelligence claire et distincte des idées et des axiomes de la raison. $ IV. — Répon$ei aux objection». — Cotttroverie. Oljection. — Pour être exprimé!, lesgen* res doivent exister ou dans les choses ou dans l'esprit. Or, ils n'existent pas dans les choses, on l'a démontré contre les réalistes t donc ils existent dans l'esprit et sont de purs concepts de l'entendement. Répome. r- Les genres, nous le recon- naissons, ont une existence dans l'esprit hu- 29) t Les idées générales de toute espèce, les s abstraites, les idées composées, les opinions, les croyances, les vérités intellectuelles et morales de tout ordre ne peuvent se former, s'étahlir et se conserver qu'au moyen de« mots auxtiuels elles sont aUarhées.i ^De LkKi>hu.Lkc,Elude$élémeHt. de phil., t. Il, p. 274 et passim.) < B. Hoc unum me maie liabcl, quod nunquam a lue nitam veritatem a^nonci, iuvenirî, proliari animadverto, nisi vocabulis vel aliis signis in ani- mo adliibitis. < A. Imosi cbaracieres abesseni, nunquam quid- qnaui distinctecogitaremus, neque ratiocinaremur. i (Leibmitc, Déal. de eontux. iHier tu et verba, Œu». phil., édit. Ruspe. < A et B tombent d'accord sur ce point que, sans les signes ou les caractères, nous ne pourrions penser di8tinclenieiU„rai8onner, etc. M >i'en8nit que pour les opérations de l'esprit, si iwu qu'elles main et les mots qui les expriment ont un sens; ils expriment une conception réelle, mais cette conception n'est ni isolée ni in- dépendante, elle n'est qu'un point de vuo pris dnns quelque idée individuelle. Pour que l'objection eût quelque valeur, il fau- drait faire voir que, si les genres n'existent pas dans les choses, ils doivent avoir dans l'esprit une existence h part, isolée, indé- iwndante. Mais la disjonctive ainsi posét deviendrait fausse; car il est évident que l'on peut exprimer des conceptions partielles, pourvu qu'elles soient distinctes. Sans cein, il eût été impossible de nommer les diver- ses qualités perçues dans un même objul, puisqu'en les percevant ainsi, on ne les a pas encore détachées de leur subsian' e. La question se réduit k savoir non si les gen- res sont des conceptions réelles, mais si ces conceptions sont ou ne sont pas réellement abstraites. « Quoique les idées abstraites et généra- les n'aient pas d'objet réel dans la nature; quoiqu'elles ne soient jamais senties indé- pendamment de la parole; quoique, lors- qu'elles sont rendues sensibles par la pa- role, le sentiment se fonde et se dissimule dans celui de la parole, loin d'être de pures dénominations, comme le prétend Condil- lac, elles sont au contraire une modification réelle de l'Ame humaine; modification vr/ii- ment constitutive de l'intelligence (90). » Objection. — Admettre que le savant n'e.st dirigé dans ses raisonnements que par des associations de signes, c'est rendre la vérilé purement nominale. Réponse. — Quand l'algébristc transforme des équations pour les résoudre, il n'attache actuellement aucune idée aux earactèrcs dont il fait usage. En conclurez-vous que la vérité algébrique est tout entière dans soient complexes. pour le mouvement et la iieltttc de la punsee, les signes sensililus sont nëcessain s. Nous te reconnaissons. > (/>e la valeur de la raison, par le P. Chabtel; p. 17U.) < Les menus Licultés qui , sans l'usage des si- gnes, ne se seraient pas élevées au-dcsMis du la contemplation des individus, se trouvent par li-nr srconrs en étal de saisir sans peine des lliéorénics généraux, que les efforts réunis de tous les boni- mes, appliqués aux cas parllcnliers, n'auraient ja- mais pu atteindre. L'accroissement de force , qui résulte pour l'Iioninie de l'invention des macliims , n'est qu'une faible image de l'accroisseinent de capacité qu'il doit à l'emploi du langage. > (Du- galdStewart, Eléments de la philosophie de l'esprti liHiiiain, t. I, p. I6U ) (00) Cardaillac, Eîf.des éUmenlaires de philoso- phie, t. 11,0. 10, p. 388. 1S8 [)rimeni ont un ncepUon réelle, li isolée ni in< n point de vun lividuelle. Pour valeur, il fau- enres n'eiistent vent avoir dans 't, isolée, indé- ive ainsi posét est évident que plions partielles, nctes. Sans cein, nnier les diver- iin même objul, isi, on ne les a r substan- e. La non si les gen- ellos, mais si ces t pas réellement 'ailes et généra- dans la nature; lis senties indé- ; quoique, lors- ibles par la p«- et se dissimule 1 d'ôlre de pures prétend Condil- une moditicatio.'i lodiQcation vrai- ligence (90). » le le savant n'est ents que par des t rendre la vérilé triste transforme jdre , il n'attache aux earactèros durez-vous que ut entière dans ement et la nelltU! s sont iicces$air< s. valeur de la raitvn, iiis l'usage des si- s au-di-SHtis du la trouvent par li'iir cine dos Ihéurèiiii't Ae ions les boul- iers, n'auraient ja- leat de force , i)ui Ion des macliini-s , racci'oisseiiienl de du langage. > (Du- iUoêophiedei'etprU mtairet dt pAi/vitf* ,37 ESSAI Sin L'EVOLUTION DE les lettres? Non sans doute. Vous n'ignorez pas que les premières équations traduisent les idées de rapport contenues dans l'énoncé du problème , et que la léijilimité des trans- formations a été antérieurement démontrée. L'algébriste sait bien que les combinaisons de termes qu'il forme, suivant des règles qui lui sont familières , correspondent h des rapports réels : il n'a pas créé sa langue sans idées ; mais quand il a contracté l'ha- bitude de s'en servir, il se laisse guider par elle avec conGance ; il croit avec raison à son infaillibilité. Sans doute il n'y a de vé- rité que dans les idées (91), mais 11 ne s'en- suit pas que le savant soit toujours obligé de raisonner sur les idées mêmes et qu'il ne puisse pas se renfermer dans des combi- naisons verbales dont il a précédemment (oiislaté la valeur (92). Objection. — La conscience atteste l'exis- tence en nous de conceptions purement abstraites. Nous pouvons pailcr de V homme, par exemple, de la vertu, du vice sans nous représenter un homme petit ou grand, blanc ou noir ; sans voir dans la vertu un acte de prudence ou de courage , dans le vice un acte de témérité ou de lâcheté, etc. Réponse. -- La conscience no nous révèle distinctement que ce qui e&t distinct dans notre esprit. Toute idée confuse est pour elle comme si elle n'étuit pas. Aucune pro- position négative ne peut donc étro vérifiée par son seul témoignage, car on peut nier l'existence d'un phénomène, uniquement parce qu'il est confus. Or, dans le débat qui nous occupe, le témoignage de la cons- cience n'est-il |>as négatif ? Votre raisonne- ment aboutit à ceci : « Aucune conception individuelle ne me parait jointe à mes idées générales quand je prononce les mots de vertu et de vice. Donc ces idées générales sont de pures abstractions. » Mais que l'idée générale soit abstraite, comme vous le pré- tendez, ou qu'elle demeure liée à quelque idée individuelle, comme nous l'avons sou- tenu , dans les deux cas le fait reste le mô- '91) < La question sur la nécessité du langage est tout à lait en dehors de celle <|ui parla|!;eait les trois écoles de pliilosophes {réatiiles , uominaux cl conceplualisUs). Moi qui n'ai point envie du tout d'être Noniiiiiii . Je suis d'ailleurs fernicment con- vaincu de In nécessité des mots, pour que l'homme soit poité it rcHécliir sur li;s univcrsaux ; ci c'est, je crois, ce que je suis parvenu à démontrer dans l'Ëiiai tur le$ borim de ta raùon humaine (vol. I, p. Uâ et suiv.). I II y a une grande différence entre supposer que Ici univcrsaux sont de purs noms auxquels il ne VlCTlONN. DE LlNQDISTIQtT. L'INTELLIGENCE HUMAINE. 138 me aux yeux de la conscience. Car, dans notre hypothèse, quand, en raison de l'ha- bitude, l'esprit se concentre exclusivement sur un point de vue général , pris dans une idée individuelle, l'élément général de notre conception se détache avec clarté sur le fond de la conscience, l'élément individuel s'ef- face et demeure dans l'ombre et notre in- telligence se persuade qu'il a cessé d'exister parce qu'il no lui offre plus que quelques traits confus. Objection. — L'homme est surtout frappé des ressemblances qui existent entre les objets, et les différences échappent à son premier examen ; comment pourrait-il être si pénible pour l'esprit d'écarter ces der- nières qui s'effacent d'elles-mêmes? Quand j'observo la blancheur du lait, du papier, de lu toile, ne suis-je pas h peu près iden- tiquement affecté? Ai-je beaucoup h retran- cher de mes idées individuelles pour en for- mer une qui soit applicable tout à la fois à la toile, au lait, au papier? Ces généralisa- tions faciles ne paraissent pas même hors de la portée des animaux. Réponse. — La ressemblance et la diffé- rence sont deux idées corrélatives qui no vont pas l'une sans l'autre. Si l'on n'aperçoit aucune différence entre deux objets , il n'est pas juste de dire qu'on ait aperçu leur res- semblance : on les a confondus. L'enfant qui est identiquement affecté par la blancheur du tait, du papier, de la toile, n'a pas pour cela une notion générale de la blancheur : il confond entre elles les nuances diverses que le contenu lui présente dans ces trois objets; et ces trois idées individuelles n'en font qu'une; parce qu'il n'en a pas encore démêlé les différences. On va jusqu'à avan- cer que les animaux même s'élèvent quel- quefois jusqu'à la généralisation , et l'on cite le chien de chasse qui annonce, dit-on, h son maître, par des signes d.^terminés, l'espèce de gibierqu'i! poursuit. A ce compte, un enfant de deux jours conçoit, d'une ma- nière abstraite, la douleur et ses diverses correspond ni clioscs ni idées , et admettre (|ue ce sont des choses rvellemenl cxisiantes en elles-mê- mes, ou au moins des idées existimt dans notre es- prit, bien que nous ne puissions connaître ces c!io- ses ou acquérir ces idées pour la première fois, sans le secours du langage articulé. • (Roshini , Nouv. estai tur l'origine de» idées, p. 146.) (92) I Quelle que soit la science dont on s'occupe, le procédé de l'esprit qui raisonne est toujours par- faiieinent analogue aux opération« de l'algèbre. > (Diiv:ai.d-Stewabt, Elim, de la phil. de l'esprit bu- main, t. I. p. <ôG.) iiii m 130 espèces ; car il ne se méprend jamais dans l'emploi des signes propres à manifester ce sentiment. N'est-il pas évident qu'icirani- mal et l'enfant sont , dans la production des signes, entraînés par leur instinct, qu'ils sont sous l'empire d'idées individuelles for- tement associées et qui se réveillent ins- tantanément les unes les autres ? Tous les jours nous agissons encore en vertu de ces fausses a])parences de généralisation; et notre raison, d'accord avec la conscience, nous assure aue c'est l'instinct qui nous di- rige. Objection. — Voyez l'acte de la pensée dans l'enfance. A peine a-l-il appris le mot arbre et sa signification , qu'on le voit aus- sitôt généraliser ce mot et le répéter en présence de tous les arbres qu'il rencontre. D'oi^i vient h l'enfant celle facilité de géiié- ralisalion, si elle n'est pas le résultat d'une faculté spéciale qui agit par elle mémo et indépendamment de la parole ? Réponse. — Il suffit de confondre deux olijets pour leur donner le mémo nom. Quand l'enfant, après avoir appliqué le nom d'arbre à un pommier, l'emploie ensuite pour dt^signer un poirier ou un cerisier, il n'a pas, pour cela, l'idée générale d'arbre; mais, en raison de la ressemblance des deux objets, le second réveille vivement le sou- venir du premier, et le souvenir du premier appelle à la suite le nom qui y est asso- cié (93). D'ailleurs , longtemps avant d'ar- ticuler dos sons et de les employer exté- rieurement comme signes, l'enfant eu re- tient un certain nombre gravés dans son es- prit. Quand il commence à se faire enten- dre, il possède déjà, depuis plusieurs mois, quelques éléments de la parole. Les longs clforts qu'il fait pour articuler les sons prouvent assez que ces sons ont déjà pour lui un caractère significatif et qu'il en con- ft:,r is!i (93) I Quand un singe va s.ins hésiter d'une noix il I autre, pense-(-un qu'il ail l'iiiée générale de cette 8ortc de fruit ? Mou saut doute ; mais la vue de l'une de ces noix rappelle à sa mémoire les sensa- tions qu'il a reçues de l'autre, et ses yeux , niodi- tiés d'une certaine manière, annoticcnl à son goût la inodiflcatiou qu'il va recevoir, i (J. J. Ruussiiaii, Ditcour» tur foriyme et tet fondement», etc.) (U'i) f Ou est porté d'ordinaire à supposer que li:8 firemicrs essais de la parole sont contemporains de 'élude du langage, liindis que, en réalité, ces es- sais ne sont que la couséi|iicnce des progrès déjà faits sileHcieusom>;nl par l'enranl dans l'iulerpréta- lion des mots ; et longtemps avant qu'il parle , il a déjà surmonté une Toute des dinicultes lugiuucs qui einitarrasscnt si Tort tes grammairiens. • (Diigald- bTF.wAKT, Eléments, eic, t. Il, p. 3CJ.) « LVnfani peut Itiun, à h vérité, donner le nom INTRODUCTION. 140 naît i'usago. Or, cette parole intérieure, dont il ne pouvait encore se servir pour communiquer sa pensée, en secondait en lui les progrès et préparait l'œuvre que vous regardez à tort comme immédiate Cdk). Objection. — Un homme privé du lan- gage, un sourd -muet, par exemple, dis- tingue dans un morceau de cire, qui prend entre ses mains des formes diverses, l'iden- tité de la substance , et la variété des mo- difications; il a donc l'idée générale do la substance et du mode. Réponse. — Ce raisonnement n'est qu'une pétition de principe. Si cet homme n'a d'a- bord qu'une idée individuelle du morceau de cire qu'il tient dans sa main, il ne con- çoit pas la division dos modes de la cire en deux classes, dont l'une renfermerait des qualités essentielles, l'autre de simple.s ac- cidents. Tous les modes d'une substance, quand on la considère dans son individua- 1 ité, sont essentiels. Qu'un seul de ces modes vienne à changer, la substance cesse évi- demment d'être la môme. Prétendre que, pour riiomme dont on parle, la substance de la cire n'a pas changé en changeant do forme, c'est supposer qu'il n'avait pas com- pris la forme dans son idée de la cire ; c'est lui prêter à l'avance une notion abstraite et générale, sans s'expliquer d'où elle peut lui être venue. Objection. — M. Charma : « A chaque ins- tant, le mot que mon idée ap|)elle lui échap- pe; l'idée est là qui attend son symbole; ce symbole ne lui est donc pas indissoluble- ment uni (95). » Ifl. l'abbé Maret : « L'homme a souvent des idées dont il n'a pas, dont il cher- che l'expression. Il a donc des idées siins mots (96). » Le P. Chastel : « Il arrive à tout nomme d'avoir une conception, une idée claire, pré- de pire à un individu semblable à la personne qu'un lui a appris à appeler ainsi, mais ccst par erreur cl non par dessein ; c'est parce qu'il conrond les deux personnes en une, et non parce qu'il perçoii une ressemblance entre elles, tout en les connais- sant diflcreuies. i (b' Wiltiaui Magee . bhcouu et Dinertatiout, etc., I. Il, p. U3, etc., S* édil.) « A vrai dire, il n'y a là ni génér^ililé, ni indivi- dualité; il n'y faut voir nue la matière première et commune dont plus lard, en la soumellanl à des cotiilitiuns diverses , nous formerons et le générai cl t'iudividuel. i (Cuarma , Estai lur le tunaauf, p. 90.) " •' ' (95) Essai sur le tangage , p. 13(. C'est un des rationalistes éclectiques (|tii snulicunenl l'inveuiiuu btimaitie du langage. — Voy. la noie C à la liu de l'Iiili'oduclion. l9li) l'Iiilosopliic et TeU(jiuH, p. 331. irolo intérieure, se servir pour en secondait en l'œuvre que vous lédiale (9h). B privé du lan- ir exemple, dis- cire, qui prend diverses, l'iden- variété des uio- ) générale do la oent n'esl qu'une , homme n'a d'a- lelle du morceau main, il ne con- ides de la cire en renfermerait des re de simples ac- i'une substance, is son individua- seul de ces modes )slance cesse évi- , Prétendre que, iric, la substance en changeant do 1 n'avait pas com- B de la cire ; c'est lotion abstraite et r d'où elle peut : « A chaque ins- ap|>elle lui échap- son symbole; ce pas indissoluble- lomme a souvent s, dont il chér- ie des idées snns e h tout nommo e idée claire, pré- à la personne qu'un lais ccst par erreur !e qu'il confonil les parce au'il perçoit Iniit en iog ronnais- Magee , bitcouu et etc., 3* édil.) .éuériililé, ni indivi- matière première cl la soumellatii à des nerons cl le général tai lur te luiigaye, ). 13t. C'est un dos iticunenl riiiveiiiioii a iiuic C à la lin île 331. 141 ESSAI Sl'R L'EVOLUTION DE Oise et fortement sentie, et de chercher une expression qui lui convient (97). » Repome. — Ceci repose sur une confu- sion. Sans doute avant le mot propre on peut avoir l'idée vague; mais c'est au moyen d'autres mots, d'expressions générales qui sont im mot-propre ce que l'idée vague est à l'idée précise, de sorte que le rapport en- tre le mot et l'idée se soutient constamment. Posé ce principe, tout s'enchaîne parfaite- ment. L'idée ne s'acquiert et ne se rappelle qu'au moyen du mot, parce que dans l'état présent de l'existence humaine, il y a une liaison aussi intime entre la pensée et le langage qu'entre l'flme et le corps.. Rien ne m'ein|péche donc de chercher une idée dont je n'ai aucune connaissance; il suffit pour cela que j'en sente non la présence, comme un le dit, mais l'absence. Cette absence, ja la sens par d'autres idées qui ont rapport à celle que je cherche, et qui m'y conduisent, parce qu'elles ne satisfont pas mon esprit, et l'excitent par 15 même à pousser au delà son activité. On a donc, si l'on veut, une notion négative de l'idée qu'un cherche; cette notion négative se forme des idées voisines, grâce auxquelles on fait, pour ainsi (97) De la valent de la raiton, p. 101. — M. Taldié Reiisa {Le vrai point de la queition entre traditiona- littet et temi-raiionaliite» , p. 34), cl le P. Ventura {Le$ temipélagiem de la pMlotophie, p. iiS), ont cru devuir relever une note de la pa^e lOS du livre (lu P. Cliastel {De la valeur de la ranon) , dans la- qui^ïlc le grave pliilosuplie s'est amusé à broder, avec une licence peu commune, une anecdote qu'il icnak de nous , et dont il a cru devoir égayer un moment les aridités de sa controverse. Une Revue universitaire s'est emparée de cette plaisanterie du P. Cliastel, H l'a cuuroiniée par ce Irait grotesque : < Le traditionalisme est un système qu'une femme réfute en dix mots, t En lisant celte uouiade digne d'an écolier universitaire en goguette , le P. Cliastel a dû s'applaudir de son originale invention , et il aura sans doute trouvé là dedans une compensation aux duretés que ladite lievue ne lui niéiiage guère. Voici, du reste, en quoi consistait primiiivemenl celte anecdote qui a fait tant de chemin : En 1853, nu soir que j'étais allé faire une visite à M. l'abbé Cliaitsay, qui demeurait alors chez M. de Laiour du Pin, rue de l'Université, à Paris, la conversation loinlia sur le rôle du langage dans l'évolution do l'intelligence. Ce fut à ce sujet que M. l'abbé Chas- say me raconta que le soir précédent, dans une réu- nion de personnes distingnées et instruites dont il faisait partie , on avait agité celte niéiiie question, (|u'on avait été géncraleniunt d'avis qu'il y avait iiuposiiibilité de penser aux choses suprasensibles sans les mots, qu une dame seule , plutôt dans le but d'alimenter le d-ibal que par conviction, avait exprimé un sentiment opposé, mais que, n'ayant pu l'appuyer d'aucune bonne raison , cet incident ii a- vait pas eu de suite. Tout le beau raisonnement au- quel cette dame se livre dans la note du P. Chastel, eoiiime tout le dialogue qui précède , est une créa- tion fantastique de l'ingénieux auteur. Du reste , il a été assez mal inspiré dans celle circousiancc. L'INTELLIGENCE HUMAINE. Ul dire, le tour de celle qu'on ignore; on voit ainsi le nœud avant le dénoûment, le pro- blème avant la solution, et on ne possède celte notion négative qu'au moyen de mots quiy sont proportionnés, ùepériphraset, car cemotexpliquetout. C'est précisément ce que M.deBonald, dans un passage que l'on a in- criminé (98), entend par ce qui précède et ce qui doit suivre; c'est le texte idéal. Voilà ces caractères distinctifs, cette connaissance an- térieure qui sert de terme de comparaison dans la recherche de l'idée et du mot; car, encore une fois, il n'y a pas de recherche du mot seul ni de l'idée soûle; en qui est réel, c'est qu'à l'aide de l'idée négntive et des expresisions qui y correspondent, l'esprit trouve l'idée précise, en môme temps que le mot propre et par le moyen du mot pro- pre (99). Objection. — « Les idées préexistent aux mots dans l'esprit... Les idées sont indépen- dantes des mots et de la parole chez les en- fants eux-mêmes (100). »— « On peut croire qu'il n'est point d'objet auquel il ne soit possible de penser, sans penser en mémo temps au nom qu'il porte dans nos lan- gues (101). » Puisqu'il se déciilait à prêter son sel et ses argu- moiits a niic djine du (aiiboiirg Saint-Germain , il aurait été convenable de lui supposer un peu plus de tact cl de prudence, dès lors surtout qu'il lui fai- sait parler philosophie, lr.idilionalisine et métaphy- sique ; il n'aurait point dû lui faire avancer qu'on peut avoir une idée abstraite sans le mot qui l'ex- prime, comme celle d'^toHiieHient , par exemple, qu'il lut lemble avoir, ditelle , sont le mot , au mo- ment même où elle le prononce ; distraction peu excusable qu'aurait pu relever le plus mince baelic- lier présent, eu lui citant ses éléments de psycho- logie. Est-il nécessaire d'ajouter que , dans la discus- sion qui eut lieu dans le salon de M. de Laiour du Pin, il ne fut nullement question de tintliiiona- lisine. Mais le P. Cliastel est habile ; il sait trans- former les choses t't faire arme de tout, comme si la thèse qu'il défend était désespérée. (98) Recherche* phil., tom. Il, p. 14L — Ligiila- lioH primit., loin. I, p. 3â!). (!)9) Votj. la réponse que M. r.iblié Dcrlon a faite à M. de Chalambert dans son Estai philotoph. tur let droit» de la raison, p. 191. (11)0) M. l'abbé Maret, Philosophie et religion, tom. 1, p. 33â et passim. — Le P. Cuastel, De la valeur de la raison, p. 9H, 231 et passim.— Voy. la note D à la lin de l'Inlroduclion. (iOI) Le P. Chastel, op. cit., pag. 101. — Voici coniineiir le P. Chastel essaye de prouver son assers lion : I i^orsque vous vous représeniez réterniié comme une durée dont vous n'apercevez ni le com- mencement ni la (In, l'immensité comme une éten- due sans limites, la juoice inllnie et l'inliiiie misé- ricorde sous les traits d'un visage implacable ou plein de iiiansuéiude, est-ce que vous pensez alui s aux mots latins ou français, aux termes qui vous ont peut être appris ces choses? i Le P. Chastel, au lieu de penser avec le mot, peut peiisor avec sa dé- U' INTRODUCTION. U4 'Il M Réponse. — Admollrc quo IViifnnl aurait Viiléo, l'idi^e imrc, suprasonsible, avant le signe, c'est ndineUre oii qu'il se serait fait l'idée par sa projiro nnlivitù indépendam- ment du signe, ou (lu'on la lui aurait don- née sans lui donner en même temps le si- gne. Or, ni l'un ni l'autre n'est jiossible. U'ubord on n'a pu lui donner l'idée sans lui donner en niôino temps Je signe; cela est évident, puisqu'on ne peut communiquer «ver lui que par un langage quelconque. On ne peut pas dire que l'enfant se donnera lui-inêrae l'idée par sa propre activité indé- pendamment du signe; cela est au-dessus do ses forces; nous avims démontré, dans le liarngrapho précédent, l'impossibilité de for- mer et de conserver les idées abstraites, gé- nérales et universelles, sans le signe qui les (li';lcrm\ne et les fixe dans l'esprit. « Privées de signes, ces idées (les idées abstraites, générales et universelles, abso- lues) ne se dégageront et ne s'éclairciront jamais. L'induction et la déduction, qui les supposent, seront impossibles; la rétlexion demeurera frappée de paralysie. La science, fille tlo la réflcïinn, ne pourra naître, car elle s'appuie sur les idées absolues et n'ad- met que des idées générnles. Et voilà l'état où l'absence des signes analytiques rédui- rait l'intelligence (102)1 » Puisque 'l'idée précède, dit-on, nécessai- rement le mot, crée le mot, existe indépen- dante du mot, n'est-il pas (étrange que l'hom- me ne puisse penser arbitrairement, réflé- chir, observer, comparer, juger, raisonner, sans les mots? Pourquoi, lorsqu'il pense,ne prend-il pas, ne laissu-t-il pas, indifférem- ment, les mots? On ne dira pas que cela vient do l'habitude qu'il a contractée de ne penser qu'au moyen du langage, car on con- viendra bien sans doute que ce doit être aussi une habitude de l'esprit que l'idée précède le mot, puisque c'est, dit-on, une nécessité qu'il en soit ainsi. Et puis le sourd- muet est là, lequel n'a point du tout l'habi- tude de penser au moyen de la parole. Loin de lui servir, le langage ne devrait-il pas contrarier, embarrasser, surcharger notre esprit? Si c'est le contraire qui arrive, n'est- ce point parce que la pensée abstraite, laré- ftmlion; tout le inonde est tic rcUe forrc. Une mii- iiM! >luiii 011 ir.ipcrçoil ni lu tunimencenieiil ni la lin, t'esl Itteriiilé. (tO-2) M. Aiig. TiiiEL, profetscur de pliilosophiu au cullc;;c royal di; Aleiz, Progrummjets rosienl confondues ou constamment unies 9\ec ces olijets; eu soi le que malgré la faculté qu'il a du ne les recevoir qu'une ii une p:ir les organes de ses sens, il nu peut jamais décomposer ou aiia- lysui' dans le sens ordinaire de f; mut, c'est-à-dire ici faire aucune abstraction. M. (Thurot, De l'entendement et de ta raison, tout. I, pag. 1(>4.) Il y a nnanimiié d'opi- iiinn sur ce point entre tous lus pliilusoplics. Nous devons cupundaiit eu excepter le P. CbastuI, *iui souiiuiit que l'enfant peut icvevoir l'idée alistrailc, générale, du teut spectacle de$ chose» temiblet et de tes propret sentatiunt, indépendammunt du signe. ( De lu valeur de la raison, p. 2â9-235.) En cet en- droit de son livre, il en fait un argument i|u'd croit ii;i coup mortel pour la théorie qu'il combat. Il est vrai (|u'à la p»gu 17 du méuic livre, l'argument se l'cdiiil à une simple posnibitiié : « Il est possible qu'il (l'unl'ani) commence ù penser eu recevant de la fen- siilion l'idée particulière et un s'éluvatil de là aux idées générales; il est possible quu l'idée générale et l'idée pariiculière naissent en lui siniullaiiémeni et à la même occasion. • Il est possible aussi que ce ne soit I iun de tout cela et que les choses su passent ■oui Mutremunl. Que devient l'argumenl de la page 233 considéré du point de vue de lapagu il? Telum imbelte sine ictu. Nous disons, nous, que l'unl'ai.t ne teccura pat l'idée abtirailc, générale, du mil spec- tacle det ehotet tentiblet. L'enfant voit un chfial blanc, un mur blanc, un drapeau blanr, une série aussi longue que vous voudru/ ti'uhjeti blancs; il ne voit et ne peut voir que dus indiridus blanci, parce que le moue reste pour lui engagé dans la substance, et que, Tante d'un signe, le blanc, la blancheur, il ne peut l'en dégager |)flur l'abstraire et le généraliser. Il n'aura doue pas l'idée abstrtite, générale, de ft/aii- cheur, parca que la blancheur en général n'existe nulle part que dans le signe, expression d'un point de vue commun, d'un mode substantilié, persunuilic en quelque sorte, ei considéré indépendamment de (ont objet blanc déterminé. • Il est évident, t dit M. Tburni, i que ce n'est qu'à l'aide des signes que nous avons des idées ou générales ou abstraites; que même elles ne sont lullus qu'autant .pie nous les considérons dans les signes qui nous les rupiésuii- tent; qu'enlln ce ne sont pas vérilublement lus idées qui sont généralus, mais qu'il n'y a que les signes, c'est-à-dire ici les mots, ipii soient (.c.éraux, parce que les mêmes mots peuvent, un effet, s'appliquer à une inliniié d'objets réellement dillérents. t De l'en- tendement et de la raison, toin. I, pag. 173.) Lu mot blancheur, par exemple, peut s'appliquer à tous lus objets blanct, quelque dillërents qu'ils soient d'ail- leurs. I Supposons, I dit un autre auteur, < que nous n'ayiHis aucun signe, aucun mol, pour indiquer les qualités îles ulioscs, p.ir exemple la couleur bleue. ISouH ne pourrons penser à cette couleur qu'à In condition de nous représenter un corps bleu déter- miné que nous aurons vu, ut si nous en avons vu plusieurs, nous ne pourrons penser à la couleur bluuu, en général, qu'en pai courant par l'iniagiii:)- tion ces différents corps ; car l'idée de leur ressem- blance ne sera pas d'une facile formation, précisé- ment parce qu'on inanquera du mot restemblance ; ensuite on parviendrait à la former, que si l'on manque de signes pour la flxer, l'usage abstrait en devient impossible. • (Tissot, Anthropologie tpécu- lutiie générale, loin. I, p. ï(>7.) ti4 irra nntlre, car >solues v-\ n'nd- . Et voilà l'état l^liques rédui- lit-on, nôcessai- existe indépcn- ange que l'hom- 'airement, réllé- uger, raisonner, rsqu'il pense, ne pas, indifférem- ra lias que cela contractée de ne gage, car on con- |ue ce doit 6tro ■spril que î'idéo s'est, dit-on, uno . Et puis le sourd- nt du tout riial)i- te la parole. Loin ne devrait-il pas surcharger notre qui arrive, n'esl- ée abstraite, la ré- nfiint voit un chfial •nu blaiti-, une série ^i'ol dilReid, t nous classous les substances, nous classons aussi les qualités, lis relations, les actions, les aflectiens, les passions, toutes choses en un mol. > (Essai V, ch. 1.) (110) Philos, et religien, p. 275. (111) Le P. Chastel n'a aucune sympathie pour cette opinion, i Se comprend-on, > dit-il, < quand on se livre à ces beaux raisonnements? (juoi donc! y aurait-il dans l'àme, en allcndant le mol ou le si- gne, une pensée vague qui ne serait déterminée à rien, jusqu'à ce que le mut vienne l'appliquer à uu ii^^'liL si qno noas l'a- I),ne peu» se lier sans perdre ans- il abstraite qii'ou- 0, In retient dans .dès que l'esprit, î, cesserait d'agir , elle disparaîtrait t de nouveau so iduellosd'uùello les quand il s'agit straction et la gô- ie des choses sen- vous vous trans- loinènes qui s'ac- )i, dans le inonde reprenezd'étudicr ons de l'Ame, les ; rapports moraux iblables (t09)î jelque part : << La isibie, la connais- ccasion des sensa- bien fugitive, bien pas le pouvoir de e objet de la na- ance qui s'acquiert jis est itérile à ce serait pour l'bom- e uiondo rationnel ailleurs : « Il est B langage sont né- , h la clarté et à la 'ils aident h la ré- re la condition es- expression serait it laisserait h peino prit (111). Tout le lots sont nécessai- n générai, vons n en gré vous il faudra le ouffu, dair ou foiiié, Ty voir que ce qui se lage ne ressemblerait bslraHs se voient lio ne par le discours, i iHgine et le$ fond, de Reid, ' nous tlassotis aussi les qualités, les jetions, les passions, '$$ai V, ch. t.) 275. icune sympathie pour an, idil-il, • quand on menls? Quoi donc! y dant lo mol ou le si- e serait dcterniinée à cnuc l'appliquer à uu 149 ESSAI SUR L'EVOLUTION DE res aux opérations un pou compliquées do la pensée, h la comparaison, au jugement, au raisonnement (112). » Il ajoute un peu plus loin : « Il n'y a pas de vie intellectuelle, morale, sociale, un peu formée et développée, suffis.'immcnt formée et développée pour que l'homme ait la cons- cience de lui-môme et de sa destinée, sans l'usage mental et extérieur de la [tarole, sans qui* l'homme se |)orle h lui-même et parie aux autres, sans qu'il pense sa parole et parie sa pensée (113). La parole, h cause do la doiible nature de l'homme, est nécessaire l la vie intellectuelle, morale et socia- le (114). » Lu P. Chastel lui-môme a été dans le vrai sur la question, au moins l'espace d'un quart d'heure. Ecoulez. « Lorsqu'il s'agit d'abstraire les qualités diverses des choses, de les considérer 2t |iart et indépendamment des objets perçus; do comparer ces objets, de recueillir leurs res- semblances et leurs différences, leurs in- nombrables rapports et tous les phénomènes de cause et d'elfet; lorsqu'il s'agit do com- biner à l'inûni ces rapports et ces phéno- objet propre? Mais qu'est elle donc cette pensée in- déterminée, cette pensée sans objet nu cotte pensée ayant un objet oont le caracière, la forme et l'é' tendue restent ignorés T Comment ne voit-on pas, au contraire, que nécessairemeni, essentiellement, l'esprit doit connaître cl distinguer l'objet de sa pensée, doit avoir présente la forme de sa pensée avant de lui appliquer le mol qu'il lui destine? • {Op. cil., p. 98.) Une psychologie nn peu plus np- piofondie aurait épargné au P. Chastel tous ces frais d'éloquence. Le P. Chastel attaque la théorie de M. de lionald et croit la comprendre ; M. l'abbé Maret l'altamie et la reproduit. Ces nouvelles atta- ques de quriques membres du clergé contre l'au- teur de la Légiilation primitive ne sont qu'un éclio malheureux de la critique du même auteur faite avec tant de légèreté par l'érole éclectique, cl en particulier par M. Damlron ( Kssai tur t'iiinoire dt la phil., art. De Donald ) cl J. Simon ( Revue Le deuxième commentaire le mène, non 5 toup- çonner que cet axiome etl une niuttificution, mais ik dire qu't< ett pour lui personne llement une énigme impénétrable. Enfln le troisième commentaire lui fait découvrir dans le même axiome une citote que tet partitans du système ne disent pas, ce dont il tes félicite; mais comme celte découverte n'explique rien, < leur axiome, i dit-il une troisième l'uis,,i reste pour nous incompi'éhensible (a). > Il est vrai que six lignes après ce lucide commen- taire, le P. Chastel cite quatre passages dans le»- quels M. de lionald exjtlique lui-même son axiomo avcclaplusgrandcclarte: i Nous ne pouvons penser, > dit-il, < sans parler en nous-mêmes, c'est fi-diio sans aUacher des paroles à nos pensées; vérité fon- damentale de l'être social, que j'ai rendue d'une manière abrégée lorsque j'ai dit que Vêtre intelligent pensait ta parole avant de parler ta pensée {b). » Après cela le P. Chasiel n'en continue pas moins de dou- ter que l'axiome ail un tent réel. 11. de lionald a beau faire, il est toujours singn- lièrcuient apocalypti(|ue pour le P. Chastel. '— Vi/i/. la note Ë i la lin de l'Introduction. (114) Ibid., p. 153. (I14'j De la valeur de la raison, p. 9S. vorce,{i. hh. —Législ. prim.,l, p. 32b bS. — l'rincipt. conil. de la soc, p. 38. ! if»»! mm :iii -ut Lc, . .. , Kiif tepfS! ^l5'-[i' 1SI INTnODUCTION. m intelligence pourrait-cllo se développer, sa rnison se former? Etait-ce la peine do pour- huivrc, à travers un fçros volume, Vhomme de génie qui a dit A ion liêcle de ni profonde» t'érité$, qui a tiré tant d'intelligences de$ routeâ perdue» (115), pour aboutir nnalement h la consécration de sa doctrine par un si solennel aveu? Objection. — Q\io\ que vous puissiez dire, vous êtes forcé de convenir que le mot ne donne pas, ne peut pas donner l'idée, mais que l'idée est attachée au mot par l'enfant, ])ar l'individu qui apprend à iiarier. A^pon«e. — « L'expression et l'idée doi- (115) Lacordairc, p»rl!iiit de M. de Donalil, 6'nn> thtériition$ tur le nysliinc pliitoiophique de M. de La niennah , p. 138 : i PtTsniiiic nr peut iiiftlre en ddiiic l'clévatioM, la loyaiuc, la noblesse de son ca- ractère (de M. de Donald), lu malheur même ei l'exil n'onl pu ébranler son atlachcntent profond h l'Eglise et aux principes éternels de toute soiiéié; ses hautes facultés, s<>s niéilliaiions, ses iHudes, Il n tout consacre avec un adinirai)le désintéressement à la défense de l'onlru social ; et l'on peut dire, •ans exagération , que sa vie entière n'a été «piNin lonjt combat contre les ennemis de l'EKlisc et de la société. Et pourtant, voilà que des rangs mêmes de ses frères dans la foi partent les pins sévères aecu- liations et les plus violentes attanues contre hii. Voilà que des Chrétiens, unissant leur voix à celle du rationalisme, poursuivent la mémoire do l'il- lustre philosophe par l'ironie et le sarcasme, et livrent son nom a la risée et an mépris public. C'est même au nom de la foi que l'on ilétrit un frère, et l'un a vu un écrivain catholique accoler une prière avec l'accusation la plus violente, et invoquer avec emphase les lumières de l'esprit de Dieu sur un travail où ses amis mêmes n'ont pu voir qu'une mordante satire. > (M. l'ablté Lonay, profess. de Îdiilos. à Sainl-Troiid (Belgique), Quelque» vue» $ur a philoiophie de M, de lionald.) — Voy. aussi un excellent ouvrage qui vient de paraître, publié. par le même auteur; il a pour titre: Disêeriaiion» phi- lotopliiquei, Paris, cbei Douniol. — Yoij. la note F, à la lin de l'Introduction. (116) Nous empruntons ces paroles à la page 173 d'un livre plein d'intérêt, intitulé: L'iHStrNrdon (- xelles, et docteur en philosophie cl lettres de l'uni- versité de Louvain, etc. (117) M. l'abbé Marei présente , sur le sujet qui nous occupe, une théorie qu'il croit aiipuyée »ur un fait inconte»table,eU qu'on peut, • dit-il, < délier toute critique de jamais ébranler. Ce luit est que l'enfant a d'abord des idées sans mots et des mots sans idées ; c'est que , dans l'enfant , l'idée précède le mol. I (Lettre à M. Vbaglt , dans la Hevue de Lou- vain, mai 1857. -^ PhilotopUe et religion, le- çoii 15*.) L'enfant a de» idée» »an» mol».... Des idées ima- ges, oui; des idées proprement dites, c'est-à-dire suprasensibles , abstraites, générales, des idées ré- flexes , nous venons de démontrer qu'il n'a point, Qu'il oe peut avoir saus lu signe de telles idées. vont se développer simultanément dans J'esprit; l'une no peut y £lro que par l'au- tre et avec l'autre (110). » Tel est le fuit reconnu fiar toute In philosophie moderne. L'ciifani, le sourd-rouet, ne se donnent point l'iiiée .''éparément du signe; ils reçoivent l'un avec l'autre. Ils ne so donnent pas lu signe, cela est évident. Ils ne se donnent pas l'idée séparément du signe; car nous avons démonlié qu'ollo ne peut pas subsister dans l'esprit sans lo signe (117). Vi\ enfant qui sort tous les Jours pour so proiuener avec sa mère, a-t-il l'idée expri- mée p.'ir le mot promenade? Nous répondons Dans l'enfant, l'idée précède le mol..,, L'idée- im.i!.'e , oui ; l'idée générale , juiniiis. L'enfant peut en elTel avoir sans le mot des idées sensibles, mais si l'idée générale précédait i' mol chez l'enfant, le mot ne serait pas nécessaire à la conception ar leur propre force ou ac- tivité personnelle. Un l'ait d'expérience |H>rpétut'l, universel, «lément celte tliéorie. M. l'ablie .Maret l'a compris , et II se hikte d'admettre la uécessilé de la parole pour la parfaite clarté, lu parfnile diitiitclioii, ta pertiuance de» idéo, la réflexion. (Hevue de Lou- vain, mai, 1H,')7, p. SK5.) Il fallait bien se résigner à cette restriction soh« pifine de loml>er dans l'ab- surde. Mais M. Maret n'a évité un écueil que pour aller se heurter contre un antre. En eff-t , il vont toujours des idées avant le langage, des idées, il est vrai, satu clarté, tan» dnlineiion, tampertixtance, irréfléchie» (iibi supra). Qu'e!.t-ee que ces idées cré- Ïiusculaires , moitié jour, moitié nuit; ces êtres à urines indécises, ces v.tgnes fantémes sans persis- tance, qui passent el repassent dans la nuit de l'entcndemenl , où ils disparaissent pour renaître non moins insaisissables , non moins vaporeux ? Tous ces avortements (le la pensée pourront-ils, nui ou non, constituer un être inleiligent, raisonnable, iiidépendamment du langage ? S'ils ne le peuvent, comme vous le reconnaissez , que gagnez-vous à cette évocation d'idées stériles , impuissantes à éclore, et n'en faut-il pas toujours revenir à la théo- rie de l'illustre auteur donl vous paraissez vouloir vous séparer aujourd'hui? Cette théorie, dès lors, ne subsistc-t-elle pas tout entière, et les modillca- tions que vous prétendez y apporter ne sont elles pas tout à fait illusoires? Maintenant, que l'activité de rcnfani ait sa part el concoure à l'acquisition du langage et de l'idée qu'il représente, qu'il constitue, rien de plus vrai. Qui s'est jamais avisé de nier qu'il v ait dans l'en- fant des facultés, un principe actif? La question est de savoir si ce principe actif peut par lui-même, seul, et indépendamment de toute condition de lan- gage, de direction et d'enseignement, développer dans l'homme l'intelligence et former la raison. S'il ne le peut, et il ne le peut , rien de plus in- contestable, que servent à M. Maret toutes ses idées confu»e», irréfléchie», non pertittantes (/<>t, etc. L'enfant sait ou plutôt sent tout cela; il y peut songer et il y songe, mais c'est une suite do mouvements, c'est un tableau, un ensemble d'objets sensibles qui se représen- tent h son esprit. Ces scènes variées, cette suite d'objets, ees exercices, auxquels l'en- fant prend goûl, n'ont rien de commun avec une idée abstraite ou générale. Mais qu'une mère dise à son enfant et lui répète toutes les fols qu'il sort pour se pro- iiionei : À la promenade! Allon$ à la prome- nade! Le mot promenade, dont l'énuncé est suivi d'un ensemble d'actes qu'il aime, lui donne une idée nouvelle, l'idée promenade. Je dis que cette idée est nouvelle. En elfel, sortir, marcher, courir, aller, venir, s'amu- ser dans la cour, dans le jardin, constituaient un ensemble d'actes que l'enfant ne pouvuit se rappeler qte successivement et sous une suite d'images; le mot promenade a synthé- tique tons ces actes, tous ces mouvements. Tous ces actes successifs et divers sont main- tenant compris sous un seurmol, la prome- nade, qui en forme comme le nœud et les fond dans une parfaite unité (118). Prome- nade veut dire maintenant, pour l'enfnnt, sortir, marcher, courir, s'amuser librement au dehors. C'est une idée nouvelle encore en ce sens (|u'elle est commune ou générale et que l'idée promenade s'applique h la pro- menade d'aujourd'hui comme à toutes les promenades passées, comme à toutes les promenades futures; enQn, elle est nou- velle en ce sens qu'elle embrasse toutes les promenades possibles, c'est-à-dire qu'elle (118) Les langues sont pleines de mois st-mlilu- bles, sans lesquels les idét;» ne se Kénéraliseralt'nt j:ini.ii!i; ces mots sont la syiUlièsc de plusieurs l'Iioses, <|ualilés ou actions, comme Aomiiic, animal, meuble, plante, travail, «t toute l'innombrablo série (les termes généraux. t Les enfants ayant le plus grand intérêt à coni- |irenilre et à éir^ cumprii), «léplnienl , pour attein- dre (6 double but , tout ce qu'ils ont d'activité et (i'iiilcllixence ; et ce travail de comprendre et d'être coiiipriii n'est autre que celui de furiner des notions alistraileg. < Comme tous les mots d'une langue , à l'excep- lion des noms propres, sont des termes généraux, à mesure que l'entant acquiert rintellig<>nce de ces ternies, il iicquiert des notions génér.iles.... Il ap- prend la signillcaiion du plus grand nombre de ces termes , eu oitscrvaut dans quelles occasions ceux L'INTELLIGENCE HUMAINE. tS4 est universelle, ce h i|uoi, sans doute, l'en- fant ne songe pas et no songera peut-être jamais. Mais io mol promenade serait vainement prononcé devant l'enfant si la mère, nprès l'avoir prononcé, ne faisait accomplir h son enfant l'onscmblo des exercices qu'il rop- pello et qui lui en donnent l'intelligence. Faites les exercices de la promonade et no prononcez jamais le mol, jamais l'enfant n'aura l'idée que co mot exprime; nous l'a- vons prouvé. Prononcez le mot, mais n'en donnez jamais la signification, en mettant l'enfant en présence des choses, des actes, en l'accompagnant des gestes et autres si- gnes naturels, ou môme en l'expliquant par la parole, ^^i l'enfant p-irie déjà et est suHi- samniont développé pour comprendre votre explication verbale, et jamais le mot ne sera |)0ur lui qu'un vain son. Dans la réalité pratique, la connaissance liuniaine no se produit jamais à l'état d'idée pure. L'idée pure n'est qu'une abstraction psychologique et qui n'est point intelligiblo en elle-même, mais seulement dans le jugc^ ment qui la complèlo par l'expression ou ainrmation d'un attribut. Quel que soit donc le moment où l'enfant connaît, il juge, mais il ne peut juger sans avoir dans l'esprit une notion susceptible de devenir commune, car juger, c'est ranger dans une cerlainc clas>o d'objets co qui no peut s'opérer qu'au moyen d'une qualité commune aux objets qu'on y range. Il faut donc, pour former un juge- ment, en avoir acquis les éléments qui sont le sujet (idée toujours en soi obsttraite ou générale, excepté quand il est un nom pro- pre), et Vatiribul ou prédicat (autre idée gé- nérale ou universelle). Mais l'enfant peut-il acquérir les éléments du jugement sans ju- ger? 11 le peut sans doute (119). Dans cette acquisition, il est d'abord passif; il reçoit qui les entouraient m taisaient usage. I Quoi ! I dit llorkeley, < deux enfants ne pourront I causer bocliels et bonbons, s'ils n'ont rassemblé I ut comparé d'innombrables similiiuiles ; s'ils n'eu < ont extrait, par l'altstraction, des idées générales, I et s'ils n'ont allaclié ces idées à tous les noms t dont ils su servent? i I J'en demande pardon à Dcrkuley, mais quelque étrange que cela lui paraisse, il est évident que deux enfants qui s'cntretieimunt de boclicts et de bon- bons , et qui s'entendent , atiachenl le même sens aux termes généraux qu'ils emploient , et les com- prennent |iar conbcquent; ils ont donc des concep- tions générales. > (Reid, Estai V, c. U, p. â59.) (119) I Entendre les termes est cliose qui précède nalurellement les assembler : autrement on ne sait ce qu'on a&scmtdu. i (Bossuiût, C'omi. de Dieuel àg ti)i-mime, ch. 1", § 13) V'tllii ISS INTUOOtCTION. IM HfiH, l'impression ; puis actif on attentif h qucli|iio degré, il discerno; il diiicurno inslinctive- incnt d'après l'ctrel produit on lui par l'im- pression; le mot est prononcé en mémo temps que l'impression est éprouvée. L'uhjct qui a })roduil l'improsiiion est multiple dans sa nature ou ses modes, l'imprusÂion elle- uiômu fugitive; le mot, au contraire, est simple et un, il a do plus quelque chose de vivant dans sa modulation parce qu'il émane d'un être vivant, qui lui communique do sa vie; il retentit donc au fond do l'Ame comme un appel synipalliique; bientôt l'enfant le saisit et y lit» l'impression, l'idée, l'image longtemps même avant de pouvoir l'articuler lui-même. Le signe devient (|uelquo clioso d'extérieur et de perceptible aux sens, sur quoi l'attention so porte, qu'elle .saisit, qu'elle retrouve à volonté, et qui toujours lui rappelle l'idée, l'image, do sorte qu'elle peut aller de l'une b l'autre sans s'égarer. GrAce à l'expression, l'esiirit ne voit plus l'idée seulement en lui-môme, il la regarde et la considère hors do lui, dans le .signe, et portant, à diverses reprises, son attention de l'idée sur le signe, et du signe sur l'idée, il donne à celle-ci la précision et la lixité de celui-là (120) : c'est l'idée réfléchie. Ce qui vient de l'enfant, ce qui so produit instinctivement chez lui et va s'éclaircissant peu h peu, c'est le travail intellectuel du ju- gement et de son analyse. (îrAce à ce travail intense et spontané, qui no ueut lui être enseigné d'aucune manière, il reçoit comme anal>ti(|ues les signes qu'il perçoit et les emploie comme tels. La perception et l'u- sage d'abord instinctif de ces signes, secon- dent et activent ce travail, mais à la condi- tion (|ue la faculté qui l'opère, existe et s'exerce. Aussi, Jusqu'à un certain moment, c'est on vain que les sons frappent l'oreille de l'enfant. Sa faible intelligence «ommeilie encore; dès qu'elle s'éveillera, son regard, son sourire le diront h sa mère; sa bouche bégaiera quelques mots , puis d'autres en- core, et il viendra ennn k exprimer analyli- quomcnt sa pensée on reproduisant ces mots avec intention; alors il parlera. Pour bien juger de ce qu'il met du sien dans ce travail, placez h ses eûtes un des animaux qui mon- trent le plus d'intelligence; prenez-le parmi ceux (|ue l'instinct d'imitation pousse h ré- péter les mots do la langue humaine; faites que ses oreilles soient frappées des mêmes sons que celles de l'enfani, et voyez si ja- mais, en les reproduisant, il viendra h en faire l'usage analytique, rationnel et volon- taire (|u'en fait, avec tant d'aisance, do naï- veté et de grflco, cet enfant après quelques années. A quoi tient celte dilTérence? Ace qu'il y a chez l'enfant un principe qui n'est pas chez les animaux; h ce que l'analyse mentale du jugement n'a jamais lieu chez ces derniers, tandis qu'elle commence h s'o- pérer d'elle-mèmo dans l'homme enfant, et n'attend, pour se compléter et s'achever, que (I2U) Le fait dt! rincor|ior.ilinn tics idées aux si- snus est coiiipluxc, el se compose de liois Tuils LiiMi distiiiclii : 1° Perception d'un Tait oiiërifur le! que inoiive- iiicnt, geste, cri, son arliculé, image, ligure, let- tre, elc. ; S" Cenceptiun d'une idée ou d'une pensée dont ce fait extérieur est l'indice ou le signe rcprcMtn- lalif; 5" Jugement qui rapporte celte idée ou pen- sée k l'tHre en qui le fait indicateur a été perçu. Le problème dn langage, dans son rapport avec la pensée, est compris tout entier dans le second de ces faits. Tontit la question est de savoir comment le fait extérieur perçu devient primitivement un si- gne d'idées. Entre deux interlocuteurs, qu'y a-t-il autre chose que des sons produits, ou de l'air nio- dilié alternativement par l'un et par l'antre? et comment pent-on comprendre qu'an moyen de ces inodilicalions de l'air, qui vont cl viennent de l'un à l'autre , les faits psyclndogiqueg qui sont renfer- més dans la conscience, faits qui ne peuvent d'au- cune manière lomlter sous les sens, peuvent cepen- dant être révélés de l'un à l'autre. Je manière que l'un d'eux voie dans la conscience de son adver- saire, comme il voit dans la sienne par le sens iu- timi'T La pensée , sons quelque point de vue qu'on la considère, est intransmissible ; ni la lecmre, ni les levons o.'slcs nu Iruiisinulteui récIlcMient la pensée de celui qui écrit on qui parle; dans ces «t^nx cas, l'art nu le langage ne peut servir qu'à réveiller des pensées si ellrs existent , ou à mettre celui qui éionle ou qui lit dans le cas de se faire lui-mèinc des pensées par son propre travail inteilectuel. Si les idées ne peuvent passer d'un esprit dans un autre, ni être représentées par des sons et trans- portées par des inoti , lonie communication entre deux êtres intelligents est donc impossible; c'est à- dire le langage , si on le considère ctminie l'un des deux moyens que nous venons d'examiner, est donc impossible? La solution de ceUe question est dans Va»sociaUott de» idée». N'est-ce pas en partant du pliénomènc de l'associaiion des idées , qu'on a pu faire une des plus grandes découvertes de* temps modernes, l'invention dn langage pour les sourds- muets et les aveugles ? Ln vertu de l'association, non plus des idées, mais des impressions, n'est-oii pas parvenu à soumeure des êtres dépourvus d'in- telligence, h une discipline qui leur donne toute l'apiiarence de rinlelligence? I Les eniants, » dit Mme NecMr, f ont une la- culte d'association merveilleuse; loul s'enchaîne, tout s'attire i écipioqueuient dans leur cerveau ; les images se réveillent les unes les autres, el entraî- nent à leur suite lu mot. Quand ce mot passe d'un objet à un autre, c'tst par l'effet d'un rapport moins apprécié que senti, et l'enfant ne s'aperçoit dislme- lenient m de l'analogie, ni des dillcrcnces. > (Do Véducatwn proijrcisite, 1. 1.) 107 ESSAI SUn L'EVOLUTION DE le Mconrs nés lignes analytiques (121). L'imago. I'iil6e sont d'abord parliculièros pour l'enfant : le chocolat c'est celui qu'il a dans la main, le lait c'est celui qu'il l)Oit, la table c'est collo «levant laquelle on l'assitoil, la cour c'est celle où il so promène. Mais peu h peu et h la suite d'expériences répé- tées, ces mots prennent de l'extension, ils se généralisent et l'idée avec eux, il y a le chocolat de maman, celui do bon pa|ia, celui do l'oncle ou onne et l'entretenait de ses enfants, deux petits g.irçorig qui s'amusaient à cdié de lui. I Cliarics, I vint à dire le père, < a plus de candeur «lie Cîcorges. » (•clui-ci, qui n'avait pas paru faire L'INTELLIGENCE HUMAINE. IM lomrnt et sans oITort, cl tous y entreront et s'y fixeront par un procédé analogue^ c'est- h-diro par le mot prononcé et ré|iété, mail prononcé et répété en présenne des objets, des faits, dos phénomènes, des acte», des analogies, des rapports, ou bien accompa- gné d'une explieotion verhole si l'enfant parle déjb par propositions (122). Mois remar(|ue2 bien ici comment les choses so pussent. Sans lo mot chocolat, l'enfant n'atira jomais dans l'esprit qu'une image, celle d'un morceau ou d'une pas- tille, etc., de chocolot; il ne pourra sortir du particulier, ni généraliser; il nu pourra jomois, par exemple, avoir l'idée exprimée par lo mot chocolat dans ce jugement : J'ai- me le chocolat, c'ust-b-dirc qu'il n'atteindra jamais lu général, l'universel. De même, sans lo mot bon, il n'aura jamais l'idéo ex- primée par ce mot. Ainsi, en uiongcant du chocolot, il éprouvera une sensation agréa- ble, en mangeant du sucre, une autre sen- sation ogréable, en mangeant des cerises, encore une sensation agréable; de mémo eu buvant du lait, on mongeont des gâteaux, etc. Ce seront autant ao sensations agréa- bles, mais isolées, déterminées, particuliè- res, où rien d'abstrait, rien de général no se montre pour l'esprit. C'est qu'en effet la généralisation n'est déterminée que par le signe qui exprime l'idée commune à cha- cune des friandises qu'il recherche, qui la déclare appartenir à la classe des objets bon*. On lui a dit et répété : Le sucre est bon, le chocolat est bon, le lait est bon, te gâteau est bon, etc.; la sensation agréable, quoique atlcnlion à la conversation, saisit (murlant ces pa- roles, ei les comprenant à sa manière, il s'en va Irnuvor sa ttnnne. iMa bonne!... ma bonne!... > ré- pétait-il, i je vrux de la candeur!... Donnez-moi de la candeur... Papa dit que Charles en a plus que moi... I— I Dctacaiuleur!... tdisait la bonne, « delà candeur!... qu'est-ce qu'il demande?... Laissez- moi tranquille!... je nai pas de candeur à vous donner... > Comme le petit bonhomme insistait : I >e vous dis que je n'ai pas de candeur... allez de- mander cela à votre maman... » Georges rencontre >a mère, i Maman, lui dit-il, ma bomie n'a pas de candeur... j'en veux... j'en veux autant que Char- les. I La inere sourit. » Mon petit Georges, »lui dit- elle, «un enfant qui écoule bien etf.iitiuut ce qu'un lui dit, qui ne ment jantais, qui est bien docile, bien gentil, a de la candeur... c est cela qui s'ap- p4>lle de la candeur. t—, nous en distinguerons les élé- inunls nous en alistrairons les propriétés el les niafiiruslallons ; mais nous n'opérons ainsi ipraprcs l'avoir prcalablemeni cuiniu syntliétiipicnient, sans en distinguer les points de vue'divers, Mous n'avons donc pus d'aliord Tidéu de phénomène!' (quotités ou nioiles) distincte deci'lle de substance, eiTiilée de rapport distincte des idées de pbénomène et de sub- stance; nous ne composons pas la preinièro con- naissance que nous avons d'un èlre des trois idét'S qu'on ^l'ciend trouver dans le piindite de la sub- stance : nous connaissons rèlre tel qu'il nous frappe d'abord, el nous le connaissons par notre seule faculté de connaître, sans qu'il soit aucune- lucnt besoin de recourir à d'antres moyens, à d'au- tres conditions. Ainsi l'enfant, dans le corps qui s'oH're à lui, ne saisit pas d'abord pour la première lois le phénomène qui le frappe, puis la substance cachée sous ce pliéuomcne, en vertu d'une préirn- «lue conception de la nécessité de ratt»rhprit serait muni à l'avance; il voit, il connaît ce corps é'.endu, coloré, formé de telle ou telle manière: il n'eu dis- tingue ni l'étendue, ni la forme, ni la couleur, ni la substance; il perçoit directement le corps tel qu'il se montre, c'est-à-dire d'une manière cuucrèlc et toute synthétique. {iU) < Il faut, avant que l'enfant prononce un seul mut, que son oreille soit mille el mille fuis frappée du même son, el, avant qu'il ne puisse l'appliquer cl le prononcer à propos, il faut encore nulle el mille fois lui présenter la même cuinbinai- son du mot et de l'objet auquel i' a rapport : l'é- ducation, qui seule peut dévelop|)er son ànie, veut donc èlre suivie longtemps et toujours soutenue ; si elle cessait, je ne dis pas à deux mois, comme d'Ile des animaux, mais même à un au d'ùge, l'âme d faut ne serait-il pas au-dessou* de l'ind^écile, et, «luant à rcxlëricur, timt à tail de p dit un profond piiysiolugiste, ( appliquer au développement de l'organe du inor.il bnmaiii les iiièmes lisis qui régissent lu développe- nient des autres urgaiius. Ces lois sont bien sim- ples ; la vie ne se niainticnt que par deux choses : t° par un support, qui est I organisation ; 2° par un siimutus, ou principe extérieur d'action. Tout organe a son (limu/u« spécial ; celui qui en est privé est exposé à périr : l'esiomac a les aliments, les poumons l'air atinosphcri.|ue. Le cerveau sur- lirait de la loi commune des organes, s'il n'avait son ftimNfiii spécial. Pour lui,ceiiimu Il n I la solution pra- ,6, ESSAI SUR L'KVOLUTION DE tiqiio de CCS grands problèmes psydiologi- (|iies que nous avons agités jusqu'ici. Rion do plus évident, rien de plus incon- testable; l'ouïo ne donne pas l'intelligence do la langue; les mots soit parlés, soit écrits, n'ont par eux-njômes aucune signilication. Ils sont de leur nature rauets comme la corde qui n'est pas touchée par l'archet. Mais qu'un artiste habile .saisisse l'archet et presse la torde sonore, et des notes mélodieuses vont en jaillir; de môme qu'une mère s'om- jiare du signe, en applique le sens en pré- sence de son enfant, et le mol va recevoir une âme et l'idée un corps, et la pensée va iinltre et se développer en une riche et vi- vante floraison. Kcoulons un homme d'une longue expé- rience en ces matières : « Ueiifermez, » dit- il, « une m(''re avec son l'ntunt dans une (lianibre, maison les séparant par unv, mince rloison, une toilo opaque; que dans celte position, la mère répèie du malin au soir et pendant dos années tous les mots de la lan- gue, l'enfant imitera le son qu'il entend, mais il ne saura jias quelle idée ce son r.ip- peile, ni quelle pensée il réveille dans l'Atno dosa mère. « Déchirez le voile : ôloz la cloison ; met- tez la mère en présence de son enfant; qu'il la voie, et la mère, sous l'impulsion de son ewur, aura bien vite associé le substantif à In substance, le verbe h l'action et la qualité h un adjectif. S'il s'agit d'un ..bjct, elle le ni)ulrcra et le nommera, elle le touchera, le maniera et le fora toucher ou manier par l'enfant -.s'il s'agit d'un verbe, en disant le mol elle fera l'action, fera répéter le mot et raelion et les répétera avec l'enfant, par exemple, ouvrez la porte, l'enfant outre la porte; allons ouvrir la porte, l'enfant sait liéjJi oKiTir la porte, etc., puis elle dira et fera l'action opposée, ou conlniiro : Fer- mez n'ouvrez pas la porte, il ne faut pas L'INTELLIGCNr.E IIUM.XINR. f33 ouvrir lii porte, il faut la fermer; et pa-r lo contraste elle exprimera plus vivement en- core la signilication du mot. Elle met en- suite les mots dans toutes les positions syn- taxiques possibles, et conformément aux vœux de la Providence, elle les répète, les répète mille fois et se sent heureuse de pouvoir parler. Ces incessanles répétitions impriment profondément dans la mémoire de l'enfant, le son, le mot parlé, ainsi que l'idée que ses gestes y ont attachée. n La mère ne garnit pas seub^mcnt la mé- moire de mots et do phrases, elle forme en mAnie temps le jugement de l'enfant. Elle fait remarquer les qualités dos objets, leur forme, leur usage ou leur utilité; et sa physionomie, le son de sa voix manifestent un attrait, une répulsion, un goAl, une en- vie ou une aversion. S'il s'agit d'une action, elle exprime l'idée (lu'elle s'en forme; elle l'approuve ou la désapprouve, et elle pro- nonce le jugement qu'elle en porte par les traits de sa ligure, par une récompense, jwr une répulsion, par une douleur feinte ou réelle, par sa joie, par le bonheur que la chose lui inspire, par l'horreur qu'elle en conçoit, et elle rend tout cela sensible; cor toute la mère devient alors explication; c'est une partie de sa mission providentielle. Ainsi se fait l'association du mot et de l'idée, cl si au lieu de prononcer le mot, elle l'é- crivait el.le montrait sur un tableau ou sur une ardoise; si elle entourait le mol écrit de toute la pantomime qui lui a servi pour faire comprendre la valeur du mol parlé, h la vue du mol écrit, l'enfant se souviendrait de cette |)antomime et tle l'tdijot de la qua- lité ou de l'action (lu'il est desliné h expri- mer, aussi bien que le son les lui rappelle. Avant cette association, le mot écrit n'était qu'une réunion do leltres sans vie, le mot p.M'Ié n'était (|u'nn bruit; mais dès (|no la convention entre la mère et reniant a éié 1î tavail lie la pensée, par rcxercico des devoirs rt (Irg i)lillg;uioiis sociales, la secousse produilc par les liupreHSiuiis visci'iales est faiblciiieiU ressnii- lic; il n'y a pas cnipiéicmi'iil des viscères sur lu cerveau, cl coiiséi|ii('innieiU sur la vo'oiUé. M:iis lorsque le cerveau esl failtle, couiine clie/. Ii> s;iu- vage, connue cluv, tous les lionnues livrés aux lias instincts, la réaction tics surl'aces iniirnes, et en |i:irticuliiT (lu sens alintenlaire et tlu simis (^imiII.iI, s'exerce sur lui d'une manière lyraoïiiiiut'. I.u li- licrté morale, sans périr loul à Taii, ilcnirure rommo étonflëe sous In poids tirs besoins des sens iiilernes; rien ne fait plus éipul'ltre, et l'.viànial l'cniporlu. Ces considérations nous l'unt conclure que, selon l'expression de saint Thomas, l'iionnue est un itrc cssenlieilemeiil perfectible, n iiu'il ekt porrcciilile seulement à la condition de l'élat so- cial. > Oi', si c'est dans la société que l'homme voit son sao^' se |iiirilii'r, sa poitrine s'élargir, ses iniiscli'S se fditihcr, son cerveau se développer, sou visajçe s'einlicllir cl sou espèce se multiplier, il apparaît de plus en pins que la société doit être, au niilicii des temps, la condition de l'exislence du l'homme comme èlie doué d'un corps. Nous avons réuni dans la m)lu G, b la fln de ce Oiclioniiaire, une série de faits positifs qui coiilir- mcnldelnul point les considérations précédentes. Voir aussi, dans ce Dictionnaire, plusieurs articles relatifs aux iièj||rcs océaniens et aux nègres afrl- cains, aux sauvagesdu l'Amériquo. n ««3 INTUODl'CTION. 161 I -iji'' ;i^»i,. mi M\i établie, le mot soit écrit, soit parlé, a reçu une âme qui est l'idée associée au mot; il vil, il est devenu un instrument au moyen duquel deux intelligences peuvent se met- tre en contact, se rappeler leurs souvenirs, se communiquer leurs conceotions, leurs sentiments, leurs idées. « Dieu a mis dans l'âme de la mère des inclinations en rapport avec les faits qu'elle doit poser pour élever son enfant dans la connaissance et la pratique de la langue et pour déveio|ipcr son intelligence au moyen lie la langue; mais la mère ne raisonne pas ses actions, et c'est un bonlmur; une mère, qui voudrait suivre une méthode, et faire savamment ce qu'elle iait d'instinct, perdnit son génie maternel et n'ohtiendrait pas le succès qu'obtiennent toutes celles qui se contentent d'ôtre mères. « Il n'y a pas une seule mère cependant qui sache de quoi ;!épend essen'iellement l'enseignement et l'intelligence do la lan- gue maternelle, toutes pourtant réussissent à l'enseigner. A l'ilge de trois ans, et sou- vent plus tôt, l'enfant parle, raisonne, con- verse avec ses semblables, emploie les mots abstraits et les applique sans so tromper (125). » « Tout cet enseignement se donnxî, sans que la mère se soucie de la langue, de ses lois ou de son élégance. Dans le tours «le sesrelationsavec l'enfant, elle sème des mots qu'elle anim; m y attachant une idée, et CCS mots rcstciiv comme dei jalons ou com- me des phares, qui emuêchent l'enfant de s'égarer « Elle ne s'adresse d'ailleurs jamais îi l'in- telligence (le l'onfant sans y intéresser tout son être, son cœur, sa volonté, son imagina- tion; elle sait qu'il faut développer toutes ses facultés à la fois, qu'il doit y avoir har- monie entre ses sentiments, ses habitudes et ses idées ; que ce n'est pas un corps, que (<25) M. l'abbé Carton, dans l'ouvrage cité, p. f>7. (lit)) Id. ibid. , p. 173. — Nous lisons dans un Mémoire du niénu; wiitenr couronné par l'Académie de liruxell«>8 (t. XIX des Uémoirei conroiuics) : < Lorsque nous nous examinons ei ipic nous es- sayons de donner tuie daie à l'acinisilion de nos notions morales et intellecluedes, noire mémoire est impuissante à en fixer une : elles se trouvaient en nous au moment où la mémoire a commencé son action; il semble que ces notions nous aient accompagnés à notre entrée dans In vie, ou (prclles soient innées en nous; mais on a Tait justice dn celte opinion. Un seul fait , d'ailleurs , aurait sulli four renverser complètement cette théorie ; c'est ignorance des sourds-muets de naissance ; c'est le ce n'est pas une âme qu'elle dresse, comme le dit Montaigne, mais que c'est un homme qu'elle forme. « Il y a plus encore : la mère n'enseigne pas la langue, elle n'enseigne que des idées; elle s'adresse directement à la raison de son enfant et ne se méfie pas de son activité; elle a foi dans son intelligence et raisopne avec lui comme s'il la comprenait; elle agit et le fait agir en même temps; elle lui fait prendre des conclusions et les exécute pur lui ; l'enfant vit de la vie de la mère; il com- prend avec la pensée de sa mère ; toute son intelligence paraît être comme une bouture lie rinlelligence de la mère, et toute l'acli- vité niaterticllc ne semble destinée qu'à la dtHacherpeuh |»eu de la souche. Quel être qu'une mère 1 et quelle est notre pitoyable présomption de vouloir nous comparer h elle dans notre artl Sous cette protection et cette direction, le mouvement de l'enfant devient marche et course ; son agitation, les agitations de son âme, ses sensations, ses passions se transforment en actions morales, en pensées justes et nobles, en une volonté, et deviennent de l'intelligence, de la science et de la foi (126). » Une loi générale et constatée jusqu'à l'é- vidence dans le monde des réalités corpo- relles , c'est la loi de génération , sans la- quelle aucun être organique et vivant ne peut recevoir l'existence. Le concours dî doux êtres est reconnu indispensable à la production d'un troisième. Il existe dans le monde des intelligences une loi non moins certaine : c'est la loi de génération intellectuelle, en dehors de la- quelle nulle substance [lensante ne parvient à la vie intelligente (|ui convient à sa na- ture. On n'a découvert nulle part, on dehors de l'humanité, un être semblable è l'homme, qui pût dire : « Je tiens mon existence de moi-même ; je ne l'ai pas reçue selon la loi vide que l'on peut constater dans leur intelligence avanl'in'ils aient été mis en rapport avec les no- tions ou les traditions sociales (page 4). • — Suivant M. l'uybunnieux, pndesiseur a llnstitulion impé- riale des Suurds-Nluets de Paris , i SU.OttO de ns inlirmité cruelle ( la Dbillsaiil , en quelque eeiiible coniiamner à l'iina(;e de Dieu , dcsiinc à se mou- gaiii avoir vécu. » icnx sur le Mcniuire ruclioH de» Sounh- lotit nous avons déjà jg- ESSAI SUR L'EVOLUTION DE commune. Deux créatures humaines con- courent vulgairement à la production d'une troisième, voilà la loi de tous; mais je suis h moi-même ma loi , nul autre que moi n'a contribué au phénomène de ma produc- tion. » Or, depuis six mille ans que le monde existe, on ne vit aucun homme en dehors de l'humanité qui pût dire : « L'enseigne- ment social est nécessaire au développement primitif de l'intelligence, puisque partout où l'homme est soumis à l'influence de la so- ciété, il arrive à l'usage de la raison, et qu'il n'y arrive jainais s'il est soustrait à tout en- seignement. C'est ainsi que les choses se passent aujourd'hui sous nos jeux et dans tout l'univers; c'est ainsi qu'elles se sont passées toujours dans lous les tem|)scldans lous les lieux. Tout homme qui a l'usage do la raison y est parvenu sous l'influence d'une raison déjà formée. Voilà le fait; rien au n)onde de plus positif, de plus universel, (le plus constant que ce fait. Eh bien I moi seul je me suis soustrait à la loi universelle; seul et par moi-même j'ai formé, développé ma raison; seul et |>ar moi-même, sans le secours de la parole ni d'aucun enseigne- ment social, je suis parvenu à la connais- sance des vérités de l'ordre inlellccluol et moral. » Aussi longtemps que cet homme excep- tionnel sera introuvable, on aura le droit de conclure avec le plus haut degré de cerli- lude, que l'enseignement social est une loi de la raison, la loi première du développement des idées (127). Se pounail-il (|u'un fait qui jamais le se dément n'impliquât aucune né- cessité, aucune loi naturelle? Peut-on croire que l'homme ne suit pas dans sa véritable nature, lorsqu'il naît dans la société, lors- qu'il est élevé, instruit parla société et con- duit par ses enseignements à l'usage de la raison? En terminant, nous rappellerons, sur la question qui vient de nous occuper, les élo- quentes paroles d'un illustre et profond gé- nie, une des gloires de la chaire catholique : « Vers la fin do siècle dernier, un prêtre français, touché du malheur de ces pauvres créatures qui naissent privées de la parole, jiarfe qu'elles naissent privées de l'ouïe, circonstance qui atteste encore l'étroite liai- son du mystère de la parv>le avec le mystère {Hl) I Je crois avec D.tllanclic , > dit un ratio- nnllsio qui snntletit l'origine liuniainc du hinj^nge , *i|uu riioninie, s'il était seul, serait un élre incuui- L'INTELLIGENCE HUMAINE. 100 d'un enseignement préalable; un prcire, dis-je, touché du sort des sourds-muets , consacra sa vie à les tirer de leur doulou- reuse solitude, en cherchant une expression de la pensée qui pût aller jusqu'à la leur, et arracher enfin de leur poitrine, si longtemps fermée, le secret de leur état intérieur. Il y parvint. La charité, plus ingénieuse que l'in- fortune, eut ce bonheur d'ouvrir les issues que la nature tenait fermées, et do verser en des Ames obscures et captives la lumière ineiïable, quoique imparfaite, de la parole. Le bienfait était grand, la récompense le fut davantage. Dès qu'on put pénétrer dans ces intelligences inconnues, l'investigation n'y dérouvrit rien qui ressemblât à une idée, je ne dis |)as seulement à une idée morale et religieuse, miis à une id<5e métaphysique. Tout y était image de ce qui tombe sous les sens, rien de ce qui tombe de plus haut dans l'esprit. La sensation y était prise en flagrant délitd'impuissance;queible, l'intelli^^ence apparaissait dans les sourds- nuicts à l'état de stérilité. Des hommes déjà mûrs d'âge, nés dans notre civilisation, qui ne l'avaient jamais quittée, qui avaient as- sisté à toutes les scènes de la vie de famille cl de la vie publique, qui avaient vu nos temples, nos prêtres, nos cérémonies , ces hommes interrogés sur le travail intime de leurs convictions, ne savaient rien de Dieu, rien do l'clme, rien de la loi morale, rien de l'ordre métajiliysiijue, rien d'aucun des principes généraux de l'esprit humain. Ils étaient à l'état pureinent instinctif. L'ox|ié- rience a été répétée cent fois, cent fois elle a donné les môiuos résultats; c'est à peine si, dans la multitude des documents publiés jusqu'à ce jour, on aperçoit quelques doutes ou quelques dissidences sur un fait aussi capital, qui est la plus grande découverte psychologique dont puisse se vanter l'his- toire de la philosophie. Quoi donci la pen- sée avait-elle reçu dans la parole un auxi- liaire si indispensable, que, sans son se- cours, l'homme était condamné à ne pouvoir sortir du règne des sensalions? La parole était-elle pour toutes les opérations de l'in- telligence le point ou le luoyen de jonction entre l'âme et le corps? Notre double nature plei, sans liut, sans facultés, sans avenir. • ii:u\nH.i, Lmui sur le tangage, p. 182. j _.TT] k II iiiiil il |Wi*! I ifl7 tMigoail-t'IIc celle sorlo il'incarnalioii de ce qu'il y a de plus immat*''riel au monde, ou bien Dieu avail-il voulu nous faire com- |)rcndre la dépendance do noire esprit en le rendant incapable de se seconder sans l'ac- lion extérieure de l'enseignement oral?... R Toujours est-il que le fait est incontes- table, et que la parole est le moteur primitif et nécessaire de nos idées, comme le soleil, en agitant par son action la vaste étendue de l'air, y produit la scintillation brillante qui éclaire nos yeux. « Il suit de là que la doctrine catholique estdans le vrai, lorsqu'elle nous montreDieu enseignant le premier homme, soit en fai- sant jaillir la vérité de son intelligence |)ar la percussion du verbe, soit en lui annon- çant des mystères qui surpassaient les forces de l'ordre purement idéal. En elTet, puisque l'homme ne pense et ne parle qu'après avoir entendu parler, et que, d'une autre part, les générations humaines viennent aboutir h Dieu, leur créateur, il s'ensuit que le branle premier de la parole et de la |)ensée remonte à l'heure de la création et a été donné à l'homme, qui ne possédait rien, par celui qui possédait tout et qui voulait lui tout communiquer. Une fois ce mouvement im- primé, la vie intollectuelle a commencé |iour le genre humain, et ne s'est plus arrêtée depuis. La parole divine, immortalisée sur lus lèvres de l'Iiommc, s'est répandue comme un fleuve intarissable et divisé en mille rameaux h travers les vicissitudes des na- tions, et conservant sa force aussi bien que son unité dans le mélange infini des idiomes et des dialectes, elle perpétue au sein même de l'erreur les idées génératrices qui cons- tituent le fond populaire de la raison et de la religion. Si la liberté Humaine en vicie l'enseignement, ce n'est que d'une manière limitée; ses elforts n'atteignent pas jus- qu'aux dernières profondeurs do la vérité. La parole, par cela seul qu'elle est pronon- cée, porto dans son essence une lumière qui saisit l'âme et se la rend complice, sinon pour tout, du moins pour les principes fon- damentaux sans lesquels l'homme s'évanouit tout entier. Ainsi, Dieu, par l'effusion de son verbe continué dans le nôtre, ne cesse de promulguer l'évangile do la raison, et tout homme, quoi cpi'il fasse, est l'organe et le missionnaire de cet évangile. Diou parle en nous malgré nous; la bouche qui le bias- (128) LACORDAinF. , CoHféreiices de Nolrf-Dame, i9*(:oiir. — Vuij. luiioli'li, àlaliiide l'Inlroduciion. INTRODUCTION. 188 phème contient encore la vérité, l'apostat qui le renie fait encore un acte de foi, le sceptique, qui se rit de tout, se sert de mots qui adirment tout (128). » § V. —Citations de quelques auteurs qui ont écrit iur le langaije. Nous avons cité au long, dans un autro ouvrage (129), le sentiment d'une foule do philosophes et de savants sur l'origine du langage et sur son rôle dans l'évolulion de ]'intelligcnce humaine. Nous nous borne- rons à reproduire ici seulement quelques lignes extraites d'un petit nombre de ces auteurs. Nous omettons la plupart de ceux déjà cités dans cet Essai. Balmès. — La parole est le fil conducteur de l'iiitelligcnce dans le labyrinthe des id'jes. Le signe suit l'idée ; il semble nécessaire h ridée. Nous ne pourrions apprendre si l'ensei- gnement n'eût présidé au développement primitif de notre intelligence. {Philos, fond., t. L p. 97 et 2U; t. H, p. 3U et 320.) Ballancue. — L'homme no peut être ce que Dieu a voulu qu'il fût sons la parole. Sans elle, il ne penserait pas, rorome sans les yeux H ne pourrait pas voir, comme s^ns les mains il ne pourrait pas toucher, comnio sans les oreilles il ne pourrait pas entendre. {Essai sur les institutions sociales, i" partie, chap. 9.) Babcuoi} de Penuobn (le baron), membre de rinstitul. — Si l'hoiume se sait, s'il se comprend, s'il parcourt les diverses phases d'une évolution intellectuelle au bout de la- quelle il s'apparaît dans toute la grandeur de sa nature, c'est grâce à la parole. S'il ar- rive à la cunnais.sanco, et par suite. Jusqu'à un certain point, à la possession du monde matériel, c'est encore grAce à la parole. Nous enfantons le monde, nous nous enfantons nous-mftmes par la vertu de notre propre verbe. {Essai d'une philosophie de l'histoire, t. I, p. 50.) Bautain. —Sans le ministère de la parole il n'y a pour l'humanité ni développement intellectuel ni développement moral. La nécessité de la parole ressort de las, comme sans voir, comme spus s touclier, couinio [rait pas entendre. ociates, i" partie, jaron) , membre le se sait, s'il se diverses phases le au bout de la- ute la grandeur a parole. S'il ai- par suite, jusqu'à ession du monde h la parole. Nous nous enfantons de noire projirc yphie de l'hittoire, stère de la parole ni développcmeiii lent moral, oie ressort de lii )mme. Son inleili- nt point diretU" bles, spirituelles. pénètrent en lui e organique, et par tlediimln comliiuim ris, LecolTio, édiicur. ss ,ç5 ESSAI SLR LEVOLUTION Ot conséquent il faut qu'elles revotent une forme analogue au milieu qu'elles doivent iravcrser, comme le rayon du soleil est né- cessairement modifié par l'atmosphère avant ,1'arriver à la terre. (Psychol. expérim., t. Il, p. 196-20i.) Rebton {M. l'abbé). — Pour les notions intellectuelles, il est impossible qu'elles aient un caractère d'actualité et de percep- libiliié avant l'acquisition de la parole. {Esmt philos, sur les droits de la raison, p. 187.) Blanc Saint-Bonnet. — Une peut pas [)Uis y avoir de pensée sans ses paroles que do figiirps sans ses li..iites. (De l'unité spiri- luellc, t. m. p. 1170.) liLAiD (le docteur). — Sans la parole, la pensée serait nulle, l'inielligence muette ne pourrnil rien produire comme elle ne pour- rait rien manifester. La pensée n'est pas la parole, mais, sans elle, elle ne pourrait naître et paraître au dehors. A son tour, la parole n'est pas la pensée, mais , sans celle-ci, elle ne pourrait se former. (Traité de physiol. philos. , I. Il, p. 276, etc.) RossuET. — Sans nous égarer, avec Pin- ton, dans ces siècles infinis où il met les Ailles en des états si bizarres, que nous réfu- terons ailleurs, il suffirait de concevoir que Dieu, en nous créant, a mis en nous cer- taines idées primitives, et que ces idées se (éveillent par les sens, par l'expérienre et I ar l'instruciion que nous recevons les uns des autres. [Logique, oh. 37.) ^ous ne pensons jamais, ou presque ja- mais, 5 quelque objet que ce soit, que le nom dont nous l'appelons ne nous revienne, ce qui marque la liaison des choses qui frap- pent nos sens, tels que sont les noms, avec nos opérations intellectuelles. (Connaiss. de Dieu et de soiméme, ch. 3, g ik.) Db Brotonnb. — Otez le langage à l'Iiom- me, toutes les facultés sort inertes, il n'exi>ie (pi'un animal plus misérable que les autres. (Civilisation primitive, p. 236.) BucHKz. — Personne n'ignore que la con- naissance des mots est antérieure chez les hommes à toute opération dont ils puissent so rendre compte. (Traité complet de philos., t. I, p. 225.) Il est un fait qui est aujourd'hui démontré en philosophie, c'est que l'homme ne peut penser sans signes ou sans une parole quel- conque.(/n/roducM'ond la science de l'histoire, t. Il, p. 227.) Cahdaillac. — Une fois que la pensée s'est Dictions, de r.iNULisriQiài, L'INTELLIGCNCE HUM.\INE. i'd incorporée dans la parole, le sentiment de la pensée et celui de la parole se fondent l'un dans l'autre au point de ne pouvoir plus, non-seulement se séparer, mais même se distinguer. La parole est pensée, le sentiment de la parole est sentiment de la pensée, et nous ne pouvons avoir d'autre sentiment do la pensée que celui que nous avons de la pa- role. Et remarquez bien que c'est vrai, non- seulement des idées abstraites et générales mais même des idées individuelles, lorsque leur objet a été nommé. (Eludes élém. dt philos., t. II, ch. 10, p. 386. ) CiuRMA. — Sans le langage, toutes nos idées générales, toutes nos idées abstraites, réduites à leur propre essence, s'évanoui- raient, se disperseraient aussitôt que l'esprit les perdrait de vue et il nous faudrait sans cesse les refaire. La langue, en les incarnant, les fixe et les solidifie ; grâce à elle, l'abstrac- tion, la généralité, pures conceptions, pren- nent un corps, se substantifient et vivent par là d'une existence indépendante. (Essai sur le langage, p. 174.) CotHNOT { inspecteur général de l'instruc- tion publique.) — C'est la loi fundamentalu de res|)rit humain qu'il ne puisse s'élever è la conce|)tion de l'intelligible qu'en s'ap- puyant sur des signes sensibles. Le langage est la condition organique du développement de toutes nos facultés intel- lectuelles. (Essai sur les fondements de nns connaissances, t. I, p. 203, et t. Il, p. 12. ) CuviER (le baron G. ). —Cette disposi- tion è exprimer une idi^e très-générale par un signe commun est ce qui caractérise l'es- pèce humaine, et ce qui est le germe de tou- tes ses facultés intellectuelles; car ce n'est qu'au moyen des idées générales, exprimées par des signes, qu'elle fait des jugements, des raisonnements et toutes ses autres opé- rations purement intellectuelles. (Hist. des sciences naturelles, t. V, p. 166.) CoNDiLLAc. — Si ' )us croyez que les noms vous soient inutiles, arrachez- les de votre mémoire et essayez de réfléchir sur les lois civiles et morales, sur les vertus et les vices enfin sur toutes les actions humaines, vous reconnatrez votre erreur. (Art de penser, passim.) Cousin. — Le langage est certainement la condition deloutes les opérations complexes, et peut-être de toutes les opérations simples de la pensée. (Cours de 1819, i" partie, p. 109.) De Géra;sdo. — L'homme privé, dès sa C H! S f. pi î\ 171 INTRUDUr.TlUN. in :a;ii| m^^ h' M ■M ' V \î\m\ oaissance, du commerce de ses semblables et de l'usage de tous les signes que ce com- merce nous conduit h instituer, ne s'élève point au-dessus du cercle étroit dans lequel végète la brute. Quelles que soient les facultés que l'hom- mo tenait déjà des bienfaits de la nature, ces facultés, sans le secours du langage, seraient en nous oisives et impuissantes. Sans le langaj^e la réflexion serait toujours stérile; c'est lui qui détermine son activité et ses progrès. {De$ signes et de l'aride penser, t. I. Inlrod., p. 1 et 7 ; t. H, p. 250.) Destutt de Tracy. — Sans les signes, nous no penserions presque pas. (Idéologie, cb. 17.) Di'gald-Stewart. — Sans l'usage des si- gnes, toutes nos pensées se seraient bornées aux individus. (£/^mentj de philos, de l'esprit humain, t. I, p. IH. ) Gebdy (le docteur). — Le langage est le levier de l'intelligence. C'est, dans les choses intellectuelles , l'appui qu'Archîmède de- mandait dans les choses physiques pour sou- lever le monde. (Physiologie philosophique , p. 237.) GiBON. — L'homme s'attacherait peu aux détails s'il était privé des moyens d'analyse que lui fournit la parole. L'analogie nous porte à croire que toutes ses idées ne seraient que des images et qu'il ne saisirait que des ensembles. 'Cours de philosophie, I. I, p. 156.) Harkis. — Les mots ne sont les signes ni des objets extérieurs individuels, ni des idées particulières; il n'est pas de leur essence de représenter autre chose que les idées géné- rales. (Hermès, ou Recherches philosophiques sur la grammaire universelle, traduit de l'an- glais par Thurot. Londres, 1732.) HuMBOLOT (le baron Guillaume de). — Sans le langage, point do conception achevée, point d'objet pour l'Ame, car aucun objet ex- térieur n'obtient de réalité pour elle qu'au moyen de la conception. Or, dans la forma- tion et dans l'emploi du langage on voit tou- jours passer nécessairement toute la nature de la perception subjective des objets. (Dans S'rECHER, Analyse des doctrines de G. de Humboldt, p. 26. ) De quelque manière qu'on le prenne, l'homme ne vit, ne se meut que par le lan- gage. (Pd., ibid., p. 23.) Klaprotu iart. Langues ASinfi]'F.ncyclopé- die moderne, j — Sans langage l'Iiuaime se- rait placé au môme degié (jue les animaux et ne suivrait que les impulsions coniuses de sa pensée. Penser cl parler sont donc, d'après leur origine, une même chose ; car sans pa- role on ne peut penser, et sans penser on ne peut parler. M. Léon Vaïsse, dans une note, commente ainsi ce passage : « Dans l'exercice de la pensée notre intelligence n'opère pas direc- tement sur les idées ; elle opère seulement sur les signes qui les représentent. Or, comme il est parfaitement démontré qu'un sourd-muet peut penser sans être en état de parler, il s'en suit que ce qui est indispen- sable à l'acte intellectuel, ce n'est pas préci- sément la parole, mais c'est un ordre quel- conque de valeurs significatives. » Lai'rentie. — La société développe l'in- telligence, et sans la société l'homme serait sans idées. ( Inlrod. à la philos., p. 62. ) Leibnitz. — Si characteres abessent, nun- quam quicquam distincte cogilaremiis, ne- que ratiocinaremur. (Dial.de eonnex. intcr res et verba. — OEuv. phil., édit. Raspe. p. 509.) — Ailleurs il appelle les langues ie miroir de l'entendement. Locke. — On ne saurait jamais faire bien entendre les vérités générales, et rarement les comprendre .soi-même, si ce n'est en tant qu'elles sont conçues et exprimées en paro- les. (£"«0» sur l'entend, hum., liv. iv, ch. 4.1 Mallet. — Olez le langage mental, et les opérations de la pensée n'ont plusrienquede complexe et de confus. Essayez, sans le se- cours de la parole, d'abstraire, de généraliser, de raisonner ; la possibilité d'une semblabio opération peut à peine se concevoir. (Etudes philosophiques, t. I, p. 225 et suiv.; ouvr. cour, par l'Acad. franc.) Mai'pied(M. l'abbé). — En dehors de In société, l'homme ne parlerait pas; son intei- ligeRCo ne se manifesterait pas; être isoN^ dans le monde, le présent serait tout pour lui; sa conservation individuelle l'absorbe- rait tout entier. (Dim, l'homme et le monde, t. II, p. 308. ) MiLLûT(rabbé). — 11 est certain que l'espril humain n'a jamais pu connaître et combiner que des objets Qxes et déterminés, ou des modifications de ces objets. Il est aussi cer- tain qu'il n'y a que les mots qui puissent dis- tinguer, fixer et déterminer les idées, ain.-i que leurs modifications, de sorte que, suj - poser la combinaison et la muliiplication des idées avant l'invention des mots qui les for.l distinguer, qui les fixent et les d'Herminont, c'est mettre l'eflfel avant la caisse. (//fsfoiVc i7i ms coniuses de Il donc, d'après B ; car sans pa- sans penser on lole, commenlo exercice de la père pas di réo- père seulement )résentent. Or, lémontré qu'un I être en élal de ai est indispen- n'est pas préci- un ordre quel- ives. » développe l'in- ! l'homme serait los., p. 62. ) s abessent, nun- igitaremiis, nc- de eonnex. inter f., édil. Haspe. le les langues ie amais faire bien les, et rarement i ce n'est en tant irimées en paro- ., liv. IV, ch. k.) ge mental, et les t plusrienquede ayez, sans le se- e, de généraliser, d'une semblable moevoir. [Etudes et suiv.; ouvr. în dehors de In t pas ; son intel- l pas; être isolt^ serait tout pour iuelle l'absorbc- mmc et le monde, îrlainquel'espril altrc et combiner erminés, ou des Il est auâsi cer- qui puissent dis- r les idées, ain^ ( sorte que, su| - luliiplication drs mots qui les fni.t les J'Herminoiit, cause. (//fsfoiVc 173 ESSAI SUR L'EVOLUTION DE ))hilo$ophic. 1.) Pour compléter cet Essai, Voy. la premiè- re partiede rintroductiondece Dictionnaire, et l'article Langage (Origine du), etc., etc. 1^ S'I-'i ÏP NI k NOTES ADDITIONNELLES A l'essai sur L'àvOLt'TIOM DE L IMTBLLIGE^VCG UUUAIKI NOTK A(Col.ll6). " '*Uiiii îiii il!!:!»; ,!«»•] îrplf Du iourd-muel. Tout ce qui est dit de la nccrisilc du langage pour le dcvoloppeniont et la rorniiilioii do la raisun, est cvidcinniriil applicalilu de loul piiini au suiiid- iniiet. Mais ci>lui-€i iiVsl pas riiomiiie Isnié, l'homme de la nalure Aes r»lit)iialisti>g; le sourd-inuia vil, granilil, se dévelop|it> au sein di; la snciéié. Quolipie privé de la couiuiiinlratiou verliale, il y paniripe iiécessaireuioiil au hioufail de la civilisalinn ; il y reçoit par les yeux um; éduialioii Tuil iiironiplèle, sans doute, mais siilliiiaiile itour jelrr dans sou es- prit une foule d'idéi's qu'il u'auriiii rcrlaineiueiit pas dans iY'lai d'isoii'uienl. Il y est sountis aiM rè- gles niDiali's qui légissenl la lainille et l'Elat ; il y est (éini)iii de nos arts et du li'urs produetiuns, de noire culte et de ses réréinonies, de nus usaunt, et qu'on lui cause de la peine en lui volaiii ce qui est à son usage. Aussi lonius les luis qu'il n'aura pas une raison d'agir, il s'abstiendra de frapper ou de vider; niais, lorsqu'il aura un motif quelconque, il agira sans scrupule et sans remords, parce qu'il ne sait pas, qu'il ne juge |Kis qu'il est mal de nuire à autrui, vu qu'd ignore «pie l'aciioii de fripper et de voler est contraire à nue loi qui le défend, i Borné aux seules sensations (ju'il éprouve, il est gai si elles sont agréables, et triste si elles sont làclnuses (I iâ) ; i mais quoique ;il!'ectc d'une manière dill'éreiite eu voyant niallrai- (lôfl-40) De l't'dncjitwn ilci sourils-muels, l. 11. p (Ul) In.,p. 06f iU2) Cuun U'imiruitioh d'un snurd-miui, par ter ou secourir un mallieiirenx, parce qu'il ser.ii*. content d'ét'O secouru el chagrin d'éirc mallrailé, Il ne juge pas de la bonté ou de la malice de l'aclion dont il ctl témoin. S'il connaît la correclion, il ignoié la justice, imitant lui-mi^me sa fin, Il n'a d'au Ire règle que l'anvur de lui-mèiiie : mut ce qui lui plaît est bien, et tout ce ijui lui iléplall est mal. Vmi7A (niKc sl iiiiil. niait point iraii- int (les yoiu pour iipriMiilru la cou- (lu f iilie. le spi'i;- 011 esprit à la coii- iiJe moral, e, sans le secours 180 raisonner inli'- il nous dira qu'il ! compte (le ce ipii 'en occupe nérien- ,é à se tromper à (le la ramillc ne l' lions supersliiieu >n ne le porteroi i IX objets sensit'l<'s son inilii,'<'rce in- pour comprenlie Insiies, coiiibieii il ■ luir la notion (rtiii,' temps pour conci-- et libie, (liane il.- ects ? eoniltlen ili; et riinuiortalitr on d'éviter le mul )çonner la r(>coni- SL'rvileur llilèle ou ijilics de Rome ci Il niiimie, Cl oyaient ;r longtemps clier- ii ntoiiie, ils avaient lus autres dans l' rd-niuet, ne ree«- eules forces, recon- autour (le lui, un r de son élre, sou- ,it i|ii'il imaginât l.i qu'il cicàl, eu qui 1- e, landis qu'o" "" I murale «lue l'es- déciiuvcrle! Certes, acié une l&clie bien ion bien incertaine, une on le prétend, dussent le porter a les d'accorder ceti<' 3 pour tirer (jucl- et des actions de> s londainentales sui lions dont le :duid- i»irc, page 1 1,. muet est privé, i'nur s'iiiili uire à la vue des céré- liumies du culte, il faut en connaître l'objet et le intiiir; autrement les actions extérieures de piété ne sont (lu'un vain speriacle : il n'y a aiii un rapport èuirc (les prostrationi, des eiK-enseiiienls, cl un être Iuvi8ilile,iunltre et seisneur de loules choses. F(mr (Hinlier les différenti oltji^ls qui frappent nos reiiards, et remonter péniblement de l'cITot à la cause, il laiit raisiMincr, poser des principes el tirer des ronsé- i|ueiices, re qu'on nt; peut faire qu'a l'aide des mois d'une lang 'e : l'expérieuce et les l'ails Tont prouvé. Le gourd-muel, dans ses actes exlérieiiis de pié- lé, ii'.'ait que par imitation. Ainsi l'enfant, nu sor- lir (lu berceau, imite sa mère ; coiuni'? elle il .'■e met il pennux, remue les lèvres, prend un rosaire, et en |i:ircourt niacbinaleiiient les grains. Ksl-il siirpru- iiiint que le sonrd-muol, avancé en âge, lasse la nié ne chose et soit iuiilaieur? Un sourd-muet, iiomuié Louis, voyant un souid-muel instruit faire s:\ prière dans un livre, demandait liii-mèuie un li- vre, et comme on le lui refusait à cause de son i){nor»nce, prenait au hasard une feuille de papier, allait se placer aupiés de >oiicauiar.ide d'ii:!'cnune, et se comportait comme s'il avait lu et prié d'une iiunière fort grave et fort recueillie. Lisaii-il, priail- il Dieu? Non, sans doute, fjue faisait il donc? Il jiuilail, et il était content. Dans l'école de Paris, il rii est un autre (|ui assiste avec assiduité aux Ollices i!e l'Etilise, se lève, s'asseoit et se prosterne avec les (iilèli'S ; aux fêles solennelles, il porte la ban- nière avec beaucoup d'à plomb el de giavilé; niéva- iiii ien né, il luonle, arrange et règle l'horloge. Cc- li'Uilant depuis trenie ans qu'il est dans la maison, iiu n'a jamais pu le faire réiléchir aux vé'ilés iiitcl- l.'ciuelhs; il ne p'iise qu'à ce qui tombe stms les sens. Ou ne peut donc pas se fier aux simples ap- |i:ireiices, ni soupçiinn(.T la connaissance des choses il'iiprcs certaines inaiiières d'agir. Les marques ex- lérieures de piélé n'ont donc pas uue liaison néces- saire avec les premiers principes de la religion et lie la morale. Que, sans avoir fréquciilé les écoles, les sourds- muets s;iclienl gesticuler cl l'aiie des signes délibè- res el avec inleiiliun, nous ov convenons; mais ces ^i)!lM'.s, ru petit nombre, sans ordre et sans liaison, :^iiiilo^iies aux iiéeessitès de la vie,» des obji'ts s>'n- silileset d'un usage commun cl ordinaire, ou, tout .111 plus, à certaines actions qui ont frappé leurs re- ^iirils cl qu'ils làchenl,de ilécrire en imitant la forme et l'image des choses,' n'ont jamais rapport aux \c- rilés intellectuelle'!. l'our faire des signes de vérités iiilellecluelles, il faudrait connaître ces vérités, et elles tout ignorées des sourds-muets. N'ayant des yeux que |)our le monde physique, leurs gestes ne i:>nrespuiideiit (|u'à des objets extérieurs; c'est un lait reconnu de tous les instituteurs des soiirds- iiiiiels, et même ces gestes ne sont que des des<;rip- tioiis vagues, grossières et diir>ciles à comprendre. Un directeur d'instiuition de sourds-muets d'une haute importance, a tracé le portrait suivant des infortunés à l'iiistructiuii desi|uels il a déjà consa- cré prés de trente ans de sa vie : < Le sourd-muet est plein de préventions contre les hommes; il se nourrit de l'idée que ses parents, sa f.iniille, toutes les personnes qu'il hiiite, qu'il voit, qu'il fréquente, ont plus «le bienveillance pour les autres que pour lui. (Ut) i(ln a vu, I ilil Lcihnili (JVoMr. euais, I. ", c. 1), ( un entant né sourd cl niiiel marquer de h vëiiiiration pour la pleine lune, et l'on a Irouvé des iialions qu'on no uivaii pas avoir appris autre chose, i Tnui le miimle cuunuii l'Iiisluire du jeune Sinlenis, i';levé jusqu'il dix ans ciinrorniéincut à la ticllou de l'au- ii'ur d'i.mi/e, cl qui n'avait juinais jusque là ni entendu ni lu le nom de IJieu. I>ppudanl, eu l'abseiirc du nom, le besnlii de l'objcl s'iUail fait sentir; il crut l'avoir trouvé dans le soleil, t^i.unme ccl aslre èclalant semble I II n'a pis l'idée de sou mallieiir, il no sait pas que les uiitres possèdent un sens qui lui manque; il s'imagine que tout le monde est sourd-muet. • On ne doit donc pas s'étonner qu'une certaine aigreur résulte de sa position et de l'abandon dans leciiiel on le laisse végéter. Mais on concevra plus dimcilement que celle position lui inspire des scn- timents d'orgueil, des préjugés en faveur do sa su- périorité. Rien n'est plus vrai cependant. Le pauvre sourd-muet n'»yant pour tout moyeu de communi- cation avec ses semblables que (luelipies gestes, sans aucune idée de l'existence d un autre moyen de manifester ses sensations, ses senliinei.'.s, ses volontés, ses idées, fait des signes un usage plus habituel i|iie les autres hommes; la nature chez lui est ingénieuse à les perl'ecli«nuer. Il les perfec- tionne lui-même sans cesse par l'usage, et, dans sa convietion, il s'ex|irime bien, il parle avi c c.hiiié, il s'énonce avec élégance. Ni sa famille ni les étran- gers ne niaiiienl aussi facilenienl (iiie lui ce langage mimique; la dilUcullé qu'ils oui à le comprendre lui donne une pitoyable idtiede leur intelligence; l'em- barras plus grand encore qu'ils éprouvent pour «'exprimer n'est guère de ivaiiirc à lui ii spirer plus d'eslime \}m\ eux. Dès (ors il ne faut pas s'étouncr qu'il se clas-e au-dessus de ceux qui l'entourenl, (ju'il relùiiiie dans son esprit, bien au-dessous de lui, ceux qui auraient dA être pour lui les inter- prètes, les professeurs des vérités sociales, des vé- rités Uiorales on révélées. « Celle aberration de sou esprit est le proi.'iiit de son infoi lune (lui l'a placé hors de la vnje ordinaire tracée par la l'roviilence, et celte déviation le f.iit tomber dans toutes suites de suppositions fausses. Privé de guide, il croit de bonne fui à je ne sais combien d'idées absurdes auxquelles son intelligence incomplète, sou imaginatioi livrée à elle-même, |iar\ieiinent à donner une réalité I Sirivons le soui'.l-miiet dans toutes les haliiliidcs sociales. Il voit prier ses frères : la mère ou la bonne prie avec eux, mais on ne l'invite pas à s'as- socier à la prière; on le repousse nièuie, ou si on lui permet de s'agenouiller à (ùlé des auttes, c'est avec un geste qui lui dit : Vous no comprenez rien à ce i|ue nous faisons. Il saisit le sens i!e ce geste, et cette répulsion l'aigrit encore davantage. ( l'uis aucune explication n'ayant lait couiiaiirela valeur et le sens de cette action, rien ne l'ayaiii éclairé sur la portée el le but de cette linmlde pnsi- lioii d'une personne se mettant à genoux, qu'en ré- sulle-l \\'i II n'a eiieuie aucune idée de la Divinité, il n'a que cette agitation de l'àme qui la porii> vers un Etre suprêuic, encore inconnu, mais ((u'ellc lève vaguement. Ebahi, il regarde la direction (jue l'on donne aux yeux dans la piièrc, et ne trouvant là- baut rien de plus grand (jue le soleil et la lune, il deviendrait idolâtre, s'il était possible, avant d'avoir l'idée lie la Divinité; cl c'est la terreur plutôt q'.:e le respect C|ui l'anime (144). Il jouit du s< leil et (!c tes bienlaisaiita rayons, sans ruisonner sur leur douce iiiUuL'uce; mais la Uiiie insnirc à tous les sourds-muets une crainte vague : j en ai vu qui lui moiiliaient le poing pour la menacer, l'cITrayer et l'empêcher de les poursuivre de ses regards ; tous en ont peur. I Dans son imagination, le rirmaincnt devient un amalgame abiiurde de rêves cl d'images impussi- sc promener chaque jour du levant au couchant, pour rû- paiidie sur la terre la lumière et la chaleur avec (j'iuiiiiiu- bnibles bienfalls, l'cnranl u'bésiia pas à en faire un être vivaui, eonime toute l'autiqulté païenne l'a fuit. Tuus les nialiii'i, p.ir le beau temps, il allait myslérieu^emenl au jardin ponr assister au lever de l'astre du jour el pour lui appurtcr snn hommage. Jamais Vestale, comme il l'a dli de|iuis, ne lui a rendu un culle plus sincère, plus cor- dial et plus pur. I^\ i «71) NOTtS ADDITlONNtLLIS IKl il mit ma Ml l>lei. Le» éimW» font liu» lani|K-tt|ut« l'on alliiino le voir dans iI<:h niaiMtiiii iiivIsihlK-it, Il eut vrai , mais i|iie (un* tti|)p()iti'nt coinino cxisluul. S'il pleul, eu Hoiil loM nioiia^cieH t|ui lavent ItMirs ilcnieuri'H, ou qui J<>ll(-nt lies Diaiix tl'uiui. Ils adim-Uont gan» Muuri illi!i' d'aulrci explications tout aussi folles et aussi iilisnrdL't. I A l'i'ijlise, si on l'y mène, tout ce qn'il voit lui io'p'.rc do riiiorinenictii ; niais m qui Icrùvollc par- dessus* loui, c'i'sl rt'itli-ri'viiioni des inoris. I La mort : ce mol iif lui dit rien,— il n'a pas l'Idée du moui ir; il ignore ce que c'est que mourir ; il ne vi'ut pas mourir. Le sentiment Je sa desiinaiion iinniortello l'agile , mais il ne lui sert qu'à nier 11 vërité de ce qu'on lui dit... Il s'imagine qu'il «Wia loiijoiirs, et l'nli'rrer un cadavre est pour lui étoiif- l'iT un homme, ou tout »u moins l'eiiiprisonner ilans la terre. S'il s'agit de rcnlerrouieiit de ses paients, il hait ceux qui jr coiirourcnl, il déteste le (irétre qui remplit les dernières cérémonies. Ces erreurs, ces prévenlions, ces préjugés deviennent le plus grand ohslacla au succès du son insiructiuii iiiéilio(iii|ui>. f Larcetiliide, la logii|ue naturelle des autres en- fants doués de tous ItMirs sens, la virginité de leur iulclligence, lus prédisposent it la foi, aux vérités •l 'e nous leur révélons successivement; leurs Ames ont faim et snil', elles languissent après les notions •loin elles pressi-nteiit li féconde influence. C'est l'ieil qui elicrrhe la lumière et qui se réjouit de son .) NOTIi U (Col. Î3i). Idées générales et lermet ijéiiéraux. Nous avons dit que le vocabulaire d'une langue éiait tout entier composé de termes abstraits et gé- néraux. C'est en elTet une chose remarquable que le {i!'U de place qu'y occupi'ul les nom» propres. Il sem- ile pourtant que si le langage eût été d'invention liitinaine, il eût liii se composer de mims propres. Il était naturel, en effet, de désigner d'abord par un mot particulier, chacun des individus organiques ou inorganiques avec lesquels on é::iit imméiiiaieiiient en rapport. Mais si le langage s'était borné à nom- mer seulement les individus , comme le nombre l'c ceux-ci est iiilliii, il aurait fallu, pour foimer une langue parfaite , que le nombre des mots etU été aussi infini, cl, dans celte hypothèse, il aurait sur- passé la capacité des hommes les plus habiles. Et\ outre, comme les individus n'ont qu'une existence passagère cl fugitive , lu langage des hoiuuies qui vivaient il y a un siècle serait aujourd'hui alsolu- menl inconnu. Enfin le laiigagc de.rhaque province, de chaque ville, de chai|ue hameau, eût été néces- s.-iipemenl partout difféient , et eiït rhan);é partout h chai|ue instant, puisque telle est la nature des in- dividus à laquelle il est assujetti. (t K) Sfilogizari non esl es pirlirui irl, i\v\v uogalivis, retle eoiicludcrc si \is. Si le langage ne se fût composé que de nom'! oprcs, aucune proposition générale n'eût été pos- Si propres, sibte, parce que, dans cetfe I yp< ioinl U l&vlie ul eiiite «i>n» ant que «on in- I ton Jtigpineiil B làchn rompn- esiinéo de IVii- veiil que l'en- d'hulruii'C un lies ulutiirilf» du les, rt'dressicr la I lialiilude» déjà ■ le» clioiie» ; il e» sur l'amoui- une àuic à rn- )ii'nd, tiijdo If» )lui une niairlie liai cnniinncl. Il lur une niéllinde nciv, déveinpt"'!' npli de prévrii- llklnn» à In dé- 118 do II'» «Jler dt! en, II'» obsUile» » dan» un esprit i-muel s'est as- nun-is en dehors m ronlrôie , que jourd-mnet, avic , prévieux . cl la car l'ùije destine enl de l'espril du oui coniril)UU an L sa souniisiiion, j de son cœur, la nùine qui consli- ril. » (L'abW C*iiTO>.) osé que do. nom' ■aie n'cûl clé pus- f pnsé(|"enl ■ue les résnlt.iis ns; point d'arts, ppliuïliuns prali- ainsi, puisqnc Ifs objets exiérienis essence du repié générales. Et en es verbes, les par- i, les pré|»o»iiioiis, j , gonl tous , sans Il en est de. mtïin« liun des noms pru- 115 avons l'Idûe «u 1» m que celle chose, (>p<>ndant lout les objels sensibles sont des iii' diviilus., il en est de niènie des objets de lu cons- ileiiec . de lon^ les objets de nos jonissunces et de ■lOsdiSirs, do nos es|Hnaii<'es ri do nos cruinlcs. On peut avancer sans léinëriié que, sur la terre cl ijaii ' cieux, Oieu n'a créé que des individus. Comnienl se fait-il donc que les mots (lénéraui tiennent tant de plarc dan» les lanifues, ci les noms «ronri'» si peu î C'est «lue les objet» désiRnés par dos noms pro- pre» n'ont qu'uno existence loealu , et nu sont (:iiii'> nus que d'un \illagc ou d'un canton; les autres linninies qui parlent la même Innguu el le reste du genre humain les ignorent. Les nnnis par lesquels on les désigne étunt particuliers à la localité , et no te traduisant point dan» les autres langues, nu font pus plu» partie du langage , nue les « ouinmus d'un h'iineuu ne font partie du lu législation d'un peuple. Il Taut observer, de plus , que l'esscncfl de lout objet nous étant iiupénetrablu , les individu» ne su montrent i> nous que par leurs propriété», telles que le nombre de leurs parties, leurs qualité» sensibles, ieui s relations ;') d'antres individus, leur situation, leur» monveinents. C'est par lit qu'ils nous sont uti • le» ou nuisibles ; qu'ils excitent en nous des espé- raiiees ou des craintes ; qu'il» servent d'instruments à no» desseins; c'est enfln par l'exprcssinn de leurs ;it'rilMils qun nous pinivons coiiiniuniquer à nos «einbbiblcs la connaissante que nous avons aci|uise tie cliacnn d'eux. La nature même de ces attributs etige iin'il» soient exprimés par des mots généraux. Kii elU'l, quelle que soil la ciéalure individuelle que non» observions, ouvrage de Dieu ou des honi- nies, tous se» attributs sont cominnns à plusieurs individus; l'expérience nous l'apprend, ou nous le «irésiinions ainsi, el nous leur donnons le niôine nom dans tous lus sujets auxquels ils apparticu* UL'Ilt. Il n'y a pas sculcineiil des attiibuls d'individus, il y a des attributs d'uUributs , qu'on pourrait appeler ul«, comme l'Iliade, dans une coquille de noix , qui lus transmettrait aux générations futures. Cet effet mi- raculeux du langage réside tout entier dans les ter- mes généraux , annexés aux divisions et aux subdi- visions des choses. Ce qui précrreclion des organes et des fiCuUi's clicz noire premier père, toutes ces opénitions , que nous fai> gtins si lentement, si difficilcinent , si iinparraite- mrnl, ont été faites par lui avec la rapidité de l'éclair. Au reste , pas d'ensei);iiement , ni de cou- cours ou d'action spéciale de la part de Dieu tenant lieu d'enseignement.— Voilii l'hypotlièse. Or, disons- nous, Adam n'était pas d'une «uire natureque nous; ilonc , ce qu'il a pu , nous le pouvons aussi, à cer- tain degré ; tout lioinnie, par conséquent , doué des racullés ordinaires, quoique privé , n'importe com- ment, de tout commerce avec ses scmblakics dont i'Inleliigence est dcviluppée, pourra parvenir par liii-mâinc et sponiuncmeiil à la science naturelle de Dieu , de l'Iiomme et du inonde. I Celle conclusion , rigoureusement dé:luite de r'iypollièse , est contraire aux faits; donc l'hypo- thèse est inadmissible. I Pour établir ensuite notre scniiinent, nous n'a- vonscu qu'à retourner lu inénicratsunncnienl. Nous «vimsposc, comme point de départ essentiel, un principe admis par tout le monde, savoir : que le priinier homme, de ta nature, ne jouissait d'aucune |iuissance que ses descendants ne possèdent égale- ment à un certain degré. ■ Or,i ajoutions nous, I l'homme ne parvient à la connaissance d.s vérités religieuses et morales que par renseignement : donc le premier homme a dû aussi être enseigné ; et comme il était seul encore de son espèce , il a dû recevoir cet enseignement de Dieu lui- luèiiic. I Comme on le voit, et quoi qu'en dise le savant professeur, il y a lians ce raisonnement autre chose que des expressions poétiques, ou un système ima- giné pour le besoin d'une cause quelconi|ue. L'argu- inenlatioii est rigoureuse de Ions points. I Que devrait donc faire M. Uaret , s'il n'admet pas la conclusion ? Eviitemnient il n'a qu'un parti à Jirenitre : c'est de réfuter les prémisses ; et comme ta majeure est incontesUble , et que persunnc n'oserait nier que les enfants ne soieni^de la même lulure que leur père, il ne lui reste qu'à attaquer la mineure. Mais il s'en garde bien. « Maigre nos observations et nos provocntions , il s'abstient toujours de iiou^ dire s'il regarde l'en- ki'iitneinenl comme une coiiditiou essentielle et i;idMpeiiiat/<, non pas seulement pour le dcvelnp- |ieinenl complet de l'esprit humain , mais encore et turtoHl pour son premter développement, ou pour la connaissance des principes et des vérités premières. Comme il laisse planer l'iiiceriiiude sur lu fait qui doilserùrde base au raisonnement, ses assertions restent vagues et ne reposent sur rien. Sur quoi, en etfet, s'appuie-t-il pour refuser à l'acte créateur le caractère d'un enseigneiaent , et pour afliriuer la sullisaiice et la sponianéilé de la raison? Sur l'au- torité de la théologie, dont il prétend reproduire l'emeignement el te* formulée. El il cite saint Tho- mas et Suaret, qui enseignent que la science natu- relle, dans le premier homme, était exacienienl de la mime nature que la nôtre. — C'est en vertu de la même autorité qu'il repousse la nécessité du la révé- laiion uttlurulle telle que nous l'entendons; sa rai- son péreuiploire parait être que cette réiiélaiion était inconnue aux graudt théologiem et à la irudiUon titiologique. t Je ne puis le dissimuler , je me serais attendu à d'autres argiiiiients de la part d'un iliculogieii philosopiiique lel que M. Haret. I Je réponds, premièrement, que la théologie, comme telle, n'a pas d'enseignemeiil formel au sujet de la question qui nous occupe,, par la raison que celte question est tout entière en dehors de* aon- ' Iléus de la lévelaiion, el qu'elle ne peut être réio- lue qu'il l'aide de l'observation attentive des lois de l'esprit humain. (147) DuQmti calliuliquts, 1. I, p. Zii. « Eu second lieu, que les anciens théologiens, auelque respectables qu'ils soient , ne sont pas ici es autorités décisives; d'abord, parce qu'il ,s'agit d'une question purement philosophique en elle- même, bien qu'elle ait des conséquences très graves pour l'apologétique chrétienne ; entuite et surtout parc-; que le fait psychologique qui nous oblige d'admettre une éducation divine en faveur du pre- mier homme , ce fait , dis-je , n'avaiit pas été ob- servé, étudié par les anciens, il iiost pas étonnant qu'ils n'en aient pas déduit les conséquences, cl <|qe la révélation naturelle leur soit demeurée inconnue. Que M. Maret nous montre un seul de ces théolo- giens auxquels il fait allusion qui ait posé la qu s- lion de la nécessité de renseignement pour parve- nir à l'usage de la raison, et qu'il l'ait résolue dans un sens ou l'autre, et alors nous verrons. Mais s'il est constant que cette question h'ur a échappé, 3irelle n'a jamais fixé leur allention, qu'on cesse e nous les opposer ou de se p'évaloir de leur si^ leiice. Leur inadvertance , qui n'été rien du reste à leur mérite , n'empêche pas que celte loi ne soit constatée autant que peut l'être une loi de |a na- ture, c'est-ji dire par l'expérience la plus univer- selle, la plus invariable, la plus constante. Et nous ne craignons pas de le répéter avec notre honorable ami M. Laforét (147) : < Notre époque peut se flatter « d'avoir assis sur une base que nul choc n'ébran- I lera la plus grande découverte psychologique que I présente l'histoire de la pliilosopliie. L'observa- « lion a porté un regard aiientif |sur des faits peu • remarques auparavant, (l'homme remarque si pt-u I ce qui se passe en lui et hors de lui I ) et l'étude < de tes faits a révélé une loi de la nature que des < préjugés de système peuvent enrore faire contcs- < i.r durant un certain nombre d'années ( c'est le I sort de toutes les découvertes^ , mais qui a pris ( place tians la science, el quu oans un avenir peu « éhiigné tout philosophe sera coniraint de recou- < nat.re. i < Ce fait acquis à la science est un triomphe rem- porté sur le rationalisme; par conséquent, négliger ou repousser les avantages qu'il nous procure, c'est mal servir la cause que nous défendoiis. < Troisièmement, quoique les scolasliqucs ne se soient pas posé la question de la nécussiié générale de renseigiienient , et d'une révélation primordiale divine impliquant la condition de l'enseignement pour le premier homme , leur langage iiéaninoiiis, aussi bien que celui des Livres saints, est loin d'être favorable au système de M. Maret. Nous l'avons déjà fait voir. Bornons- nous à répondre un mol à l'ar- gument qu'd prétend en tirer. Saint Tlioma«, après avoir dit que te premier homme a reçu la scie.ice de toutes choses iii/'use de Dieu : Primui homo habuit tcientiam omniuiii per tpecies a Ueo infusas , ajoute immédiatement : Aec tamen icientia illa fuit alieriut ratiouii a scieniiu nutira. i Or, > continue M. Haret, notre science est une sciMIcc d'observation, d'iU' luition, de raisonnement. Donc, le premier hom- me , au moment de sa création , a dû , comnio nous, s'observer lui-inèine, observer la nature... > t raisonner , c'est-à dire appliquer les principes à l'expérience... Celle science a donc été, comme la notre, un acte humain, un priKluit de l'acti- vilé humaine. > N'allons pas si vile. Que la science du premier homme ail é.é de la même nature quo la nôtre; que son esprit, doué de cette science, ait fait les inèmea opérations que nous, nous n'en douions pas. Hais s'ensutl-il qu'elle ail éié le pro- duit de lactitité humàne î Ni plus ni moins que la néire. Or, pour que la science se produise en nous, il faut que reiiseigiicment d'une inlelligeuce «léjà développée concoure avec, notre activité: donc il a fallu que Dieu suppléât , d'une manière spéciale pour Adam , cet enseignement. El ce que dit sait» .fiFllk . U P^l^f^' »'.jn 4»'-i«'"' 1S7 NOTES ADDITIO^^ELLES m n l'iAÎI'l Thomas s'accorde parfuiieiiiont avec notre esplica- l'.oii ; car, d'après lui, nous venons de l'cntenifre, la science a ili uifute de Dieu dam le premier homme , Itien que cptle science n'ait pas été d'une autre na- ître que la nôtre , tout comme les ycui , continue- fil, que Jesus-Clirist a donnes à l'aveuglené n'ont \K\i éie d'une autre espèce que ceux que la nature a iiioduils : Sicul née oculi , quoi caco nalo Chri$lu* itedit, fueruut alieriut ralionii ab oeuli$ qung naîura pruduxit «48). Il est évident que, d'après l'Ange de l'école , la science a été infuse ou donnée à notre foules /ei connaitsaneet niceuairtt : Chomme, aani «a création, poitède donc ta »cience naiureite; d'autre part , eetle icience a été un produit dt Vactiviti Au. moine. — L'eKe icience est reçue dant la création ; e//e n'ett pat acquitte , et cependant elle ett produite par let opéraiioiu de reipril : l'ohurvation , l'intui- tion, te raiionnemenl. — Elle a été donnée de Dieu à l'homme par infution, et pourtant il n'est pas permis de dire qu'elle a été révélée. « Enfin , qu'il nous soit permis de demander à notre honorable contradicteur comment il conçoit premier père par un acte divin spécial, comme les que le premier homme ait obeerté , raiioiin^ , lout yeux h l'aveugie-né , et non point produite natu- l action créatrice , c'est-kdire appliqué let principes lelleinent , spontanément, par la force de l'activité humaine. I Eiilln , le système de M. Maret , supposé qu'il n'eût contre lui ni l'expérience et les lois de la na- ture , ni les théologiens dont il a cru se faire un rempart , se soutiendrait-il au moins comme théo- rie ? Peut-on dire qu'abstraction faite de la réalité , c'est un syslèine plausibleT Non, pour parler fran- chement, nous ne pouvons pas même lui recon- naître ce faible mente. Quoique nous ayons étudié la doctrine de H. Harct, non-seuteinent sans pré- vention, mais avec le désir sincère, qu'il Iveuille liien le croire, de n'y point trouver iiialiè''e à criti- que , nous ne pouvons concilier entre elles les as> ^crtions suivantes : d'une part, la création est te vioyen par lequel f homme ett doué , au premier mo- weiit de ton exittence , au moment même oit il naît à la vie, d'une raiton formée, développée, ornée de à l'expérience, tandis que Dieu le tirait du néant. Il a beau dire que (oufei cet opéraliont ottt été faitet avec la rapidité de Féctair: ou il distingue plusieurs instants dans la création , ou il suppose qu'Adam a raisonné avant d'être créé. Nous ne dirons rien de la seconde bypotlijse ; mais s'il s'en tient à la pre> mière, pourquoi nous oppose-t-il que l'enteignemtni tuppote l'exitlenee de l'être enuigné? Et pourquoi encore trouve' l-il mauvais que, d'après notre sys- tème (nous n'avons rien dit à ce sujet), l'homme, au momeul de sa création , aurait été purement passif ? < Les attaques que M. Marel avait dirigées contre la doctrine énoncée par nous se trouvent pour la plupart réduites à néant par ce que nou» venons de dire, et nous ne tenons pas i les relever toutes. • NOTE D (Col. 142). M. de de Rémutal et let nouveaux advertairet de M. Bouald. M. Ch. de Rémusat a publié , dans la fterue det deux mondet (1" mai 1857) , un ariicle intitulé : Jf. 'proches, et l'on formule contre eux des accusa- tions qui présentent un singulier contraste avec les lélicilations que reçoivent le P. Cha&telet H. l'abbé Maret. M. de Rémusat trouve dans les eiicijcliquet tur let quettiont qui intéretunt la philotophie , une phratéologie malheureute, det gémittementt affeetét, det imputationt gratuitet, tout te fâcheux ttgle de ta chancellerie romaine. Il trouve dans les défenuurt de l'Eglite un langage immodéré, un ton de violence, det excit de pemée et de diction... « Que la chaire < te permette, > dit-il , < une certaine véhémence, on peut le comprendre sans l'excuser : il faut émouvoir, il faut agiter un auditoire qui ne sau- lait être conduit tout entier par la raison ; mais si dans un ouvrage fait à télé reposé)*, dans un mandement, dans une lettre pastorale, se retrou- vent les mêmes invectives écrites avec le plus grand sang-froid du inonde, comment l'expliquer,? Est-ce à dessein , est-ce par laisser-aller qu'on parlerait ainsi 1 Que voudrait-on inspirer, le dé- dain ou le resseiilimeiit ? Ce ton d'aiiatbéine ne peut être sincère, et ceux qui Tentent parler dans la chaire de vérité ne doivent point s'expo- ser à celte question : < Partez- tous sérieuse- menlY *... Que l'éloquence religieuse prenne les mêmes licences (qne la controverse politique), qu'elle se permette la même exagéiation dans I invective ou dans la flatterie, et elle amènera ses auditeurs à beaucoup rabattre de leur con- liance dans ta vérité des senlimcnls qui l'intipi- ront. El qu'arrivera-t-il alors, quand les mêmes bouches annonceroni l'Evangile ? Quelle aulorilé leur restera-t-il pour afllrmer les mystères . les espérances, les menaces enlin de la religion T La ileclaination , qui est de mauvais goût dans un livre, est de mauvaise foi dans la chaire, et l'exagération des phrases, transpoitée de la litté- rature dans la prédication, tourne i l'hypocrisie. Tout homme , mais le clergé plus que personne, ne doit strictement écrire que ce qu'il pense. Il y a sans doute des gens qu'on ne persuade que par le faux; car enun tes convictions formées par des déclamations n'en sont pas moins des con- victions : ceux que l'on convertit ainsi i»'en sont pas moins convertis , et s'il fallait trop éplucher les efliets de ce qu'on est convenu d appeler tu réaction religieuse, et écarter tout ce qui est dû à de mauvaises raisons ou li des sentiments vulgaires, on licencierait bien des disciples, on repousserait bien des coeurs que l'habitude peut amener plus tard à une piété plus digne de son objei. Puis le vent souOle où il lui plsti, et s'il ap- porte la foi, comment s'en plaindre? Il ne faut pas être plus diflicile que Dieu même, et s'il a permis 3ue le mensonge ramenât ii ta vérité, il faut... 'aime à pousser ainsi te raisonnement, parc4 qne j'y sais une admirable réponse. • Celle ré- ponse est fournie à M. de llémusal par le P. Chas- tel. Coinine elle est un peu longue, nous ne la transcrirons pas ici ; on la trouvera aux pag. 40U, (1J8) Summa theol., p. i, qux-st. 91, itl. 5, ad !• >t*/i„. iS9 A L'ESSAI SUR L'EVOLUTIOiN DE L'INTELLIGENCE HUMAINE. 190 470 cl 411 de ton livre. Uans ces pages le P. Clias- tel déplore aniéremeiil les mautaii moyem de con- lenion, et conclut qu'il n'y en a qu'un teul, c'est de faire appel à ta rnUon (page 474). I Voilà, > continue M. de Réniusat, < ce que I liou.s enseigne le l>. Cliaslel, de la compagnie de I Jésuj. Que pourrions-nous ajouter? Le tableau • i|u il tiaue est d'une triste fldclité. Kien n'est plus I propre à empêcher les conversions réfléchies et 4 sérieuses que ces manières peu scrupuleuses de • ilisculer, t|ue ces formes hautaines de prédication < qui discréditent le préilicateur, que o-s doctrines < qui ne laissent uucun droit à la raison et ii la I conscience indixiduelle, qui présentent la vérité < comme imposée par l'enseignement ou le corn- I mandement , qui prosternent dans la poussière I tout ce qui est science, méditation, effort d'esprit, < pour n'attribuer les signes augustes de la sagesse I qu'à l'aulorilé visible se rendant témoignage à < elle-même et cherchant l'obéissance au lieu de la a conviction. » Nous venons de montrer sous quel rapport le livre du père Chastel plait surtout à M. de Rémiisat. il est juste de dire aussi ce qui ne le satisfait point dans ce livre, d'ailleurs d'un e$prit exeetitnl. Il pnurrtih iignaler t plus d'un passage où , e'iiraliic • par les habitudes du inonde qui l'entoure ( l'in- < fortuné! ), l'auteur s'exprime sans ex.-)ctitude et < sans justice sur ce qu'il appelle le rationalisme... I II se croit dans l'obligation de ne pas toujours « traiter les philosophes avec une sagacité hien- « veitlatite. Il ne ibiigne pas toujours les compren- « dre, de peur de les ménager ; il essaie même de I se fâcher quelquefois, pour n'être pas accusé « d'indulgence... • Au fond, ce ne sont que pecca- dilles, et, en somme, &I. de ilémusat est content. II est flatté surtout que le P. Chastel n'ait |ias con- tacri à combattre ce qu^il appelle le ratioimlnme, la vingtième pariie det paget dirigéet coiilre let ad- venairet tépuiét orilwdrxeê. A piopos de M. l'abbé Maiet et de son nouveau li- vre, M. de Rémusat /i^/irfl( la première école de théo- logie de la France de remettre en honneur let iuinii traditioHê du cartéêiauitme catholique. < M serait à souhaiter, t ajoute-i-il, i quelesleç(ms de M. Harei, « rédigées avec réfleiion, eussent été entendues, non- I seulement de tous les étudiants en théologie, mais t des supérieurs de bien des séminaires, t II signale et déploie dans le clergé une tendance à la reitau- ration du péripatélisme. t Si l'on veut lire, non pas < les sermons du père Ventura , dont l'autoriië < pliilosophi(|ue n'est pas tiès-grande, mais la pré- < l'ace assez remarquable de la dernière é'nt leur source dans la révéla- tion, et que le genre humain n'avait jamais eu qu'une seule foi. i Cela parait à H. de Rémnsai très-préjudiciable à la religion. «Tout cela, > dit-ii, f n'a été inventé que pour mieux restaurer l'auto- I rite de l'iiglise et du saini-siége. La voyant t ébranlée ou méconnue , on n'a , selon l'usage, I imaginé rien de mieux que de la faire ab- I solue... • C'en est assez sans doute pour montrer quelle ligure doivent faire, au milieu des applaudisse- ments du rationalisme , nos deux auteurs catholi- ques. Plus avisés que les crédules enfants de Dar- danus, ils ont coiniiris, on n'en saurait douter, que Sinon a pénétré dans la place ; ils ont deviné la machme et se sont dit avec le grand prêtre : .... Aliquis lalel error Quidquid id est, timeo Uanaos et doua ferentes. (ViaoïL., jSneid., ii, 48, 4U.) NOTE E (Col. 150). De ta parole intérieure. L'axiome de M. de Donald, dont on a bien pu discuter la valeur philosophique, mais non con- tester le sens , évident jusqu'ici pour tout le nionde, nous rappelle quelques réflexions d'un an- cien professeur de pliilosopliic au collège royal de Bourbon, M. Cardaillac , sur le rôle de la parole intérieure dans l'intelligence humaine. I L'homme, » dit H. Cardaillac, i n'est jamais filiis admirable que dans ce colloque solitaire, dont a parole intérieure est le seul instrument... 1 Le souvenir de la parole articulée, en ce qu'il présente de spécial entre tous les souvenirs, donne lieu à plusieurs remar(|ucs. La ureniicre, c'est que liius les souvenirs, même celui des choses qui sont le plus familières, ont toujours (|ueb|uc chose de vague, d'obscur et d'indéterminé. Quel est celui dont l'imagination est assez puissante pour, en l'absence d'un ami , se repiésiiiter sa ligure d'une manière aussi exacte et aussi rij^oureuse que s'il était présent, bien qu'il ne pasie pas un jour sans le von? Et si nous choisissons un exemple plus simple encore , qui peut se représenter une cou- leur d'une manière aussi exacte et aussi distincte que lorsqu'elle est sous les yeux? Le souvenir de la parole, au contraire, est aussi exact, aussi pré- cis et aussi rigoureusement déterminé que peut l'être la sensation elle-même lorsque uuus l'enten- donSf D«UK articulations, quelque analogues qu'elles voicDl, ne se coiifuiidenl pas plus dans ie souvenir que dans la sensation même. On pourrait dire plus; le souvenir est souvent plus distinct que lu sensation , et nous aide quelquefois à la distinguer elle-nième. I Ce souvenir accompagne toujours la sensation, et ce n'est même que par là que la parole est in- telligible pour nous. I 11 faut remarquer encore que , quoique le son soit seul susceptible d'être niiMlilié par l'articula- tion, le souvenir de la modillcation le produit en nous indépendamment du souvenir du son ; aussi n'est-ce que dans l'ariiculation que réside touti; la puissance de la parole ; le son n'en étant que le véhicule, est à l'articulation ce que la substance est aux qualités, seule chose que nous coniiaissioiis dans les corps ; avec cette différence que , maljjré leur existence réelle , les subsuiices nous sont in- connues , taudis que le son nous est connu par la sensation. I Mais dans le souvenir qui constitue la parole intérieure, le son qui en est la substance a dis- paru, il ne reste plus que l'aiticulaliun , capable de produire à elle seule tous les effets auxquels elle est destinée. I Les effets de la parole intérieure sont aussi mer- veilleux et identiquement les mêmes que ceux de la parole émise et portée par le son. Elle parti- cipe aux mêmes caractères, et remplit les iiiêmes fonctions. Expression de la pensée, elle la lire, pour ainsi dire, du sanctuaire obscur du rinlclligcnce, utt elle était confondue dans la foule de tculus les m M m ^OTES ADDITIONNFXLES m pensées qui la coni|toseiit, pour lu purier h la siir- liice cl nous la rcmlri! sensible en lui dDUuant ur < oips qui en est l'uxprcssiun , sans lequel elle i'ctiapperail au soulimcnt, et reslurail ausil voilée pour nous qu'cll» le serait pour nos seniblablcâ, si nous n'avions le sou articulé pour l'émettre au dehors (I4U). i NOTK F (Cul. 151). m I ttiponte de il. l'ubbé Berton a la critique de M. de Bouald par M. Vielor de Chalambert. Si M. de Donald a des détracteur», les uns, d'uni: insigne niauviiise foi et passionnés jusqu'à l'ex- navagance, les auires, inintelligents et maladroits, uvcngtés qu'ils sont par le préjugé et l'esprit de kyslème, il n'a pas manqué d'iiabiles iléfunscurs (|ui ont montré l'impuissancii de toutes ces alta- i|ues et la l'utilité dus théories qu'on essaye d'op- poser aux doctrines de l'illustre auteur de la Léijis- luiioii primitive. Nous croyons devoir reproduire ici Il réponse que M. l'abbé Uurton a faite à l'une des t'iitiqiies les plus vivus dont M. de Donald ail été l'objet. Cette critique est de M. V. de Clialambert, Il a paru dans le lumeXXlll, p. {)GU, du Corret- pondant. I M. de Chalambert , • dit M. l'abbé Der ton , t commence par exposer lesystémede M. de Donald ; il le réduit à trois propositions qui en l'urment la I ase. Les trois propositions sont : i 1" L'homme ■ n'a la connaissance de sa pensée que par son ex- I pression, qui lui est transmise par les sens; 2* la < parole n'a pas été inxeniéu par l'homme, car I l'homme n'a pu découvrir rinstrumeul sans le- I quel il ne tonnait pas sa pensée; 3" la parole < n'ayant pas été inventée par l'homme, qui ce- < pendant en a besoin pour penser, il est néces- < tiaire qu'elle lui ait été révélée ; d'où il suit que < lout ce que l'homme pense, tout ce qu'il connaît, I il le doit à la parole révulée ou à la révélation, i I On pourrait examiner jusqu'à quel point cet exposé est lidèle ; mais nous le supposons parfait, •■i c'est de là que nous parlons pour appiécier la justesse des reproches qui sont adresses à M. de liunuld (loU). < Le critique attaque d'al)ord la première pro- position, de laquelle, selon lui , découlent toute» let autre». t Avant de produire ses objections, H. de Cha- ianiltert expose de nouveau le sens de cette pre- mière proposition : i M. de Donald, i dit-il, < sup- < pose la préexistence de la pensée, et il n'accoide « à la parole que la venu d'en révéler àrhoinme la • connaissance. > Apiès l'opinion de son adver- hiiire sur le point en litige, il nous donne la sienne : il ilil que la formation de lu eonnai$tanee est le pro- tlnit combiné de réléinent spirituel, de l'élément «orporel et de l'élémeiit social, de manière que ces «ieux derniers (y compris la parote) sont des in$tru- ment» uieesiairei dan» ta production du pliéntmène de la connaiiiauce. Et il ajoute iiumédiat<>inenl : 4 Sans la parole, la connaissance serait sang doute, « mais elle demeurerait i m parfaite, vague, inlo- 4 lise, comme celle du sourd-muet , lorsqu'il n'a t pas encore un moyen quelconque d'exprimer su 4 pensée; ou bien comme celle de l'homme qui, se « recueillant en lui-môme pour penser, ne faitd'a- 4 bord qu'apercevoir l'idue. et ne la voit, n'en ac- 4 quiert la coimaissance pleine et eniière, claire et 4 précise, que lofhqu'il a trouvé le mot qui l'ex- 4 prime. » Ainsi on peut apercevoir l'idée , mais lion la voir avant d'uvi.ir trouvé le mot qui l'ex- iiiiine ; ainsi encore, la connaissance existe avant if parole, quoique la parole soit un instrument (U9) Etudes élémenliiire$ de philosophie, t. Il, e. 6. (iSO) Il faut évidemment po excepter les cas où le nécessaire de la production do la ronnaissance. Prciions bonne note de ces coiitradicliims; quant à la cumparuisou du soiird-muet et de l'homme qui cherche un mot, nous la laissons passer, parce que nous en verrons bieniôt de plus singulières. 4 Dans sa quairième exposition de la première pro- position de M. de Donald, le critique lui fait dire : « La pensée préexiste, mais rhointne n'en a nulle 4 connaissance jusqu'au moment où elle lui est ré- 4 vélée par une parole venue du dehors ; de telle I sorte que la pensée sans son expression n'esi 4 pas. * Si , vraiment, H. de Donald a dit : La pensée existe avant la parole, niai^ elle n'existe pas avant la parole; si, en l'espace de deux lignes, il a co:ifondu la pensée avec la connaissance de lu pensée, après avoir distingué ces deux choses, pourquoi ne pas l'accuser de contradiction ? Au lieu de cela , voici comment le c. itique réfute la phrase qu'il attribue à M de Donald : 4 iNous avons 4 vu que les choses ne se patiaitini pas ainsi; < que noii-senlement la pcu:<ée préexiste, mais * que r ho lime eu acquiert une certaine cunnais- 4 sauce avant qu'elle soit exprimée, i Ou pourrait de.nunder d'abord |iO 'l'quui vous distinguez ici la peiiiée de la connaittauee de la pentie, après avoir plus haut confondu , non sans raison , ces deux choses; car vous ailes indiQéremmcut : phénomène de la génération de la pentée (p. 57i), production du phénomène de la eonnaitstance (ibid.j, et même pro- duction de la conuainance de la pen et (p. 573). On pourrait remarquer aussi que ce qui, selon vous, préexiste k la paroi:, c'est JM'écisément ce (|ui, se- lon vous, ne peut se former qu'à l'aide de la pa- role, c'est-à-dire la connaissance de la pens'ie ou l'i.lée actuelle. M. de Donald est bien plus consé- quent. Il ne dit pas que la pensée proprement dite préexiste à la parole ; il dit seulement qu'il pié- exliiie, non-seulement une l'acuité, mais un véri- laiiie germe, suit qu'il faille entendre par là, comme le pensent quelques-uns, les formes des idées fu- tures, suit que cela signifie, comme d'autres le veulent, l'idée générale de l'être dont la parole pro- duirait les délerminalions diverses. Ce qui pré- existe à la parole, suivant H. de Donald, ce n'e^t donc pas l'.déu actuelle qui, selon lui, ne |>eut se loriner qu'à l'aide de la parole. Il faut donc re- connaître qu'il ne se contredit pus , cl qu'il a élu mal interprété; mais non critiquo se contredit : Ou pourrait lA distinguez ici la en»ie, après avoir raison, ces deux uiciil : phinomèiie 7i), produclion du riii.j, et iiiénie pro- pené!{p. 573). On ;e <|ui, selon vous, sèment ce i|ui, se- |à l'aide de la pa- tte la peiis'ic uu bien plus consc- ée propreinenl dite iluinent qu'il pié- ilé, mais un véii' idre par là, comme 'mus des idées l'u- onime d'autres le înnl la parole pru- rses. Le qui prè- le lionald, ce n'est DU lui, ne |)eul su :. Il l'aul ilonc re- pas , cl qu'il a été i|uo se contredit : on appréciation à de M de Donald; connui$$aHce de lu deux expressions; ance de la pensée l que la paiole est [ormatiou de celle nce de la connais- ible. Elle ne pour- 0 dans le sens de .eibniiz allribuau insi, èviilemineni, l'admeilre encoïc lies ; mais pour li s iiip«)ssible d'éiablir ualilé cl du pcrcip- Bonald ; on ne peut iierprète bien. libilité avant racquisilion de la parole. On pourrait dire avec raison au critique, à l'occasion de cette nréexit(ence de ta connaiêtance de la peni^e, ce que, iilns loin, il dil à tort à M. de Bonald, à l'occtsio.i de la préexistence de l'aptitude : i C'est là une f vaine liypolliése dont il est impossible de donner t la démonstration, t I II n'est pas plus vrai, i continue le critique, do dire nue la pensée, sans son expression, n'est « pm. qu'il ne le serait de prétendre que la pensé» 4 de l'artiste n'est pas avant nue son ciseau l'ait I sculptée sur le marbre, i On |tourrait dire à l'auteur de cette assertion ce qu'il ajoute à l'adresse de M. je Donald : • Rien ne prouve mieux le vice I de cette lliéorie que l'exemple pioposé par l'au- I leur lui-même pour l'expliquer. » Assurément , s'il fut jamais comparaison inexacte, c'est celle-là. Sans doute, il est vrai que U pensée de l'artiste existe avant que le ciseau l'ait exprimée sur le uiarlirc, puisque cctto pensée contribue à produire la sculpture. Mais c'est précisément ce (|ui prouve nue la pensée ne précède pas l'expression; car ce n'cEt pas la pensée qui produit l'expression, c'est l'expression, au contraire, qui contribue il produire la pensée. La comparaison qu'on nous oppose ne seiail donc exacte que s'il y avait analogie com- l>lètu entre l'origine du lang:ige et l'origine des staines. I Le criliqiio cite ensuite le passage suivant de 1.1 Légtlutioii primilhe (t. I, p. HH) : < Que clier< he I nuire esprit quand il cherche une pensée? Le mut I qui l'exprime, et pas autre chose. Je veux le- « présenter une certaine disposition de l'esprit dans I la recherche de la vérité : habileli, curio$Ué, pi- I néiratiou, (ineue, se présentent à moi. La pensée I qu'ils ex|trinient n'est pas celle que je cherche, I parce qu'elle ne s'accorde pas avec ce t^ui pré- « cède et ce qui doit suivie; je les rejette. Sugaciié « s'utTre à mon esprit. Ma pensée est trouvée , elle « n'ailendait que son expression, t I C'est là une vérité d'expérience; cela signifie uniquement que jamais nous ne nous rappelons nue idée métaphysique avant de nous rappeler le mut qui sert à l'exprimer. EU bien ! c'est contre celle léllexion si naturelle que le critique entasse argninenis sur arguments. Quant à leur valeur, un va en juger : < Que clietclie notre esprit, i dit-il, • quand il cherche une pensée? Il i: Ainsi, sup* poser qu'un n'a pas une idée, c'est adineltrc ((u'oii l'a! Il Noui temble, au contraire, qu'avoir une cer- taine cuiinais>ance d'une idée, et chercher cette idée, sont deux choses qui s'excluent totalement. Je puis chercher un livre, quoique je le connaisse ; mais pour une idée, c'est autre chose : dès que je lu connais, je lu tiens. < Car, comment la clierclie- I rait-il, si elle lui était enlièreiiient connue? > .'luis ce qui m'embarrasserait bien davantage, c'est (le savoir comment il pourra la clierctier , ai elle lui est connue. — • f..orsque je cherche un livre , I c'est apparemment que j en ai quelqoes notions. > Nuus venons de montrer que cette comparaison est inexacte; bien plus, qu'elle prouve le contraire de re qu'elle veut prouver, attendu que les idées et les iii-ueiavo entretiennent avec l'esprit des rapports tout différents. — • Je sais d'abord que ce livre I existe, i — Cummeiit ! on ne peut pas chercher i|ueli|ue chose qui n'exiite pas? Evidemment, vous avez confondu chercher avec Iroutirr; il ne laisse pus cependant que d'y avoir une petite dillércnce. I La suite est digne de ce début ; il faut tout cit r : I Je sais d'abord que ce livre existe; cusuito I qu'il a certains caractères distinctifs , san» quoi I tous les livres de toutes les bibliothèques du « monde me passeraient sous les yeux , sans qu'il « me fAl possible de trouver celui que je cherche. < De même, lorsque je veux représenter une cer- I laine disposition de l'esprit dans la recherche de « la vérité, il faut que j'en aie connaissance ; sinon I tous les mois se présenteraient en vain à innii « esprit, je n'aurais aucun motif de prendre l'un ■ plutAl que l'autre; cl si, dans le cas que l'un < suppose, je choisis sagacité, c'est que je constate I la concordance parfaite de l'idée exprimée par ce mot avec celle que j'avais dans l'esprit. Eii trouvant ce mol, ou si l'on veut, en nomin:iiit ma pcnséj , je ne fuis donc que lui donner nue forme extérieure et sensible <|ui la rende plus précise cl plus saisissable. Je fais, pour me ser- vir d'une comparaison employée pur M. de Du nald, comme un peintre qui, voulant représenter la ligure d'un ami absent, relouche Sun dessin jusqu'à ce qu'il ail trouvé l'expression du visage, qu'il reconnaît aussitôt. Ce dernier mol explique tout, car il faut connaître déjà une personne «m une idée pour les reconnaître. D'ailleurs l'expé- rience de chaque jour nuus apprend qu'on peut avoir la connaissance d'une idée ou d'une per- sonne sans que les mots qui servent à les nom- mer soient encore présents à notre pensée. > < La voilà donc, celle fameuse thcurie qui doit remplacer à jamais celle de U. de Bonald ! Non» l'avons citée loyalement ; comptons mainienant les méprises, contradictions, etc., car nous avons be- soin ici du secours de l'arithmctiqne. I 1° On pourrait croire que le critique se con- tredit en raisonnant dans l'hypothèse de M. de Do- nald, après avoir nié i|u'un puisse raisonner dans cette hypothèse, e'esl-a-dire après avoir nié qu'un puisse chercher une idée qu'un n'a pas; mais en réalité, il ne traite pas h Diéme question, et, par consé(|uent, sa théorie, fùt-dle vraie, ne prouvera t rien contre H. de Donald, celui-ci s'occupe de la recherche d'une idée qu'on n'a pas, au moyen d'un mot que l'un n'a pas non plus, et le critique s'oc- cupe uniquement de la recherche d'un mol que l'on n'a pas , au moyen d'une idée que l'on a : ce sout là deux choses tout à l'ait diUérentea. < t' Vous établissez la pioporiion suivante : l'idée esl à la parole cumine la notion d'un livie esl à la sulistaiice du livre lui-même. Il s'ensuivrait que la parole produit la pensée, de même que la vue du livre produit, dans l'esprit, l'image qui sert à le re- connaître. Du reste, si la comparaison n'avait que l'inconvénient de ruiner votre système, cela ne prouve! ait rien conticelle; mais je vous ai inontié plus haut qu'elle a d'autres cùiés vulnérable-. « 3° Vous oubliez ici les principes posés dais votre étude du l'hénomèite de la géèiéraHon de lu pentét, car vuus devenez partisan de l'invention hu- maine du langage, en supposant que la pensée pro- duit la parole, comme l'idée du peintre produit le» traits du dessin. D'ailleurs, vous ne vous occupe» que de la recherche des mots , et dans l'opéraiiou que vous décrivez , c'est la pensée qui est rinstru- inent ; c'est donc, d'après vous , à i'espril buinuiii que l'on doit le langage (151). « 4° Puisqu'il n'y a qu'un rapport arbitraire entre les mois cl les idées, <|uaiiu même tous les mot» du dictionnaire passeraient devant vous, vous ne pourriez jamais saisir au passage celui qui concor- derait avec voire idée ; aussi vuus ne comparez pu» le mol avec l'idée, mais l'idée intérieure avec l'idée <|ni est généralement atiaihée au mol. Nouvelle ini' pojsibiliié. Si vous Ignorez lu rapport entre le moW et l'idée qu'un y attache géuéialeiuent, la leilierche ^É (131) I.C crill(|ue ne pourrait me répondre qu'il s'agit suppose vraie au lien de la prouver) esl qne la eonn;iis- Ou jcHirHir et non deTmvjHiit/iow, pui-qiip « thèse (qn il sunce de l'idée préexiste à Viuqvhiiiuu ilii mm. «Wlui^lti l»S NOTES ADDITIONNELLES m m lliâm |i ! que vous dûcrivcz ne im'uI avoir do rdsullal , si , an contraire, vous coniutioscz ce rapport , l'idée inté- rieure et l'idée extérieure se confondent ; le mot lui-même est déj^ connu, et Je ne vois pas ce qu'il vous reste à clierclier. Vous objocti!i a M. de Do- nald iiue, pour clierclier une idée, il faut déji l'a- voir. Il pourrait tris bien vous répondre que, d'a- près vous, pour clivrulier un mot, il faut déjk l'a- voir. Il y a seulrinenl une petite diflérence , c'est que l'objection faite & M. do Donald étaut l'uppoité (le sou principe, ce principe est cunliriiié par la Tiusseté évidente de l'objection, tandis que celle qu'on vous oppose, ëlanl une conséquence rigou- reuse de vos principes, les entraîne nécessairement dans sa ruine. < 5° Nous arrivons à la comparaison du peintre. Elle vaut celles du sourd-muet, de la statu ^ et du livre, car elle revient à cette proportion : l'iniMgu que le peintre a dans l'esprit est k ton tableau comme l'idée est au mot qui l'eiiirlnie. Uài* si le peintre reconnaît l'image de son ami après l'avoir faite, c'est parce qu'il v ;• uu rapport naturel entre l'image qu il a dans l'esprit, et celle que vient de iraciT son pinceau ; l'image intellectuelle peut pro- duire l'image matérielle , et réciproquement. Or le critique ne peut pas dire que la pensée protluii la parole, et il ne veut certainement pas dire que lu pa- role produit la pensée ; je ne vois donc que des contrastes. I b* De plus, si le peintre rcconnuli son oeuvre après l'avoir faite, il s'ensuit, à cause de sa parité, qu'on reconnaît aussi le mol qu'un trouve, par conséquentqu'on le coiuiaissaildéjà,par<:oiiséqueut qu'il e«t inné, puisqu'il e»t question de ["ucquitUion et non pa» seuluniciil du souvenir. < 7° Il nous reste ii parler du mot reconnaître, et du singulier parti que le criiique a prétendu tirer de la particule re. Ce mot explique tout, dit-il. Il nous semble, au contraire, que ce mot n'explique rien. Singulier raisonnement : pour reconiiaitre, il faut connaître , donc la pensée existe avant la pa- role ! D y a loin du preuiier membre au second ; vous faites un cntbymème , et un soriie ii'eùl pas «ufn. D'ailleurs, si le fait de la rfconnaisunee inp- pose la ronniiis>anre, vous m'avouerez que le f) t de la reclierclie d'un mol qu'on ignore suppose que le trouver ne sera pas le reconnaître : or vous parle/, précisément de la reclicrclie d'un mot qu'on ignore ; donc l'expression de reconnallre ^e peut s appliquer aux mou. Vous me direz p<'ut èiru qu'elle s'applique aux idées ; mais c'est piécisément ce qui est en queston. Prouvez donc que lorsqu'on acquiert une idée, ou ne fait que la reconnaître, ou plutAl avouez qu'il est impossible de prouver une proposition d'où il suivrait que toutes les idées sont innées. I 8° Enlin, nous sommes arrivés au terme ; il ne nous reste plus que la comparaison de la personne et de ridé-, et nous serons brefs, car sou faible saule au \ yeux. Elle revient en effet k cette proportion : uni> idée est au mot qui l'exprime, comme une personne est il son nom. tommeiit un bomme sérieux a-t-i I pu se tromper it ce point? La dernière comparaison pécbail par nu rapport trop intime entre ses dcn\ termes, l'iilée du peintre et du tableau ; ici c'est l'excès opposé. Mais à quoi bon s'arrêter à com- battre de pareiU arsfunients? A quoi lion se fati- guer à prouver que si la parole concourt au pliéno- tnène de la géiiiralioii de ta pemie , les noms de fii- niille nu de liapléme ne sont pour rien dans le phi- nomhie de la giniratlon de i'Iiomme ? • En résumé, en attaquant l'Iiypotliése de M. de Donald, c'eiit-k-Jire en niant qu'on puisse cherclicr une idée qu'on n'a pas, le critique était dans l'er- reur, mais il .était à la question ; dans son argu- ment, il est, coinine nous l'avons vu, aussi loin de la question que de la véiité. Son principe fon- damental, c'est que la connaissance de la pensée préexiste k la parole ; c'est lii le nœud de la dilli- culte, c'est là re qu'il devait prouver contre M. de Donald. Au lieu de cela, il pose uniquement U question de savoir comment, étant données ns idées antérieures actuelles, on p>-ut acquérir 1 1 parole ; et il donne une réponse où les contradii- tiuns se croisent et s'entrelacent tellement qu'il y au- rait k s'y perdre. » NOTE G. (Col. 162.) L'homme de la nature. S'il se tronve un homme qui ne puisse vivre en so- ciété ou qui prétende n'avoir besoin que de ses propres ressources, ne le regardez pas comme faisant parité de la cité ; c'est une bêle sauvage ou un dieu. (Aamton.) Pour donner une idée de ce que serait l'homme isolé dès l'enfance et séquestré de la société, nous rapporleinns ici l'Iiistoire autlientique de queli|ues individus qui ont été ainsi séparés de leurs sembla blés presqu'au sortir du beroeau. < L«s loups, qui abondent dans les forêts des royaumes d'Oude et de Népaul (Inde) enlèvent sou- vent des enfants dans les villages, et le petit captif ne succombe pas toujours sous la dent de son ra- visseur. Il est noinbi-e d'exemples d'enfants élevés par une louve au milieu d'une portée de louveteaux dont ils ont pris, pauvre humanité! toutes les ha- bitudes. Uu ullicier au seivice delà compagnie me racontait, au sujet de ces Ruiuulus indiens, l'his- toire suivante, que je livrerai au lecteur sans com- mentaires. « Dans le villa;;e de Chiiprab, situé k l'est de Snlianpore, vivaient un homme, sa femme et leur enfant, ùgé de trois ans. Eu mars 18i5, la famille sortit un matin pour aller vaquer aux travaux des c.liamps. L'enfant avait alors an genou droit une large cicatrice provenant d'une brillure qu'il s'était faite en tombant dans le feu quelques mois aupar.i. vaut. Pendant que ses parents travaillaient la terre, l'enfant se roulait sur l'herbe à qucli|ue distance, lorsqu'un loup bondit sur lui de la jungle voisine, le saisit par les reins et l'emporta au galop, malgré les cris et les poursuibis du père et de la niciu. Des recberclies faites le lendemain et les jours suivants, sous la direction du père, p.ir ser amis et ses voisins furent sans résultat, et l'on ( ut renoncer k toute espérance de trouver vestige «!u l'enfant enlevé. I Six ans s'étaient ccoirfés sans que la mire, qui avait perdu son mari dans l'intervalle, eût en- tendu parler de sou enfant : l'un était alore au moi» de léiirier 184SI. Deux cipayes, venus en congé à la ville de Singramow, peu distante de Chupraii, quittèrent un beau matin leur domicile pour aller se promener sur les bords de la pitiie rivière qui traverse la ville. Assis au borJ de leau, ils savou- raient la brise du matin, lorsqu'ils virent, à leur grand èlonnement, trois petits loups en com- pagnie d'un jeune gaiçuu qui, sortis prudemmeni de la jungle, s'avancèrent vers le rivage où ils commencèrent à étaiicher leur soif. Les cipayes, remis de leur première stupeur, se lancèrent a la poursuite de la petite troupe, et parvinrent à saisir l'enfant au moment où il s'introduisait dans un antre où les trois louveteaux l'avaient précédé. Il tenta d'abord de se défendre à coups de dents con- i07 A L'ESSAI SUR L'EVOLUTION DE L'INTELLIGENCE HUMAINE. fM ire u» capicuri : malt ces derniers l'amarréi-eiit «nlidement «I rameiiérenl ii leur logU, où pi'iiilanl vingt jours ils lo nourrirenl tie vianilo crue el de gi- bier. Trouvant .alors fes frais de table de leur lidte trop élevés, ils se décidèrent & le conduire au baiar de Kliolépoor, où des personnes cbarilables avaient promis de se charger de son entretien. I Un cultivateur de Chuprah, qui vil le jeune garçon au baxar, raconta, k son retour dans le villsge, les détaila de la capture des deut cipayes. et l'histoire arriva ainsi jusqu'il la veuve. («Ile dernière ne perdit point de temps pour se rendre au iiazar, el lii, reconnut sur le corps du jeune garçon, non-sculeinenl la cicatrice au genou droit et celle des dents de la louve sur les reins, mais encore k la cuisse, nn signe avec lequel son lils était venu au monde. Convaincue de l'identité de la pauvre créature, elle la ramena avec elle au vil- lage, où tous ses voisins n'Iiésilèrcnt pas à la re- connaitre pnur son Ois. Pendant plusieurs mois, la mire chercha, par des soins assidus, Ik ramener rcnfanl à des habitudes liuroaincs : mais ses efforts lie Turent couronnés d'aucun succès, si bien que, (léKi)ûiée, elle se déiida k l'abandonner k la cha- riié publique. L'enrani fut alors recueilli par les itomcsiiques de l'olUcier qui me racnniait cette éiraiitte histoire, et ceux-ci le traitaient comme ils eussent pu traiter un chien mal apprivoisé. Il vé- cut ainsi environ un an ; son corps exhalait une odeur sauvage fort désagréable , ses coudes et st'S genoux étaient endurci» comme de la corne, sans doute par suite de l'habitude de marcher k quatre pattes qu'il avait contractée au milieu des louve- teaux ses compagnons d'enfance. Toutes les nuits Il se rendait dans les jungles voisines et ne man- (|iiait jamais de prendre sa part des charognes qu'il pouvait rencontrer sur son chemin. Il mar- ehail généralement sur aes deux jambes, mais pre- nait sa nourriture k quatre pattes en compagnie d'un chien paria avec lequel il entretenait des re- lations d'intimité. Jamais on ne le vit rire ou on ne l'entendit parler. Il mourut presque subitement après avoir avalé une grande quantité d'eau. (153) > Oanierarius {Hora tubctihm) rapporte qu'un jeune homme fut trouvé en 1544 dans la H< sse au iiiilieu des loups qui l'avaient enlevé k l'âge de trois ans. Il marchait et courait à quatre pieds. Amené k la cour du prince Henri, landgr.^ve de liesse, ce sauvage apprit à parler (153). li avait oublié la plupart des habitudes naturelles et des sfii$»tions qu'il avait éprouvées dans l'état sau- vage. Le même auteur parle d'un autre sauvage, trouvé près de Bamberg et qui avait doiizi; ans en- viron. U le vit lui-même courir k quatre pieds avec une agilité étonnante. Il mettait les chiens en fuite k coups de dents. Il avait été trouvé parmi des bœufs. Ses membres étaient d'une souplesse extraordinaire. Un autre sauvage auquel on donna le nom de Joseph Ursin, fut trouve en 1661 vers l'âge de neuf ans dans les furéu de la Litbuanie. Toiis «et uiu, dit Moréri, étaient lelltmtnt abrmU et il Hait ti dénué 4'etprit et de ration aii'ii umblait n'uvoir rien de l'homme que le corp$. toutei tee inelinaliont Uiiaieiit emiiremeut de la bile. Il marchait sur ses pieds et sur se) mains h 'a manière des ours au milieu desquels nn le prit (154); il mangeait la chair crue et suçait la sève des ar. bres dont il déchirait Téeurre avec ses ongles (18.^). C'est ce jeune homme qui donna lieu aux observa- tions consignées dans les Mémoiret de CAtadimie de$ iciencet, Voy. ces Mémoiree. Cûnnor, médecin anglais, nul avait demeuré en Pologne, vit à Varsovie, en IU04, un enfant qui avait été pris vers l'âge de dix ans, au milieu d'une trou|io d'ours dans les mêmes forêts de la Litbua- nie où Joseph Ursin avait été reneontré 57 ans au- paravant (155*). Lorsqu'on l'atteignit, il poussait des hurlements k la manière des ours et marchait k quatre pieds. Ce ne fut qu'i force de soins qu'on put l'apprivoiser, lui apprendre k se tenir debout et k prononcer quelques mots, quand il sut parler, on rintcrrogea sur sa vie préc'deiitc, mais il en avait perdu la mémoire clneiavntt pan plue ce qui lui Hait arrivé, dit Connor, ijiue iioui ne eavom ce qui noue arrive au berceau, il essaya plusieurs fois de fuir la société humaine pour n-preiidrc son ancien genre de vie. Un médecin hollandais, fulpius, rapporte (150) l'histoire d'un jeune homme trouvé dans un désert d'Irlande, au milieu d'un troupeau de mouton* sauvaijes. Il avait la bouche fort grande, lu front applati, abaissé, le sommet de la tète tiés-enfl«i comme celui des béliers et il s'en servait pour frap- per k la manière de ces animaux. Scm cri ressem- blait au bêlement des brebis. La conformation de sa glotte, qui était très-large, lui facilitait ce cri. Il marchait k quatre pieds, sautant de roche en ro- che avec une merveilleuse agilité. Sa nourriture ordinaire était du foin et de l'heibe, qu'il savait distinguer li l'odorat sans se tromper. Sa laillo était svelte el muigre, sa poitrine fort rentrée, sa physionomie assez agréable. On l'amena vers la lin du xvii* siècle à Amsterdam : il n'avait alors que s*!ize ans et conservait toujours le itésir de repren- dre son ancienne manière de vivre. Boerha&ve avait coutume de rappeler dans ses l.'çons de roéilecine, l'histoire d'un jeune hominu ég iré k l'ftge de cinq uns, par ses parents, pendant une guerre, dans une forêt où il vécut sauvugi; jiisqu k vingt-un ans, on le nomma depuis Jean de Liège. Il se nourrissait d'herbes agrestes, de fruits Cl de racines sauvages, qu'il savait très-bien dé- couvrir par l'odorat, et dont ;' distinguait les qua- lités avec une lincsse éton- hp. Il distinguait du très-loin égalenuint par l'oh < >; ;a femme qui lui servait de garde. Il perdit p( h peu dans la so- ciété cette llnesse d'odorat. Il aspirait toujours a retourner dans les champs et les bois. Un journal, publié k Breslaw, fait mention d'un garçon de treize ans, pris dans le Hanovre, prés du iameln, en 1 784. Il avait l'air égaré et le caractèru extréineinent farouche, son nez était épaté, s:i che- velure frisée et courte, sa taille svelte el petite. Quand on l'irritait il poussait des cris semblables au bégaiement (157). Il refusa d'abord toute autre nourriture que des fruits qu'il choisissait et flai- rait. Il mangeait plus que deux hommes. Sou ouie était singulièrement Une et exercée. Il faisait souvent des sauts très-prestes, des gestes singulier^, et il baisait la terre. Le roi d'Angleterre l'ayani iail venir li Londres, on lui donna quelque éduca* (ISî) E. H Vaibhei», letAngUtti et r/nrfe, fédit, p. S69. (153) Il disait que s'il n'eut tenu qu'à lui. Il serait re- tourne dans la société des loups, qu il prêterait li celle des homnies. . <*!!'' ''"HJ!*"- 0"" *•""» '« ^'if'- <*'*'■»'• i»t-, de Dé- tervMle, p. 4S3. (i;;3) Voy. riTiil. nal. Potmiœ, par le jésuiln H/ac- iwsnv, p. 585 (I8S*) Bvangel. nudic, leoa, 1706, p. 135. (tS6) Oburv. med., liv. iv, cb. lu. (157) I Lus imlividus que nous nommons sauvages, parce qu'ils ont été trouvés errauls depuis leur enl.uco dans les furôts, ne peuveul point avoir de voix ( ils n'oiii que des cris), l'intelligence i.e se dévcloppjnt pas (bus lutat d isolement, et nécessitant la vie sociale. • (Ma- oKKDiE, Précit de physiologie : l>e la voix proprcmcut due, V édii.) "^ m hOTES AUUrriONNELLR!^ «00 lion, in:iii il mourut Iroii aiii tpré* avoir éit) pri» (158). Un « uui»i trouve de» fiMiirnei lauvaget dans Ia« forêts. Li! Joui nul de Rreklnw, où nous avons puini.' i'iiisloire prvcéileiil)', donne la notice d'une jeune flile trouvée en 1717 dans une forèl niontueuse (province d'Ovcr-Yssi-l, vn Hollande). Klle pouvait •voir dix-ncuran», niarcliuil sur deux pieds, cou- rait fort vile et vivait d'Iierbcs, do racines et do fenillitxvs. Elle faiiiail entendre un bcgaitnieiit inintelligible. Elle regretta d'abord son premier genre doviei M. Sigand-Lafond cite, dans son Dictionnaire de» merveille» de la nature, l'Iiisioiro d'une aniro lille trouvée en t7U7 d.ms lecumiëde liont (B:is- sc Hongrie). Elle était nue, grande,' robuste et pu- raistail avoir dix-buit ans. Sa peau olail brnne, son I égard effaré, son caractère plein de rudesse. Elle ne voulait manger (|iie de la cbair crue, qu'elle dévorait avec une uvidilé extraordinaire, ainsi que des racines sauvages *t des écorces d'arbres. L'biitioirc la plus célèbre de ce genre e»t colle de Mlle Leblanc, raconlé'! par Itacine le (Ils, pour (âirt connaitre, nous dit-il, l'état su nout lerion* tttu», tant que uout êommet, «i romi arioni été, comme elle, privé» >-n nainaiil de toute tociété. En 1731, un être à forme humaine, presse par la soif, entra dans le village de Songy, à deux lieues de Cbàlons. H aviit à la main un bàion court et gius par le bout, comme une massue. Les paysans làcbèrent contre lui un doj(ue dont le col< lier était armé de poiiilos de fer. Cet être inconnu allcadit le dogue, et d'un coup de bitou retendit moi t sur la place. Ensuite il regagna la campagne et disparut dans la forêt voisine. Peu de jours après, les domestiques du cbiteau de Songy (à cuiq lieues de Cbàlons) a|i«rçureiit pendant la nnit, dans le jardin, sur un pommier tbarttè de fruits, une espèce de faniôine ; ils s'approcliéi eut en silence afin d'environner l'arbie, mais le fan- tôine sauta sur un pommur voisin, et de lit de brandie en brandie, liors du jardin, se sauvant dans le bois, au sommet d'un arbre très-élevé. Le seisneur de Songy accourut avec ses domestiques et des paysans, et l'on reconnut sur l'arbre un vire cemblablu à une jeune lille, à peau tièi-bruiii: et h longs die\enx flottants. Un cerna l'arbre, où la jeune Aile restait tapie dan» le plus épais du feuil- lage. Après l'avoir gardée à vue pendant (luelqiie temps, on pensa que la faim et la soif la feraient sortir de sa retraite. La dame du lieu lit placer au pied de l'arbre un sceau plein d'eau (ISU). Aines quelque liésilation, la jeune lille descendit et s ap- prodia du sceau pour boire. Elle axalait l'tau en plongeant le menlun jusqu'à la bouclie. On la sai- sit, mais ce ne fnl pus sans de grandes résistances de sa part. Elle avait les ongles des pieds et des mains liés-loligs et tics-durs. Si's doigts éuieiit singuiiéreinunl nerveux. Ses pouces éiaicnt sur- tout très- foi (s et déuiesurément allongés. Air véo au cbàteau, son premier mouvement fut de se ji ter sur des volailles crues que le cuisinier prépa- rait (ItiO). Tel ««ail été jusque-là rabaissement de §4 8 fa- (II») Breilauer Sammlmg IV Suftp!. Vertach 33. . n su- çant du sang chaud qui glissait dans ses veines comme une sorte de baume. Ses ongles et ses dents tombèrent k mesure qu'elle s'accoutuma k noire nuurriiure. La teuki- tioii de retourner dans les bois pour y vivre seule la l>reiiait souvent et la p us violente de ces tentaiions, ulall celle de boire le sang de quelque animal vlvnnl. riiliés intelleclueili's qui>, quoiqu'elle fût Igéo de 17 à 18 ans lorsqu'on s'empara d'elle, W/< ne pnt »e rappeler que peu de rhote» de ion premier état, quand on I interrogea après qu'elln cul été Ins- truite et qu'elle eut appris h parler. Mais si son In- telligence était restée inerie, son i orps avait arquls des laciillés inconnues dans l'état social. Elle sa- vait pousser de la gorge un rri elfriivant, imiter le cri de nuclques animaux, grimper aux arbres avec une agilité merveilleuse, <| santi'r d'un arbre à l'antre, tuer les loups (IGl), prendre les lièvres à la course, lioire leur sang et dévorer leur chair. « La inaniéie dont elle courait après les lièvres, • dit Racine, i est surprenante; dix ■ donné des exemples de sa fagon de courir. Il ne paraissait prosiiue point de mouvement dans ses pieds et an • Clin dans son corps; ce n'était point courir, main glisser... Celte mêine agilité qu'elle avait sur lu terre, die l'avait dans l'eiiu, où elle allait dieiclier les poissons, qui étaient pour elle des mets très- friands. Elle restait longtemps plongée; l'eau pa- raissait être son élément, t Sa force éiait si grande, qu'elle dit i llaciiie avoir repnussé six lioinnies qui voulaient entrer dans sa chambre, en rcnvei- sanl sa porte sur eux. < Lorsque, peu à peu apprivoisée, elle eut ap- pris notre langue (Itti), après avoir répété qu'elle Ignorait d'où die venait, n'ayant Jamais vuquedei forêts où elle avait vécu avec uii'u compagne de son Age, elle raconta comment elle l'avait perdue, ee qu'elle m'a raconté dans la suite de la même fa- yon. Toutes deux, nageant dans une rivière (la Uarnc, sans doute), entend. icnt un bruit qui les obligea de plonger. C'était un chasseur, (\u\ do loin ayant cru voir deux poules d'eau, avait tiré sur elles. Elles poussèrent leur voyage beaucoup pins loin, et, sortant de la rivière pour outrer dans uti liuis, cites trouvèrent un chapelet qu'il fallut se disputer, parce que toutes deux voulaient s'en lai e nu bracelet. Notre sauvage ayant reçu un coup sur le bras, répond à sa compagne par un coup sur la tête, malbeureusement si violent que, suivant 8i sonids-inucls, à l'a- ris. I Ce malheureux enfant, • dit U. Morel, « ul- frait l'aHligeant spectacle du l;i dégradation hu- maine. La ((rossieieié de ses seus, »es appétits, s< s instincts brutaux, sou iudiQ'ércnce pour les objets étrangers à la satisfaction de ses besoins, set lia- Liiudes sauvage», sa profonde aversion pour la so- ciété el ses ouvrage,, bou amour de l'indépendauce, * (161) Elle se servait pour cela d'un biton qu'elle p< r- lait k une espèce de ceinture, et qu'elle a depuis appelé son tottioir. (Itii) Kxtrall de la notice publiée par L. Racine dans son Poime de la religion. (1(15) Un voit bien qu'ici eomme duos plusieurs auircts cas, Kacioe prêle ses seuUineuls el ses idùes i la pau\rc sauvage. .... . (t<>4) De Chiloiis, Mlle Leblanc Tut cniiduile • Paris uu elle voulait se taire religieuse; mais sa faible santé l'eiii- uêcha d'exécuter celle rcsuluiion. klle est morte k Paris versllHO. m A I/ESSAI Stn LE VOL lON DE L'INTELLIGENCE HUMAINE. dos l'abruiitMincnt ilo «on liilullignncc, le «nii mono- liiiio cl KUllural des» voli, loui, Jusqu'à sa mar- clit> pnicipiléu cl tu balanroincnl île son corps, lout :iltc»liiii lii lo»Kii*i ^' «It^éiéro influciico d'une via «rruiitu cl solituire (IU5).i < Kiraniier i celle op< Il niourulU Paris en 1828. Il ii'éluil point iiliol, comme l'ont prétendu queltjuesauleurs Djrsiénialiqiics, Gall, etc. Virey, observateur Ju- illcieux, qui a vu cl examiné plusieurs fois ce sau- vaue, elen a fait le sujet d'une disserlalion qu'il a uiioliée k la lin do son llhloirt naturelle du genre hmnam, dil qu'on ne peut pat ie regarder comme un imbécile {\i)9). Nous venons de voir un Jeune sauvage surpris dans les bois, sautant d'arbre en arbre, vivant nu, de la vie d'un singe pluidt que d'un homnie, n'ar- ticnlanl aucun son liuudcs i-ris iniilés des animaux qu'il avait entendus, dont niitelligcm c reste pro- fondément dégradée au milieu de celte vie errante Cl de celle liberté absolue. Nous pouvons citer un autre malheureux enfhnt ^ui, pendant douze ans a été, au coniraire, retenu dant une contrainte et une captivité absolue au fond d'un cacliol, où un homme dont il ne voyait jamais la figure lui ap- portait chaque Jour du paiu et unecrucue d'eau. Ce jeune homme fut trouve uu mois de itiai I8::8, h l'entrée d'une des portes de la ville de Ndrcmbeig, dans une allilude immobile. Il ne parlai! pas, maU il pleurait. Il tenait en main une lettre adressée à nn oOlcierdù régiment des chevau-légers en garni- ion dans U ville. Celle lellre annonçait que, de- puis l'ige de 4 ans Jusqu'à celui de 16, le porteur mail été reiifernic dans un cachot, qu'il avait été baplisc, que son nom étuii Gaspar llauser, et qu'il cluit destiné k entrer dans tes cnevau-légers. i Ja- mais, > lit-on dans une lettre adressée au rédac- teur du Globe, le I.S novembre 18i9, < jamais il n'y eut table rase connue celle de son esprit tl de iunùine à 16 ans. • I ... Jusqu'à présent, • dil M. Feuerbach (160); « c'est-à-dire jteu de temps après qu'il fut sorti uur lui que ce qu'il pouvait voir, otiîr, sentir, flairer ou goùler, et son esprit, si vif et bientôt si spéculatif, n'acceptait en • core rien de ce qui échappe aux sens ou qui ne pouvait lui être rendu sensible. > (IPi5} Notice KôgrapMqHe iur M. Itaré, dans les An- luies je l'ûducatton ile» sourds-muels. (1661 Rapport (lu miiiitlre de l'iuiirieur. ilUT) M. MoreK ouvrage elle. — On lira avec uu vit inlérôl les deux Mémoires publiés par M. Ilard, le pre- mier inlllulé : De l'idtuatiou 'l'un nonune $uuvnge ou de» ^H jiremien diveloppenufitê pli i.iquei et moraux' du jeéu . niri RirinnriiM H Msmjie de <'iv£j)ron (1801). Le second porte te titre de : • P" '' ""'"" '"'" ■ Rapport au mimitre de Cintirieur mr leiimmux dtte- loppemenla du eamiage de l'Àttyron (1807). (16(1) Nous ajouterous quelques dékiils physiologiques sur ce jeune Aveyronnais. Quand on 1r pHl, on lui pré- senta des pommes de terre qu'il mangea crues ainsi que (les chitaigoes et des glands, rejetant loule autre nourri- ture, telle que viande, pain, pommes, etc.; il rejetait aussi te sucre, le sel, etc.; il flairait toutes les nourritures qu'on lui offrait avant de les goAter. Il se tenait presque DiCTio:èiiio fon- cées, lu vnii, le bleu, etc. Son oiiie était aussi d'une subtilité merveilleuse. Son odorat fut la causo que toute sa vie ne fut piui qu'un lourmeiit. Ce qui nous parait, à nous, sans odeur, était loin de l'èlre pour lui. Il pouvait distinguer de loin, même lors- qu'il ne les voyait pas, les différentes sortes d'ar- bres. Quant à la susceptibilité des organes du (ourALLI.Kâ A l.'KSSAI hlill L'KVOLUTIUN DH L'INTKL. IIIMAINR 8Gi «la lira rhi»loir«, ont rrgreiiti leur premier scnro lie vIp, ri MoiiN n'en iivomh vu niiciiii clicrcncr II amiilliirer ton alijrrlorondiiinii. Toiii, uu coiilr»ir«, m Miil li'tt*-ii«il«rnili cl déiireiil y reiili'cr i<|>i'^* avoir Hé vIoliMiinieiil inlroduib tluii» la (ocléliS liuinaine (170). Nuiisciiicnienl l'Ame ëlail ilosn-iiihin an dernier tcrino do la dégradation, mais lo eorpii Ini-niâinc lendail k changer do rormc* cl de proporiioiit. La nation droite devenait liorlionlalc u la muiiiérd doi quadrupède*. La cnnfurmalion de plnitieurit par* lie* de la télo et de la poitrine se rapprucliait do celle de» mouton» au milieu dc»<|ncl« il vivait, dani l'enfant iilandaU décrit par Tulpiut. Nous aveni remarqué la longueur des pouci'S rlicz la aauvage de Songy, chea tous, la longueur cl la du- reté uei onglet, la force des dent» qui pcrmetlait aui uns de dévorer la chair crue, aux autre» do hroycr le foin, le» fcullli'i, le» écoiec» d'arbre», ou de mettre en fuite en les mordant le» animaux le» plu» féroce». I.a plupart ont le» cria dea animaux au milieu desquels ils vivent, ou ilc» cris plu» effrayants encore. Tout, dan» leur» liahitude», se rapporte au (orps, h sa nourriture, k »a cou»erva- tion, il la »alifil'aclion do ses liesuins Icii plus gros- siers; aussi dévelopite-t-il îles lacidlés i|u'a prioti on ne croirait pas l'hoinnie capublc d'acquérir. Il» courent, grimpent, sautentavee une prodigieuse légè- reté, ou nagent, plongent, pèchent avec la main, prennent & la cour»e les animaux les plus agile», ubattent d'un seul coup les animaux iéroces. (La sauvage de Songy et sa compagne.) La plupart des sen», I unie, la vue, l'odorat surtout, ont une llnesse extrême. Chez plusieurs, l'odorat sert it distinguer .1VCC l'infailliliilité de l'instinct des animaux, tes plantes qui leur convienneul. Touteloi» on n'est pas peu embarrassé pour ex- pliquer comment i l'origine le corpï put s'accou- tumer à un régime si étrange et prendre le» habi- tudes d'une hygiène si anoimale. La tran»itiun à un étal »i en delior» des conditions ordinaires, a dû être préparée par une première enfance proba- blemeiil furt misérable, vagabonde, accoutumée déjà aux privations, aux gouU'raiiees de toutes sor- tes. Il semble qu'un enfanl même do 7 k 8 ans, élevé jusqu'à net âge chei de» parents qui auraient pu lui procurer la nourriture, le vêlement cl un toit, périrait infailliblement s'il était jeté tout à coup au inllieu de nos forêts si stériles en fruits comcsii- bles. H ne larderait pas k être victime de la faim, de la nudité, de» dures intempérie» de nos climats et de mille dangers contre lesquels il serait sans ressource. Quant à ceux de ces individus qui vivaient en sueiéié avec des animaux Iéroces ijui les avaient adopiea, c'est une difliciilté de plus à résoudre. Nous terminerons ce que nous avions à dire sur Vliomme de la miure , par quelques remarques sur l'opinion d'un auteur récent qui voit dans ceitains actes de mademoiselle Leblanc des actes roUoiiné*, (ITO) Aucune société barbare ou sauvage n'est sortie de son état par elle-mAme et sans un éducateur. Il en est de même de l'individu. (171 > Le P. CmsTBL, De la valeur de la raium. (172) Si la sauvage de Snngy avait eu de» idée» comme relies qu'on lui suppose, il semble qu'elle aurait pcni^ ji se rapprocher de ses semblables, & implorer leur assis- tance. Dans ses courses vagabondes, elle avait eu mainte occasion de voir d'autres hommes, leurs habitations, tes Ïiroduiu de leur industrie, et pourtant Jamais elle n a eu e désir ou U curiosité de se mettre en rapport avec eux. Tout en elle se meut fous rtmputsioB de l'organisme et de ses plus grossiers ioslincU. L'homme, par ie côté ma- tériel de son être, résumant en lui les êtres inrérleurs, en a toutes les propriétés égoïstes : il jouit comme un animal, il absorbe comme un végétal, U s'isole comme 00 minéral. des teiilimeni» du tetur, la réflexion cl le titltul dt lapeiiiée (171), Il se l'omlo d'abord »ur ce qu'ayant rie queniumiée par ttgne» pour »nvoir où elle éloil nii), elle moiilra un arbre. J'avoue que je serais singuliérenii'nt rmliariassê si J'avais l\ faire com- prendre par tigiif» rrlte question il une piTsunne ordinaire : Où éwi-voii» née ? Mais mon embarrai serait extrême si je m'adressais II une pauvre san- va^e intellectuellement auasi iléniiée que relie dont nous parlons, cl je craindrais (on de n'avoir point été compris. Quel esi le tigne on quels sont les il- gnet naturel» qu'on pourrait employer dans uno pareille circonstance T La qucstiiui nu on lui ailres- tait était assez coninlexe cl je ne vois pas comment elle peut être exprimée par des ttgne» naturel». Il y a tout llsu da croire nue nuire sauvage ne comprit rien aux geste» qii on faisall devant elle. Le qui conllrmo cette suppo»ition, c'est que plut tard, quand elle sut parler, elle dit ii M. Valmont da Uoinarc, qui la vil et l'intcrrugra, en 1705, que tet parent» eitiivaienl la terre et qu'elle allait »ou- vent rama»»er de» herbe» inr le tord de la mer pour e)igraii»er leur terrain. Ainsi la préciiion de sa ré- ponse aux gens de Songy est tout k fait chimérique. Lo même auteur vuil les ««nlimeiKi du eaur et un calcul de la penbée dans l'action d'aller clieielier au haut d'un cliêne un remède propre k guérir la pluie qu'elle avait faite k sa compagne. Ce fait est fort obscur dans riiistoirc de noire sauvage. Qu'étalKo que ce remède? ILicine parle d'une gomme... qui est-ce qui connaît la gomme du chêne cl sa pro- priéké sanguisorbcT Le tan mélangé au charbon pulvérisé est très-utile pour panser les plaie», mais on ne prétendra pa» sans doute que le talrut de la pentée de la jeune aauvage allait ju»que-U. Il c»t Irês-vraiseniblable que ses souvenirs éiaienl bien confus sur ce point. En elfei, elle dit ii M. Valmont de Bumare que « voyant saigner sa compagne, elle courut ebercner des grenouilles, en écorcLa une, lui colla la peau sur le front, et banda ta plaie avec une lanière d'écurcc d'arbre qu'elle avait arrachée avec se» ongle». La ble»8ée prit le chemin de la rivière et di»parut sans qu'un ait »u depui» ci! qu'elle était devenue. » Elle dit, nu contraire, à Kacine qu'étant retournée à l'endroit où elle avait iai»»é tu compagne, elle ne l'y trouva plu».,. Que croire, que penser au milieu de touies ces contra- dictions (172)? Les lois qui iégi»»enl l'homme sont unes et invariablement le» inénies dan» le» mêmes ctmdi- tions d'existence. C'est en vain que nos systèmes essayent de les faire fléchir et du ciierciiur dans l'in- dividu isolé ce qui ne peut »e trouver que dans l'individu social. L'homme inielligeiit et mural ne se développera jamais spontanéuienl et sans le su- cours d'une puissance ou d'une direction externes, parce qu'il ii a point en lui-même la raison de son développement. Dans ritoleiuent cl sans aucune parole d'instruction, la nature physique restera inerte en lui cl sans manifestation, c'est-à-dire tans < L'homme privé dès sa naissance, du commene de ses semblables et de l'usage de tous les signes que ce commerce nous conduit k instituer, ne s'élève |)olul au- dessus du cercle étroit dans lequel végète la brute que nous vouons au mépris, et k laquelle nous daignons li peine accorder quelque poriion de notre Intelligence. On connaît l'histoire du jeune homme trouvé dans li't forél» de la Lllhuanie, qui donna lieu aux obs«>rv«tioni conslKuées dans les mémoire» de l'Académie des scien- ces. Un connaît celle de la sauvage champenoise. Ou uu qu'ils ne dureraient en rien des animaux au milieu des- quels ils s'élaient trouvés jusqu'alors exilés. -Ils avaient leurs penchants, leurs habitudes, leur industrie ; rien en eux n annonçait la présence «ie cette r.iaon qui rénéchii, qui combine, qui règle toutes nos bcultés, et lait de rhonime un être pensant. > (DKoiniMH), Det tigne» et U l'art de penser, 1. 1, Introd , p. i.) lAINR. «Oi cl h tnUul ii M8 MAPrEMOiNOE ETIINUGRAPIIIQUE. rëactinn, p«rco an'ellc m recevra point d'uciinn qui lui convUnne, il «iciUlion qui réveille ei vIvIHe lo leriuo qui dori en elle. L'Iiommo pliyiiquo ical te NOTE H Lt Vtrbi, l/anliqnité n'Iftnorail poiol In loiile-pniMnncc iln la parole ilivinc, ei poRnëJiil inâiii» pliisloiir* dicux-verhoi. Mais ce» iliciii occupaient, chaniin lianii m rrllRion. une place anhonlonnée I côli^ et mut prÙH (In ttëlléa prlnripulcs dont lia élaicnl lia mcssailKr* cl les inlerpiéle». Cm diciu-vcrbca et leurs mythes attcslonl que rhumaniié a »u, dès les lanip» niiciens, qu'au coin- nicnceinenl l'univers avait été fait pur la siuinle pa- rôle de Dieu, et que Dieu avait eusullo parlii aux peuples pour leur révéler sa volonté. La terre en* lière est pleine de la gloire du Verbe. Sa gloire s'est même communiquée an verbe hu- main. Créé tt l'image de Dieu, l'homme a cru re- marquer dans sa parole «lutlquo chose de la tnnto- puiitance que possédait celle de son auteur ; il lui n icmblé que par ms prières, ses chants, ses iiéilé- dlctions et ses malédictions, pur ses évocations et Ks exorcttuies, il pouvait à volonté ébraidcr les tel pénè- développera en raison des influeneci qui lo troni, mais rinlalligonce et la volonté oetneurcront ensevelies dans !«• (nstincli de l'animalité. (col. Wl). cieux, la terre cl les enfers ; il s'est imaginé, comme les Finnois, qu'aveu les Iroii paroUt origvitile» dit Créaltur, il guérirait tous les maux, ou, coniuiu l'Hindou, nu'en répiilant «ans so lasser le nom sacré anm, que Dieu avait prononcé le premier. Il a'idcn- liflerait avec Dieu lui-même. Quand serait néo la magie, si l'humanité n'avait pas passé f>on enfance dans l'extase et les révis d'une foi qui, dans «a surabondance du forces, no se comprenait pus cllo-niémeT Et comment l'homme, dont le<> niotH sont des sons impuissants, aurait-il eu ridée d'attriluier aux mots divins une énergie in- commensurable et des effets qu'il ne peut concevoir s'il n'avait appris ^lar la révélation que DUu dit, et la iumitre en. La phrase de la cosmogonie do Noiso oui excitait railniiialinn de Longin, n'est point iiiia de cea expressions sublimes que trouvent une fois dans leur vie les poêles; c'est de la simple prose, mais do la prose do Dieu, que l'homme n'aurait ja* mais inventée. riN ItB L'iNinOBVCTION IT DES NOTES SDDITIO>NELLEB. MAPPEMONDE ETHNOGRAPHIQUE. LANGUES ASIATIQUES. I. Famiixk nES LJi^GUES sÉuiTiQUES.— Ilébralquc, Syriaque, Pchivi. Aralw, Gbeex, Amharique, etc. II. Lancuf.s de Lk R^.r,io! Famillti : Egyptienne . tgffplien ancien. Egyptien moderne ou coptt»; Nubienne : Nuba-Keney; Troglod /ci : Maudingo : Mandingo, Jatlonka, Sohsou, etc.; Achantie : AcAaniie, F<>tu, Akkrinoii, Inta, etc.; Dagwumba : Dagwumba , etc. ; Ardrah : ArdraÀ- Jttdah, Bénin? etc. ; Kaylee ; Kaytee, etc. Auiree languet, — Foiilah, Wolof, Serere, Scra- colct, Boullam, Acra, Kerrapee, Oongobai, Ein- poôngva, etc. IV. Langues de l'Afrique australe. — FamiU le* : Congo : Loango, tango, Blinda, MotuaJ olc. ; Caffre : Caffre propre, Beijouane, etc ; Hottentoie ; Hoitentole, Saab; Monuinotapa : Monomoiapai Macouai, Sowaiel, etc.; Gallas : Gaffai, Jlasiin- bo* ? etc. V. Lamgues de la migritie intérieure ou nu SOUDAN. — Famille* : llaoussa : Maouua, etc.; Uor- nouaiie, Bornou, etc. AHire* langue* — Tomboucton, llaniana, Kalla- Êi, Baghermeh, Ifobba, Darfour, Wassanah? Ilibo» iyeos, etc. î! m Mm « 207 MAPPEMONDE E LANGÙllS OCËAMENNES. I. Famille des lanoies malaises.— Grnml-Orài- nicn, Jnva viilpaire. Uasa-Krama, Dali viilg:iire, Malais propre, Italias, Achin, RiMljaiift, lliiiia, Ti« inniiri, IVrnati, itiigis, Mucassar, T'.igalog, Uiss 711, Soiiloii, Mindaiins, Cliainarro, Uloa, itadack, Nou- vcan-ZcliiiKlais, Tonga, Tailien, M.tn|ucsas, Sand- wich, Si-di>ïa, Madocassc, etc. II. LANGHEt DES NÈGRES OCÉANIENS ET d'aVTRES PEUPLES. — Tenilmra, Sidncy, Kinleavour-Païkin- aon, Lachian's Oxley, Oory, Vaigion Papoii-OlTiik, NoiivclIrt-IrlandA, Taiiiia, M'aMic , '. -.: ; H f'> < Il DICTIONNAIRE itcca, Tolonaca, RAL DE L'aMÉRI- DB LINGUISTIQUE • ABABDÉK. Toy. Troolodttiquc. ABASSB. Yoy. Abaze. ABAZE, ABASSE ou ABSNE, langue clas- sée (tans la région caucasienne, parlée par les Abazes, Aoa$ses, Abaigien$, Abassi ou AmSasen, dont le véritable nom est Absne, cl qui sont les Aboici mentionnés dans le périple du Pont d'Arrien et les Atpasgi ou Abaigi des autours hysantins. Les Aba^jses sont partagés en plusieurs hordes, doiit voici les principales : les Abattes proprement dits ouiltMAaseii.qui demeurent dans l'Altchas- scti ou la Grande-Abassio, pays placé le long (Jii Caucase méridional et de la côte nord-est de la mer Noire. Soumis d'abord aux Romains, ensuite aux Lasi, aux Géorgiens, aux Per- sans, aux empereurs de Constantinople et aux Turks, ils sont actuellement vassaux de l'empire russe. C'est sur leur territoire que se trouvait l'ancienne Dioscurias, où le com- merce rassemblait un si grand nombre de nations différentes. Les l'opanta, nommés AUi-Ktsttk-Abati par les Tartares; ils ha- bitent la Petite-Abassie, qui fait partie de la Circassie entre le Kuban et le Tereck, et sont en partie vassaux de l'empire russe, et en partie des princes circassiens. Les Betchil bai, qui demeurent le long de l'Urup et sont in- dépendants. Les Natuichachi ou Pfetsch- qmdseha, qui demeurent à l'ouest du Scha|)- sieh et le long des ruisseaux et des fleuves (173) Dans le pays on Icn nomme Falâtyan ou ixilét. Ces Juifs uiil conservé leur Bible «t ctuntfnt les psaumes eu hébreu. E»ce qui est tiès-reuiarqua» l)lr, le caracicre do cet liébreu fst le tamaritain, et l'alplialiel amliarique, seul en usage en EKiiopie, n'a de rapport qu'avec le samaritain , comme l'ont reconnu Ludolf et Desliauteraies. D'où il résulte, lui ycui de quelques critiques, une preuve insi- gne eu faveur des traditions abyssiniennes , parce Atlakum,Bakan,Zemcs, Tasipsh, Shup,etc., etc.; ce sont de terribles voleurs qui n'o- béissent h i)ersonne. Les Barrakal, qui vivent sur les bords du Khotz et du Gut son affluent. Les Kasibeg, qui habitent près des sources du grand et du petit I.aba. La célébration du dimanche et l'observation des grands jeûnes de l'Eglise grecque rappellent le christianis- me qu'ils professaient avant d'avoir em- brassé la religion de Mahomet. Cette lan- gue a plusieurs mots communs avec la cir- cassienno, dont elle suit les règles de lasyn- taxe. ABENAQUL Voy. Lennappe. ABIPON. ïoy. MocoDY. ABOIEMENTS de chiens, langage qui y ressemble. Voy. Carapuchos. ABSTRACTION, dans l'idée et dans les mots. Voy. V tissai, § III. ABYSSINIQUE (Langue), une des branches de la famille sémitique, ainsi nommée parce qu'elle comprend les principaux idiomes do i Abyssinie. L'Abyssinie est cotte contrée de l'Afrique située au delà do la Nubie, le long des côtes de la mer Kougc, peuplée d'abord par les (ils de Cusch, tils de Cham. Les premiers habi- tants furent des troglodytes, c'esi-in-àire ha- bitant des cavernes creusées dans les lianes des montagnes. Des ^uifs vinrent s'y fixer du temps de Nabuchodonosor (173) ; puis des qu*h l'époque où cet empire scion la Clironique d'Axum) embrassa le jutlaismc, c'était le caractère dont se servaient les Juifs, qui n'uni adopté lu chaldaiquc qu'après ta capiiviié. Toutefois nous de- vons coiivunir que ce point de critique est toujours Ires-controverse. Ainsi M. de Sacy a essayé de en- dants les uns des autres, mais vassaux des Achantes. 5° A/fettou, parlée dans le district de Fe- tou, Alfcttou ou Affettoo dans le pays des Fantes, dépendant des Achantes, et dans le- 3uel se trouve le cap Cape-Coaste, cheMieu es colonies anglaises dans la Guinée. 6° Akkripon, par les habitants d'Akkripon, pays de l'intérieur voisin des Amina. Cette langue diffère beaucoup de toutes celles qui forment cette famille. 7* Booroom, parlée dans le royaume d« Booroom, qui s'étend le long de la rive droite du Bio-Volta, et dont la capitale est Guia; outre cette langue, on y parle aussi commu- nément l'achantie. 8° Inta, parlée dans le royaume d'Inta, qui est le Tafou ou Tafoe des anciens voya- geurs; il est situé sur la rive gauche du Rio- Volta, et, selon Bowdich, plus peuplé et plus civilisé une l'Achantie. ACHEM. VOU. SUHATRIBNMBS. ACRA ou INKRAN, langue africaine du groupe de la Nigritie maritime, parlée par les habitants du royaume d'Acra, lesquels, avec leurs dominateurs successifs les Aquam- boe et les Akkim, ont été subjugués par les Achantes. La prononciation de celte langue est tellement didlcile, qu'on n'a pas de lettres dans nos alphabets pour la représenter con- venablement ; la conjugaison est assez riclie, mais la plupart des temps ne sont distingués les uns des autres que par i'a-icent. Les pré- positions sont placées «près les substantifs, après lesquels elle met aussi les articles dé- fini et indéfini; elle forme ses pluriels par la plus parfaite similitude avec Talphaliet ghez, sauf en ce qui concerne la direction oe récriture et le système des voyelles. Lrr ressemblances que l'un a cru trouver entre l'alphabet ghez d'une part, et l'aipliabel •amaritaiii ou même l'alphabet grec de l'autre, se trouveraient par là expliquées (Gesénius, Kopp, Hupfeld), puisque ces dcui derniers alpha- bets sont eui-mémes des formes du phéoicieu. ils AFR DE LINGUISTIQUE. AFll iU iiiflezioh, epenlhesis, paragogo et apocope; comme l'acliantie, elle ne distingue pas les genres, n'a pas de verbes passifs qu'elle ex- prime par des circonlocutions, et n'emploie presque jamais les infinitifs ; mais son verbe A'r«a les trois temps, présent, passé et futur. Il parait que l'acra est aussi parlé avec le kerrapie dans l'Etat de Tadoo, qui est è six journées au delà do Popo sur la côte de Da- nomey, par les descendants des Acras fugi- tifs, qui sous la conduite de leur roi s'y ré- fugièrent lors de l'invasion des Aquamboes dans leur pays natal. ADAIRL. Yoy. Dankali. ADAREB. Foy. Troolodttiqub. AFFINITÉ do la langue française avec les langues indo-européennes. Voy. Française (Langue). AFilHAN. \oy. Pouchtoc. AFRICAINES (La 111GUE9), auraient toutes de l'airniité avec les langues sémitiques. Voy. l'Introduction, § IV. AFRIQUE.— Située presque tout entière sous la zone torride et soumise à sa funeste influence, l'Afrique n'a pas pu développer, comme l'Europe, les germes do civilisation qu'elle avait reçus de l'Asie. La région du nord, habitée par la race blanche, qu'on y re- connaît encore à la noblesse de ses traits, malgré l'obscurcissement de son teint, est la seule où des nations heureuses aient marqué dans les fastes de l'histoire. Les quatre au- tres régions, celles de l'ouest, du centre, de l'est et du midi, dans lesquelles la nature in- domptable s'oppose h tous les eflbrts de l'homme, lui offrant tanidt un océan de sable, lanlôt des torrents débordés, tantôt de vastes plateaux que la pluie ou le soleil transfor- ment tour à tour en jardins ou en déserts, végètent encore avec la race noire dans la plus affligeante barbarie. Aussi les divisions des peuples et des langues cessent-elles dès lors d'offrir quelque tlxité, et, leur intérêt diminuant en raison de leur difficulté même, nous nous contenterons de les indiquer som- luaireraent sans insister sur chacune d'elles. L'Afrique septentrionale, c'est-k-dire toute la côte qui s'étend depuis l'entrée de la Mé- diterranée jusqu'à celle de la mer Rouge, se divise en deux parties, celle du nord-est et telle du nord-ouest. Dans la première, arro- sée par le Nil et bornée par les montagnes de la Lune, se distinguent d'abord les Hgyp-' lions, peuple grave et éclairé, dont la civili-' salion mystérieuse est analogue, sinon iden- tique, à celle de la Chaldée et de l'Inde, et dont les débris peu nombreux subsistent de nos jours sous le nom de Coptes. La même région est habitée par les Nubiens, les Bicha- rieos et autre.s tribus à demi-civilisées, et par la nation remarquable des Abyssins, qui a adopté un dialecte de l'arabe. L'autre région, traversée par l'Atlas et bornée par le grand désert, comprenait autrefois les Etats lloris- sants des Carthaginois, des Cyrénécns, des Numides et des Maures. Aujourd'hui les resies de ces nations, constituant la famille Berbère, sont dispersés sous les noms d'A- uiazigs, do Touariks, de Tibbos, sur les bords de la Méditerranée et dans les oasis de la mer de sable. L'Afrique occidentale, derrière le désert de Sahara, comprenant toute la côte de l'A- tlaiitiqiicdepuis le cap Vert jusqu'au cap Né- gi'o, présente une foule de familles nègres, dont les principales sont, dans la Sénégam- bie, celles des Wolofs, des Mandingos, des Foulahs; dans la Guinée, celles des Achan- lies, des Dagoumhas, des Ardrahs; dans lo Congo, celles des Congos et des Benguelas. L'Afrique centrale, si peu connue encore q l'on ne saurait déterminer ses limites, est habitée, juscju'au grand lac do Tchad ou mer intérieure, par les Kissours, les Haoussas,/ les Bornouans, et autres peuplades assez in- dustrieuses. L'Afrique orientale, des sources du Nil au rap Sofala, tout le long do la mer des Indes, ne présente guère que deux familles con- nues : au nord-est, celle des Gallas, oppres- seurs actuels de l'Abyssinie, et au sud-est celle des Motapas ou réunion de toutes les tribus qui habitent les côtes de Zanguebar, de Mozambique et de Monomotapa. L'Afrique méridionale, depuis les caps Négro et Sofala jusqu'au cap de Bonne-Espé- rance, ne renferme également que deux fa- milles, celle des Cafrcs et celle des Holtcu- tots. Nous reproduirons ici le résumé des re- cherches ethnologiques et linguistiques pu- bliées par un savant qui s'est fait connaître par des travaux spéciaux sur cette partie du monde. «Quelle place, » dilM. d'Avezac, « occupent les types arricains dans le vaste tableau des populations du globe? Sans nous restreindre aux trois variétés de Link et de Cuvier, ou aux cinq variétés de Blumenbach, ni même aux deux espèces de Virey, sar.s déborder non plus jusqu'aux onze espèces de Ues- mouiins, ou aux quinze espèces de Bory de Saint-Vincent, nous prendrons comme un tnexio termine commode, en les élevant au rang d'espèces (1*74), les trois divisions prin- cipales et deux divisions subordonnées dans la coordination desquelles Swaiiison a con- cilié les classilications de Cuvier et de Blu- ;mcnbach. Dans ces grandes coupes viennent se ranger, à titre de variétés, les nombreuses espèces de Bory de Saint- Vincent, et celles qu'il faut ajouter à son incomplète nomen- clature. « Sans nous détentr à montrer comment le zoologiste anglais, s'élevant sur les idées de Mac-Leay, établit dans toute section natu- relle du règne animal une subdivision tri- partite présentant un type, un sous-type, et un groupe aberrant ou moins développé , composé à son tour de trois groupes secon- daires dont un principal et deux subordon- nés, nous supposerons de prime abord que (174) Sur la question si débattue «le Vuitiié de l'cspi'icc humaine, voyoi notre Ditiionnuire d'An- tànpologie ou /iiiloire de* racet Immaint». ^"rhi «s APR DICTIONNAIIIB AFR SIO M" mm I l'espèce blanche ou coucasique est le type fondanicntal du genre humain, l'espèce mon- f;o1ique le sous-typc, et l'espèce élhiopique e groupe aberrant, formé des trois sous-es- pèces nègre , américaine et nialaie , dont la première se lie h l'espèiie blanche par la sous- espèce américaine ou rouge, et à l'espèce jaune par la sous-ospècc malaie ou brune. « Poursuivant l'application de la même métliode, on peut classer l'espèce blanche en trois variétés qui seraient ainsi échelon- nées, savoir : lu variété japétique ou indo- germanimie constituant le groupe normal, la variété schéméliipie ou syro-nrabo offratit le sous-type et la variété kamitique ou pbé- iiico-égvptienne oiïrant le groupe aberrant, dans lequel il faudrait probablement compter comme sous-variélés lesMcssryles, les Hous- chvtes et les Kananieus, ces derniers servant (ie'lien avec la variété jfipéliquo, et les Hous- cbvles se rapprocbant davantage de la va- riété schémétique. Les races blanches afri- caines représentent, autant à roison de leurs généalogies traditionnelles que par la per- sistance des caractères physiques, toutes ces f;randes sections de resjmce blanche , dont a coordination présentait dès lurs ici un in- térêt direct et immédiat. « L'espèce jaune , sans être complètement désintéressée dans l'ethnologie africaine, ne laisse toutefois apercevoir qu'une liaison éloignée, immémoriale, et dont la (race n'est pourtant pas entièrement perdue, entre le Copte, héritier dégénéré de l'antique peuple d'Egypte, et le Cliinois, variété so'us-typo dans l'espèce mongole, où le groupe aber- rant parait formé par les sous-variélés hypor- boréennes. « Quant à l'espèce élhiopique, la, sous-es- pèce nègre, qui en constitue le type normal, appartient essentiellement à l'Afrique ; mais, pour coordonner dans un classement ration- nel les variétés de celle-ci, il serail.indispcn- sable do réunir des notions beaucoup plus étendues et plus précises que nous n'en pos- sédons encore sur les populations suscepti- bles de figurer dans ce cadre; ce n'est donc qu'à titre d'hypothèse uvanturée et conjec- turale que nous désignerions le nègre afri- cain proprement dit comme variété type, et que nous placerions dans le groupe aberrant le Hottentot, le Kafre et l'Alfourous. Puis, dans la variété nègre proprement dite, il est impossible du méconnaître que les subdivi- sions sont commandées |)ar des différences frappantes entre tes belles races du nord et ceNes qui , vers le sud , se rapprochent du Hottentot parles formes corporelles; mais les indications éparscs et incomplètes qui laissent apercevoir ces diversités tranchées ne suflisent point à en esquisser la distribu- tion synthétique; la détermination des types, la recherche des éléments générateurs des populations hybrides, soulèvent à chaque pas d'inexlricjiblcs dilRoultés. « Quoi qu'il en soit de ces essais de clas- sification, les races africaines qui doivent trouver leur place dans ce tableau d'ensem- ble peuvent être énumérécs en gros dans l'ordre suivant, corrélatif à la disposition systématique des groupes naturels, eu égard aux affinités les plus marquées. « 1° Les races européenne! qui ont formé des colonies disséminées sur toute la péri- pliérie et dans les lies, y compris la race turke, clair-semée dans les pays do la côto septentrionale. «2* Les races arabt$ répandues sur les côlcj orientales jusqu'à Sofalah et Madagascar dans toute l'Egypte, sur la lisière boréale le long de la Méditerranée, sur le littoral atlantique jusqu'au Sénégal , et étendues à une assez grande profonvieur dans le désert, dont elles occupent encore les austro-orientales. « 3° La race copte au teint jaune loncé, au nez court et droit, aux grosses lèvres, au vi- sage bouffi, qui tend à s effacer chaque jour davantage du sol de l'Egypte, et qui semble conserver la trace de I ancienne infusion d'un élément mongol ou chinois. « \' Les races kouschites au teint nigres- cent, an nez |)rcsque aquilin, h la bouche moyenne, au visage ovale, qui pcutilcnt l'Abyssinie et une partie du littoral de la mer Rouge sous les noms de Ilhabeschyn , Danâgyl , Schihou , Ababdch, la plupart de ces nûtions, sinon toutes, se dénommant elles-mêmes Aga'xyàn ou pasteurs. Peut-être divers éléments asiatiques et africains s'y sont-ils fondus dans até , aux lèvres grosses et saillantes, au visag» court, aux cheveux l.ii- ncus, sont répandues sur la majeure partie (lu sol africain depuis le Sénégal et le haut Nil Jusqu'au delà du tropique austral. Les caractères spécifiaues sont diversement combinés chez les différentes races qui for- ment cette division ethnographique : ainsi le Ouolof, le plus noir do tous les nègres, est celui dont le nez est le moins épaté, les lèvres les moins grosses; le Montchicon^o, au contraire, dont le teint est beaucoup moins foncé, a le nez presque plat, des lèvres énor- mes, et la femme possède, dans de moindres proportions, lo tablier et les grosses fesses de la Holteiilote: entre ces types extrêmes, l'As^'liauty, le Manding, l'Arada, l'ibo, le Monjou, le Makou offrent une série de types intermédiaires. tS' Les races hotlentoles, h peau brunâtre comme la suie, au nez entièrement épaté, aux lèvres grosses et avancées, aux pommet- tes sailliintcs, au visage triangulaire profdant celui du singe, habitent l'extrémité sud-ouest de l'Afrique. Chez la femme, un trait remar- quable est le développement des nymphes qui couvrent les parties génitales d'une sorte c tablier naturel, et celui des fesses, dont l'énorme saillie semble destinée à supporter l'enfant pondant l'allaitement. « 9* Les races kafres, au teint gris noirâ- tre ou plombé, au nez aruue, aux grosses lèvres, aux pommettes saillantes, occupent, au nord-est des Hnitcntots, une vaste por- tion de l'Afriiiue orientale, ainsi que la pointe sud de Madagascar; avec elles il faut probablement classer les Gallas, qui depuis Mélinde se sont avancés. Jusqu'au cœur de i'Abyssinie. « lO" lilntin la race malaie a répandu quel- ques colonies sur la plage ufriniine, puis- qu'elle a peuplé les rivages orientaux de Madagascar. « il est h peine besoin de dire, que sur la limite naturelle des cantonnements géogra- phiques respectifs, les races que nous venons d'énuiuérer se sont plus ou moins étendues les unes dans les autres, et que leurs démar l cations précises ne sont pas toujours faciles à discerner. « Telle est l'ébauche grossière h laquelle nous devons borner, quant à présent, nos essais de distribution ethnographique des races africaines sous le point de vue de leur constitution physique. L'état incomplet de nos connaissances actuelles & cet égard ne permet point de tenter une esquisse moins imparfaite; mais les données linguistiques, bien que fort incomplètes aussi , peuvent utilement concourir à une classiQcation mé- thodique de ces peuples , au moyen des échantillons de langage recueillis en grand nombre, et dont les connexités ou les diffé- rences mutuelles sont plus faciles à saisir. Mais il faut se garder d'une erreur trop com- mune aux linguistes, celle de considérer sans restriction comme ethnographiques les rapprochements ou les divisions fondés sur de tels indices. On ne doit point oublier que bien souvent un même langage est parlé par des races fort diverses, et que souvent aus- si des rameaux d'une même souche ont ap- Eris des langues distinctes. Ainsi parmi les erbers sont cantonnés quelques peuplades noires évidemment bétt^rogènes et qui n'ont pourtant d'autre idiome que le berber, tan- dis que d'un autre côté ces mêmes peuplades rapprochées des Abyssins par tous les carac- tères physiques, en demeurent complcla- ment séparées par lo langage. Mais il est aisé de concevoir que les dissidences lin- guistiques entre des neuides limitrophes ou mutuellement enclaves révèlent, dans la plu- part des cas une différence réelle d'origine; et que réciproquement les similitudes de langage entre des peuples séparés par de. grandes distances supposent uno commu- nauté antérieure, sinon toujours d'origine, au moins d'habitation et do nationalité. « Un phénomène qu'il importe de ne pas perdre de vue dans cette étude diacritique, c'est que la similitude de langage n'est sou- vent que partielle, tantôt bornée h de$ raci- nes communes moditiées et construites sui- vant des analogies et des syntaxes ditl'érun- tes, tantôt restreinte à l'unité de syntaxe et d'analogie grammaticale appliquées h des radicaux divers : l'aflinité, en ce dernier cas, au contraire, l'affinité est moins opparente, mois plus intime, et l'on peut dire qu'elle constate, sinon la parenté des idiomes, du moins celle des populations qui les pariciit; dans lo premier cas, au contraire, i'ainnité est plus apparente que réelle, et s'appliquo aux langues bien plutôt qu'aux liommes ; souvent, en effet, les peuples sont forcés d'apprendre des langbes éirangères, au gré des réunions ou des morcellemuiits politi- ques qu'ils subissent; mais en général le vo- cabulaire de la langue maternelle est alors seul changé, et la grammaire native conserve le privilège de fayonner à ses idiolismes les éléments nouveaux qui lui sont imposés. L'élude des grammaires est donc la meilleu- re clef dont la linguistique comparée se puisse aider pour l'éclaircissement des ori- t;incs ethnologiques ; malhcurcusctaenl celle "^t^'N^^- mfi^j^f' ^ !S?;;;' TnLAM Kl M» AFR DICTIONNAIRE AFR «U il irPti i^m étudfl est difficile, souvent même impossible, faute de matériaux suffisants; et réduits que nous sommes h de minces et imparfaits voca- bulaires, quelquefois même a de simples indices , nous no pouvons aspirer à des ré- sultats eiempts d'incertitudes. « Quoi qu'il en soil, et sans avoir la pré- tention de donner ici des idiomes africains, ni un inventeur complet, ni même une liste fort étendue, nous les distribuerons en deux catégories : l'une composée de langues que nous appellerions volontiers cohésives, pour marquer l'espèce de lien qu'elles forment entre tous les éléments d'une même race, (lu des éléments juxta-posés de races diver- ses: l'autre, des langues qu'il faudrait au rontraire appeler diacritiques, à raison des séparations qu'elles déterminent entre des éléments qui, au moins dans l'état imparfait de nos connaissances ethnographiques, sont vulgairement considérés comme homogènes. Il n est pas besoin d'ajouter qu'un tel classe- ment n'a rien de sérieux, et qu'il indique sim- iilement le point de vue d'utilité actuelle sous lequel nous envisageons momentanément lo catalogue gi^néral des langues africaines. « L espèce de fonction cohésive qu'il est utile de considérer dans les unes, est par- ticulièrement frappante dans la langue ber- bère ou amazygn, qui réunit en un seul faisceau, ramène h une souche unique de nombreux rameaux dispersés sur une im- mense étendue ; ses dialectes sont parlés dans toutes les ramifications de l'Atlas, dans toute la ligne d'oasis qui s'étend, derrière ces montagnes, depuis EI-Ouahh-el-Bahha- ryeh confinant h l'Egypte, jusqu'au Oufldy Dara'h qui s'approche de l'Atlantique, et dans toute cette vaste partie du Ssahhrflcom- Erise entre SoquA etGeny, entre Touflt et ornou; montrant la parenté intime de l'ha- bitant de Syouah avec le Schelahh de Maroli, même avec l'ancien Guanche des Canaries, et celle du QabAyly d'Alger, avec le SourqA des bords du Niger ; réunissant aussi avec eux des débris des races blanches du nord, reconnaissables encore à leur tète carrée, leurs cheveux blonds et leurs yeux bleus; et des rameaux égarés de la race kouschyte, tels que les Ërouâgliah, encore noirs au mi- lieu des blancs, encore doux et bons au mi- lieu de peuples farouches el cruels: et d'au- tres éléments que signalent des différences physiques tranchées, maisqn'on ne sait h quel type rapporter, tel que le Beshery aux traits heurtés, auvergnat de l'Atlas, qui naguère parlait aussi le berber, oublié aujourd'hui pour l'arabe, et chez leijuel on retrouverait peut-être encore, à travers l'arabe et le ber- ber, les vestiges d'une grammaire antérieure. « Dans un voisinage immédiat et suc une étendue non moins vaste, divers dialectes, philologiquement rattachés à la souche ara- méenne, réunissent en un seul groupe tous les éléments de races sémitique répandus sur le sol africain, puis à ceux-ci presque tout ce qui subsiste encore de la race co|ite, puis encore les seuls restes intacts de la race kouschyte, e( avec ces derniers quelques dé< bris étrangers que la juxtaposition ou i en- clavement a ramenés h la communauté de langage. Et si l'on tranche la séparation des deux dialectes principaux, l'arabe d'une paît avec toutes ses variétés, et d'antre part le 5'ez et lies annexes, il faudra tenir compte ans la division arabe, indépendamment de la fusion des deux familles qahhllianyte et isma'yiyte, de l'immixition a cellesontdcs rois absolus, qui vendent leurs mi- nistres quand ils en sont mécontents, et dis- posent à leur gré de la liberté et de la vie de leurs sujets. Nous rencontrons cncon' ici lo pays des Hottenlots, que nous confon- drons avec le territoire du Cap. D'une cou- leur brune foncée, les Hottentots ont la tète petite, le visage largo d'en haut, et très- étroit d'en bas, le corps droit et bien fait, et la chevelure noire, frisée ou laineuse. Mo- nogames rigides, ils imposent à la veuve qui veut se remarier l'obligation de se faire couper une phalange du doigt; leurs mœurs sont simples et pastorales, et leur vie so passe au milieu de leurs troupeaux, leur uni- que richesse. Près d'eux, les Boschimens se tout remarquer par leur maigreur excessive, (l'une couleur jaunâtre , très-foncée; leur» femmes otfrenl le type du laid ; leurs chairs sont molles et pendantes, et leur dos creux et décharné, lait ressortir singulièrement la proéminence de leurs fesses. Véritables mendiants voleurs, ils vivent de la charité des autres tribus, qui leur distribuent de temps en temps des bestiaux ou do la vo- laille , et quelquefois de la déoouille des passants, qu'ils attendent dans les déserts, iirmés de flèches empoisonnées, dont seuls ils font usage dans celte partie de l'Afri- que. C'est ici que )a nature offre aux regards donnés le spectacle magique de ces fameux Karrou's dont le sol, biûlii par les rayons du soleil, dans la saison sèihe, ne présente i|u'une poussière brûlante, qu'une végéta- tion desséchée ; mais lorsque la saison hu- mide arrive, les pluies dévelcpi>ent en un instant tous les germes cachés dans le sein de la terre, et ce qui n'était qu'un désert aride un moment avant, se transforme tout à coup, et comme par enchantement, en un riant jardin oarfi de fleurs éclatantes, cl qui répandenl dans l'air un délicieux parfum. Tout renaît, tout s'anime .-les colons du Cap 210 Kar- arrivcnt avec leurs troupeaux, et les rou's oITrcnt alors l'imago des siècles fortu- nés de la Fuble. Mais bientôt toute celte pompe de la nature disfiaralt ; au bout d'un seul mois cetto végétation si brillante est éteinte, et, avec la chaleur, le désert a re- paru. La nature déploie au Cap une richessn qui fait l'admiration des botanistes, et four- nit h nos serres et h nos jardins leurs |)lus beaux ornements, et cependant , l'oeil du l'Kuropéon mécontent demande à la végé- tation i)lus d'égalité, et no retrouve pas dans les forêts cette fraîcheur qui donne de la vie au coriis, et cette obscurité religieuse qui nortd l'homme à la contemplation, et donne a l'Ame de l'élan vers les cicux. La Cafrerie, que nous trouvons aussi dans celte région, nous offre (ilusieurs tribus remarquables. Ici, ce sont les Koussas, cat'rns vigoureux et bien faits, qui se livrent presque exclusive- ment aux soins de leurs bestiaux, pour les- quels ils sont passionnés, et qu'ils savent rendre aussi dociles que le chien le mieux dressé ; ces Koussas qui, braves, mais paci- liques, ne prennent jamais les armes quo jiour la défense de leurs droits: pour ()ui l'hospitalité est un devoir sacré, dont ils s'ac- quittent avec une prévenance qu'on rencon- trerait diflicilement en lîurope, et qui por- tent jusqu'au milieu des combats une sim- plicité do mœurs vraiment patriarcale. L5, c'est la nation des Beetjuanes, qui se divise en un grand nombre de tribus, parmi les- quelles celle dos Maquinis se fait remarquer par sa civilisation, sa richesse et sa puis- sance. Moins noirs quo les nègres, moins jaunes que les Hottentots, les BeetjunneS n'ont m le brillant des premiers, ni la teinte terreuse des seconds; leurs formes moins élancées que celles des Cafres, ont plus de grâce encore, et leur figure, plus européenne, annonce une intelligence plus délicate et plus active; grands voyageurs, ils s'endurcissent dans les fatigues les plus pénibles, et se contentent de la nourriturn que la nature leur présente. Actifs et indus- trieux, ils font eux-mêmes les instruments dont ils se servent. Peu disposés à respecter les droits dp la propriété, ils sont cependant probes, francs et loyaux. Leur| religion est simple et dégagée de la plupart des supers- titions qui régnent dans cette région. Nous nommerons ici le Monomolapa, pour signa- ler à l' observation ces grands édifices tout converts d'inscriptions, dans une langue in- connue, qu'on trouve à Butua, et qui attes- tent, par leur ^iréscDce, la puissance d'une ancienne civilisation éteinte ou disparue ; nous nommerons aussi la côte de Mozambi- que, pour vouer à l'exécration des gens do bien te commerce d'hommes qui s'y fait lé- galement, ainsi qu'au Congo. Proscrits du nord de la ligne, qu'ils n'ont point aban- donnée, les négriers trafiquent ici des hom- mes avec la même publicité qu'ils feraient une bonne action. C'est le front levé que la traite commet encore ici ses atrocités, et que chaque jour ce trafic odieux ensanglante ces bonis. Nous ne détournons les yeux des cri- m m m tt7 AFR 4>-., l h- «ICTIUNNAIRR AFR «8 mes d«s EiiropIa 15 moomo 14 Ui.va 13 mare 16 mooeiie 17 djea §9 Uiya IJ werlw Jwr. laumbau • noine quiria irua > sorokoa l"gaa Imiue • BMtslchari nooueekuore aecuieogeva » erra * Terre. D'iOlO aloDBo; loto > ricehaaub camk'amma l'kaogub umisiaha lehaata!) DlOO > > elapoo IIIO(«0 laffa dicha Aw. mau SoUU. aaoueoe tango tangua ' ricufflbi ; luanha aliascht sorobb sorrô f'koura lelanga lelanga leetsbaaisi lelcbacbi diambo eiooab d'yoova maloto addu gburrab eer, fcazao Feu. mau bauo neoba ; «lasa tabla; matubU fkamma t"alb kamma • t'kobaa t-j* ammaanai nmlllu maasl lilo meelsi nulelo ■HMlIOO > maiee * mue noorro mexe noto niove ■wio besDan eblddeb beyoo dob ne t»m sont: k Vtit, idantun petit océan, connu ensuite la ré- euro 011 Sou- do la Ni^ritio n |ictitf!i|)nc»>, , h lit Nigritiu itlantique ; au ;cs limites, co m dans sa plus Hottentots, ce- )a avec la cAlo itale, et ce que jtorial. Ces rft- 1 les cinq ou- l'Afrique, s'é- ixti'émité nord- iroitdeBab-el- luge. . i vaste région sont les fainil- rOTB, MONOMO- is. s appartiennent ce sont le So- 0 et l« Moht- ràs-adonnés au «0 Pèrt. I Ula I laie % laaia 4 ui*;JeUla K Mmlnalli 6 alKwb 7 jo 8 na 9 bao 10 bao 11 raacbo tl baracho 13 • I n l'ktbamma 7 hoamqua 8 tuh i9 mluma 10 > II mnlomo \i mooloB 15 noiBO U yanoo 15 ovDwa 16 • 17 affiin 18 oir 19 aof 1 base Vn. moschl mosey mocbl; riioocbl omffla 6 koe; 7 q'kui 8 rkoiy 9 ibnje 10 fnje 11 msngahdla 11 menhella 13 cblogea U t 13 • 16 chemoja 17 loko 18 kluw 19 ahad Six. I sambaiiou I I S umbanoo i tamanou 5 • 6 t'iianl 7 oanni 8 • 9 aika"iia 10 ainje 1 1 l'banno H marrooUr 13 UiaDounacbengeTt 13 i 16 runjaie 17 ia 18 ieh 19 aedeeit AGfi Mèrt. mamma mania mania marna ; manba rnKoamI eijoa I «boa nhma mau maatho macbo. • marna amavo t boléu oyu ae iMglU. I > rtnl;marlmi lamma I nlome f P - » t > I amiba arrub arral Deux. cole aoll meoly quiari; maiori meere t'hnam k'kam t'kiih mabini : lombinl bablni baberi booiieeda sebcrejr DB LINGUISTIQUE. AI.B IIS OBH. meaau roabbera lumma lebba koul Sept. ■ambooady I sambody lambuarl I honko honko > sU" handata • llH^upa quashoopa Uuoounairebeeie nnkendeh loorb»h t'dubba aate n'tno iniiiu m'lo« Ttk. Net. maïaiiman i-oono rkau ; meaau miplue rialenu ; maaien » inoiu • mnhm niintiong t'geub mil hlknua t'na» ihurée ; qn«i l'uagiih t'nubnu ainusligo kiogo poomlu • lokci 1 llklo kobbo ongko macniiko a Inco teeaho tutko Dumpho meto 1 1 meio » > 1 » t he(t|a • ftinyai 111 muddah aan aiii 1 oof Oml. If aiw. Pied. manoo candaae ïambes • knku kulu menoo «iiro lambce rlchn ; marhn lucacu : macaca quliiama • koko kolo fkuhm l'koara fkeib kon omnta itquaiyt t'ooah timy ilhiqu l'aa inMnira fanu ienjac enjaa meno saeaakja lonao mennô aegikka toonowho menlin > mandba » eblienda • 1 llkaé 1 > • • • fana illuk t og aln 1 > Tnii. Quatre. Cinq. lato j'acMquea lanoo Utiu > > UIno m'na loanoo qiiifala ■ iiaua; quigaana ilano; qiiltunu meialu 1 1 l'norra hakka kurruh k'ouna hakka koru mal'balu t mani • maaianu aialu aanu sumenlni l'harro Inni • hoorugh hoone hoecbanoo Irirarou • rooonaw • tbanou » madatoo • muchecbe > manoo aedde alToor shun audde aiïur sban aheesie hanut bammcest UuU. neuf. Dis. enana évaua > nana ecaume n'ana a coomy naqul 1 tlcaisee irrua • r'golsaee diisse kbyasi (Iboba) * khessl gyasi tliuomme ajume 1 » suml arrionl > «jume anoooie quereha ' ibanouirinroa • quahera > koumaw 1 1 mannane a komme • mole aeddel auggul koodim ■odeid suRgal tubban aul leylao aaalr AGGLUTINATION, langues foripées par agglutination. Yoy. l'Introduction et Eski- UAVX. AGLEMONTB. Yoy. EstiMAVx. AINOS. Toy. Kouhiubniib. aKUSCHA. Voy. Lksghibnnb. ALAINS. Voy. OssèrK. ALB, ALBAIN , ALBANIE, ALPES, €«&, 4Mn/ ■ iSI ALR niCTIONNAIRR Al.n CI en galliquo ctgcrmaniiiuo signiflont pâtura- ges de montagnes. ALBANAISt:, SKlPoii SCHYPE (LAnniit), appnrtiont ii Ia brnncho tlirarn-illvrioiiiio, ffliiiillo (les longues llirn(.'o-|)éla.sgi(|iiOH ou ur^cu-lnllnct. — Otto longues »uivan( Ange MdM'i (173', est collo que pflrioicnl aulri'loi» los MaciVIonions, los IH^iiunH cl les Kpiro- to«. Ou la jwu-ln uii'ore, dit-il, des rives do l'Ai'la jusqu'h Soutari. y^n distingue dons l'albanais quatre dia- leiles : 1° Le oii^.uARiA,ri'|)An(ludu|)uiHDu(lno jus- qu'aux liinilL's de I llorzt'govino au nunl et nu cours du Driii au midi, et luèiuo au del& dans le |iaclinlik do Oroïa. 'i" Le ToscAnu, parlti h Dërat dans tout le Mnsflclii, 3" Le jAPuiiRiA, se imi lo en Japourio ou Jn- pygie, nintoM (|ui relève des Sangiaus de UO- rùt et do Delvino. . 4" Le cHAMotniA, parlé par les Massora- kiens et les Aidonitcs, ounouiilc do l'iulon, (itii liahitent les IjoiiIs do i'AcIniron, par les l'.irq'aUendre h trouver une tribu pri- mitive, sans niéhtngo depuis vingt siècles; aussi délinirons-nous notre tlièse dans les termes les plus précis que voici : Il est prouvé par la langue des Albanais, qu'ils habitent en Kurope depuis aussi long- temps que les Grecs et les Celtes, auxquels ils paraissent tenir por plusieurs liens, il est probable que des tribus illjrriennes, parlant une langue ainiiée à celle des tribus primi- tives des Ptlatghi [ Pélasges), des DarJ»ni, des Graiki, des Makedones, habitaient avant les temps historiques les montagnesde l'Al- banie, sous des chefs héréditaires ; qu'elles étaient encore voisines de quelques tribus do la famille qui depuisaélé nommée Slave. Les lllyriens envoyèrent des essaims de co- lons en Italie ; mais lors de la grande inva- sion des Celtes en Grèce et en Asie, une par- lie des lllyriens, parmi lcs(|uels étaient les Albani, furent subjugués par des ca>tcs guerrières, tant Celtes que Germaniquits, h peu près comme il arriva, vers le même temps rn Galalio. Plus lard, les Romains et les (t.-iliens, conquérants de l'Illyrie, ont dû se mélor aux habitanls des villes; mais les tribus do pasteurs, tlistingiiés dès lors sons le nom reltiipie «l'Albani, ont conservé le fond de lour ancienne langue, en y admet- tant peut-être une nouvelle addition des for- mes et des mots tirés de la langue italique vulgaire, tpii était la ronmna nii/ica, et île l'idioine militaire des légions; cette addition Jointe hr.e i|uu réolien.To pélasque, et peut- être l'illyrien, avaient, d'anciens rapiiuils avec ritaliipie, lapprotlièrent l'allmnais du dacii-lalin ou valaque moderne, idiome ini du mélange do la langue inconnue des Dn- cps aveu i'idiomo romain, rustique et mili- taire. L'un et l'autre éprouvèrent de nou- veaux clinngements, lorsque, dans le vi' siècle, plusieurs essoims do Slaves Rarpn- thiens, conduits en grande partie par des princes de In race desGoths, vinrent repeu- pler le nord de l'Illyrie. C'est ainsi que nous définissons, limitons et conddnoiis un grami système historiipiu entrevu par Leibnilz (177) et Pauliuier do Grontesmenil ( 178 ), esquissée par Uns- ci(170)ctThunaiann (180), exagéré, faussé, et embrouillé par Dolei et Scsirencewitz (181,1, système qui, lié un jour aux recher- ches des orientalistes, doit jeter une clarl6 nouvelle sur l'histoire et la géographie pri- mitive de la Grèce, do l'Italio et do l'Asie Mineure. Mais établissons d'abord le monu- ment vivant sur lequel tout se fonde, je veux dire la langue albanaise. Nous c/)inniencerons par foire observer que la porenlé, ou du moins la connexilé des languesjopA^/jV/Me*, depuis les bords du Gange ju^qu'aux rives de l'Islando, étant un fait connu, étudié, a|iprofondi en quelques points, le mélange des mots dans I albanais cesse d'ètro un phénomène purement lue.il et spécial, comme il parut du temps do Leib- nilz, et doit .s'expliquer en partie par la res- semblance généiale des familles de langues composant le rèijnt indo-gothique. Tel mot albanais peut être lutin, sanskrit et germani- que, sans pour cela ovoir été introduit do dehors en Albanie. Par exemple, gneri, Itomme, en albanais, aner en grec, nar en persan, sanskrit et zend; nrro homme fort, nrrimne, force virile, en sabin, vieux dia- lecle italique, sont des mots aililiés, k eu uu'il parait, sans qu'on puisse précisément (lire que l'un vient de l'autre. Autre exem- ple remarquable : siarm, feu, en albanais, répond à tjerm en arménien, à thermos en grec-ionien, à tharmos en grec-éolien, ii garm en persan, à warm en allemand ; cet enchaînement prouve seulement la liaison générale de toutes ces langues. De même reg^ roi on albanais, se lie u rtx en laliii, (175) Annule* des voyages, t. III.' (171)1 Voy. liéograpliie nnivertelle, liv. cxviii*. (177) Leigmitz, Collecl. (r, p. 2, p. 158; — .4»- taies des voyages, lll, I.H7. (178) P. DE Crk.ntcsmé.sil, (iiivcia anliqua, p. 213 et suiv. (179) Masci, Etsai sur les Albanais, Annales dti voyages, lll, US. (IhO) TiiiisiiAS.>, llntersuchnngen ûbcr die ôitli- elle, etc. (181) Hoici. Deprœstattlia lingua- llliirieœ; SïS- Tn^;^^^;^vlT^, Uecliciclict tur le» Slnte-.vlv. v.'^^ »\ ALR DR I.INCI'ISTIQI'K. ALB SS4 lii, Atmaltidn ûber die ônli- rix en celle, rtgin nn isiflndait. radja i-ii Miiskrit, et il une fonlv d'autres s} nunpies (bii.'i toutes lot lflngiin.< do co mfiiiio r>'H;>iei inn.t qu'on puisse (loimer h aucun d'eui lu mUmià. MAuio observation k l'ëgnrd d» la groiiiuiaire de celle longue ; si elli; a des rapports trèi-niarqués avec les granuiiair*'^ grei'i|uc et lutine, c'est une prouve de pu- renlé) de cotineiilé, mais non pa.s fie filin- liiin, puisqu'il y a ou des systèmes de afn\n- iiinire complétoiuont formés en l'hr,vgle, en iliraeo et on Illyrio. en mémo temps ou mémo plusonciennoment qu'on Grèce. Ktro liistnriquo ou élrn synd>oli(|ue, CaUnius a|t- pariient aussi bien a l'illyriu qu'à la Déotiu. (Jueltpiesmots snnskrils tl'iino nature tout h fnit géographique frapperont sans doute ci'ui qui éludicroiit l'ailmnnis. Mnil, mon- tflgno en général, d'oit mninn, en Thessolio el en Pôloponèse; gour, rocher, pdile mon- tn^no, sont des noms très-usités en All)anie. f'uniiahar et Candnvin sont le même nom dans le même sens; mais on n'en tirera aucune conclusion S|iéciHle quand on »aura que les noms dominants de la géographie urocque, r//«mMi, le Pindui ( Hinahiu ou Viiitiiadans l'Inde] le ParnAsse (iParanMcAa) , les cimi ou sis Kinthoi (I8ii), paraissent également trouver dans lo sanskrit l'élymo- liijjio que lo grec leur refusa. Co sont dos liaison» générales onlro les tangues jnphé- tiqiies, dont le haut pays d'Arménie pour- rait liien être lo centre commun. Passant au caractère spécial de celle lan- gue, nous pouvons aflirmer, 1' que plus d'un liers des racines albanaises ne sont que dus nscines grecques, réduites à leur étal pri- mitif, monosyllabique et barbare ;quo cette lorlion grecque de langue albanaise paraît M.> rallachur spécialement au dialecto, ou si l'on veut, k la langue aoligue, qui, selon nous, ne différait |)as radicalement do la langue plus ancienne, plus rudo, et proba- hli'iuenl plus monosyllabique do Ptlaighi (Pélasges) (183), et qui dominait dans l'an- cien macédonien, épiroto, ihessatien, béo- tien; enfin quo le fond de l'albanais est un ancien idiome seroi-grec, tel qu'on en parlait dans les siècles anté-iiomériquea; 2* qu'un autre tiers des racines albanaises parait ap- partenir au latin, au sabin ou saïunile, au celle italiquo, au germanique et au slavon. Cl, généralement parlant, aux langues eu- ropéennes du centre et do l'occident, sans qu'il y ait aucune raison connue jusqu'ici pour décider si tous ces rapports sont ori- ginaires et appartenant à l'époque onti- que, où la jdupart dos familles euro- péennes habitaient les hautes terres de la péninsule du mont Hœmus et du mont Pin- (ie, ou si quelques-uns sont des traces de mélanges successifs, provenant entre autres des colonies militaires romaines; 3* qu'à l'égard du tiers restant, jusqu'ici non ex- ilai) Kinllios, dans l'Ile de Délos ; /»il[iM/Aoi, l'Ile; Arukinlliot, en Altinue; Anakinlhoi, en Arca- iiie ; lkrckmtlio$ , en Crète , idem en Plirygie ; de kuniha, colline sacrée. DlCTIONN. DE LlNOOISTlQUB. (diqué, les analogie* dos noms géographi- ques semblent indiquer les langues ancien- nes de Thrace et de l'Asio Mineure comme la souche la plus probable. Il résulte de ces lois assertions que la langue albanaiso est wn ri \Uv'n distinct, ancien et important do la grando 'latiio des langues pélasgo-ho'lé* iiiijiies, (lu ii''gno indo-gothiquo. L'aoliimc so manifeste dans les racines alti»nai!iè!i| lorsqu'on essaye l 5S. (iM) Conipsrcz UssiRiui, De Maeed. ei onr.» tclari. n,i'f^:ui^ J 7 *•'"' ?'!, ^•'*'i S3S ALB DICTIONNAIUE ALB 138 ^liii serves dans l'albanais. D'ailleurs, on sait «lu'Hérodole n'avait, do son propre aveu, aucune idée certaine de la langue des Pé- lasges, cl qu'après les avoir présentés comme une race dill'érente des Grecs, il en fait |)ourtant descendre les Athéniens, les Arca- diens, les Thessaliens : il est permis de croire qu'il a sacrifié la mythologie des Pélasges à celle de l'Egypte et de la Libye. Les Pélasges sont reconnus par toute l'an- tiquité comme la première race qui domina sur la Urèce, et qui fut la souche des peu- ples qui se prétendirent les autochtone$ ou indigènes. Le Findus était leur plus ancien lïjour connu ; Dodone la Pélasgique est le centre du culte primitif de la Grèce. Un idiome ancien, rude, monosyllabique, quoique semi-grec , devait paraître inintel- ligible à un Ionien comme Hérodote. Le nom même de Pélasget, comino ceux de Petla, Pelline, de Pélion, des Péligni, de vingt autres lieux ou peuples , s'explique natu- rellement du mot pela, rocher, piorre, en macédonien (185) et en thessalien (185*), mot auquel répond en albanais pu/ ou pil, forêt. Ces fameux Pélasges ou plutôt Pthtghit qu'on a fait venir des sources du Nil et des sommets du Caucase et de la tour de Babel, n'étaient que les vieux ancêtre*! des Grecs, les gens de la vieille roche, ies constructeurs en pierre ; et leur culte tout européen était celui d'un Dieu suprême et des forces élé- mentaires de la nature (186) Les noms consacrés larla géographie, et spécialement par la géographie physique, figurent au premier rang parmi les docu- ments de l'histoire primitive, de l'histoire antérieure à la chronologie. Longtemps avant que les hommes ne se fussent avisés do compter les années et de classer les événe- ments dans un ordre chronologique, ils avaient désigné sous des dénominations lo- cales et prises de leur idiome tous les objets divers qui les environnaient, les montagnes qui bornaient l'horizon, les rivières qui étanchaient leur soif, les villages qui les avaient vus naître, la nation et la tribu à la- quelle ils appartenaient. Si cette nomencla- ture géographique se fût conservée pure et complète, elle offrirait une mappemonde bien plus véridique que toutes nos histoires universelles. L'hellénisme général de la langue alba- naise, pour être reconnu, exige souvent des comparaisons avec des mots grecs peu usités ou pris dans un sens détourné, ou tirés de dialectes peu connus; par exemple : Groua, fuinnie, répond à graia, nom propre des Grecs an féminin. Kourm, le corps, répjnid h korinot, lrAne,|(ige. Kliunde, nez, répond à cliondroi, cariilsgc. Dora, inain, répond à doron, paniue de la main. Zita, mamelle, répond à tiihot. iirouti, poignet, répond à groiuhos. Cambe, pied , répond à kanipe, flexion . (18.^) SiuRTz, De /tngua Maeedouica. (185') TzKTKES, CMliad., Il, c. 17. (18G) C'est ici l'opinion pariiculiéra de Haite- Flatha, flamme < répond i phtoK. Krupa, sel, répond à kruoi, cristal. Vgrane, se nourrir, repond à graein. Supei, maison, répond 4 ttephot, toit, coarer- tare. XovifoM, Je me rappelle, répond k kblheoo, j« pense. Brecheir,H grêle, répond à (rcc/iein , mouiller, cl à eir, tempéie, foudre. lonrtt, prudent , répond it iotei, prudence (Ho- mère). In, jeune, répond à ear ou er, printemps. Ve, œuf, répond à oveon, en dialecte crétois. Poltt , oie , rép(Hid à poiaiioo , volatile, en doricn. Chala, pauvreté, lépond à chalein, manquer, être privé. Skepetim , foudre, répond à ikepio, je tombe avec impétuosité. Pliare , division, trilm, répond à pAarM, qui est le port des latins. Priiik, père, chef , répond ii pn'« , avant {primut). Frike, peur, répond a phrix, frisionnemunt. Basiaket , propriétaires fonciers , en Déolie, ré- pond à ba$titM, domaine rural, en albanais. Nous ne citons que les exemples curieux ou très-difliciles è apprécier; les similitudes plus évidentes se présenleni en foule h cfuiconque voudra étudier les vocabulaires imprimes ou manuscrits. Bien des mots al- banais et grecs ne diffèrent que par les for- clos grammaticales, par exemple : Piim cl piein, boire. PouHOuem et ponein , travailler. Zieiiin et teeiit, bouillir, s'échauffer. Luem, oindre. Luam, laver, et towein, laver, liuroeeter. J'Uuem, interroger, et pyiketihai. Prim et proienai , aller en avant. Les prépositions titfe, dedans Çindo);paa, sans , d'apo ; mo , avec, de meta; les adverbes mo, non, de me, et autres. Quelquefois un mot albanais, quoique n'ayant p'Htiais ne sont pas de peu d'importance; ce ne sont nas des emprunts purement acci- dentels. Les mots albanais de ces deux clas- ses tiennent h des familles entières de mots; par exemple : Lartkea albanais, /ard en français, lar- dum en latin, hr (gras) en celte; Larix, laeriche, taerke, arbre résineux, en latin, allemand, danois, forment une chaîne à travers les largues du Nord el de l'Ouest, tandis que Ihet, roi, d'où breleri, royauté, royaume. Ittii , corne. Ilar, lierbe. /{iv«, ccinuire. Vroe, pour {dread, en anglais). Iluitarth, bftlard. Biiiiune, rayonner. Bteem, faire emplette. Speel , rapide (ipted, en anglais). (I8G') DicitoHii. Epiro(.deBianchi(Har(Ae), faus- sement nommé Biondi par le mujor Leake : Voca- bulaire dans Lbake, Ntuarehei in Cretct. Vocabu- Sont évidemment des mots celto-gaulois, t\ que Miel, farine. Duk, pain. Hetlie, lièvre. Gotlic, fcsiin. , Cliierr, cliar. Caiid . angle. Ginil, irenre, fnmil'e {kind, en anglais). Tint, fumée (dimma, vapetir, en suédois). Sciu, pluie. Naia, nuit. Dera, porte. lu, étoile, dans le dialecte d'Ëpire (ild, feu, en danois). liir, (Ils {bœm, enfant», en danois). Onlk, loup. SioH, yeux. Ve, serment. cl autres, sont presque littéralement germa- niques ou gothiques. Ces faits, selon Malte-Brun, peuvent dii- ficilemeiits'cxpliquerpar des migrations des |)euplcs;ils deviennent clairs lorsqu'on re- coniiatt que l'ancienne population du mont Hœnius comprenait des tribus celles, sla- ves, germaniques, à côlé des /'tribus pélas- ges, helléniques, asiatiques. Ceci nous conduit à la troisième division de la langue albanaise, celle qui consiste eu racines inconnues ou du moins inexpliquées. Au premier coup d'œil, en contemplant celle masse de mots, en apparence étran- gers à toute langue européenne connue, nous avons été tenté d'admettre une origine asiatique directe et spéciale de la langue al- banaise, et d 'abandonner toute la question aux orientalistes; mais, voyant tous les jours quelque mol albanais céder à nos recher- ches, cl, tualgré son apparence baroque , se laisser ramènera l'hellénisme ou à d'autres idiomes européens, nous nous sommes dit au'une langue aussi évidemment indigène oit avoir eu des éléments communs avec la langue thrace, l'illyrienne, la phr^vgienne, la lydienne, et que peut-être la partie incun- nue de ses racines est un reste précieux de l'une ou de l'autre de ces langues ou bien de toutes. L'albanais, dans cette hypothèse, serait une source presque aussi précieuse d'indications historiques que le serait la langue d'Orphée ou celle de Deucalion. C'est là qu'on trouverait le sens de beaucoup de noms de lieux et de peuples. En eifel, si, avec nos ressources actuelles (186*), déter- rant péniblement quelques mots dans des fragments des vocabulaires , nous avons pu trouver que le mot Scardus lire son origine de ses pics dentelés, card et scarra signi- fiant scte {sierra) ; que le Seomius est le très; haut mont (seume mol); que les défilés do 5ucct, dans le Hmmus, sont formés par des monticules (sukhe); que VOEagrius (Hebrus) esi l'eau des forêts sauvages ; que le Pont us est « la rivière formant des étangs ; » le laire d« Thunmann et de M. de Pouquevillc; Glos- saire manuscrit de la BibliothiqMO du roi ; Frag- rocnis manuserits d'une gramni. de Vellara. W^K.- mn m ,fi*«».« r.9 ALB DICTIONNAinR ALI) 240 M^ID !^^i!)£ Drpn M le fleuve des bois; » le VMi (Aous), « I eau, » ci le Yaiouxsa* l'eau toujours ar- rosnnte;» que le mont Bora doit son nom aux neiges {bora, ou bdore), elle Bernus peut-être à perrune, torrent; que la Candavia est « le pays inégal et aux chemins anguleux » {can- doign); et sans entrer dans plus de détail, si nous pouvons montrer que toute la géo- grapiiie physique de lroblème. Les Albanais s'appellent eux-mêmes Ar- venesce (sing.), selon Ibarthe, et Skipitar (sing.), selon Thunmann. Ce dernier nom ti'est, dit-on, qu'un dérivé de skip, nom oui désigne leur langue; de là skipitar, celui qui parle skip, et ikiperi, |truc- lions hardies du latin; elle emploie beau- coup de mots auxiliaires ; par exemple, pour dire fainéants, elle dit : te paa pune { litléra- ieinenl en grec : toi apo ponou), ceux sans ()Cci]|iation. Elle a bien deux formes de substantifs dérivés; l'une répond à l'ariu* uu au tor des Latins; l'autre à l'erei ou erie des (icrmains ; par exemple de lufla vient {uflctar, lutteur, guerrier; deftrcr, roi, vient breieri, royauté; mais la plupart des sub- stiintits dérivés ne sont que les iniinitifs pré- cédés de l'article du neutre; par exemple: me pym, boire ; te pym, boisson ; comme si on disait en français le boire. Elle est pauvre en termes intellectuels; mais nous avons des raisons pour croire que les termes pl)ysit|ues sont bien |)lu$ abondants et plus variés que les livres imprimés ne le feraient supposer. Le substantif albanais a une forme absolue qui parait dans le vocatif, et une l'orme déterminée par un article terminal (jui parait dans le nominatif; par exemple : grone, femme, gronciu, la femme ; gour, picHT, j/OMri, lu pierre; fcarcft, ventre, 6ar- ckon, le ventre. Cependant l'adjectif a des iiriicles prépositif»; par exemple : i mir, le [ion; e mire, la bonne; le mire, le bon, au neutre. La déclinaison des pronoms est très- complète, très-régulière, et présente quel- que analogie avccio latin dans les première et deuxième personnes. Les verbes ont dix conjugaisons, selon Lecce, mais on peut les ramener h huit, distinguées par les infini- tifs, savoir quatre en am, ent, im, oum, |iré- cisément comme les quatre présents en Ar- ménien, deux en ane et oune, et deux en le et en re. Le plus grand nombre des présents se terminent en aun, egn, ign et ogn, et la |ilupart des prétérits en ava, eva, iva, ova. Mais cette remarquable régularité ne se suit pas de manière il correspondre dans le môme verbe. Ou dirait que le verbe albanais a subi deux formations diUérenlns et successives, l'une fondée sur les quatre voyelles a, e, i, 0, l'autre néo d'un certain nombre d'innova- tions et d'additions. C'est ici, on le sent, lu grand point criti(]ue de cetto langue; c'est l'énigme à deviner pour relui qui voudra séiiarer dans l'albanais les formes pclasgo- éoliennes des formes illyriennes. L'inlinitif est toujours précédé de l'article me lorsque le sens est actif, meou, lorsqu'il est passif ou réciproque. L'iuipnrfait, le prétérit, le futur, le conditionnel, rim|)ératif, l'infinitif et le participe se forment par inflexion; les autres temps sont des formations mécaniques au moyen des verbes auxiliaires avoir et être. Le passif se forme par le verbe être et par l'infinitif actif, qui, en perdant son ar- ticle me, devient un »upin. La grammaire albanaise offre, ce nous semble, à cûté d'une gramfe originalité, les nrenves de la simplicité de la nation pour iaquelk' ses législateurs inconnus l'ont créée. Tels devaient être les systèmes grammati- caux d'Orphée, de Linus, de Cadmus. Dans les livres albanais, imprimés pap la Propaganda, on se sert do l'alphabet italien moderne, en y ajoutant quatre lettres parti- culières ; les Albanais eux-mêmes em- ploient l'alphabet grec moderne, également avec des lettres particulières; mais il existe encore un alphabet ecclésiastique albanais de trente lettres, offrant de grandes ressem- blances avec les caractères phéniciens, hé- breux, arméniens, palmyréniens; quelques uns avec l'écriture hiéroglyfique hiératique; peu avec les caractères bulgares et mélo- goihiques. il lui manque ce que notre curio- sité y chercherait de préférence, le caractère pélasge, étrusque ou runique ; ce n'est pas une écriture hastiforme; c'est le roseau dos manuscrits grecs qui en est le trait domi- nant; aussi, c'est, nous le croyons, dans sa forme actuelle, l'ouvrage des |)rètres chré- tiens, soit au II* siècle, lors de l'introduclion du christianisme, soit au ix*. lorsque l'E- glise chrétienne d'Albanie se rattacha défini- tivement au siège de Rome; mais cet alphabet ronfcrmo des éléments d'alphabets intîni- iiient plus anciens, usités en Illyrie, en Macédoine et en Epire. Les Albanais possèdent dans leur langue des ch'mts nationaux qu'il serait extiôme- ment intéressant de connaître, même quand il serait vrai qu'ils ne remontent qu'au temps de Scander- Aerg; mais ce qui aurait une importance inappréciable pour l'histoire des peuples et des langues, ce serait l'exa- men '?iArK. liusioaoï. (Iboktau ou Chaktiw. r.NEKRjkKK , CUKIIOMI OU ChHIKI. WOCCOH». Katabia. MOHAWK. Oneidas OU Onroiovt. Okokoacos. SiKECASOU MaICHACHTIM. CaYI'OAS ou QlIEl'CtK». TtscAnoMAS. WïAMwr. HonoHE. HOcaBLAOA. Sawanod ou Sha WA?I0CW. Sakib-Ottogamis Saki$ ou Siiketvi. Miahis-Illinois. Uiami l'roprt. I'ahpticovch. LK^^Al>l>E ou Deiawarb. Oeluuiitre. Mimi. Samkitani. Naiiraiiaksct. Massacmuutt ou Natick. MoHCQAN. Uoliegan Propre. Abemiki. EncasMiKE. UAttriîsiKN ou MicyAc. A KiO.XQUIKO - CUIPPAWATt. CAJ/)^- wmi Pr. on Ochippewtig. Attionqum Propre. Kmistbnaùx. kniUemux Propre. Crée. C.HEPPEWVAN, Cheppeuryati Proitre. TaCOVULIM ou CARtXII. OltTS0OIIAP«E. Soleil. 1 esp«gnoU » ;1 anglais* ueeUa-luisa S anglaise neetak-hashtli 4 anglaise ueelak-hass* S allemand* natoh 6 anglaise witapar* 7 anglaise nnolei^h 8 iinglaise (kilauquaw) 9 angliiise > JO anglaisa gararhqua II anglaise gachqiiau 13 anglaise Kauqu:iu 13 anglaise beeglhPh 14 angloise jraandeshra IS française garakdU'i 16 française yeniay keaatliwa n allemanrte IR allemande kelipssoa 19 jfrançiitse. if^ie kilixaoua M anglaise keiiis 21 anglaise nalalane 23 anglaise hollandaise quisbongh 3.1 1 24 anglaise Dippaùos 28 anglaise chequikompah W anglaise keesogh 27 allenMnde kiiui 28 française > 2!) fraaçaisH arhleck 50 •llemandu kisis kijis SI anglaise 32 anglaise pisim 35 anglaise. pesin 34 auglaise ub 3S anglais* •* Lttttt îm. Terre. «..M Feu. I-À» 1 1 1 > 1 t a neetla-husa neeihleeh ecannnauh wewa ,- -j 3 hasthe neciak yabkane okaw t 4 biischc-nepiiak neetak yabkan* okab ioak » natoh- sono.vib îkAm katon amoh aUelub 6 wiiapare waiikbaway • ejaa yau 7 nootefb 1 1 ejau epee 8 (kilauquaw y > ogbwheiqa bohnekab ocheeteb 9 » wcennecssal abunga iMknekabnoot » 10 garacliqoa waula ucbwuutscbia ociinecanos jotécka H (gacbqiiau) > yoouiijah neekbanooa «jeestub 19 ;,iuquau )eegtlieh t owbenjateh ocbneckaoos t 13 (oolauhnc) auwheweh auweah olcheer* 14 wautfbsuul yaiideiilu'a ladicha 1 iiDiailsagh saiiuilusta* seesta 1.1 ourbenlia ondecbra ; ala aoùeu assista 11 assomaha 1 > ame azisia 17 tppelbkakesatbw» (keexlinuaf ake nipe scoole 18 tppakikegcs kisriieki kaki nepi eskuata 19 20 pekomeouekiliisoua keiss ifpéU pccuneab akihkcoutt 1 nepâ nmpe koihpouii liiida 21 key>ih«tcor hogkoy nappi* (lendeu) 92 iiipabuoi giscligu aciigi mbi lendeD 33 t % 1 empya linltivw* 2i nanepaushut k''csuck ancke nonp cbukwul Ç.t nancpaobsbadl kesiik -'''i ohke nippe iiooleau 2tJ (pepauk) » (haekkceli) abey nnbi slaw 37 kizus kixuku ki skutai 28 t > 1 » 39 kinchkamioau 1 megamingo ibabaûan , oreapeoc bouktou .-so tipikkisis dibickijiss kigik ahki nipi skule SI kigigalie missi achkui nipel «coutajr 3i tibisca pcsim kigigab .3 messe a!>ky nepec scoulay .33 (ipiscopesim kesucow askee nopea esquiUu 34 sab > » --■' ' WSM^'' ••niinn as cbaol vussa janess otelusi tw kOQ* ,. i •Ir,- "«■ !tS ALL eère. \ • 1 rhulkkeb .1 «iiiikke i ctimkeh 5 l'toluU 6 I 7 iifnedau 8 ngenet 9 r.'iKen^ 10 agpneiihot tl liiiiiiReb «2 • \?t «iikurcelia \ i ha.veHta lit ailiiHa 16 I 17 nolha (mon) 1H nnssa I 29 Bouchlck SO os ^1 nossai (mon) ^1 nooiawie (mon) !I5 ouwe 31 ziuh (mon) n appa Vcmth*. liholi 1 S S 4 S 6 7 H » 10 M 11 IS II 13 lu esabo 17 • 18 ncktona 19 tonénùh 10 u U tooiie 11 1^ £C 17 nediiii (ma 28 • 19 melon ■'0 oton •M oloiin« 31 olouna m mMtoon »( • sr . Min. (hntseb Mske Iskeh elsiiig I rh«cheendaa iutaah lagooiioohah oniirha no.veKb n'ijiïh anab aneheb anau * n«pcab kekman kckiah I nnnah okaju noknx (ma) (okukkecn) uigaus (ma) I iiekich ninga (ma) nigah (ma) nigahwel (ma) ckawe linab (ma) unnuoîicool UtlfM. lsie-iolaba»ah ioolish aoolisb kanokob I neesoomeseb I «winaughsoo. coacbse «uwenlocbaah I • osnache (weelinwrà) nenaneua «uélinù. I weelanuv wilano wyeranou wecnal meenauiioh (weeiiannab) • • niinon IcnnanI oUinanl otailbani olayenra •dtliii. Iioela DE LINCUISTIQUB. m, » » ALL m eenoskeen akaloh Dcclooh > (ooorloor) okaureh t kakua kaukaulnh acoina hlgala (klskerasiqua) ncskiMhiiekul kéchûkouâ I wUkIng wuschginquali •chinqiioy wuskeesuk wu^kesuck likeesque toiscku • nepiqiilgour osiscninirik oskingick eskisoch miskeesiék nackbay ouo» Benf. kjrlok* esgongas (wepeclalee) iiepiun oulpiUb wlibpit w.vpyl weplticasb (ses) meepliash (sps) WRueeton (set) nIpU (•na) • nebidre urblt niblt (mes) wippitub (me*) meepil ^ gtio ohgo* Télt. Main. isUnkeh ilbock • owoj'eni • neckMpeeah (uonuntsaw) osnooslab eiiiage kaacbucblab • oacbtneb > ahonressa aignoascon (licbik) nepekuinelUche oiiexcl I iiaack uachk nachk wunnicheke wuiinutcbeg (oniskan) nercui (mi'^ > nepeden ninlnlUcblu I > merbeechu lawong olà Un. istek* isleeopooh «koboch «bitcbdia eebiik * isko colyensuh pnppe » 1 • oauhsah 1 onoocohsab anuwara «niochsa • kakondah • enuchsahk* olareb acbeéiah • tcoula • • aougya aggonil > (weessie) (chas; chaltc) uescbi nekkiuane indSpeekflui 1 wile kiouané 1 wekeyon wiliistlkan wichkiwoB wyer •kywan uppaqoiinuip nuppiihkuk (ma) wucbauB wulcb weeuifl (sa) (okewon) «elep • menongi osichlikuan klUu 1 cbichkon sUcbangwon o'chiiigoin* ocbegwana usliquula oskiwin islegwea miakeewou edlbiâ t pllu paolndiii Fied. ttteeleetoppixteo yeyeb eeyee lasalenoh I nepapeéah (ooseelaw) oobsbeecbl ocbslla •taeedau t auseekeb • acbila oiichWascoB (kutsie) iiekatsch* kiUb • woieed •yi wussel* *eet (neezeel) (mon) DCall (mon) » necbit osit ^'1 rr;^ . ■; Il p T-ù''-' * k 'J' . ^ ^ ..«--'■ k^rl'- • »y z^"- ' !i '' mctil cnh m l**(l« 847 mm Vn. minecounano homniyl fihephpha » I tonne tonne H uskot 9 » . 10 I 1! » 13 > 13 nnche n scal 15 escale 16 spcada 17 npRole 18 nekote 1!) iiigâté au weetnbol 21 koti 2i gutli 33 colle Si nquU Vi pasuk ÏG ngwiiiob 27 I 28 beclikon 21) ncgnul 50 peglk 51 pcctipik Si pc.vac 35 [laiich :^t siacliy sa clotlay ALL Deux naiiichamtma liokkole toogalo > I numpcrre nunpprro tcggench I > • nerle tiiidee ti'ni llgnein iicstiwa nlsch niohoiii} nesliiniiauli nislia iiisi'ha n.vssé nej'sse iiesuog neesL'u t iiich lalo iilg iiigc nislinu iieslio nagliur iiuiigki DI€T40NiNAiaK Troii. ualiapumima' • n*m-mee nam-niee oUt > t I I ohsMh sliaight h:ichin liasclie niihcse npssoa iiexsoné iiiïliwonner iiaha narha Il il plia nish nishiKih nngbboh narh rhicbt MPSSOC nlswois iiishtou nisblo lagby toy ALL 2!8 Quatre. natbeketanilua I I I I punnum-piinne kialch I I I I untoc andught ilac bannaion newe nicue nioué yau-ooner nehwa newa wywe nauwob iau neou oiiilu neaii neway nayo dpngky ilngKay Cinq. nainaruaiiia I I » I weblau wisk I I I t onchwtie wccish oiiyche oviscou i:;alinwe iiiananon yaliiiioiii iinipprrpn bcicanagh nalan parciiagb nunon prenchk nan nanan nana iiiannan nayabniim sasoulacbcs akooncly Six. 1 namarecama t > 3 > 4 ( 5 t 6 {sic 7 t 8 yolyuk 9 t 10 . 11 • 12 I 15 hoiieyoc li waushaii 15 houdahi''a 16 indabir 17 negotewalhewe 18 kotciascbpc 19 kakotsouii 20 wboyeuc 21 koUiii SS > 36 nzwittus 27 • 28 cbacbit 29 kamacbitt SO gntoasso ni nigulawaswois Si npgoutanoesic 53 nicolwasick 34 alkilarhyy SS alkelale Sept. napikicbama » I uommis sau > cbaulok » > cbaiilmoc siiolare solaret ajaga Dosliwaihewo noiiec M)iiaxlclsou6 loppnosh iiislians nisrhoaspb nyssas I I tupouwns I couiarhU cropgiienik ningtiassnn iiigiwaswnia iiisbwoisic laboocoop I lekalll »uU. napikinahuma uup-sau aollago » I > npckara auiarai allprpt ailigiie siisiipkswa scboaschec pollAiié nauhausbsboo ghaas chaasi'h getbas ghusooh crou'ignoii mpgnemorcbiii niscbiia sbawaswnis janiiaiipuw ianân.'ioii alkidpingby alkelinga Neuf. napekecbeketama • I I wpibere t téuhotob I > > wparah ainlru uii bon niadellon cliakalswe scbac IngotûmônJkA nacbircnnk oeslikiinrk noipwi pescoii I I naunceweh > ppphriHjiiem pscbkonadpk srhangasson sliaiigwaswois iihaek kagatpmPtatiit rakinaliaiiolbna clohooly Dix. natumama I I » ioone-Dnpoiiiia wialeb I I I I warisaiib aughsagb assan assptn mpiathwe kiiilsi'lio inaialsou6 cosb Iplon wimhnt lerren I > mtannit t pplock in(!lrpii nii'a«riaiitifs. Mais considérez isolément une de ces langues dont la réunion vous trouble et vous confond, analisez les mots de chaqie phrase, les syllabes de chaque mot, les sons de chaque syllabe; faites subir le inAmc Ira- vail à une seconde, à une troisième, et con- tinuez ainsi votre examen jusqu'à ce que vous ayez parcouru, s'il est jiossiblo, la clinine entière des langues existantes : et vous serez bionlût convaincu que ces élé- ments, combinés de tant de manières, sont exactement les mêmes dans leur essence, et se réduisent à moins de cinauante sons. En etiel, les organes de l'homme étant les mêmes sur toute l'étendue de la terre, il est évident que l'échelle des sons doit être également iJuntiquc, et proportionnée aux elfets natu- rels et limités de l'appareil vocal. Rien de plus simple. et de plus admirable h la fois ipie le mécanisme de cet appareil. L'air so- nore qui s'échappe du larynx se module dans la cavité de la bouche, ou s'articule par le contact de la langue, du gosier, des dents et (ii's lèvres. Toute modulation est une voyelle et toute articulation une consonne. La mo- dulation est diversement nuancée par les vi- brations légères du gosier qui se communi- quent aux parois de la bouche, tandis que Particulalion se modifie suivant le genre et l'intensité des contacts. Do la combinaison de ces deux sortes de sons résultent tous les phénomènes du langage. H est constant, d après ce que nous ve- nons do dire, qu'il ne peut exister, pour tous les idiomes du monde, qu'un seul al- phabet véritable, qu'une seule série de tons primitifs fondée sur les fondions mêmes des organes. L'influence du climat, des localités, des habitudes, se fait souvent sentir dans In prononciation; elle lui donne plus ou moins de pureté, do volubilité ou d'énergie; elle prive tel peunlc de l'usage de certains sons, elle les prodigue et les multiplie chez tel autre, et leurîfait subir diverses alléralions (|uc la nationalité rend permanentes; mnis il sullitd'un peu d'attention pour se convain- cre (jue toutes ces distinctions accessoires sont comme des variéti's d'une même es| èce, et qu'elles n'allèrent nullement, dans sn nn- tiiie, le type fondamonlal et immuable du l'alphabet. Ainsi, les vibrations «le la bouche produisent partout les voyelles, le souille des poumons, I aspiration, le' contact du gosier, îles dents et des lèvres, les gutturales, les dentnies, les labiales. Ce sont là les bases invariables sur lescpielles se fonde l'élymo- logie; c'est dans les limites do ces grandes divisions, distinguées elles-mêmes en ditl'é- rcnls degrés, (|ue doit se tenir l'esprit de comparaison, toutes les fois que, suivant une idée simple à travers le labyrinthe des langues, il est appelé à constater l'identité du sens et du son. Les mndilications qu'é- prouve un môme idiome dans les généra- tions successives de chaque peuple, et les iiiélaphores plus complètes qu'il subit quand il passe d'une nation à une autre, n'eU'iuent jamais entièrement les alTinités primitives, souvent même elles reparaissent plus nettes et plus précises à une grande distance do temps et de lieux: parce qu'il n'existe );as un mot dans le langage qui ne soit issu d uu autre mot, et que les manifestatiGns cond)i- nées de la pensée el de la parole, malgré leur inlîmc variété, se meuvent dans un cercle dont la circonférence est immense, mais dont tous les rayons tendent vers un centre commun. On distingue deux espèces do sons dans la voix, les simples et les comjiosés. Les premiers, qu'on appelle simplement sons, so forment par l'émission do I air sonore, sans participation des lèvres, de la langue et des dents, comme A. Chacun de ces sons exige que les organes de la bouche soient dans la position nécessaire pour, faire prendre à l'air qui sort de la Irachée-arlère la modificaliitii aui lui est particulière. Ainsi, la situation es organes pour déterminer le son A n'est pas In même que celle qui doit exciter celui do W. Tant que celle position des organes subsiste, el que les poumons peuvent donner de l'air, le son se fait entendre. Les poumons sont, à cet égard, ce que le soumet est à l'orgue. Les seconds, au contraire, qui pren- nent le nom d'articulations, exigent le con- cours de queliiu'un de ces organes, soit lo concours des lèvres, comme B, soit celui de la langue et des dents, comme D, etc. De là, T T tt ru Ni 8SI ALI' ainsi que nous le disions, deux espaces de V iracicres : les voyellei, |iour représenter lo son nui résulte du la situation où se trou-- vent les organes de la pitrole au moment que l'air sort de la trachée-artèie; les con- sonnes; pour désigner les artieulalioM, i;'est-h-diro les sons modifiés momentané- ment par un des organes do la parole. Les voyelles forment donc les sons |irincipuux et primitifs. Klles sont au nombre de cinq : a, e, t, o, ii, auxquelles on peut ajouter la voyelle surnu- méraire y, dont nous avons dénaturé la va- leur primitive pour lui donner celle (le Vi qu'elle n'avait pas dons l'alphabet latin. En négligeant les lettres qui séparent les voyelles les unes dos autres, on aperçoit un ordre métliodinue dans leur distribution. Depuis l'a jiisquà Vu, qui forment les deux termes citrèmes, l'ourerliire de la bouclie décroît graduellement dans la prononciation, de telle sorte que, pleinement ouverte à la pre- mière des voyelles, elle se trouve presque fermée à la dernière. Cette distribution est de la plus haute antiquité. On divise ordinairement les voyelles en deux classes : les voyelles simnies que nous venons d'indiquer et les voyelles composées comme ai, ou, au, eu, on, in, etc. Les consonnes étant le produit de diffé- rents organes dont chacun a son action par* ticulière, forment, par conséquent, une fa- mille nombreuse qui se compose de plu- sieurs branches. Les organes, instruments de la parole, sont au nombre do six, dont trois sont mobiles et actifs, à savoir : les lèvres, la langue et la gorge, et trois immo- biles et purement passifs :°]cs dents, \epulais et le nez. En les considérant sous ce point de vue, les consonnes se divisent donc na- turellement en labiales, linguales^ guttura- les, dentales, palatales et nasales. C'est par Tes labiales que commence lo langage chez presque tous les |)euples. On dit cependant que quelques sauvages de l'Amérique, et particulièrement les Hurons, n'en font point usage. Elles sont au nombre de cinq : h, p, m, foi v. Les deux dernières diffèrent des autres en ce qu'elles n'exigent pas le contact parfait des lèvres; aussi, porle- t-elles le nom de labiales demi-closes, et les autres celui de labiales closes. Les lettres linguales, c'est-à-dire celles dont la langue est le principal instrument, forment la seconde classe des consonnes; elles se subdivisent en trois branches, savoir: en dentales, lorsque, |.>our !cs produire, la langue fraupe sur les dents; en palatales, lorsque la langue s'élève et s'attache au pa- lais; en nazales, lorsque le son reflue par le nez, selon l'expression populaire. Les den- tales sont au nombre de deux : 1), T; les pa- latales sont L et R; les nazales sont M et N; mais il existe entre elles cette différence que DICTIONNAinE 4LP SPl Les lettres connues sous le nom de sif- flantes sont encore une division des lin- guales : la langue en est le iirincipal instru- ment. Pour les produire, elle s'applique au palais et comprime ainsi le souille, qui, sor- tant avec peine, forme cet espèce de sifHe- nient dont elles ont tiré leur nom. Les sif- flantes proprement dites sont le s, le » et le X. Les soufflantes f et v, et la chantante^, en approchent, en ce sens qu'elles partici- iienl filus ou moins au sifflement qui foronu le caractère distinctif des lettres sifflantes. La division que l'on a faite des sons de la voix et des caractères graphiques en voyelles et en consonnes ne nous semble point exacte. Les sifflantes forment, en effet, une classo intermédiaire qui tient h la fois h la voyelle cl h la consonne, sans être ni l'une ni l'au- tre. Le son des sifflantes se prolonge et se soutient de lui-même comme celui des voyelles, et elles modifient les voyelles de la mémo manière que les consonnes. Les sif- flantes ont mémo un avantage que ne possè- dent pas les voyelles : c'est que leur son peut s'élever ou s'abaisser sans souffrir au- cune interruption; au lieu que pour fortifier ou affaiblir (es autres vovelles, il faut les prononcer de nouveau chaque fois qu'on veut changer de ton. On pourrait donc en faire une classe à part sous le nom de lettres muettes qui comprendrait les lettres suivante; f,v, s,x,j,r. . . ., . Les gutturales forment la troisième classe des consonnes. Cette dénomination, consa- crée parmi les grammairiens, est aussi im- propre que celle de nazales ap|)liquéo è d'autres consonnes : car les gutturales ne proviennent pas du gosier ou de la trachée- artère, couime on le suppose depuis qu'on écrit des grammaires. Le gosier est le prin- cipe des voyelles, mais il ne produit pas les articulations. Lus consonnes gutturales sont au nombre de quatre dans l'alphabet : c, g, k, q; DQais elles se réduisent à deux, le c cl On pourrait donc répartir ainsi les vingt- cinq lettres de notre alphabet i VOYELLES: à, B, I, 0, U, t. CONSONNES: ( Close». U, P. ( Uemi-closet. F, V. Dentale». D, T. Patatalet, L, K. 2* LiMCUALES. (Nazales. M,N. SifPaHtes. S, X, Z. Chauianle, i. 3° GUTTIIBALES.— C, G, K, Q , H. 1* Labiales. le M dépend beaucoup des lèvres, tandis que quité de l'écriture, et un autre jirir )e le N appartient tout a la fois à la langue et fut toujours soupçonné, l'antériorité de au palais. C'est de toutes les consonnes celle qui exige le concours de plus d'organes pour la prononciation. Au milieu de tous les sy.stème.« contradic- toires qui ont été présentés pour expliquer l'origine de l'écriture, on trouve U'i prin- cipe unaniment avoué, c'est la hai anti- ré- criture' à la dispersion des peuples ou au moins sa simultanéité qui est parfaitement d'accord avec les conjectures d* la raison et '^f^A^•; s:;} ALP DE LINCll arec les faits rapportés dans la Biblo, le plus ancien des livres. On a longtemps attribué l'honneur do la (l(^cou verte do I écriture à un personnage égyptien, nommé Tiiot, et auquel les Grecs (Inntièrent le nom d'Hermès (100). Les Phé- niciens auraient été les premiers à qui les Egyptiens auraient communiqué ces signes niurveilleux qui jouent un si grand rôle dfliis l'histoire des progrès de 1 esprit hu- ranin, et les Phéniciens à leur tour les au- raient répandus dans toutes les nations qui avoisiiiaient les mers fréquentées par leurs vaisseaux. Le Phénicien Cadmus les aurait portés en Grèce. Toute cette histoire cst- cl!e appuyée sur des documents positifs? Nous sommes bien forcé do dire que non, et l'on peut h cet égard consulter rreret cl le P. Mabillon, qui soutiennent l'exis- tence d'un alphabet pélasgique, antérieur à celui de Cadmus. Ce fut par un événement iiciiiblable qiie l'Italie reçut son alphabet do l'Arcadien Evandrc, dont Tite-Live a dit: Yenerabitis vir miraeulo litterarum (191). Quand on jette les yeux sur les plus an- ciens alphabets, phénicien, hébreu, étrus- que, grec, latin, runique, zend, syriaque, co|ihte, arménien, etc., on ne peut refuscrde reconnaître qu'il existe entre tous ces alpha- bets une sorte de parenté et de filiation qu'il esifarile de constater. Faut-il en conclure l'existence d'un alphabet unique, qui aurait servi de point de départ h tous les autres? Cette opinion nous parait très-soutenable, si l'on y joint surtout d'autres présomptions (190) < L'Egypte arriva très-anciennement au complément réel de son système graplii(|ue , à Val- pliabet. Lps causes et l*époque de ce perrectionne- ment Riétnorable nous sont absolument inconnues. Eil-il le résultat des elToris de lu pliilosophie égyp- tienne? M'ett-ce qu'une transmission faite à lË- gyiitu par un peuple qui l'aurait précédée dans lus voies de la civilisation? L'esprit se confond dans i'cxameu de deux qui-stions uù se manil'estent une antiquité incontestablement supérieure à tous les ieinp>> historiques de l'Occident et un perfectionnc- iiieiit de système graphique pour l'écriture, de sys- tème grammatical pour la langue, que les principes de l'idéologie moderne n'ont ni dépassé ni prévu. Aux plus anciens tempi des annales de l'E- gypte, fondées sur l'aulorité des monuments cxis- Unis, au xxui* siècle avant l'ère chrétienne, le svslëuie graphique est le même que pour le siècle il Auguste, et le système grammatical du langage a les mêmes principes généraux qu'au temps des er- mites chrétiens de la Thcbaïde. On sait tout sur la «ivilisation égyptienne, à l'exception de son origine et de ses cominenceniints. La France n'a retrouvé dans les sables du désert que les magnificences des Pharaons; le temps lui a ravi leur berceau! i (C.ii\iiPOLLic.N-FiGEAC, L'F.gyple,) y ou. Sansurit (L.), 01*1 l'on trouvera quelques données sur les commeoceinents présumés de l'E- gypte. (1911 Les questions que toulèvc l'alphabet sont considérables. C'est un de ces sujets dont l'appa- rente modesitie trompe au premier coup d'œil, et un de ces problèmes ténébreux dont la science philo- logique cherche vainement la solulion. En quel temps et en quel lieu l'écriture art-elle commencé ? Est-ce une invention des hommes , ou faut-il la t*'- giiidcr avec Platon et quclqu.s l'ércs de l'Kjslisu ISTIQIJE. ALP !!;i qui no manquent pas non plus d'uno cer- taine valeur. 11 est digne de remarque, par exemple, que !es alphabets les plus anciens vont tous de droite b gauche; qu'ils se cotn- posent tous de seize caractères. L'aljthabet [ihénicien donné par Barthélémy est sem- blable on ce point à l'alphabet |)hénicien bétiquti que don Velasquez trouvait en 1752 sur les médailles des contrés orientales de la vieille Espagne. L'alphobet étrusque n'est également que de seize lettres; il en est de même des anciens alphabets grecs et de l'alphabet latin, au témoignage des gram- mairiens Priscien et Victorien. Enfin, l'on iiourrait invoquer en faveur de cette opinion l'autorité des anciens, qui, divisés sur lu peuple auquel il faut attriL)uer l'invention de l'écriture alphabétique, paraissent una- nimes sur l'unité do l'invention elle-même. Quelques savants ont voulu donner la raison pour laquelle tous ces alphabets ne possèdent que seize caractères; mais lors- qu'on veut tout expliquer, on court grand risque de substituer les systèmes aux faits, et c est ce qui leur est arrivé. La première direction que prit l'écriture fut de droite à gauche : née dans l'Orient avec l'écriture, cette direction s'est conser- vée chez un grand nombre de peuples, et notamment chez les Arabes. Les Juifs, sans contredit les plus scrupuleux pour les an- ciens usages, l'ont pareillement gardée par respect pour les Livres saints. Les Chinois eux-mômos écrivent de droite à gauche, quoique leurs lignes soient perpendiculai- comme une révélation divine? L'écriture alphabé- tique est-elle la plus ancienne, ou n'est-ellc qu'una niodilication , qu'une altération de l'écriture hiéro- glyphique? quel fut le premier alphabet? combien contenait-il de caractères? cps caractères sont-ils des symboles ou des signes purement »rbitr»irtuloureux témoignage de notre profonde ignth rance 7 Nous pouvons le dire, au moins pour le pré- sent, dans cet ordre de faits, comme en presque tous ceux qui concernent l'histoire primitive de l'humanité, il faut bien se résoudre à ne posséder que des notions douteuses et imparfaites. Le temps a détruit du bvre du passé d'innombrables pages que n'ont pas retrouvées les lointaines générations. Nous nous garderons donc de placer un système nouveau à côté de tant de sysiémcs, et d'introduire lin dernier clément dans la confusion des langues. % H ^ h \< r :M r^ AI.P DICTIO.NNAIIIE AI.P SjO IIP"» rus; ninis leurs rolonnns s'avnnccnl do la droito vers la gniiclu', r;omnic nos colnniies de chiirrps. On finit jinr rcronnallro les in- coiivénienls do celle méthode; mais le clinn- gonient de dirictioii ne fut pas instantané, il y eut un toiii|is intcrmédiairo pondant le- (|iiel, après avoir ë<:rit une ligne de droite h gaiK lie, on écrivait la ligne suivante de gandin h droite, il existe encore des ins- criptions greciiues écrites do cette manière, et notamment le monument des prôi restes d'Apollon Amicléen, découverte dans la Jjicoiiic par Fi)urniont. On a longtenifis re- gardé les tirées comme les inventeurs de cette manière d'écrire, qu'ils ajipolèrent bousfrophi'don, c'est-h-diro écriture (|ui suit une direction semblable à celle des bœufs qui labourent; mais on voit dans Vossius ( uc les Hébreux, avant Esdras, écrivaient de la môme manière. Avec quels caractères l'inventeur de l'é- criture alphabétique coniposa-t-il son alplin- lict? Imagina-t-il de nouveaux signes, ou cho'sit-il ceux dont il se servit dans les li/ures do l'écriture symbolique? On l'i- gnore. Autres questions. Les caractères de notre alphabet sont-ils des signes purement arbi- troires ou des images représentatives? Nous possédons là-dessus une foule de systèmes auxquels il est bien facile d'en ajouter d'au- tres, quand on ne prend pour guide (|uc son caprice ou son iiiiai;inalion. l'armi les écri- v;iiiis modernes, nous no pouvons nous em- pêcher de citer l'auteur du Monde primitif. Fartant de ce point que l'écriture, comme le langage, c>>{ fondée sur riniitation, il en poursuit les conséquences avec une comi- <|uo bonne foi jusqu'aux paradoxes les plus ridicules. Quiconque a le liotdicurde savoir faire un .M no .s'imaginerait pas, h coup sûr, qu'il |ieint une mère ayant son lils entre les bras et lélevant pour le faire voir. C'est pourtant ce qu'alTirme sérieusement le sa- vant de Lausanne, et il faut avouer que les ojiinions de ses émules en érudition gram- maticale ne lo cèdent guère aux siennes. (102) I Le proliltinic de l'oriRine des alplialiels nslciicore loin trèlrc étiairri coiniiie il est désira- ble (piM leileviciuie. Il lient d'aussi près que pos- sible aux ((iiestioiis elhnltpirs, cl est d'.'sliiié à prë- tiT de grands secours ii bleu dus soluduns de ilé- lails. Il est, du reste, complique par une coiitcp- tioii a priori, invonlùe au xviii* siècle, el sur ia- «IMellu on se liourtc à cbaquc insiaiit ipianil il s'a- (;Jl (k'S grands traits , des taraclères principaux de l'iiisloire humaine. I^cs (;ciim qui font ce qu'ils ap- pellent de la pliilosopliiu do l'iiisloire, ont imaginé que l'écriture avait coniiiiencé par le dessin, qu.; dn di'ssin elle était passée à la rcprésenlalion sym- bolique, et (pi'à un iroisièmi- degré, à un Iroisiemc .tge, elle avait produit , coninio ttnme flnaf de ses déviloppemenls, les systèmes pliouéliques. L'-isi un enchaliieiiient lort ingénieux, .i coup sûr, et il isl vraiment fôclieux que l'oliserKalion en démontre siciiiiiplétcment l'absunliié. Les systèmes figuratifs, c'est-à-dire de ceux d s Mexicains »l des Egyptiens, sont devenus, ou (ilutoi ont clé , dés les premiers moments de leur ihv< ntion, idéographiipies, parce qu'eu même l'inps qu'on a eu à donner la forme Le système lo moins dépourvu uo vrai- acmblarico est celui mio Wanhtcr, le prési- dent do Drosses et Wan-Melinont, avaient entrevu, et que d'autres écrivains plus ré- cents ont établi d'une manièro plus coin* plète. Il consiste è regarder les caractères graphiques les uns comme une esquisse des organes do la parole, les antres comme une esquisse dos sons de la voix. Dans ce système ridiculisé par l'abbé Hor- gier, l'A représente le son le plus naturel; il ne faut qu'ouvrir la bouche pour lo former. L'ouverture de In bouche en était donc le vrai signe. C'est aussi une simple esquisse do la bouche ouverte. Le son qu'indique l'E est le si^nn de l'cxislen e, le son même de la respiration. Aus.>i nous rclrace-t-il le dessous du nez dans toutes ses fiartics. Les trois lignes dont il se compose sont une ébauche complète dos doux narines et du diaphragme qui les séiare. Ceci est déjà beaucoup moins clair. Voici qui l'est encore moins. L'I est un symbole. Le son de cette lettre est le plus aigu et le plus per^'ant. Elle représente uiio ttècho, et lo point dont elle est surmontée indi(|ue le but quo la llèche vn toucher. Pla- ton observait à ce propos que l'i était très- propro h exprimer les chose» scbtiles et pénétrantes. C'est une question d'oreilles : Platon les avait probablement meilleures que les nôtres. Si le son do l'I est le plus perçant, celui do l'O est lo plus plein, et c'est noiir celto rai.son qu'il a la forme d'un cercle. Isidore de Sévillo le pensait ainsi : « L'I et l'O, » dit- il dans son Livre de$ytymoL, cliap.3, « sont doux lettres liont l'une n'ayant qu'un son grèlo, n'est auv-i qu'une baguette déliée; l'autre rendant un son épais, pinguis tonus, a do nu^me une figure pleine. Enfln, l'IJ su iirononçant d'une manière gutturale, a aussi la tlgure du gosier. » La lettre la plus heureuse pour ce .système dans les consonnes est le B, qui prolilo In bouche et peint les lèvres qui lo for- ment (192). , . - . d'un arbre, d'un fruit un d'un animal, il a impc- ri(;nscment fallu exprimer par un signe graphique ridée incorporelle qui inotivail la représentalicn de CCS objets. Dr voilà un des deux degrés de transi- tion supprimé. Quant au troisième, il ne semble pas s'être pioduit nécessairement, puisque ni les Mixi- caiiis, ni les Chinois, ni les Egyptiens n'ont fait sortir de leurs hiéroglyphes un alphabet proprement dit. Le procédé que les deux derniers de ces peuples emploient pour remlru les noms propres est la plus grande nreuvc à ofl'rir que le pi incipe sur lequel se hase leur système de reproduction dn langage, oppose des obstacles invincibles à ce prétendu dé- veloppement. Les écritures idéographiques sont (lune nécessairement symboliques, et, d'autre paît, n'ont aucun rapport , ni passé, ni présent, ni futur, avec la méthode de décomposition élémenliiirc cl de re- présenlalion abstraite des sons. Elles restent ce qu'elles sont, et n'atteignent pas à un but logique- ment contraire au principe fondamental de leur construction priniilive.— Peut-on allirmer de même que les alphabets phonétiques que nous possédons ne soient pas des descendants do systèmes idëogia- ,^*tf* ■■*^^;V«*< SS7 ALP DK LINT.l IST.gi'E. AI.P 18* Si rcxjilicatioii ao toutes los lettres n'est ■ms aussi saisissnble, il en existe qucl(|uc$- iiMCH dont il est inipossiblo de contester j'i'xnctiludc. Ilien n'est plus difllcile nssuré- ineiit que de savoir la vérité sur co point; mais un secret instinct nous dit, ce seuiltlo, qiin dans un art si prodigieux il y n quelque l'Iinse de plus que le caprice et que lo ha- sard. Assurément le bon sens proteste contre (OS derniers aven Platon et une foule do philosophes anciens, qui regardaient l'inven- tinndc-s caractères de l'alphaliol comme une (uiivro tellement sublime qu'elle étiiit au- dessus du {{énio de l'Iiommo et ne pouvait venir (^uo de Uiou. D'un autre calé, les peu- ples primitifs, si \ctsAs dans l'art des sym- liolos, les auraient-ils tout à fait négligés pour leurs alphabets? Il est diincile de lo croire. Quoi qu'il en soit, nous ne possédons plus ces premiers caractères qui serviraient a MOUS guider. Chaque peuple les a moditiés suivant ses goûts et ses habitudes. Nous ignorons le point de départ; mois, h com- iiionccr h une certaine époque, nous poivons suivre h travers les siècles les modiiications qu'ils ont subies; et elles sont si graves et si nombreuses, qu'il faut bien se résoudre à voir de plus en plus s'épaissir les ténèbres qui couvrent leur origine. Nous avons perdu le secret de la forme de nos lettres, comme les Egyptiens, au déclin de leur empire, avaient perdu le sens de leurs hiérogly- phes. C'est aux Latins que nous devons le per- fectionnement de l'alphabet. Il fut aussi urossier nu commencement. C'était l'alplia- hclgrec, h très-peu de différence près, mais surtout l'alphabet dorien, qui se rapproche le plus des alphabets orientaux. Il se dé- pouilla peu à peu de sa rudesse, et acquit entin son élégance et 3a régularité sous lo rf-gno d'Auguste, c'est-à-dire nu idus bel (lo la grandeur romaine. Dans le flg(' princi|)P, los Latins ne connurent pas les huit lettres suivantes, g, h,j, 7, v, x, y et z, ce qui ré- duit leur alphabet aux seize cunclères qui se trouvent dans tous les alpliabuls prinii- til's. Le fait est confirmé par Quintilien (103) et par Tacite (194). Selon l'opinion commune, le g no parut chez les Itomains qu'après la première guerre |)uniquo; car sur la colonne rostrale élevée en l'honneur du (;onsul Duilius, on voit écrits avec un c plusieurs mois qui le furent plus lard avec un g, tels que cocnatof, cocnnnles, etc. Plularqùe en attribue l'in- vontinn à Carvelius. Il, au contraire, est le premier carac- tère (|u'ils lijoulèrent aux seize lettres pri- mitives, selon le sentiment d'Mdore de Séville, au chap. 3 de ses Ktymolugie$. Il y a uiio question fort débattue entre les gram- mairiens modernes, et qui le fut égaleiiieiit dans l'antiquité, c'est celle de savoir s'il faut ranger ce caractère au nombre des lettres proprement ditos, ou seulement le considé- rer comme une espèce d'accent qui remplaça F, dont l'emploi fut primitivement de mar- quer raspiratinn, comme le prouve ce pas- sage fie Priscieii : « Antùitii litlera f, loco aspiralionis, uli solebant; dicebant enim : thako, vefo, pro TRAuo, venu. » Lestirecs auxquels les Laliiis l'empruiilèreiit nes'en servaient (|uede ceilu manière, au rapport de Marins Viclorinus, et y substitiièreiil bienlût un accent. Aulu- Gellc, un dos écrivains et des philosophes les plus estimés de son temps, s'estexpliciué .«ur cetlo question d'une manière très-nette. Il nous apprend (193) (|u'oii se servait de h pour fortilierle son, «/ sonus esset viridior, veyetiorque, et qu'un lo faisait h l'imitation t iliiqiies oubliés? Puscr une telle question , cVst, je u suis, alTronlcr des axiomes qui ont acquis torc^ de loi ; mais qu'on juge di; leur valeur. Ou part du type phénicien coniinu p:iradipme , conimu suuclio de (ouins les écritures |itioiictii|ue8 , et l'un veut iiuc la lettre guimel represciile le cou et la forme (lu chameau; la lettre ain, du même, est censé rap- peler parfaitement un œil : la lettre daleth une mui- ton ou une tente, etc. Pourquoi? c'est que guimel, ai» eidalelh sont les initiales des niuls gamiil (cha- meau), de ain {œil) et de dnlelh (maison). Mais le guimel l'est égaleinenl de gedi, chevreau, et si l'on l'Oiisenl ft examiner les choses tans prévention , on ciinviendra que le guimel ressemble tout autant à un chevreau ou bouc qu'à un chameau. On pourrait li'iiuver, sans nulle peine, d'aussi nombreuses ana- logies pour toutes les lettres de l'alphabet. Il sullit d'un peu de bonne volonté. Voilà ce que c'est que le système qui fait dériver inévitnblemenl les al- plialwls phonétiques des séries blëngraptiiques, et voilà les puissantes raisons sur lesquelles il s'ap- puie. Aussi est-il nécessaire d'y renoncer, et au plus loi, i D'autant mieux que les études actuelles sur les .il|iliabcts assyriens font découvrir une nouvelle nieihode graphique qui. de quelque façon qu'on la toiture, ne saurait nullement être rapprochée du de>sin syinlmliquc. Ces combinaisons claviforincs iiUcheiit bien cerlaineuieni la prétention la mieux jusliilce à ne présenter la pensée qu'au moyen de signes abslrails. < Puis, au besoin, on pourrait citer encore tels modes d'écriture qui ne sont ni idéogr:iplii(pies, ni phunéliqut;s, ni syllabiques , mais sculeiiienl mué- moniques, et qui be composent delraiis sans aulrc signillcation que celle qui leur est attribuée pur l'écrivain. Ce tiernier système, fort imparruil as- surément , et privé du pouvoir d'exprimer dos mois, rappelle seulement au lecteur certains objets ou certains laits déjà connus. L'écriture lenni- Iciiane est de co genre. < Voilà donc, la question étant prise en gros , quatre catégories de ressources graphiques em- ployées par les hommes pour garder la trace du leurs pensées. Ces quatre catégories sont fort iné- gales en niéiiic, et atteignent bien diversement lu but pour lequel elles sont inventées. Elles résul- tent d'aptitudes très-spéciales chez leurs créateurs, de façons jtrès-particulièies du combiner les opé- rations lie l'esprit, et de déduire les rapports des choses. Leur étude approfondie mène à des résul» tats pleins d'iulérèt, et sur les sociétés qui s'en servent, el sur les races dont elle émanent. * (Co- DiNEAU, Ue rinégalité det racet humaines, t. III, p. 129.) (IU5) Liv. I, chap. 3. '(194) ^mia<., xi,U. (495) Liv. I, chap. 5. aio klf mi.iHtsy.wnr. AI.P S'il» É! lie Ifl InngiJc grcrqiic, iludh rt ntniph lin- gum Altiea, (\ seiiiltic mAmo insinuer (lu'nii lieu (l'insérer ce rnrncIcTu dniis le corp-* X ne parut clio/. les Itomains que dnn« les derniers temps , (ju'il no savait comment peindre; mais il n'est pas nécessaire de faire remarquer l'in- vraisemblance et la contradiction do c(<< contes puérils. Voici ce qui donna lieu h l'insertion do l'y dans l'alidiabct latin. Lors- que les Romains écrivaient dans leur l.in- gue quelques mots grecs où Vu devait êlro prononcé h la manière dos Grecs, ils em- liloyaientrypouravertirdococlinnKcmcntile son, ainsi quo le dit cxiiressément Quintilien (106). Avant cette époque, ils remplaçaient \'y par l'u, comme l'avait fait Ennius, qui, selon le témoignage de Cicéron, avait cons- tamment écrit l'urrhus au lieu de Pyrrhut Simonido de Mélos passe communément pour l'inventeur du x , que Quintilien aj)- |)elle un caractère plein di! mollesse et de s'iovité, mom$êimum et $uavi$iimum. Les dames romaines n'ignoraient pas, b ce qu'il paraît, l'avantage de cette lettre : car elles en substituaient volontiers la son doux au son plus ferme du g. Klles disaient donc fixcre oteula, au lieu de figere, au rapport de Cn- pello. De la bouche des dames romaines ccttin lettre passa dans l'alphabet; mais elio n'y fut néanmoins admise que très-tard , et c'est le la raison pour laquelle elle occujie la dernière place dans les caractères alpha- bétiques. Des vingt-cinq caractères que renferme souverains eux-mêmes s'y appliquèrent, cl l'empereur Claude ne crut pas manquer h sa dignité en se livrant à de pareiUes recher- ches. Comme le son ve et fe ont une grande analogie, il crut qu'il n'y avait rien de mieux à l'aire que d'employer le caractère f lui- même h désigner le son du v, en le renver- sant. Quintilien goûta beaucoup cette in- novation, mais le nouveau caractère, malgré bre appartient donc aux Romains, qui les inventèrent, et nous sommes, relativemeni aux autres, entièrement do l'avis de Cicéron. Meum semper judicium fuit omnia nosiroi oHt invenisse per se $apientiut ^uam Grœcot, aut accepta ab illis fecisse meliora aua qui- dam digna italuissent in quibus elahorarent (197). « J'ai toujours pensé que les Romains avaient, en toutes choses, ou inventé d'eux- l'éclat de son origino el le patronage d'un mêmes plus sagement que les Grecs, ou ner- homme aussi distingué aue l'était Quinti< fectionné ce qu'ils empruntèrent quand ils lien, ne put obtenir une place dans l'alpha- jugèrent digne de s'y appliquer. » bel. Les moderiifyS plus heureux, Qrent, sans Nous allons indiquer quelques-uns d<'S (196) litilil. mal., lib. xn, e. 10. (197) Tuiciil., I, cap. I. ./^^/•*,' tui Ai.r PK UNr.nSTIQlT, AI.P «c« ï ilétAtilit (le notre iil|ilinlif( ; «Irn qiio noua on i|iinn« rntivirnt h (nus Ich aiiIrp.H avec unn t^»\t' ju«io*«<)v. Donnf/.-nuii un lion olpIiaUpt, A(li(l.oiliiiilz> et Jo vol (lonncrni une Inn- ^ii(> liion fflilc ; iloiintv. .iioi uno lan^uu lidn faite, et je vou^ doiuii rni une honne rlvili- inlinii. Mallioureu.HMiient le mi^IdnKP furtuit ilo «iKnus équivoques et inAiitlisfliitf , qiio noiiH a|i|>elnn4 l'alpliii et frnnijiiis , no res- nomhlu pre.iqiic en rh <> h celui quo dciuon- (Mit l'illustre iihilowni lu. D'aliortl qu est-rn que la distribution il».s rornctèreH dont il so compose? Pourquoi Ia nccuiie-t-il In première place, Ici la .seconiN», Ift c la troisièmo, et ainsi doit autres sigi)«!« ? Un pourrait dire, en vérité, et c*' no serait pas un paradosu que, si la disposition des »igiios avait été remise au hasard, on ne so- rnit pas parvenu h un résultat plus ridifîulo. r/ost ce que disait, dans Plutarque, avant nous, le grammairien Zoiiliirion <|ui s'allli- (;nnit de ce que l'ordre des lettres chez les (irccs était peueonforme h lu raison {Sympoi,, jil). IX, q. 3.) L'alphabet se composant du plusieurs sortes do lettres (|ui forment comme Atilnnt du classes , l'analogie demandait [irclles fussent rangées dans cet ordre, (|ui lait le plus iwilurel. Il est vrai que quel- pics écrivains prétendent quilnn fut ainsi liés le principe ; mais les descendants au- nioiit toujours la honte d'avoir déllgiiré l'œuvre régulière que leurs ancêtres leur ovaicnl Inisst^o. La distribution irrégulièro des caractères n'est pas le seul défaut do notre olphabct. Nous avons dit précédeiumciit que l\ lettre ajipelée par nous vovolle n'exprime qu'une t^inission du son; quelle n'exige lo concours «l'aucun des organes ou des touches de la parole, et qu'elle ne sert qu'à vocaliser In consonne, en faisant pour elle l'oflice du soufllctdans l'orgue. Certaines langues orien- tales l'ont tellement dédaignée, qu'elles sn sont contentées de l'exprimer parties |>oint$ ou l'oiit entièrement supprimée. Sur les quatorze voyelles rationnelles environ quo nous pusséilons en français, nous ne savons cil écrire que cinq; et il est ossez curieux trexniiiincr comment nous les écrivons. 1^ vovelle e sur laquelle repose notre système syllabique , et qui est une des principales loiulitions du rhyllime do nos vers, est le .sij^no d'un son si faible et si fugitif que la voix ne parvient h lui donner une certaine tiMiuo qu'en le poussant au degré plus in- tense qui le suit dans la gamme de la pro- nonciation. Nous lui avons juilicieusement donné pour celle raison le nom d'« muet; mais qu'y a-t-il de commun entre cette in- saisissable voyelle et la voyelle éclatante do /i6frre do coiiipensfltion, d'i n iiossi^dor quel(|ucs-uns qui ne nous servent A rien. Cest ainsi que nous avons doux i voyelles, puisque Xy (jue nous a|ipcl- tre, science, et dans mille autres que nous pourrions citer. Non content d'avoir déna- turé le c (levant l'e et l'i, nous avons tniuvé le moyen de le dénaturer encore devant les autres voyelles ; mais cette fois on a eu recours 5 une espèce d'appendice appelé cd- dille, qui,,placé au-dessous, le métaniorphoso subitement en s, comme s'il n'eût pas été be;iucoup plus simph' d'em|iloyer V« lui- même. Le t vient à .son tour réclamer sa part dans cette usurpation baroque, et prend la place do s dans attention, contraction , etc. A côté du c qui ii'oiïrc de lui-iiiêino ou- cune idée de sa valeur graphique, on peut bien placer le g qu'il est impossible de nom- mer d'une manière convenable, si on n'y accole un auxiliaire. On peut choisir entre les sons nombreux qu'il représente dans les mots genre, gaule, guerre , sigue, etc. ; ils donnent une idée de la facilité avec laquelle OD peut prononcer cette langue. Il est pa- reillement assez piquant d'examiner ce quo nous avons fait de l'e des Grecs, que nous |j-ii •il ÎG5 MV DiniONNAIHR ALP m II lit' iiiii; SI»:!!' a|ipeloiis h, et nnquoi nous avons subsliliié notre e coiffé d'un accent circonllexe ticvniit une voyelle qui s'élève ; h tient l« l'I.ico d'un si^ne, et n'osl cependant pas un signe, puisqu'il n'exprinip rien. Devant une voyelle prétendue aspirée , il n'exprime pas nié:no une aspiration, jiar la raison que nous n'a- vons |)as d'aspiration; il marque tout sim- plement que la voyelle ne s'élève pas, et en vérité, ce n'était pas la peine de dénaturer ral|ihabet grec pour un pareil résultat. Pui5(|uo nouscnsommcsaux eonsonnantes inutiles, nous demanderons h quoi notre x peut servir. La meilleure manière dejl'ex- jiliipjer, c'est de dire qu'il tient lieu du q et (lu s, et c'est en même temps prouver sa par- faite inutilité, puis(pie nous avons dé^à l'a- vantage de posséder en tri|ile l'un et I autre do ces caractères. Nous n'attaquerons pas cette déflnition des grammairiens , mais l'on voudra bien aussi nous avouer qu'il n'a pas la l'onction caractéristique qu'ils lui at- tribuent dans txigeant, où il représente .72,- dans Bruxelles, uh il représente ««/dans ex- cèi, où il représente le k; dans«/arain, où il représente le z ; dans dixme, où il ne repré- sente rien du tout. Nous n'avons considéré jusqu'ici que l'al- phabet sémilique, niaisn'y aurait-il pas lieu d'admotlre plusieurs sôuclies d'écriture? Klaproth en reconnaissait jusqu'à trois pour l'ancien monde, savoir : la souclie chinoise, la souche indienne et la souche sémitique. ]/exislcnce distincte de la première est un fait irrécusable. Mais ce qui est loin d'être aussi bien prouvé, c'est l'existence des écri- tures indiennes et sémitiques comme cons- tituant deux souches entièrement indépen- danies l'une de l'autre. On est bien plus fondé à rattacher avec Volney, Kopp , de Prinseps et Schleiernaacher , les écritures indiennes au système sémitique, et à réduire ainsi les souches des divers systèmes d'é- criture de l'ancien monde h deux, la souche chinoise , dont l'influence s'est h peu près bornée au Japon, àjla Corée, au Tonquin et quelques parties de la Tartarie, et la souche séi!iitii|ue qui s'est modiiiée sous diverses influences, d'un côté jusque dans l'Inde en passant par l'Assyrie et la Perse et, de l'autre dans la Grèce , l'Italie cl lu reste de l'Eu- rope. Du reste on peut supposer, et cette suppo- sition n'est assurément pas sans valeur, que les indiens ont dû h d'anciens rapports avec la Chine la |>remière idée d'un système ré- gulier d'écriture. On pourrait peut-ôtre ex- pliquer par là quelques particularités que (irésentent \ s caractères indiens primitifs, lious sommes donc disposé à accorder iune certaine pari à l'influence chinoise dans la formation de l'écriture indienne; mais en même temps nous no pouvons nous refuser à voir, dans tant de traces d'une analogie toute contraire, la preuve que le germe de l'écriture qui a pu avoir été auporté dans l'Inde par des 4)euples situés à l'est, ou qui leur a été emprunté, y a été fécondé sous ane seconde influence étrangère , partie , rcllo-ci, ilo peuples situés à l'ouest. Ce^ derniers durent à la perfection relative dp leur système graj)hique, d'avoir une naît plus grande dans la formation des alphabets indiens, qui constituèrent eux-mêmes un nouvel et immense perfectionnement sur l'un comme sur l'autre de leurs modèles. Dans l'Inde, plus (]ue nulle part ailleurs, le goût ou le caprice local semule avoir al- téré le type primitif. Peut-être même le principe alfihabétique plutôlijue lelyped'iiii alphabet particulier, y a-l-il été porté; mais, dans tous les cas, il nous parait impossible do considérer les écritures indiennes comme un fruit du sol en présence d'analogies qi;e l'on ne peut méconnaître, etqui nesauraienl être purement fortuites, entre le systèmo des signes écrits des Indiens et celui des Sé- mites. L'écriture phonétique, telle qu'elle existe dans ral|)liabet sanscrit, par exemple, présente, sans contredit, un système plus complet et plus iierfectionné que celui de l'héureu ou du pliénicien. Le nombre des lettres indiennes eften elfel bien plus con- sidérable que celui des lettres sémitiques; mais ce nombre n'a pas toujours été ce (pic nous le voyons aujourd'hui, puisque Aii- quctil-Du|iérron nous apprend, dans l'in- troduction (|u'il a mise en tête de sa tradin- tion du Zend-Avesla, que l'alphabet sonsi rit n'eut primitivement (lue vingt-huit lettres. Les grammairiens de l'Inde ont substitué à l'oiiirc illogique , et simplement mnénin- technique sans doute, observé dans les «l- phabets qui leur ont servi, selon nous, du point de départ plutût (pie de modèles pour la composition (les leurs, une classitication basée sur la nature des éléments phoni!!!- ques que représentent les lettres. LtîS voyel- les y tiennent en outre une place plus griin- de et sont bien mieux déterminées; malgré cola, l'on ne peut se refuser à admettre un reste d'analogie dans la manière dont ce genre d'élément phonétique est traité dos ticux côtés. Si, cnez les Indiens, la voyelle ne passe pas pour ainsi dire inaper\;ue, comme chez les Sémites, elle ne tient encore dans le corps des mots qu'une place secon- daire, et nos alphabets européens, dont per- sonne ne révoi|uo en doute l'origine sémi- tique, se sont, à cet égard, bien plus écartes du système primitif, puisque les voyelles s'y écrivent tout aussi explicitement que les consonnes. Remarquons même qu'il y a certains alphabets indiens, tels que le wàuii du Moultaa et le sindhou, dans lesquels l(!.s voyelles sont complètement laissées de côlé. On ne pourrait objecter comme un argu- ment en faveur du l'indépendance de 1» souche indienne, la différence qui existe en- tre la direction que suivent les écriturei indiennes et les écritures sémitiques, puis- que les nations européennes ont toutes ap- porté précisément le même chantjeinciit dans la manière d'écrire. Quelques critiques croient même reconnaître, et, selon nous, avec quelque raison, à la forme de certaines lettres sanskrites, qu'elles ont dû autrefois 2CS AME DE LINGUISTIQllIi, AME SG6 se tracer do droite h gaucho, romino se tra- cent toujours riiéhrou, l'arahe et leurs con- génères immédiats. Une observation encore qui n'est pas sans quelque valeur, c'est celle-ci : que l'analogie que présentent dans leurs formes le mitn et lo iamecli de l'hé- Itreu, se reproduit entre le ma et lo sa du sanscrit, sans que lé fuit piiisse être autre- ment expliqué que comme le résultat d'une erreur traditionnelle, ces lettres n ayant pas d'ailleurs le moindre rapport quant aux ar- ticulations qu'elles représentent. Que si les annlogies de formés ne sont pas plus nom- hrpuises qu'on ne le voit entre les alphabets indiens et les sémitiques, c'est une chose (|ni ne peut pas étonner, quand on consi- dère, soit la capricieuse variété des formes lies divers systèmes alphabétiques do l'Inde, (|ue l'on fait dériver tous les uns des autres, soit le peu de traces qu'ailleurs on retrouve (les sources où ont puisé les auteurs de cer- tains alphabets déformation bien évidem- ment secondaire, tels que l'arménien ei le géorgien. Par toutes les raisons que nous venons de déduire, il nous est impossible de ne pas voir dans les écritures indiennes, sinon une copie, du moins une imitation des écritures sémitiques. A l'articio spécial consacré h chacun des idiomes qui possèdent une écriture particu- lière, nous avons eu soin d'en décrire l'al- pliabet. ^ ALPHABET DES BERBÈRES Touariks, fait très-curieux. Yoy. Atlantique. ALPHABET ÉTRUSQUE. Yoy. Étbus- QIJE. ALTHOCHDEUTSCH. Yoy. Tbutoniqub. AMAZIG. Yoy. Atlantique et fiERBi- ItBS AMAZIG-ARABISÉ. Yoy. Atlantique. AMAZONES. Yoy. Caucasienne. AMERICAINES ( Langues ) , com(>arées avec celles de l'Ancien Monde. — Yoy. note II, 3* question, è la fin du volume. AMÉRIQUE. — L'Amérique, ce double continent qui se prolonge de l'un è l'autre \A\v avec une variété mflnie de sites, de productions et de climats, n'est pas habitée en proportion de son étendue. .\vec ses im- posantes montagnes, les plus hautes après celles du Tbibet, ses fleuves migestueux, ses vertes savannes, ses sombres forêts vier- ges, sa végétation vigoureuse, elle semble être comme une retraite préparée è la ih)- piilation surabondante de l'Ancien Monde; et déjà les nations indo-européennes, qui ont donné naissance à tant d états, entraî- nant h leur suite une partie de la race nègre, en ont envahi les contrées les plus belles, oii elles prospèrent et se naturalisent. Les indigènes, diminuant chaque année et de- venus étrangers sur leur propre territoire, ne présentent plus qu'une image imparfaite (les mœurs, des lois, des langues de leurs ancêtres «l de la fliiation antique et mysté- rieuse qui les rattache peut-Aire à l'Asie, ils appartiennent tous h la raco rouge avec divers degrés do civilisation, et les relations hs moins incomplètes nous les montrent DiCTlONN. DE Ll.N(illSTIQll£. relégués dans leurs déserts, à de grandes distances les uns des autres, et morcelés imi une foulo de peuplades dont chacune is améric'ii- 2C9 AME DE MNCIJISTIOLK. aMB m lias une sculo ilénominalion du soleil, de la {une, de la terre, des deux sexes, des par- ties du corps humain, qui a passé d'un con- tineni à l'autre; ce sont, deux, trois, quatre liénominations différentes, |»rovenant de langues asiatiques reconnues pour apparte- nir à diverses souches (202). « Tant de rapprochements inattendus, et que n'avaient pas aperçus nos devanciers, auraient pu nous engager h soutenir avec une sorte d'assurance l'origine purement asiatique des principales langues américai- nes. Mais, plus attacné h l'intérôl de la vé- rité, nous n'essayerons pas de fonder sur nos observations une assertion imposante cliiasardée; nous dirons franchement que les analogies entre les idiomes des deux continents, quoique élevées par nos recher- t'Iies à un nouveau degré de certitude et d'importance, ne nous autorisent qu'à tirer les conclusions suivantes : « 1' Des tribus asiatiques, liées de paren- té et d'idiome avec les nations finnoises, ostiai|ucs, permiennes et caucasiennes, ont éniiuré vers l'Amérique , en suivant les bords de la mer Glaciale, et en passant le détroit de Bering. Cette émigration s'est étendue jusqu'au Chili el jusqu'au Groen- land. « 2° Des tribus asiatiques, liées de paren- té et d'idiome avec les Chinois, les Japo- nais, les Aïnos et les Kouriliens, ont passé on Amérique en longeant les rivages du (îrand-Océan. Cette émigration s'est étendue pour le moins jusqu'au Mexique. « 3° Des tribus asiatiques, liées de paren- té et d'idiome avec les Toungouscs, les Mandclioux, les Mongols et les '^âtars, se sont répandues, en suivant les hauteurs de deux continents, jusqu'au Mexique et aux Apalaches. « ï° Aucune de ces trois émigrations n'a été assez nombreuse pour etfacer le carac- tère originaire des nations indigènes d'A- mérique. Les langues de ce continent ont reçu leur développement, leur formation grammaticale et leur syntaxe, indépendam- ment de toute influence étrangère. « S' Les émigrations ont été faites h une époqueà laquelle les nations asiatiques nesa- valent compter que jusqu'à deux ou tout au plus jusqu'à trois, et ou elles n'avaient pas formé complètement les uronoms dans leurs langues (203). Il est probable que les émi- grés d'Asie n'amenèrent avec eux que des chiens et peut-ôtre des cochons; ils savaient construire des canots et des cabanes ; mais ils ne donnaient aucun nom particulier aux divinités qu'ils ont pu adorer, ni aux cons- tellations, ni aux mois de l'année. et 6' Quelques mots malais, javanais et polynésiens ont pu être transpontés dans l'Amérique méridionale avec une colonie (202) Voy. ci -après .- Tableau de i'enchainement giogrnphiifiie de» (angiiei d'Amérique et d'Atie. {M) \oy. les iiiiiiibrcs cl les pronoms dam le Tubkau iniiiqiiô plus liaul. des Madécassos, plus facilement que par la route du tîraud-Océan , oii les vents et les courants ne favorisent pas la navigation » 7" Un certain nombre de mots africains paraissent avoir été transportés par la mémo voie que les mots malais et polynésiens ; mais les uns et les autres n'ont pas encore été reconnus en assez grande quantité pour pouvoir servir de base à aucune hy|io- thèse (^Ok). « 8° Les mots de langues européennes qui paraissent avoir passé en Amériaue pro- viennent de langues finnoises et lettones; ils se rattachent au Nouveau-Continent par les langues péruvienne, ostiaque et iouka- ghère. Rien dans les langues persane , germanique, celtique; rien dans les langues sémitiques ou de l'Asie occidentale, ni dans celles de l'Afrique septentrionale , n'indique des émigrations anciennes vers l'Amérique. « Voilà le résultat de nos recherches et de celles de nos devanciers. Quelques idio- mes asiatiques ont pénétré en Amérique , mais la masse des langues pariées dans eu continent présente, comme la race des hom- mes qui les parlent, un caractère distinct et original. Nous allons en considérer les rapports généraux, « Parmi le nombre prodigieux d'idiomes très-différents qu'on rencontre dans les deux Amériques, il y en a quelques-uns qui s'é- tendent sur de vastes pays. Dans l'Amérique méridionale, la Patagonie et le Chili ont, en quelque sorte, ure seule langue: les dialectes de l'idiome des Guaranis sont ré- pandus depuis le Brésil jusqu'au Kio-Ncgro, et môme par la langue omagua jusque dans le pays de Quito. Il y a de l'analogie entre les langues des Luie et des Vilela, et plus encore entre celle d'Aymar et de Sapiboconu, 3ui ont notamment presque les mêmes mots e nombres. La langue çuicAua, la princi- ftale du Pérou, partage également avec cel- es-là plusieurs mots de nombres, sans par- ler des analogies particulières qu'elle pré- sente avec d'autres langues du voisinage. L'idiome des Maypure est étroitement lié avec ceux de Guaypunavi et de Caveri; il tient aussi beaucoup de VAvanais , et il a donné naissance au maypure propre, ou m- rêne ou chirupa et à plusieurs autres qu ou parle autour du Bio-Negro,du Haul-Oré- noquo et du Maranon (205). Les Caraïbes, après avoir exterminé, dans le xvi* siè- cle, les Cabres, étendirent leur langue avec leur empire depuis l'équntcurjusquaux ties Vierges. Au moyen de la langue galibi, un missionnaire asssure qu'il pouvait com- muniquer avec tous les naturels de cette côte, les Cumaiigoles seuls exceptés {206}. Gily considère la langue caraïbe comme la (20i) Voy. l'observ.tiion à la flii An Tubleau iiiJlaiié. (ÎOS) Vateh. p. Ht. {iW) I>Ei.i,erRAr, dans le Uieiiomaire GaMif Préf., i>. vil, i 71 ri'; II?.: f^%- \\ ''■ ri «1 AMR DICTIONNAIIIE AME 27Î hé liMiguo mère île vingt mitres, ot parliculiè- renienl ilo celle *lo Tumanaea, dans laquelle il pouvait se faire comprendre presque par- tout sur Ik Ras-Oréno(]uo (207). La langu« taliva est la mère des idiomes ature, piaroa et qu.iqua, et le taparila descend do Voto- maca. « Dans l'Amérique septentrionale , la lan- gue des Aztèques s'étend depuis le lac de Nicaragua jusqu'au 37*, sur une longueur de 400 lieues (208). Elle est moins souore, mais aussi riche que celle des Incas. Le son //, qui, dans l'aztèque, n'est joint qu'aux noms, se retrouve dans l'idiome de Noutka, même comme finale des verbes. L'idiome de Cora a les princi()ales formes du verbe pa- reilles aux conjugaisons aztèques, et les mots oiïrenl quelques ra[iports (209). Après la langue mexicaine ou aztèque, celle des Otomiles est la langue la plus générale du Mexique. Mais à coté de ces deux princi- pales, il y en a, depuis l'isthme de Diirien, jusqu'au 23° de latitude, une vingtaine d'au- tres, dont quatorze ont déjà des grammaires et des dictionnaires assez complets. La plu- part de ces langues, loin d'fitre des dia- le«;tes d'une seule, sont au moin» aussi dif- férentes les unes des autres que l'est le grec de l'allemand, ou le français du polonais. Ce n'est (ju'cntre l'idiome huazlèquo et celui de Yucatan, qu'on découvre quelques liaisons. « Le Nouveau-Mexique, la Californie et la côte nord -ouest forment encore une ré' gion peu connue, et c'est là précisément que la tradition mexicaine |)lace l'origine de beaucoup de nations. Les langues de ce» ) légion seraient très-intéressantes à connaî- tre; mais à peine en . -t-on une idée obs- cure. ï. yaunegrandeconformité de langage entre les Osages, les Kamet, les Ottosou Ot- tous,\es Missourisei, \QsMaha$. F^ prononcia- tion gutturale des fiers Sioux est commune aux Punis. La langue des Appaches et des l*»nis s'étend depuis la Louisiane jusqu'à la mer de Californie (210). Les Eslenes et les Rumsen ou Runsiènes, dans la Californie, parient aussi un idiome très-répandu, mais différent des précédents. « Les Tancardst sur les bords de la ri- vière llouge, ont un certain gloussement, et la langue si pauvre qu'ils parlent moitié par signes (211). « Dans les provinces méridionales des Etats-Unis, jusqu'au Mississipi, il y a des rapports immédiats entre les idiomes des Chaklahs et des Chikkasahs , qui ont en outre quelque air de parenté avec celui de CAe«> rakes. Les Kreeks ou Maskohijes et les Ka- lahbasca ont cm|)runté des mots. Plus au nord, la puissante tribu des six nations parle une seule langue, qui forme entre autres les dialectes des Sentkas, des Afo- hawks, des Onondagus, des Ctiywias, des Tuscnroras, des Cochnetragos, des Wyandots et des Oneidus. Les nombreux Naduwessies ont leur idiome à part. Des dialci-tns de la langue chippmcaye sont communs aux Pe- nobscots , Mi Muhicanis ou Mohicans , aux Minsis , aux Narragausets , aux Natiks,attx Algonquins et aux Knistenaux. Les JUiamit, avec lesquels Charlevoix (312) classe les Illi- nois, en tiennent aussi des mots et des formes. Enfin, sur les contins des Knistenaux, dans le nord le plus rcru4é, sont les Esquimaux, dont l'idiome s'étend depuis le Groenland jusqu'à Ounalachka (213) ; le langage des îles Aléouliennes parait marne offrir des ressemblances intimes avec les dialectes es- quimaux, comme ceux-ci en offrent avec le samoyède et l'ostiac. Au milieu de cette zone de nations polaires, semblables par le langage comme par le teint et les formes, nous voyons les habitants des côtes améri- caines du détroit de Bering continuer avec les J'choiiktchi, «-n Asie, une famille isolée, distinguée par un idiome i)articulier, par une taille plus avantageuse, et probablement originaire du nouveau continent. « Ce grand nombre d'idiomes prouve que la pluftart des tribus américaines ont lor)g- temps vécu dans l'isolement s.iuvage où elles croupissent encore. La famille ou la tribu qui erre dans les forêts à la poursuite des animaux, et toujours armée contre d'autroj familles, d'autres tribus qu'elle redoute, so crée nécessairement des mots d'ordre, des parolesderalliement, enfin un argol de guerre qui sert à la garantir de surprimes et do trahisons. Ainsi, les Mtnomènts , tribu de la Haute-Louisiane, parlent un langage singu- lier qu'aucun blanc n'a jamais pu appren- dre; mais tous comprennent l'algonquin, et s'en servent dans les négociations (214). « Mais quelques langues américaines pré- sentent d'un autre côté une com|)Osition si artificielle, si ingénieuse, que la pensée en rapporte nécessairement l'iuvenlion à quel- que nation anciennement civilisée; je ne dis Itas civilisée à la manière des modernes, mais comme l'étaient les Grecs d'Homère ayant des idées morales développées, des sentiments exaltés, une imagination vivo et ornée, enOn assez de loisir et de tranquillité pour se livrer à des méditations, pour se créer des abstractions. « C'est principalement sur la formation du verbe que les inventeurs des langues américaines ont exercé leur génie. Presque dans tous les idiomes , la conjugaison do cette partie du discours tend à marquer, par des inflexions particulières, chaque rapport entre le sujet et l'action, ou entre le sujet et les êtres qui l'environnent; en général, les circonstances où il se trouve placé. C'c!>t ainsi que toutes les personnes des verbes (s. (;M8) litUBui.D'r, t^tsai potitique, i. Il, 443. (201)) ilenvAs, Saggio pialicudt lingue, art. iv, p. 71. (Hlu) Vvyuge de M, l'ike, Irud. fruuc., l. Il, I». yï, ils, 258, etc. (211) /fri(<., t. il. p. 159. (212) Histoire de son voyage, t. VI, p. 27 (215) CoiiK, Second voyage, I. IV. (214) PitK, t. I, p. 2lt>. ^T^'^: 273 AME DE LINGUISTIQUE. AME ?7i il sont siisccpliblcs do nrendro dos formes par- liculicres, à i'eiret de reiulro les accusalifs prDtioinin.'iui qui peuvciU s'y rattacher comme idée accessoire, non-seuiemnnl dans los langues de Quicliua cl do Chili qui dif- [(^rcnt lotalement l'une de l'autre, mais en- core dans le mexicain, le coracn, le totona- caen, le naliquain, lechippiwa^o— delawa- rien et le groenlandais. « Ce merveilleux accord dans un mode particulier de former les conjugaisons d'un bout de l'Amérique h l'autre favorise siii- gidièreinonl la supi>o$ilion d'un peuple pri- mitif, souche commune des nations améri- cAJnes indigènes. Mais lorsqu'on sait que des formes h peu près semblables cxisient dans la langue du Congo et dans la langue ba$(pio (-215j,qui, d'ailleurs, n'ont aucun rapport ni entre elles, ni avec lus idiomes américains, on est forcé de chercher l'origine de toutes ces analogies dans la nature genô* raie de l'esprit humain. « D'autres finesses grammaticales achè- vent l'étonncment que nous inspirent les langues américaines. « Dans les diverses formes des idiomes du Groenland, du Brésil, et des Beloï, la conjugaison est autre lorsiqu'on parle néga- tivement ; le signe de négation est intercalé dans le moscan et l'arawaque aussi bien que dans la langue turque. Dans toutes los lan- gues américaines , les pronoms ])ossessif$ sont formés do sons annexés aux substantifs, soit au commencement, soit à la tin, et qui diffèrent des pronoms personnels. Les idio- mes giiazain, brésilien, chiquitos, quichua, tagaiieu et mandchou, ont un pronom plu- riel de première personne, nous, excluant le tiers auquel on adresse la parole , el un autre qui comrirend ce tiers dans le dis- cours. L'idiome tamanacan ou tamanaquo se distingue des autres brinches de la lan- gue par une richesse extraordinaire en for- mes indicatives du temps. Dans le mâuie iiliome et dans ceux des Guaicures et des HuaiClùques , ainsi que dans le hongrois , les verbes neutres ont des inOexions parti- culières. Dans les idiomes arawaque et abi- pou. de mémo que dans les langues basque cl phénicienne, toutes les personnes des verbes , h l'exceiitioii de la troisième , sont marquées pur des préfixes pronominaux. I.'ifliome betoi se distingue par des termi- naisons de genre, exprimées 'par o«, qui manquent à toutes les autres langues d'A- uiérique. « Hi l'histoire des langues américaines ne nous conduit uu'à des conjectures vagues, les traditions, les monuments, les mœurs, les usages, nous fourniront-ils dos lumières plus positives? « Lorsque les Européens firent la con- uuôte du Nouveau -Monde, la civilisation ciait concentrée dans quelques parties de la (215) Vatkb. p. 210. (-H>i) A. DE llmuuLOT, Yuet et monumenti dcê Cordillères. ('217} A. riE lU'MPOLDr, Ainiclttcn, p. 79. grande cliuino de plateaux cl de montagnes. L'Anahuac renfermait le despotique Ktat de Mexico ou Tenochiillan , avec ses temples arrosés de sang humain, olTlascala, peuple de républicains non moins super:slitieux. Les Zaques, espèce de pontifes-rois, gouver- naient du sein de la cité de Condinamarca les montagnes de la Terre-Ferme, tandis que les lils du Soleil régnaient sur les vallées élevées de Quito et de Cuzco. Entre ces limi- tes, le voyageur rencontreencore aujourd'hui de nombreuses ruines de palais, de temples, de bains el d'hôtelleries publiques (216). Parmi ces monuments, les Tc'ocaf/t des Mexi- cains rappellent seuls une origine asiatique : ce sont des pyramides, environnées de py- ramides plus petites, comme le sont les tem- ples pyramidaux n|>pelés Cho-Madou et Cho- Dagou dans l'empire birp'an, ei Pkah-Ton dans le royaume de Siam. « D'autres monuments ne nous parlent qu'un langage absolument inintelligible. Les figures, probablement hiéroglyphiques, d'ani- maux et d'instruments, gravées sur les ro- chers de Siénite, voisins du Cassiquiare, les camps OH forts carrés découverts sur les bords de rohio, ne nous fournissent aucun indice. L'Euroro savante n'a jamais eu des nouvelles do l'inscription en caractères ta- tars qu'on disait avoir été trouvée dans le Canada cl envoyée au comte de Maure- pas (2n). « On cite encore des monuments d'une na* lure très-douteuse. Les peintures des 'foul- lèijues ou Tollèques , anciens conquérants du Mexique , indiquaient d'une manière claire, nous dit-on, le passage d'un grand bras de nit-r; assertion qui , après la dispa- rition des preuves, doit inspirer peu de coii- lianco (218). Les peintures mexicaines exis- tantes ont un caractère si obscur et si vut^iic qn'il serait bien téméraire de les considérer comme des monuments historiques. « Les mœurs cl les usages dépendent trop des (Qualités générales de l'esprit humain et des circonstances communes à plusieurs pou- pies, pour pouvoir servir de base à une hy- pothèse historique. Les peuples chasseurs, les peuples pécheurs ont nécessairement la même manière do vivre. Que les loungouses mangent la viande crue et seulement dessé- chée par la fumée ; qu'ils mettent do la va- nité h pointiller sur los joues de leurs en- fants dos lignes el des ligures en bleu ou en noir ; qu'ils reconnaissent la trace de leur gibier au moindre brin d'herbe courbée; eu sont là des traits communs h tous les hom- mes nés el élevés dans les mômes circons- tances. Il est sans doute un peu plus remar- quable de voir les femmes toungouses et américaines s'accorder dans l'usage de cou- cher leurs enfants tout nus dans un tas do l)ois pourri et réduit en poudre (219); ce- pendant les mêmes besoins el les mômes lo- (218) DoTTDRi:«i , Idea «1' una ttovin di Mensico, cilt^ par M. Vaior. (2»ll) GKORfiE, Peuples de la llimie, p. 521. — Lo>G., Voyiiiji'i dans le Lanada, p. bi [au ainjlais). ?»? Ht il *, 1% .' ai ,^\'i .l'Ur ■ «•> ^Z ' <•; m lié J75 AME DICT10NNAIi;E AME 270 lliii'! m Il m'.-n i'MUéi expliqueraient encore celle ressem- hlanC)-. H est aussi digne de remarque que Jes anciens Scythes aient eu, comme les Américains, l'usage de tcalper ou d'enlever à leurs ennemis la peau de la tête avec les cheveux (220), quoique sans doute la féro- cité ait iiartoul inspiré à l'homme des excès ftomblables. Un certain nombre d'analogies |)hi$ importantes rattache le système reli- gieux et astronomique des Mexicains et des Péruviens h ceux de l'Asie. Dans le calen- drier des Aztèques, comme dans celui dos Kalmouks et dts Tatars , les mois sont dé- sij^nés sous des noms d'animaux (221). Les quatre grandes fêtes des Péruviens coïn- cident avec celles des Chinois; les Incas, à l'instar des empereurs do la Chine, labou- raient de leur propre main une certaine étendue de terrain. Les hiéroglyphes et les cordelettes en usage chez les anciens Chi- nois rappellent d'une manière frappante l'é- criture figurée des Mexicains et les ^uipoi du Pérou. Enfin tout le système politique des Incas péruviens et des Zaques de Con- dinamarca était fondé sur la réunion du pou- voir civil et ecciésiasti(|ue dans la personne d'un dieu incarné (222). « Sans attacher à ces analogies une im- P'irtance décisive, on peut dire que l'Amé- rique, dans ses mœurs comme dans ses lin- gues, montre rcmnreiiito d'anciennes com- munications avec I Asie. Mais ces communi- cations ont dû être antérieures au dévelop- pement des croyances et des mythologies actuellement régnantes parmi les peuples asiatiques. Sans cela , les noms de quelques divinités auraient été transportés d un con- tinent dans l'autre. • Un savant Américain a prouvé que tou- tes les nations éparses depuis la baie d'Hud- son jusqu'au golfe du Mexique, bien qu'in- connues les unes aux autres , et .'larlant un idiome différent, n'avaient jadisqu'une seule et même religion. Elles adoraient un Etre suprême, créateur do toutes choses, qui ai- me è se communiquer à certaines Ames choi- sies; elles ne se permettaient pas de le repré- senter sous aucune forme. Elles reconnais- saient aussi des génies tutélaires dont elles faisaient des images. Elles croyaient à l'im- mortalité de l'Ame et h des peintes et des ré- compenses dans une autre vie (223). « Aucune tradition américaine ne remonte à l'époque intiniolent reculée de ces com- munications. Les peuples de l'Amérique mé- ridionale n'ont presque pas de souvenirs historiques. Les traditions des nations sep- tentrionales se bornent à assigner la région où jaillissent les sources du Missouri , du Colorado et du Rio-del-Norte, comme la pa- trie d'un trèS'grand nombre de tribus. (I En général , depuis le vu* jusqu'au xiii* siècle , la population parait avoir con- tinuellement rellué vers le sud et vers l'esit. C'est des régions situées au nord du Itio- Gila que sortirent ces nations guerrières qui, les unes après les autres, inondèrent le pays d'Anahuac. Les tableaux hiéroglyphi- ques dos Aztèques nous ont transmis la mémoire des époques principales qu'olfrc la grande migration des peuples américains. Cette migration a quelque analogie aver celle qui, au V siècle, plongea T'Europe dans un état de barbarie dont nous ressen- tons encore les suites funestes dans plu- sieurs de nos institutions sociales. Les peu- ples qui traversèrent le Mexique laissèrent, au contraire, des traces de culture et de ci- vilisation. Les Toultèaues y parurent pour la première fois l'an 6«8, les Chichimèquns en 1170, les Nahualtèques l'an 1178, les Acoihues et les Aztèques en 1196. Les Toul tèques introduisirent la culture du maïs et du coton; ils construisirent des villiss, des chemins, et surtout ces grandes pyramides que l'on admire encore aujourd'hui, et dont les faces sont Irès-eTactement orientées. Ils connaissaient l'usage des peintures hiérogly- phiques ; ils savaient fondre des métaux et tailler les pierres les plus dures, ils avaient une année solaire plus parfaite que celle des Grecs et des Romains. La force de leur gou- vernement indiquait qu'ils descendaient d'un peuple qui , lui - même , avait déjà éprouvé de grandes vicissitudes humaines dans son état social (221^). Mais quelle est la source de celle culture? Quel est. le pays d'oCt sortirent les Toultèques et les Mexi- cains ? « Les traditions et les hiéroglyphes his> toriques donnent à la première demeure de ces peuples voyageurs les noms de Iluthuel- lapallan, Tollan et Aztlan. Rien n'annuiiie aujourd'hui une ancienne civilisation de l'espèce humaine au nord de Riu-Uila, ou dans les régions septentrionales parcourues par Hearne, Fiedier et Mackenzie ; mais sur la côte nord-ouest, entre Moiitka et la ri- vière de Cook, dans la haie Norfolk et dans le canal de Cox , les indigènes montrent un goûi décidé pour les peintures hiérogly- phiques (225). Quand on se rappelle les mo- numents qu'un peuple .inconnu a laissés dans la Sibérie méridionale, quand on rap- proche les époques de l'appurition des Toul- lèques, et celle des grandes révolutions do l'Asie, lors des premiers mouvements des Hiongnoux, ou Turcs, on est tenté de voir dans les premiers conquérants du Mexique (220) IlÉROD., I. IV, sect. G4. (221) A. DE HuMBOLDT, Vues et monumenls. (222) Fischer, Conjecturei sur roriginede» Amé- rkaim. — Pall\s, Nouveaux mémoirei sur le i\ord, t. III. p. 289-322.— Sciii^.RER, llecherches historiques et giograpliiques sur te Nouveau-Monde, Paris, 1777. <>i écrii .iiidcit a été copié luxtiielliMiient dans une '^:' f. •»»*»,! 173 AUE DICTIONNAIRE AME 280 mm « De Guignes (236) cl William Jones (237) c )nduiticnt sans ucaucniip do neino, l'un ses Hins et Tibétains, l'autre ses Hindous, dans le Nouvenu-Mondo. Formel, dont nous n'a- vons pu consulter l'écrit, a le premier insisté sur les Japonais, qui, en ofTet, peuvent récla* mer un grand nombre de mots américains. forsler a attaché beaucoup d'importance 5 la dispersion d'une flotte chinoise, événement trop récent pour pouvoir avoir produit une grande innuenec sur la population améri- t;ainu (238). « Depuis plus d'un demi-siècle, le pnssage des Asiatiques par le détroit do Uéring a été élevé au rang d'une probabilité histori(|ue |)arlcs recherches de Fischer, de Smith Bar* ton, do Vater et d'Alexandre do Humboldt. Mais ces savants n'ont jamais soutenu quo tous les Américains fussent les descendants des colonies asiatiques. « Une opinion mixte, qui réunit les pré- tentions des Eurojiéens, des Asiatiques, des Africains et même des Océaniens, a obteni; quelques suffrages de poids. Arosta (239) et Clavigero (2M) on paraissent les partisans. Ce dernier insiste avec raison sur la haute antiquité des nations américuines. L'infati- fable philologue Hervas {iM) admit aussi hypothèse d une origine mixte. E le a été savamment développée par Georges de Horn (2^2). Cet écrivain ingénieux exclut do I4 po|Hilation de l'Amérique les Nègres, dont on n'a trouvé aucune tribu indigène dans le Nouveau-Monde, les Celles, les Germains et les Scandinaves, parce qu'on n'a vu parmi les Américains ni des cheveux blonds ni des veux bleus ; les Grecs cl les Uoniains, et leurs sujets, à cause de leur timidité comme navigateurs; les Hindous, parce que les niytliologies américaines n'olfrenl aucune trace du dogme de la transmigration des âmes. Il cherche ensuite l'origine primitive des Américains chez les Huns et les Tatars- Ktithaycns ; leur migration lui parait très- ancienne. Quelques Carthaginois et Phéni- ciens auraient été jelés sur le rivage occi- dental du nouveau continent. Plus lard, les Chinois s'y seraient transfiurtés; Facl'our, roi de la Chine méridionale, s'y serait enfui pour éviter le joug de Koublaï-Khan ; il aurait été suivi de plusieurs centaines de milliers de S(!S sujets. Manco-Capac serait aussi un chinois. Ce système, hasardé lorsqu'il parut, s'acorde avec plusieurs faits postérieurement observés et quo nous avons recueillis; quel- que écrivain nardi cl peu scrupuleux n'aurait qu'à s'emparer de ces faits, les combiner avec les hypoinèses de Ilorn, et nous donner ainsi riiisloire certaine et véridique des Améri- cains. « Dans l'état actuel des connaissances, le (236) Mémoiret de l'Académie des inscripiiont, I. XVIII, p. 505. (1257) Asiaticul Retcarclien, I. I, p. 426. (iôS) llittoire det découvertes fulies «ti Kord, (jôil) AcosTA, llistoritt ituturul y morul de tas Iniiias, I. I. c. 20. (2i0j Clavicfro, Sloriii di Mesiico, IV, diss. I. sage s'arrêtera aux probabilités quo nous avons indiquées, sans tenter vainementUelus combiner en forme du système. » Telle est, sur l'origine dos peuples améri- cains et sur leurs langues, roidnion du célè- bre géographe et du savant philologue Malte- Brun (2U). Les nations américaines, considérées dans leur ensemble, ne présentent pas, h beaucoup Eres, ouiant d'uniformité, autant de r^sseui- lance, au morul et au physique, qu'on le croit communément, cl la ligne de démarca- tion entre elles et les autres branches do l'espèce humaine n'est pas si fortement accu- sée ni si distincte qu'on l'a bien voulu dire. Toutefois, il faut convenir qu'il y a certains caractères qui sont communs èi toutes ces nations ou è presque toutes; qu'il existe tioiir elles, sinoH des preuves, du moins de ortes indications d'une origine commune, ou d'une très-ancienne parenté; enfin, que, lorsque nous considérons l'ensemble des peuples du Nouveau-Monde, l(| nature hu- maine se montre h nous sous un aspect par- ticulier. En comparant entre elles les notions américaines, nous trouvons, je le rét)ète, des motifs pour croire qu'elles ont dû former, de- puis lus premiers (2*i) Cnlalogo délie lingue, del ablmtc Hcrv.is. '' [iiô) Lis savanls ouvrages de MM. Pickerliig cl G:illatiii nul a|i|ioriû de gianils !er4)iirs à l'clliitO' grapliiu américaine. — Yoij, la note II à la tin de ce Dictionnaire ; elle renferme l'extrait d'un rapport très-iiitci'i'ssaiil sur lus laiij^iies aiiiui'icainos. (iW) Archaiolvijia Ainericaiia, vul. 11. «Si AMK nir.TIONNAIRR aMK iu lil Pli Jipi; m d'ano ospùco vnguc et iiidéflnio, ninis coiii- pluxo au iilus linut tlogré et nlVuctniit les par- ties les |iliis iiéucssairus et les plus éléuioii- taircs do In grammaire; cor elle consiste spécidlomcnl tMi tics méthoilos particulières do modincr, en forme «le conjugnison, le sens cl les rapports des verbes parT'inscrtion des syllabes, et cctto forme a fiigagé M. do Hum- boldt à donner aux langues américaines un nom de famille indiquant qu'elles forment leurs conjugaisons parce qu'il appelait l'ag- glutination. Cette analogie n'est pas partielle, mais elle s'étend sur les deux grandes divi- sions du Nouveau-Monde et donne un air do famille aux langues parlées sous la zone torride et au pôle arcti(|ue, nar les tribus les plus sauvages et les peuides les plus civilisés. Cette merveitleu$e uniformité, dit un écrivain cité plus liaut, dani la manifre particulière de former lc$ eonjuijnisons dei verbes, depuis une extrémité de l'Amérique jitnqu à l'uulre, favorise «inf/ti/iVrcmrnt l'hypothèse d'un peu- ple primitif qui aurait formé la souche coin- tnune des nations indigènes de l'Amérique (2V7). Suivant la rcmamue d'un autre, la conclusion la plus naturollo que l'on ituisse tirer en voyant une aflinité si extraordinaire entre des langues séparées par tant de cen- taines do lieues, c'est que toutes ont rayonné d'un centre commun de civilisation (248). Secondement, plus on donne d'attention è l'élude des langues américaines, plus on les trouve soumi<'!'?aux lois des autres familles; ainsi, par exemple, cette grande famille tend chaque jour à se subdiviser en larges |i;rou- pcs d'idiomes, a^^ant entre eux des aflinités |)lus étroites qu'avec la grande division, dont, à leur tour, ils forment une partie. Les missionnaires avaient do bonne heure observé quo certaines longues pouvaient être considérées comme la clef dos autres dia- lectes, en sorte que celui qui les possédait apprenait très-fai.'ilcment les autres. Cotte remarque a été quelque part faite par Hcrvas, et les recherches subséquentes l'ont pleine- ment contirinéc. Aussi Kulbi,dans3on tableau des Janj^ues amériu.iines, a-t-il pu les diviser en certaines grandes provinces, ayant cha- cune de nombreuses dépendances. Voilà donc l'objection contre l'unité des nations américaines, (|ue l'on tirait de la multitude do leurs langues, résolue d'une manière satisfaisante par l'étude môme qui l'avait fournie; et en même temps disparaît la diflicullé de rattacher ces peuples à la souche commune des habitants de l'ancien monde. Mais la collection et la com|iaraison des faits liés aux recherches linguistiques ont conduit à un autre résultat non moins satisfaisant ; car vous remarquerez qu'il nous reste encore à expliquer la dissemblance des dialectes parlés |iar des nations ou des tribus limitrophes et composées d'un petit nombre d'individus. Or il a été observé que ce phé- Ul) Mai.te-Brun, loco cit. '248) Vatkr, |). 32!». [ti'J) lieclieiclict iisiali(iHe$, vol. X, p. 1G2. |2S0) llitl. des Indiens de l'Archipel, II, p. 79. nomènc n'est nullement particulier h l'Amé- rique, mais commun h tous les pays non ci« vilisés. Si nous n'avions d'autre critérium de l'unité d'origine que le langage, nous pour- rions peut-être éprouver quelque embarras sur eu point. Mais une autre science, la cra- nologie, confirme puissamment les conclu- sions quo je tire, et neut établir des carac- tères h l'aide desquels les connexions du tribus formant une race unique sont aisément déterminées. Nous observerons quo dans des cas où l'on no peut douter de l'unité origi- naire de certaines hordes sauvages, il s'est formé cependant parmi elles une variété de dialectes infinie; qu'on n'y peut découvrir quo peu ou point u'aflinité; et de Ift nous ti- rons cette règle, que l'étal sauvage en isolant les familles et les tribus et en armant le bras do chacun contre ses voisins, a une influi-nco cssoniieilement contraire à toutes les ten- dances de la civilisation, qui rapprochent et unissent. Cet état introduit nécessairement une diversité jalouse, des idiomes inintelli- gibles, des jargons qui assurent l'indépen- dance des différentes hordes. Nulle part cette puissance do désunion n'a été plus attentivement observée que dans lus tribus de la Polynésie. Les Papous ou nègres orieutaux, dit le docteur Leyden, semblent tous divisés en pe- tits Etats, ou plutôt en petites sociétés, qui n'ont que trêS'peu de rapports ensemble. De là leur langage est brisé en une multitude de dialectes qui, à la longue, par séparation, par accident ou par corruption orale, ont presque perdu toute ressemblance (249). Les langues, dit M. Crawford, suivent la même marche; dans l'étal sauvage elles sont tris-nombreuses; dans la société perfectionnée elle le sont pi-u. L'état des langues sur le continent amérienin fournit une preuve convaincante de ce fuit, et il ne se manifeste pas avec moins d'indépen- dance dans lesMes de l'océan Indien. Les races nègres qui habitent les montaqnes de la pénin- sule malaise, dans l'état de la dégradation la plus profonde, quoiqu'elles soient tris-peu nombreuses, sont divisées en une tris-grande quantité de tribus distinctes, partant autant de langues différentes. Parmi la population éparse et grossière de l'Ile de Timor, on croit qu'il n'y a pas moins de quarante langues .parlées. Dans les lies de Ende et de Flore, on trouve aunsi une multitude d'idiomes, et parmi la population cannibale de Bornéo, il est pro- bable qu'on en parle plusieurs centaines (250). Les mêmes faits s'observent chez les tribus de l'Australie, qui appartiennent b la même race ; quand on exauune les listes des mots particuliers à chaque tribu, que le capitaine king nous a données (251), la plus grande di>- semblance existe entre eux. Quelques-uns, cependant, comme les équivalents du mot œil, se retrouvent dans tous ces dialectes, et il arrive aussi, comme dans les mots qui si- (Î5I) Narrative of a survey of llie inlerlropicnl aud western coasts of AuUralia, Lundoii, I8i6, vul. Il, Appcnd. 183 AME DK LiNumsTiuut:. AMI 38« Ï;iiiflcnt ehtvelure, <\\ni tics tribus on contact iiiinéili'il iliirèrvnt essonlicllonicnt, tondis qu'on les trouve en accord avec celles d'iles fuit éloignées. Or, si ces causes agissent Ainsi ailleurs, elles doivent-dtre bien plus puissantes en Amérique; car là, comme l'a très-bien observé de Humboldt, la configura- tion du iol, la vigueur de la végétation, la crainte qu'ont le$ montagnardt loui la tro- pique», de $'expoier à la chaleur brûlante des plaines, sont des obstacles de communivation et contribuent à l'étonnante variétéde dialectes américains. Cette variété, comme on l'a ob- servé, est plus restreinte dans les savanes et les forêts du Nord, qui sont aisément traver- sées par le chasseur, sur les bords des grandes rivières, le long des cites de l'Océan et dans les contrées où les Incas avaient établi leur théocratie par la force des armes (252). Ainsi donc, je pense mie. dans cette brandie de ses recherubes, i'ethnograpliie a i'nit son devoir, en réduisant d'abord le nom- bre immense des diolectos américains à une si'ulo famille, et en expliquant par l'analogie leur extraordinaire multiplicité. Outre les ressemblances dans le caractère général de leurs langues, les nations améri- caines offrent dans leur étal social et leur con- dition morale divers traits communs qui in- diquent entre elles une sorte de parenté , et qui servent à les distinguer des races do 1 ancien monde. Ces deux ordres de faits extrêmement re- marquables ont étédiversemont interprétés; mais, quelle que soit l'hypothèse qu'on adopte relativement à leur nature et à leur cause, l'impression qu'ils produisent est toujours la mémo : c'est do nous donner une haute idée de l'antiquité de la race améri- caine, de reculer très- loin dans les temps l'époque à laquelle elle s'est séparée du reste de l'espèce humaine. Un savant et ingénieux écrivain, qui a fait une étude attentive du caractère des Américains aborigènes, et qui a su profiter habilement des facilités toutes particulières qu'il avait pour acquérir sur ce sujet d'amples renseignements, a été icncnc tl penser que l'étal de barbarie dans lequel nous voyons les nations du Nouveau- Monde n'est pas leur état primitif; que ces nations ne doivent point être considérées comme conservant jusqu'à ce jour la sim- plicité originelle d'une nature inculte ; mais, au contraire, comme nous oifranl lus restes d'une race qui a été anciennement assez haut placée dans l'échelle de la civilisation, et qui, aujourd'hui au dernier degré do la dé- crépitude, est pour ainsi diro sur lo point do s'éteindre. Le docteur Martius a observé, parmi plu- sieurs tribus américaines, des traces d an- ciennes institutions, qui semblent n'avoir pu naitre qu'au milieu d'une civilisation assez avancée, qui indiquent un ('tat social fort éloigné de la simplicité primitive : ainsi il trouve dos formes Irès-comploxcs de gou- vernement, des monarchies, qui ne sont p(is de purs dcspolismes, des orilrcs privilégiés, des cérémonies d'investiture pour certaines dignités, une ordination saccrdola'e, un corps de luis bien lié dans toutes ses par- ties, régissant le mariage, les héritogcs, les relations de parenté ; bien d'autres coutumes cntiii, qui ne controstent pas moins que celles-ci avec les habitudes simples et irré- fléchies des nations restées toujours étnin- gères h la civilisation (253). La langue de ces nations, ainsi que le re- marque le savant vuyogeur, obonde en ex- f tressions qui indiquent une certaine fami- iarilé avec les conditions métaphysiques , les conceptions abstraites. Leurs croyances relativement h un état futur, à la nature et aux attributs des agents invisibles, diffèrent d'une manière frappante de celles des na- tions qui ne sont jamais sorties do la bar- barie primitive. Un autre fait qui, ainsi que le remarque M. Martius, tend à nous con- firmer dans l'opinion que les naturels du Nouveau-Monde sont déchus d'un état de civilisation plus avancée, c'est l'usage qu'ils ont, de temps immémorial, de certains ani- maux domestiques, de certaines plantes cul- tivées, et l'idée qu'il se font des moyens par lesquels ils sont venus originairement en possession de ces biens. L'économie ru- rale de l'ancien continent a ses espèces animales et végétales qui lui sont particu- lières; celle du Nouveau-Monde a égale- ment les siennes qui diffèrent complètement dos premières. Nous ne savons, dans notre vieux monde, quels sont les types primitifs de nos chevaux, de nos chiens, de nos bêtes h corne et des diverses espèces de céréales que nous cultivons ; les nations américaines sont également hors d'état de nous ap|)ren- dre quelle est la souche sauvage du chien muet dos Mexicains , du lama, de la racine de manioc, du maïs et du quinoa. Nous voyons figurer, dans les traditions de l'ancien inonde, certains êtres mytholo- giques bienfaiteurs de l'humanité, Cérès, Triplolème , Baccbus, Pallas et Poscidon, à qui l'on doit lu blé, le vin, l'olivier sacré et le cheval, et nouà en inférons que toutes ces choses ont été connues |)armi nous dès l'an- tiquité la plus reculée. De même, chez les Américains, la tradition attribue la connais- sance des plantes cultivées, des animaux domestiques et l'art du labourage à quelque personna^^o fabuleux qui descendait des dieux, ou qui était apparu soudainement au milieu de leurs ancêtres: tels sont le Maiico- Capac des Péruviens, le Xololl et le Xiuh- tlato des Toltèqucs et dos Ciiichimecas. Maintenhiit , quand nous voyons les pre- mières conquêtes faites sur la nature, les orts, qui sont le résultat le plus simple d'un commencement de civilisation, et qui ap- partiennent nécessairement à la première f:v\ ^f;' ■*!? 'i ;, (2r>2) Vues desCordiUirei, vOi. I", p. 17. (tôS) Maktius. Vcber die Vergangcnlieil und die Zukunft der Ainericaniuhen MenschlieiLi 187 A.UK DICTIO.NNAinK AME tu «i enfanro «los sociâlôA, altribuds k cerlaiim |iersoiiiiflgos dont l'histoire ost coiiftervéo ilfliis Ivs {(^geriiius mytliiques, cl ipio nous trouvons ces légemies diirérenles pour cha- cune liosgrandes divisions du gonro humain, nous sommes néuussairomont portéH l\ faire rentonler juMiu'aui premiers âges du mon- de l'époijuedt' leur séparation. Rntin, uomme prouves matérielles à l'ap- pui de riiypothèso du docteur Marlius, on peut fliter les restes anciens do scul(iture et d'architecture répandus dans le Mexique, le Vucatan et le Chiassa dans la haule idaino de Quito et dans d'autres parties do I Amé- rique méridionale, ainsi ipie les |(rands ouvrages d'art , tels que los fortllii'alions et vestiges de templos ou de palais, iléuouvcris tant dans Tcnossi que dan» l'intérieur du Nouvnau-Mexique, non loin do la rivière do Uila. Si nous interrogeons los traditions dos Américains eux-mêmes, nous trouvons que ces traditions nous lus repréi^entenl comme un peuple émignint et desceiidanl du nord- ouest vers le sud. Les 'l'ultèquos, puis les 8ept-Tribus, comme on los a|ipolle, les Ohe- choiiecks et les Aztè(|ues, sont tous repré- sentés dans l'histoire mcxinaiiio comme des nations successives, arrivant dans l'Analiuac ou Mexique. Dans los peintures hiérogly- plii(|ues représentant les migratio'is de co dernier peuple, on lo voit, selon Borturini, traversant la mer, prohahlomenl lu goifo do Californie, circonstance qui ne peut laisser de doute sur la routo qu'il suivait. Ces tra- ditions racontent , un outre, l'arrivée d'une colonie plus récente, qui avança grandement la civilisation do ces contrées. Monco-Capac est le plus célèbre do ces colons, comme étant le fondateur do la dynastie c-t de la re- ligion des Incas. Un écrivain d'imagination a basé sur celte circonstance cl construit une histoire complète d'uno conquête du Pérou et du Mexique par les Mongols ^25^). Il suppose que Manco-Capac était le tils (Je Kulilaï, empereur mongol, potit-iils de (ien- gis-Khan, qui fut envo;yé par s.in frère avec une Hotte considérHblo''contre le Japon. Une tempête dispersa la tlottu, au point qu'elle ne put regagner son (lays, et cet auteur imagine qu'elle fut jetée sur 1ns côtes de l'Amérique, oi'i son commandant s'établit comme chef. Quelque ingénieuse et même [irobable quo puisse être cette conjecture, es preuves que l'on fournit fiour rétablir ne sont nullement satisfaisantes. Beaucoup d'analogies peuvent sans doute exister entre les Péruviens et les Mongols, mais on peut facilement les faire venir d'autres sources, 'foutefois, les données chronologiques , la nature de la religion qu'ils établirent et les monuments qu'iTs érigèrent ne permettent pas de douter que le'lhibetou la Tartarie ne fussent la partie originaire du l'émigra- (9!U)Reeherehei hiiloriquei de Kanking tur la con- quMiedu Pérou eidu Mexique, etc., dan» le xiivtiècle, parla Mongolttaetompagnét d'^/^AaRu évidemment suggérer Tu- dnplion sur les deux continents. Cette étrango coïncidence est encore complétéu |iar lu fait curieux que plusieurs des signes mexicains, manquant dans le zodiaque liir- lare, se retrouvent dans lvsSAa«(ra«Aimloii>, duns les positions exactement correspou- danles. Et ces si|j;nes ne sont pas moins .ir- bitraires que les premiers : c'est une iiini- son, une canno h sucre, un couteau et trois empreintes de pied. Mais jHiur traiter cmi- vcnablement ce sujet, il faudrait entrerdniis des détails beaucoup plus wiinutieux {ilii\). Enfin, si tout le reste nous manquait, les traditions si claires conservées en traits >i nrécis et vivantes parmi les Américains sur t'hisloire primitive do l'iiommc, sur le dé- luge et la dispersion, sont si exacteiiieiil conformes à celles de l'ancien monde, qu'elles rendent impossible toute hésitation sur leur origine. Los Aztèques, les Miltù- ques, les Flascallèques et d'autres nations avaient des neiulures innombrables de ces derniers événements. Tezfu ou Coxcoi , comme on appelle le Noé américain, est peint dans une arche flottante sur les eaux, et avec lui sa femme, ses enfants, i lusieurs ani- maux «!t différentes espèces de grains. Quand les eaux se retirèrent, Tezpi envoya un vau- tour qui, trouvant à se nourrir sur les corps des animaux noyés, ne revint pas. L'expé- rience n'ayant pas mieux réussi avec plu- sieurs autres oiseaux, ruiseau-mouche re- vint à la fln, portant une branche verte dans son bec. Dans les menées iieintures hiéro- glyphiques, la disper&i in de l'humanité est ainsi représentée. Les premiers hommes après le déluge étaient muets; et on voit une colombe perchée sur un arbre leur don- ner des langues à tous; la conséquence do (3.^>u) ¥oy. les plancliGS rompuralivci, etc., da:» le vol. Il de» Vimi dei CordUlèrti. lit) AMe DK LIMGUISTIQIJR. AME i; cela fut <|(io les famillo!! au noinl)ro do quinze (0iliiporsèrcri(on(liiréronte9(lireclion!i(25ti). Code noïncidcnno, nui me rappollo que je iiio {«uh tiuroro laiMo flllor h une digrossioii, siillirnilh elle seule pour établir une rhatno i^lrnite st encore \h une terre mystérieuse, enveloppée de nuages, (>t il faudra encore bien des élu- des pour éclaircirdfls anomalies, réconcilier des contradictions cl idacor nos connais- sances sur une base plus solide. Nous no pouvons mémo surmonter les diflicultés lio co genre qui se rapprochent le plus do nuire temps; nous ne pouvons, pnr exemple, ex- pliquer comment, ainsi cpio Murolori l'a prouvé, le bois du llrésil était au nombre des marchandisos payant entrée au port *lo Moilène en 1300 ; ou comuicnt la carte d'An- dréa Bianco, conservée dans la bibliolhèque du Saint-Marc, h Venise, et faito en 1^»3G, a pu placer une lie dans l'Atlantique avec le nom même de Brasile. Combien plus de dif- ficultés ne devons-nous pas rencontrer , quand nous essayons de dénouer les noeuds conqtliqiiés de l'iiistoire primitive, ou de re- construire les annales des anciens temps avec quelques débris de monuments I TABLEAU DE LEIVCIIAtKKMENT GKOGnAPHIQHB DES LANOUKS AlitRICAINBS ET A8IATIQUKS. ObtervalioH. — Tous les mots américains sont pris dans les ouvrages de M. Smilh- Barton et M. Vater (ilfi7/9! Voij. le spécimen de sculpture nicxioait c, pi. I, tif. 1" cl suiv m AME niCTIUNNAIRE AMC m lais, elc, du Milhridatei. Les mots haut et Las javanais , des Mémoires de Batavia. Les mots iioi^-iiésiens , de Cook , d'Enlrccns- teaux, etc. Les mots ouigours, afghans, ceux des tribus caucasiennes, andi, aware ou chunsag, kaboutsciie , kasikoumuks , etc., des Mémoires de M. de Klaproth. Les mots wogouies, ostiaks, |)erniiens, flnnois,de Vater, do Smith-Uarlon, du Mithridales. Les mots lithuaniens, couriandais, prucziens (uu vieux prussiens) , d'un vocabulaire ma- nuscrit. Soleil, en Nouveilo-Anglt'terre kone t — en ijikoute, kouini: — en ouigour, kien: — en tatar, kotin; en ownro ou chunsag, kko. — lin talarencore, kotiyach: — en kauitciiadale, kouaatch; en maj'pouri, uouie. — En vagoulc, konzai, étoiles ; en ostiaK, kos. 2. Idem, en chiquito, souout; — en mosca, soua: — en iakoute, solous , étoile; — en mandchou, choun, soleil; — en ostiak, siou- na; en Ichuuktche. synn, étoiles; en andi, souvou; — en vovoule, toten, étoile. — En sanskrit, sourya:'en zend, shour (260). 3. Idem, en quichua, inli; en luIé, inni; — en aléoute , tnkak ( lo firmament ) ; — Ea toungousc d'ocholsk , l'ninj; (le jour). — En bas javanais, ginni, le feu; en batta, Iniang, Dieu. i. Idem, en chippaway, Aeii* ;en mohicane; keeschog: — en tchérémissc, kfttche (S. U.). 5. Idem, Ait et héé, soleil, en kinaï ( Amé- rique russe ) , se rattache à ni, jour, lumière, en birman; — nie, œil, en liéoukieou; — ne, œil, en chilien; — néaga, œil ou }'eux, en abipon. Lune, en aztèque , mexffi. (261); — en iî- ghan, maistcha : en russe, msiaittch; — en aware, moz; — en sanskrit, masi. 2. Iden>, en chili couyila; — en allikcsek, tzouta, 2. Idem, en delawaro, harki; en narrngaii. sel, auke; — en persan, ckaki; —en bou- kharie, chak (S. B.) ; en aléoute, tchekak ; — en kamatchinzi, karagasse, etc., dscha. 3. Idem, en péruvien, lacta; — en yuon- tan, lououn (S. B. et V.); — en mexicnin, tlaii; — t'ti koliourhe, tlutka; — en iouka- ghir, lemé ei lifu {h l'ablatif, letciang) ; —eu finnois d'Olonelz, leiwou; — en inguuche et tchetchingue (pays caucasiens), laite: — cii birman, (ai, campagne. Feu, en brasilien, tata; — en muscogulguo, loutkah: — en ostiak, tout; — en vogoulu tat (S. B.); —en quelques dialectes cauca- siens, tzah; — en mandchou, toua; — vu finnois, touli. Eao, en Jelaware, mbi et bek: — en sa- moyède, bi et bé; — en kourile. pi (S. B. ) ; — en loungouse, bialga, les vagues; — en mandchou, 6ira, rivière; — en albanais, oui et vie. 2. Idem, en mexicain, ail; — en vagoulo, atil, le fleuve (mais cela tient è une analogie générale, aqua, ach, aa, etc.). 3. Idem, en vilela, ma; — en norton-sund, mooe; — en tchouktche, mok; — en toun- gousc, mou; — en mandchou, mouke; — eu japonais my«;— en liéoukieou, minzou (26:i). k. Idem, en tamanaque, nono; — en />'i- mouque, noumi; — en ichoukchett groen- landais, nouna, nouni; — en koriaque, nou- talout. Pluie, en brasilien, ameu; —en japonais, ami (S. B.); — idem, en algonquin, kemevan; — en le.sgien, kema (Job.). Vent, en vilela, uo ; —en omagua, ehuélu; — en ostiak, vol et uut (V.) — On peut le rapprocher de wad, vent, en fohiwi ; de trui- hou, sanskrit; wiatr, slavon; veta, islandais; vavolhr el hvithuth, dans deux dialectes per- dus de la Skandinavie (26i). Air, en dclaware, awonou ; — en miamis, awauntcecA ; — en kirghiz et arabe, airaiS. I>.); en sanskrit, avi.— En iotique, dialecte skandinavc, api (265). Année, en péruvien, huata; — dans un dialecte tchouKtche, hiout ; — en albanais, viet; — en ostiak, hoet (8. B.); — en liéou- kieou, iraJii, luois.— En hinduustani, wukht, le temps (266). (26^) M. Vater retrouve les mots nméiicaiiis dans le moui tics Coptes cl dans le ma niaurilanini. I.a ressemblance eiit parl'aile; mais il faudrait s- vflir ce que M. Vater entend par mauriiaiiieii; quant au copte , il a reçu beaucoup de mots asi^i ■ tiques. (%(!4) Edda tœmundtna , l. I, p. 96 1 ulvitmiit, strophe 20. {itàti) Ibid. p. 2G5. Les loles étaieiu antéiieurs aux Collis ; celaient les géants, les Enakiin, ks Palaifons du Nord. \;iW) La racine de tous ces mots parait arabe. 195 AME DE LINGUISTIQUE. AME 21U Montagne, en araucan, pire (nom particu- lier des Antles) Enioukaghir, pea: — en osliak, p«//e;— en ande, dialecte caucasien, P'I- Champs, en haïtien, conouco ;— c* iakoute, chonou{y.). — En japonais, ko .tu, district. Kii cliinois, koue , royaume, rfi'^M. Hadteur, en auadien, pamdi.i. t; — en iDoniwin, pando ; — en morkchau, panda (S. B. ]; — en ioukaghir, podannie, haut, élevé. UivAGE, en ottomaque, cahli;—en iakoute, kitto; —on lapon, kaddt; — en aïno, kada- fchmakodan, rivçgt; en ponto. .Mkr, en Si-aucan, languen; — en toun- goiiso, /um; — en nialai, laout Dans l'ctida-stemundina, ta et lœgi (267). Lac, en hongrois, to et ferto ; — on aïno, to, un grand lac; — en Ichouktche, touol- toiiya, golfe de la mer; — en mexicain, aloijalt ; —en Iule, tooton. Flei!Ve, en groenlandais , kook: — en bmtohudale, kiigh; — en sanioyèdc, h^he (V.); — en chinois méridional, kiamj ; — i IcJKMiktche, kiouk: — en kinailzi, kylna (oliatiieun peu embrouillée). 2. Idem, en natchez et algon(]uin, mi$tii ou messe {Missi-Sipi, Miit-Ouri, JUiss-Nipi, etc., etc.); en jai)onais, my$, eau; — en licoukieou, minxou. Ahurk, en niossa, ioukhoukhi : -^ en os- tiak, iotikh (V.); —en ioukaghir, kiokh, |)lfliUe. FoiiÊT, en nadowosse, ochaw: — en za- mucn, oyat; — en talar, agax (V,); — en kadjak, koboqak, un arbre; — on afghan, oha (voyez Herbe). 'î. Idem, en ottomaque, tahe;— en dela- varc, tachun ou lauhon (V.); en iakoute, lya ; — en japonais, tiilini, bois. — Kn mon- gol, taèri, |)in. — Aui ties des Amis, tohou, espèce d'arbre. J. Idem, en guarani, taa: — en (upi, ca- aua; — en omagua, cava; — en vilela, eo- hiit; — en maya, kaas; — un malabar, cadd. — Tous ces mots se rattachent h ceux qui signifient herbe, deuxième série. ÈcoRCE, en quichua, tara: — rin ostiak, Aar; — en tatare, kaè'ri: — en permien et slavon, kora; — en finnois, d'Olonetz, kor (V.). Pierre, rocher, en caraïbe, tebou; — en tamacan, tepou; — en galibi, tobou; — en yaoi, tabou; — en koiiouche, <^ou tète; — en lesghien, glslrc des mots dans VEdda ta>- S6i ulmmnl, B """"''nn. Le innl signllio aussi tout iluide en géné- ral. Liqtior, tiquidus. \ (iliS) Celte lacune dans la chaîne , du cAlé du nord, provicni nalurcllenienl de ce que les hordes !><'|)lcniriunaics ignoraient l'usage du pain et des allmftnts préparés avec art. (ÎIM') Les mois correspondants dans toutes le» langues intermédiaires «iiOièrenl absolument «lo ceux-ci. Même oliservaiion pour le mol suiva , («0) lltngh-IM. Epochiv Calhaiorum, éd. p. (), Klii|Holh, iliiies d'Oricni. «lo anl. grav. 1*«„l**ll; tBS AME DICTIONNAIRE AME m ^-l'n m en chikasa, chookka; — en kadjak» cAfA/i" CHÎt; — en japoufti^, ehoukoutehe. HotaME, en araucan, auca; — en salira,' eoceo: — en kolioiische, Ara el akkoch; — en yeso, okkal; — en iakoule, 090 (gar- çon) ; — en guarani , aca, tâte. 2. Idem, en acadien , Àetiotia; — en os- tiak, Aas«e«;— en kirghiz, ke$e; —en ia- koute, Aùi (S. B.). En iakoute, kiitce, hom' me; —kita, vierge, etc.; — en ouïgour, kiisehou. Femme, en saliva, naeou; -> en penosbcot , nseseeweoch; — en potawatam, neowah: — en (chouklche , newtm , femme en géné- ral; netoai^cAtcft, jeune femme; — en sa- moyè(ie,neu; — en osliak et vogoul, ne; — en mordouan , nttseha; — en akouscha, ntttch; — en kouba.scita, item; — en polo- nais, ntetctai(a. — En zend , natri; — en pehiwi, naerik. — En hébreu, tiektbak, 2. Idem, en mabaeanni, weetoon; — aux tles Curolines et des Amis, wefaine; — en bas iavanais, atreet^e (211). Perb, en mexicain, fatli; — en moxa, tcUa-: — en atomite, tah: — en poconchi, tat; en tascaror. ata; —en groen landais, atat; — eu kadjak, aitaga ; — en alénute, athan ; — en tchoaktche, atta et attaka; — en kinaï, tadak- —en turc et tatar, atta; — en japo- nais, tête;— en sanskrit, tada; en finnois de G«rélie,laro; —en valaque tat. 2i Idem, en lule,pe; — en koriaike, ptp* {V.j. — En yeso , fan-pe; — en birman , pha;-^ea chamois, po; — en sanskrit, pida. 3. Idem, en vilela* op: — en katowsi et assanien, op (Y.). ii Idem, en quichua, ynya; — en yakou- tc, aya; — en chiquito, iyai; — en cnebay, haia: en eâlène, ahai (V.). -^En aléoute, athau ; — en iakoute, aj/am ou ayam; — en votiak, ail — en l'ernAiétt el siraifiert, aie. Mans, en vilela, liàni: — en maïpoure, ina; -^ en cochimi, ftâtfa, — efi mexicain, naMIi; — en polAirabtnl, nana; — en tus- caror, ottaA; — en pensylvanien , aima; — cn^gi-oenhmdai.^i tmanak: —en langue de Kadjak, attagah;— en kinaï, aiina; — en aiémite, anàan: -^ en ktrmtchadale, naskh: — en tooftgouse, ah^e; ■— en iookaghir, ani'a; — en tatar, anakai et ana; — enf in- gouche^ mmth Fils, en vilelU, jnnike (flls et 6\\t)i — en deux dialectes tchouktches, tegnika et n- naka; — en tagate et malai, atrac.— Lect au- tres intermédiaires manauent. 3. /dem,-en caraïbe < imeAii;— en- teliéré- misse, ke$ehi (S. B.)> — Kn iakoute, fttn'm, fille ; — en kunaï , ki$na et kiê$un, fille ; — — fti'Mt'Aoia^ petite tille (Foy, Homme » deu- xième série). 3. Idem, en penobscot, iwirnon; —en sa- moyède, niama (S.) (272). k. Idem, en maypour, anis; — en algon- (271) Ce mot M raïuehe auni au iimi maJëciMe waiawé. (S7i) On peut rapprocher nitima, hemnie, m&le, en mandchou. (i75) Ce rapprochement ne paraîtra pas forcé à qnin etohi|ipriW8ysuari$, Sapiboconi. Horisebocona. Mure. Canisiana. Collae. Cunivos. Ganipa. Panos. Xul)cros. Capanaguas. /Sans intérêt. lli. — LANGUES DE LA RÉGION GUARANI- BRÉSILIENNE. Cliarrua. Mirmane. Guenoa. Kasigua. | Guacliika. { Echibie. Guayana. Guayaki. FAMILLE CUARANI : Sud-Gumai.! . Ouetl-Guarani. Etl-Guarani ou Oréiilienne, Omagua. Patos. ) Carijos. l Sans Intérêt. Bugres. ) FAMILLE PUHTS ' Puryt. Coroados, Coropos. Guaru. Butocudos. FAMILLE MACHACARIS-CAHAGAN : Machacari». Maconit. Palachot, Camacan, Me- nieng. Camacaeni-SpiX'Mariiuê. Ualali. Kiriri ou Cariris. Gamcllas. Thnbyras. Hannajog. Ge ou Geico? Mundru- eus. Araras. Jumnias. Maulies. Parintinlins. Andirus. Coretus. Muras. Puropurus. Cata| vixis. Maraubas. Mayurunas. Galuquinas. JSans lulërèU Urubus. Gemias. Gananis. Toquedas. Uacaraulias Maturuas. Buges. Apenaris. Gnibaras. Tapaxanas. Uaraycut. Culinos. Chiraanos. Aba- Gabyxys. Caularos. Lambys. Uru curanys. ■/ Sans iniér. FAMILLE PATA'jDA GUATCVaCS \ Guayaeurut, Payagua. Lenguat. Enimaga, Genlu$e. Cabans. Cbacriabas. Guanos. Bororos. Pa- rycis ou Pareils. Guaios. Baccabiris. Pammas. Sa-| rumnias. Tamarés. Paccabas. Ubaybai. Mainbarès. Appiaras. Tappiragues. ) Sans Intérêt. Guapindayas. Ximbinas. Aracis. Cayapos. Cba- vantes. Xerentcs. Noroguagês. Appynages. Pochelysl Carajas ? ' Javabéf 1V\ — LANGUES DR LA RÉGION ORÉNOCO- AMAZONE ou AKOBS-PAEIMK. FAMILLE CARIBE TAMANAQUK : Cart6e. Chaymoê. Vumanagolle. Palenca. Guarhe. Pariagotot. Tamanaque. Cuayanoe. Guarauno$. Arauiaque. Roucouyenne Oyanipis. Emerilion. Guabaribos. Maquiritare. Giiayacas. Gualilva ou Guogivos. Guaiiias. Yaruros ou Japuin. i o • .y... Oitomacu ou Otlomaquc. ' **"• ">»W*i. Manillvitanos. Harepizanos. Manaos. Miranhai. Barès. Baunybas. Aribiiiyg. Uaupes. 900 il-Guarani ou :an : Camacan. Ht- . Ualali. JSans iiitérèL vs ; ) Sans inléiéi. If ORÉNOCO- MK. lenea. 'luayanoi. Sans intérêt. 301 AME FAMILLE SALIVA : Saliva. Aturet, Quaquut ou Mapoje. Jfacoi ou Piaroa», FAMILLE CAVERE-HATPURE : Cinre ou Cabre. Pareni. Guaijpunabit. Maypure. Moxot. Meppuryt f Achagua. Chilicha ou Mozcat. Goaliiros. Cunarunas. Cucinas. Cartaina. Copia. Popayan. Pacs ou Paos. Guaiiuca. Cocaiiuca. Citaraes. Cliocos. Ncivag. Aiidakies. Panches. Tima- naes. Daricl. tiuaimics. Cascajral. \ibaros. Mai- nas. Andoas. Ayacore. Parana? Encabellada. Qiiinlus. Cofane. YquUos. Urariiias. Yancacos. FAMILLE VARURA-BETOl : Yarura. lti ez, mais col celte variété l un des ca- ues sémili- khoh, Sait, que que l'on ovince de ce in ; il appar- bitanls d'Ar- Massoua, sur le Trogloily- ingé d'arabe, royaume de isplus Nant's que les Cou- le langue, ou [èrs peu. e partie de la Jansleroyau- de ces dcr- j reposer quo rail de mAiiiiî i'aduri, Vnfar, es Danakil et de Harai- oi> u grec. Voy. iginc du laii- enfant. Yoy. ture de ccll: Noco - Ama- ANciiE ), ai- les gormani- cux idiomes mélange dos s, les Saxons s'emparèrent se conserva sprincipaux, con, nommé l'anglais an- lelle langue ose au celli- nouvel idio- tes qui ne se distinguaient que par des difTérences insi- gnifiantes, est pour l'anglais ne qa'est le la- lin pour l'italien et l'espagnol. Il parntlavoir été plus harmonieux que l'anglais propre, dans lequel des mots sonores tels que noma, «ma, willa{ nom, notre, vouloir ), sont de- venus les termes sourdset peu gracieux de na- »Hf,o«r,ifi7/ (prononcez: nème, aour, ouil). 1/invasion des Danois et leur dominolion ne firent pas éprouver h l'anglo-saxon d'ol- léialion matérielle. L'idiome des nouveaux ronquérantsel celui des premiers étaient, en cil'et. si étroitement apparentés, qu'à l'épo- que des premières tentatives des iinrdis pi- rates du Nord contre l'Angleterre, nous voyons le roi Alfred se déguiser en harde |tour pénétrer dans 1« «amp ennemi et y rlianler en saxon, devant les Danois, qui coiiiprcnnent parfaitement le sens de ses vers. Depuis plusieurs siècles cette langue psl entièrement morte, mais h cau«e de son imporlance littéraire on l'en.scigne dans les élahlissenienls publics anglais. Uiche en ra- (inos cl en images, ranglo-t vers lu commencement du xvii* siècle que cette belle langue prend son développement mé- thodique, et c'est vers les premières années du xviii* qu'elle arquieit îles formes fixes et invariables. La langue anglaise oci upe une des places les pluséminentes dans l'Europe littéraire ; elle se place avec avantage h côté des lanjjues les plus finies, elle brille au premier rang par l'énergie. Chez elle la con- cision n'ôte rien h la grâce; sur la lyre ses accords sont mâles et harmonieux; comme ses sœurs du Nord, elle peint admirable- ment tous les granils ellels delà nature;. naircs de la vie, ceux de l'agriculture et ccu.v des srts mécaniques les plus ancienn''"i^ 1:1 -?' ... , -;i« .1', ■ht f:> •Mm A ]■.:;] /"> S07 AM DICTIONNAIRE ARA SUS m ifkt lit" tu '\ m i i' ttf! comme langue de la polili(|iic et de l'élo- i|uenco parlementaire, elle est sans rivale; jlle tonne à la tribune, et sa franchis» égale son abondance. La littérature anghise,qui, comme plusieurs autres, commença dans le jiii* siècle par des traductions et des clironi- Sues, atteint le plus bout point de splen- eur dans le xvii* cl le xviii*. Aussi riche que variôc, elle est maintenant la digne ri- vale des littératures les plus célèbres du globe. Ses plus anciens monuments sont : Un hymne à la Vierge par un certain Godriu mort en 1170; la traduction du roman du Brut de Wace bar Layamon ou Lazamon, et la paraphrase (les Evangiles par Orm Ormin, d XII* siècle ; le Caitel of love de Robert fvroslhead, do la première moitié du xiii* et la Chronique de Robert Gloucester de la se- conde moitié du même siècle ; les ouvrages de Robert Brunnc, Chaucer, Davio Adam, John Gower et Robert Langeland.l'autcurdc la célèbre satire connue sous le titre do lï- sioni de Pierre Ploughman,q\ii sont tons du XIV* siècle. Il nous semble qu'on pourrait distinguer dans l'anglais les quatre dialectes suivants, subdivisés en plusieurs sous-dia- lectes et variétés : \'anglais proprement dit, qui, poli par Chau<;er dans le xiv* siècle, devint la langue écrite et générale do toute la nation; ses principaux sous-dialuctes sont ceux de la Cité de Londres ( le Cookney), îïOxford, de Somerset, du Pays de Galles l anglais )de l'Irlande ( anglais } : ensuite le Jowring , parlé dans le Berkshire, et l'idiome rustique de Suf^olk et de Nor- folk. L'anglais -northumbrien, (ju'on pour- rait aussi appeler dano-anglais, h cause du grand nombre de mots danois qu'il a con- servés, et où il faut distinguer les trois sous- dialectes de Yorshire, de Lancashire, do Cumberland et Wfstmoreland. L'écossais ou anglo - Scandinave, où il faut aussi distin- guer: l'c^cotjaù |)ro,uemcnt dit, ou Low/and- Seolch, parlé Bulrefois à la cour des rois d'Ecosse, dans lequel Jacques V a écrit des poésies assez gracieuses, Ramsay a compo- sé une pastoriile, dont la grftce naïve rappelle parfois tout le charme de ['Aminta du Tasse, et que Burns a ennobli récemment por des chants pleins de verve et d'originalité ; le border - language, idiome mélangé, parlé dans les provinces frontières de l'Ecosse iD''ridionale ; il est remarquable par ses ballades ou chants populaires ; et l'idiome des tics Orcades, qui est m6lé de beaucoup de mots norvégiens. L'anglais-ultra-euro- péen, parlé dans toutes les colonies anglai- ses et dans les Elals-Uiiis; c'est l'idiome que parle un plus grand nombre d'habitants dans le Nouveau-Monde. ANGLO - SAXON. Yoy. Anglo - britamni- ANGOLA. Voy. Congo. ANNAMITE. Voy. iNDO-cui.toise. ÂNQUETIL DUPERRON, fonde la science des langues orientales. Voy. l'Introduction, §11. ANTILLES. Voy. Caribe. ANIKiUlTE DE LA U.VLTE ASIE, a donné lieu h dos hypothèses mal fundées. Yoy. Tahtares. ANTIQUITÉS ET ruines de la région dk Guatemala. Yoy. Chol, Maya-guicub, Gua- temala. ANTIQUITÉS A LLIG REVIENNES. Yoy. Allighéwi, — et note I, h la Hn du volume. ANTIQUITÉS CELTIQUES (Prétendues). Voy. note VI, h In lin du volume. ANTIQUITÉS DU MEXIQUE. -Voy. note XIX, ibid. ANTIQUITÉS DU PEROU.— Voy. noteXX, ibid. ANZICO. Voy. Congo. APACHES, langue du niatcau central de l'Amérique du Nord, parlée par les Apaclies, nation très-nombreuse, divisée en plusieurs tribus répandues depuis l'intendance lie Saint-Louis de Potosi jusqu'à l'extrémité septentrionale du golfe de Californie, et qui paraissent parler des dialectes très-ditTérenls dont quelques-uns pourraient bien être re- gardés comme des langues sœurs. A l'cxceii- tion de quelques tribus fixées au sul, et qui ont la civilisation des Indios de paz, 1rs Apa- elles sont nomades, ennemis des letans et plus encore des Espagnols; ils tiennent ces derniers dans un état perpétuel d'alarmes par leurs attaaues aussi terribles que fré- quentes; la plupart de leurs guerriers sont montés sur des chevaux et armés de longues lances. Les principales tribus des Apaches sunt : les Apaches-Paraones et Mescaleros, qui demeurent entre les lleuvcs Puorco et Del Norte; les Apaches- G Henos, qui errent près des sources du Gila ; les Apaches-Mim- brenos, qui vivent dans les ravins sauvjt^cs de la Sierra de Acha et de celle du los Mim- bros; ces tribus sont les plus nombreuses. Viennent ensuite les Apaches-Chiricaguis, qui demeurent au sud-ouest des Mimbre- nos; les Apachts-Tontos, qui vivent sur le l)ord méridional du Gila; les Apaches Lia- neros, h l'est de la grande chaîne, sous le 38' parallèle et à la Tongitude occidentale du 100 degrés, et les Apaches-Llipanes, plus à l'ouest vers le lOV méridien. Selon Pike, les Nanahas, qui errent au nord-ouest de Santa-Fé dans lo Nouveau-.Mexique, parlent la langue des Apaches, et en sont par consé- 2uent une tribu. Il parait aussi que les Na- ajoa, qui demeurent le long de la rive mé- ridionale du Yaquesila, sont une autre tribu de celte nombreuse nation. APPALACHES, langue du plateau central de l'Amérique du Nord, parlée par lesAppa- laches, nation jadis nombreuse et puissante, qui donna le nom h la grande chaîne qui, réunie à l'Alleghany, traverse la région At- lantique du territoire des Etats-Unis. Les Appataches quittèrent la Floride occidentale pour venir s'établir à l'ouest du Mississipi sur les rives du ileuve Rouge, où on les trouve encore, mais en petit nombre. Yoy. Mobile. AQUITANI. Voy. Ibérienne. ARABE ( Langue), une des principales branches de la famille sémitique. Elle com- prend : 309 ARA 1* L'arabe ancikn, idiome élcinl, parlé au* Irefois dons l'Arabie. On a coutume do le Jiviser en deux dialeclcs |)rimM|>aux, nom- niés l'un himyarite, l'autre korHsch. L'himyarite était encore parlé dans l'Ye- mon au xiv' siècle (So^outni). Celte langue est analogue à l'étliiopicn ou ghez. L'ehkiti ou mahri, parlé aujourd'liui entre le Hadra- iiiaut et l'Oman (Malirah, Mirbat et Zhérar), serait un reste de l'ancienne langue him^-a- rite expulsée d'une partie de son domaine par l'arabe koreischite, lorsque celui-ci fut devenu inséparable do la coiiquôto musul- mane. Dans la seule région de Marcb, l'cx- ploraiion de M. Arnaud [1843] a ajouté aux inscriptions déjà connues, cinquante six tex- tes nouveaux, et la mine à exploiter sur ce |ioint serait en quelque sorte inlinie. Les essais de grammaire (lonnés par M. Frcsnul et le recueil de mots et de phrases do M. Krapf ont mis hors do doute le caractère sémitique de l'ebkili, cependant aven quel- ques aliinités avec lo cophte et l'anihariquo ou influences couschites (278). L'alphabet himyarite procède do droite à gfliiclie comme tous les alphabets sémiti- ques. C'est le mémo que celui que les his- toriens arabes désignent par te nom de mui- nad. Toutefois la ligne de démarcation qui existe entre le caractère liimyarite et les nu- tri'< alphabets sémitiques, est si profonde, qu'il faut supposer que la séjiaration ro- iiiunle h une hauto antiquité. Peut-être la tr.iciilion du séjour des Phéniciens en Ara- bie [Voy. Hébhaiqur), et sur les bords de la mer Itouge, trouverait-elle en ceci quelque confirmation. M. Fresnel admet comme in- contestable que l'ehkili est un reste de la langue do Cousch (279). Toutefois des exé- gèles do premier ordre, tels que Uesénius, ont nié qu'on dût chercher des Couschites ailleurs qu'en Afrique. Le koreitch était parlé dans l'Arabie occi- dentale et surtout aux environs de la Mec- que. S'il fallait en croire les philologues ara- bes (Soyouthi, etc. ), la langue arabe serait lo résultat de 1 1 fusion de tous les dialectes, opérée par les Koreischitus autour de la Mecque. Les Koreischites, d'après co sys- tème, gardant la porte de la Caaba, et voyant «llluer dans leur vallée les diverses tribus attirées por le pèlerinage et les institutions cenlraies de la nation, s'approprièrent les (inesses des dialectes qu'ils entendaient par- ler autour d'eux; en sorte que toutes les éléj^ances de la langue arabe se trouvèrent réunies dans leur idiome. Les Koreischites, d'ailleurs, avaient, de temps immémorial, la réputation d'être ceux des Arabes qui par- iaient le mieux; leur prononciation était la plus pure et la plus dégagée de provincia- lismcs. Ils étaient par leur position au cœur (le l'Arabie, à l'abri des influences extérieu- res de la Perse, de la Syrie, des Grecs, des Coptes, des Abyssins. Cette o|)inion de la précellence du langage des Koreischites est tellement enracinée (278) Voy. la note III i la Qn du volume. DE LINCI'ISTIQI;E. AllA 310 chez les grammairiens arabes, qu'ils n'ont pas hésité à établir, comme critérium de la noblesse ou de la corruption d'un dialecte, la plus ou moins grande distance uni sépare la tribu qui le parla du pays des Koreischi- tes. Quoi qu'il en soit, il reste du moins éta- bli que ce fut au centre de l'Arabie, dans le Hcdjaz et lo Nedjod, |iarnii les tribus res- tées les plus pures, que se forma la lâni^uu appelée depuis arabe. 2* L'arabe littéral, langue commune h toute la nation arabe, et langue écrite et sa- vante de la plupart des nations soumises au vaste empire fondé par les successeurs de Mahomet. C'est dans celte lunguo qu'est écrit le Coran. Quoiqu'elle no soit plus par- lée depuis lnn(r,temps, elle est restée la lan- gue liturgique et littéraire de toutes les nombreuses /allons qui professent l'isla- misme, et qui s'étendent depuis l'tlo de Go- ram dans l'Océanie occidentale, jusqu'A l'extréniité ociidentalo du l'Afrique, et de- puis l'ile de Madagascar et le cap Dclgado en Afri(|ue jusqu'à l'Oby et h la Kama af- fluent du Volga dans l'Asie et l'Europe. On peut dire qu'à l'exception de quelques raci- nes tombées en désuétude, de quelques tournures vieillies et do qucl(|ucs expres- sions ({jji ne sont plus en usage, la langue arabe, telle mrelle est employée dans lo Co- ran, est restco la même, quant aux formes grammaticales. Depuis le «'jusqu'au xiv* siècle, la littérature arabe a j.oué le plus grand rôle en Orient et en Occident, puis- qu'on peut dire que c'était la seule qui bril- lât d'une vive lumière au milieu dos ténè- bres qui cnv'.ioppaient toutes les nations. Non-seulement elle a servi à former les lit- tératures persane, ottomane ou turque et celle Jes (irétendus Tartares, mais elle était alors aussi la base de la liltérature latine et do la liltérature nationnlu des Espagnols avant l'époque de Ferdinand le Catholique ; elle était même cultivée avec beaucoup do succès et d'ardeur par un grand nombre de Chrétiens. C'est pendant ce long laps do temps qu'elle produisit tant d'ouvrages ori- ginaux de médecine, de géographie, d'his- toire, de mathémalique, de philosophie et de belle littérature, outre plusieurs impor- tantes traductions des meilleurs ouvrages composés dans les plus savants idiomes du globe. Dès cette époque, elle tomba en dé- cadence ; et quoiqu'elle soit encore bien su- périeure à celle des nations turques les plus policées et la rivale de la persane, ello n'est pas comparable à ce qu'elle était autre- fois. La langue arabe est une des plus ri- ches et des |)1 us énergiques que l'on con- naisse ; elle a servi à perfectionner et à en- richir l'ottomane et la persane; elle a fourni [)resque tous les mots métaphysiques aux angues d'un grand nombre de peuples d'A- sie, d'Afrique et d'Oi'éanie qui professent l'islamisme. L'alphabet arabe contient 28 lettres et 3 points voyelles ou motions. On connaît chez les Arabes trois genres d'écri- (i79) Journtil atmi., juin 1838, juillet 18»^ « '» l: l!! .. il- ;ij "! ■Il| \ •*•'* M ., .^^'^^ 311 AUA DIGTIOiNNAIRE AHA 3li 141 NI liiru principnux,, savoir : lo eoufit/uc, ainsi nommé de Coutn, ville sur rEu|i|iratc ; rVst le plus Ancien, il ressemble un peu h l'es- tranghélo et n'est plus en usaue. Le neskhi, inventé par. le visir Ihn Mscian «l.ms la |)re- mière moitié du \' siècle (^iSO), et niuinte- nant écrit par presque tous les Arabes d'A- sie et ceux do l'Alriquo orientale jusqu'à Wara, capitale du royaume de Borgou. Le maghrcby, en usage parmi tous les autres Arabes d'Afrique au nord et j) l'ouest du royaume de Borgou, et chez les peuplades africaines qui savent écrire l'arabe; le ma- glireby s'approche plus que le neskhiducou- li'|ue.II est bon de remarquer que plusieurs nations d'Afrique et d'Asie, qui n'écrivent, pas leur propre langue, et qic plusieurs sa- vants ottomans, pers.ins, etc., écrivent et composent en arabe, qui e>l la Inngue la plus étendue en Afiique, et la langue sa- van:c de toute l'Asie occidentale et de la plus grande partie de rAfri(]ue. 3° L'ahabe vtLHAiRE u'cst, au fond, que l'arabe littéral dépouillé de sa grammaire savante et de son riche entourage do voyel- les. Toutes les inflexions finales exprimant soit les cas des substantifs, soit les modes des verbes, sont supprimées. Aux mécanis- mes délicats do la syntaxe littérale, l'arabn vulgaire en substitue d'autres, beaucoup plus simples et plus analytiques. Au reste nies différences théoriques, » dit M. Agoub, aqui existent entre l'arabe littéral et l'araue vulgaire ou langue parlée, sont beaucoup moins importantes que ne l'uni imaginé jusqu'ici les orientalistes qui n'ont examiné cette languequq dans les livres. Ou pourrait même faire connaître et préciM>r dans une seule phrase la nature de ces dif- férences, et réduire ainsi la théorie du lan- gage h une règle simple, uniipie, et, h quel- ques exceptions près, générale. Dans l'arabe littéral, les désinences qui servent à mar- quer les inflexions grammaticales telles que les cas dans les noms, et les personnes, lo nombre, le genre, les temps et les modes dans les verbes, peuvent être divisées en deux classes, savoir: 1° les désinences qui con- sistent dansune addition ou un changement (le motions (ce sont les signes voyelles); 2" les désinences qui exigent l'addition ou le changement d'une ou de plusieurs lettres de l'alphabet; dans l'arabe parlé, les pre- mières soni supprimées, et les secondes sont ou conservées ou seulement modifiées. La plupart de ces irrégularités ayant pour but de faciliter lo langage et d'alléger lo discours, on doit les regarder.moins comme des viciations arbitraires, qiio comme des concessions commandées d'abord nar la né- cessité, consacrées ensuite par I usage. Ju no sais pas même si en remontant aux plus anciennes traditions, on pourrait désigner une époque où la langue arabe, telle ()u elle nous a été transmise par les rhéteurs dn l'Orient et telle qu'elle existe encore dans les compositions littéraires des temps mo- dernes, ait été introduite avec tout son at- tirail savant dans le commerce familier de la vie et dans le langa^iede la multitude. Quoi ?u'il en soit, les diirérences de la théorie crite à ra|)plication usuelle sont, comme jo l'ai déjii dit, peu nombreuses; jo vais en in- diquer ici les principales et poser en peu do mois les règles de l'arabe vulgaire : ti l. Lo due/ est inusité dans les verbes et les pronoms de la langue parlée ; on ne s'en sert que dans les noms, et seulement sous In forme du génitif, qui se termine en uyn : la terminaison on an, qui, dans le litlt'ral, dé- signe le nominatif ou sujet de la phrase, n'est j.imais emiiloyée. '< II. Il en est de même du nominatif du pluriel régulier terminé eu oun : on n'em- ploie dans lo langage que la terminaison en yn, pour tous les eus. « III. Les modes subjonctif, conditionne, et aflirmatif, lonnus sous les noms d'an/i- Ihc'lùiue, li'apocope' ei de paragogique lourd ou léger, sont également inusités. « IV. La conjugaison se trouve donc ré- duite, dans lt> langage, au prétérit, à l'ao- riste et à Vimpératif: encore y f«ul-il faire de nouvelles réductions : les deuxième et troisième personnes du (iluriel féminin y sont partout supprimées. Les deuxième et troisième personnes du masculin pluriel do l'aoriste, changent le noun qui les termine en un alef muet, comme cela arrive dans l'aoriste antithétique île l'arabe littéral. Quel- quefois ce même u/e/'muft précédé d'un truie est substitué au mim, qui sert de désinence h la seconde personne du pluriel masculin du prétérit; ainsi l'on dit : katabtou, vous avez écrit, au lieu do katabtom, Lo noun final de la seconde personne du singulier (280) Nous suivons ici ropiniun commune; toute- fois il p.irnit que des uié.laiilcs et quelinos-uns des pins .incieiis fr.igments d'écriture .'iral)e que l'on possède, une pièce de l'an lOde l'Iiégirc, deux pièces dn r»n 133, les monn.ties d'Abd-ei-Mélik, de l'.in 75 environ, sont en neiklii. (Cfr. De S.\cï, Journ. as., mal ISi'i et av. 1827, etc.) Malgré li s améliorations apportées b l'alphabet arabe, il est toujours resté un caracicre fort nnpar- l'ail. On en donne pour preuve la iiéccssilé où l'un se trouve, dans les dictionnaires géoi^rapluques, par exemple, d'épeler les mots, en spécifiant la voyelle, mules les fois qu'un veut arriver à quelque rigueur. La Irauscriplion des noms propres étran- gers, et, en particulier, des noms grecs, pour !• s- ijuels le copiste n'est point guidé par ranalugic, cbt devenue, dans les manuscrits arabes, d'une telle iiiexactiiudc, qu'une foule de précieux renscignc- nieiiis, transmis par les musulmans sur les litté- ratures et riiistoire de l';*ntiquilé, sont pour nous lettre close. Les langues, enfin, qui ont adopté l'alpliabet arabe, telles que le malay, ont subi le contre-coup de ces graves défauts, el on peut dire que l'alpliaiiet arabe, de plus en plus défiguré par les caprices des scribes orientaux, est devenu, pour les langues de l'Asie, un véritable agent de destruc- lion. Il est rcmarqu.->ble que le moment de l'intro- duction des pniuts-M>yelles dans l'éciiturc arabe coïnciile avec l'introduciioii des mt^mes signes chez les Syriens et les Hébreux. (Cl'r. Ë. Kehan, llifl. des langue» sim., p. 3i'U.) .t'ir-^'C 513 AKA D£ LINGUISTIQIJE. ARA Sl( l féminin do Vaoriste, est toujours rutranvhé, cl l'on dit. coinmo dans les futurs antilhéti- lue et a|ioco|)é : iaktouby, tu écriras, toi cmnin, au linu de laklouhyna. ■ V. J'ai dit qiio toutes les dësincnces qui no ronsislont qu'en motions sont gôntVafe- nicnl suppriméesdans l'arabe vulgaire (281). Il est pourtant, sinon une cxcoiition, du moins une modidcation h cette rc){le, pour |iant. « VII. Les verbes nakès ou défectueux, qui ont un tcaw pour troisième radicale, Iran^l'urment, dans i'aral)0 vulgaire, <:e waw cnj/i'.-il faut tlire : dueyt,i'ai fait des vœux; ynnfy, il fera grâce; au lieu iIr daoulou, yuafoii. A Vimpératif les verbes concaves et défectueux ne retranclient pas leur /e«re fai- ble ilnns lo singulier masculin : on dit, rouhh, vn-l'en, ermy, jette, en conservant le iMip et Vyt'. « VIII. Il est rare qu'en parlant un tourne Ib verbe actif en passif, comme cela se pra- liipie dans le littéral au moyen d'un dham- mii sur la première lettre radicale et d'un hasra sons la seconde. Dans l'arabe vulgaire on se sert presque toujours, potir exprimer lo l'ossit', des cinquième, septième el hui- tiùmu conjugaisons dérivéts, <• l.\. Les verbes réguliers dont la seconde Icltrc radicale porte un dhummuaix prétérit, nu sont point usités dans le langage. « X. Le prétérit du verbe kdn, être, est toujours employé avec le sens do Vimpar- fuit, 'I XI. La lettre kaf, pronom affixe de la se- conde personne du singulier, se prononce, dans le littéral, ka pour le masculin et Ai pour le féminin. Dans le vulgaire on trans- I o>e la voyelle, et l'on prononce ak et ek. Si le |ironom" masculin est précédé d'une lettre ilo prolongation, on retranche entièrement la voyelle dans la prononcinlion; exemples : chatamouk, ils t'ont injurié; yanfyk, il l'exi- lera. Dans ce môme cas, le pronom féminin prend un ytfQnal, ainsi que nous l'avons vu plus Iiaul dans lo mot dharabouky, ils l'ont frappée. Quant au pronom aflixe de la troi- sième personne du singulier masculin, on lo prononce oh cl plus «ouveiil ou, sans faire sentir l'aspiration do la lettre hé ; on dit ké- lâboh ou ki'tàbou, son livre. Si au contraire co pronom c.st précédé d'une lettre de pro- longation, on ne prononce plus que lo hé, sans voyelle ; exemple : ramaynûh, nous l'a- vons jeté. «Xll. Les Arabes ont contracté dans quel- ques pays, et particulièrement en Kgyple, 1 habitude d'ajouter un bi initial à l'aoriste, cl ce bé se convorlil souvent en mim 2i la première personne du pluriel : ainsi ils di- sent bdkoi, je mnwinxbéladherb, lu frappes ; byeftahh, il ouvre; ménechtifr y, nous as soi- gneurs, et par les Chrétiens les plus ins- truits; il s'est éteint depuis longtemps; on prétend cependant qu'on le parlait encore vers la lin du xvir siècle dans les monta- gnes de Grenade et dans plusieurs endroits de l'Andalousie et des royaumes de Valence el d'Aragon. On croit aussi en retrouver (|uelqucs traces dans des familles qui habi- tent la Sierra Morena. Lk mallai», parlé dans les campagnes du groupe do .Malte, dépen- dant de la monarchie anglaise; c'est un jar- gon composé d'arnbe, d'italien el do proven- çal, dans lequel Quinlin, Mnjus, Agius, Hervas et Vallencey ont prétendu h tort re- connaître la langue punique. I'oj/.Sémitiquks (langues). On a demandé si l'arabe est supérieur aux autres langues sémitiques. On peut lépon- dre que l'arabe exprime parfaitement l'ordre d'idées auxquels il est approprié; cet ordre est tout difiùrenl de celui de l'hébreu et du syriaque. Une foule de nuances que l'hébreu et le syriaque ne rendent que d'une manière embarrassée, ou ne rendent pas du tout, ont en arabe des formules grammaticales con- sacrées. Le style arabe a une ampleur, une liberté que ne connurent point les langues sémitiques plus anciennes. Mais ce progrès a été obtenu au prix de bien des défauts. Les formes sobres, harmonieuses de l'hébreu (3R2) La prodigieuse rlchesie lexicograplii(|iic do l'arabe entraîne ellc-ini-me l)eaucoiip plus d'incon- vénients que d'avantases. Elle aboutit à une lati- tude vague qui nuii beaucoup à la clané. Un phi- lologue composa, dit on, un livre sur les noms du lion, au nombre de cini| cents; un autre sur ceux du serficnt, au nombre de deux cents. Firnzubadi, railleur des Kamou», dit avoir écril un livre sur les noms du miel, tl assure qu'après en avoir compté plus de quiilre-vingts, il elitil encore resté incnm- plfl. Le même auteur assure qu'il existe au moins mille mots pour s'gnilier l'êiiée, cl d'autres en ont trouvé plus de iiuutrc cents pour exprimer le mal- suiitj détruites : le timbre charmant du paru], lélismc, qui donne à la poésie liébraïipie une grAco inimitable , est brisé. Le iiylt aiiatique l'emporte ; de petits ornements ilv rhéteurs, dos linosses du grammairiens ont remplacé la grave beauté du style antiipio, Avec tous les oITurts do sa syntaxe, l'aniliu n'arrivera Jamais h celte limpide précision qui semble le partage exclusif des langucfi indo-euro|iéennus. Comprendre leur idiuiim littéral a toujours été un travail pour les luu- sulmans (282). La Ionique arabe est, sans contredit, !'!• diomo qui a envahi la plus gronde étentiuo de pays. Deux autres langues seulement, lu grec et le latin, partagent avec elle l'hon- neur d'être devenues langues universelles, je veux dire organes d'une pensée religieuse ou politique supérieure aux diversités des races. Mais l'étendue des conquêtes du lotiii et du grec n'approche pas do celles do l'a- rabe. Le latin a été parlé do la Campnnio aux Iles Dritanniques, du llhin ii l'Atliis; le grec, de la Sicile au Tigre, de la mer Noire h l'Abyssinie. Qu'ist-co nue celii, comparé h l'empire immense do la languu arabe, embrassant l'Espagne, l'Afrique jus- qu'à l'éi|uateur, l'Asie méridionale jusqu'il Java, la Kussie jusqu'à Kasan? C'est bien i\ la langue arabe qu'on a pu appliquer la prophétie : Ultra GaramaoUs et ludos Prorerut iiiipcrium Voy. SÉMITIQUES. AH A DIE. Haces qui l'ont occupée. — Voy. note XVIi, à la tin du volume. ARAM. Sons de ce mot. Voif. Svhiaqie. AKAMËENNE. Voy. SYHiAuue. ARAKAT, étymologie. Voy. XnMi-.yw.wti. ARAUCANS. foy. Chilienne. Leur civili- sation. Ibid. ARAWAQUE. Voy. Caribp. ARCHEOLOGIE ORIENTALE. Rabviono, Ninive, etc. — Voy. note XII, h la lin du vu- lume. ARCHIPEL BRITANNIQUE (Langues w h), groupe de la division des langues dis nègres océaniens, qui comprend les idiouiis parlés dans les Iles qui forment rarclii|ii'l de ce nom. On dislingue les langues sui- vantes : V NotvKLLK-RRBTAGNE, par plusiours tri- bus de l'Ile de ce nom, qui ress-imblenl aui heur. (Pocoke, de Sacy, etc.) De tels faits cessent ilc paraître exlraorilinaires quand on suiige que les synonymes ainsi recueillis ne sont, le plus souvciil, que des ëpitlictes changées en subslantifs el >les iropes employés accidenlellement par un piiêie. (:eiie synonymie exubérante se remarque siiituut dans les noms des choses nulurclles : or la langue arabe n'est pas la seule qui réunisse pour les idées de cet «rdre, un grand nombre de synonymes ; k lapon compte, dit-on, plus de trente mots pour ilr- signer le renne, selon son sexe, son ige, sa couleur, sa taille; on remarque une richesse analogue daib la langue hébraïiue. 917 AIU> DE LINtiUlSTlUUE AltM 318 •liy- l'apous du lj Nouvullu-Guiiico |>our le lioiii' el |>oiir le iiinral. 3*NouvKi.Lii-li«L4N»R, |iAr plusiourit tribus ilo l'Ile do ce nom, entre autres par celle (|ui driiiuuru dans le poit l'rasiiii. leur Inillo tsl infériourt! et leurs trallt moins beaux ipio ceux des Papous de la Nouvelle-Guinée. St:- lun les mesures prises par M. lo docteur (îarnot leur anule fncial est presquo aussi «igu que celui des nègres de Sidney. Cepen- dant ces sauviiuxs sont trùs-adroits h ^o\ï- vorncr leurs belles piroitues, dontquelijues- unes ont parfois Jusque 00 pieds do limg. Ils, ont aussi un culte ci des temples aveu des idoles b figure humaine et d'autres re- présentant des animaux, auxquels ils font des ulTrandos. Leur langue est, selon M. Les- iion, sonore et très-douce, quoique bien dif- férente dos langues parlées dans la Polynésie orientale, qui ne sont composées (|uo do voyelles, tandis que mmciit la grande famille des Ariê ou Ariant dont les Arméniens seraient originairement descen- dus. Quant au nom li Arménie, ils prélcn- dent qu'il vient ii'Aram, un do leurs an- ciens rois, que les écrivoins grecs oppelù- rent Armtn. Les habitants se donnent 5 enx- méuies le nom do Hai, et à leur pays celui de llaïasdan. Les Arméniens font remonter leur langue 5 leur ancêtre Haïg, arrière-pelit-iilsde Go- inor, fils de Japhet. A l'appui do cette opi- nion, ils citent plusieurs noms dont ils ti- rent un ^ens en rapport à la fois avec la tra- dition locale elavec nos livres sacrés. Ainsi ils disent qu'Erivan, apparition, est la pre- mière terre que Noé vit s'élever au-dessus des eaux qui se retiraient; Nnlihdchavaii, premier iéjour, !e lieu où il se fixa à sa sortie de l'archo; Agori, le jet du mrmenl, celui où il planta la vigne; Marani, le champ de la mère, le lieu de la sépuliure de la fem- me de Noé, etc. Les anciens ne nous fournissent que des données extrêmement vagues, pour ne pas dire erronées, sur la langue arménienne. Malgré l'obfcuritéqui entoure son origine, on ne peut douter quo l'arménien ne soit un des plus anciens idiomes du gloi)e. KIoproth faitde cette langue lo sixième et dernier laujau asiatique do la famille iiido- gormanique. C'est aussi dans cette famille que MM. Petermann lie Berlin, Nenmaiin et Windischmann de Munich, classent l'idiome arménien, tout en lui reconnaissant dans ses racines do nombreux rapports a /oc les langues rnédo-) -^rsanes.ll sullit, en ctfct,dc jeter les yeux sur le vocabulaire arménien yl^ SI9 AUM HCTIONNAIRE AUM in mâiM^ v\m pour ,y rcconnaitrc uiio foule do radicaux qui lui sont communs avec le sanscrit cl avec le persan. Kl l'on ne saurait voir là des emprunts postérieurs à l'époque de la lixa- lion de la langue, car ces radicaux se rappor- tent h des idées dont l'expression appartient nu fond do tout idiome; ils forment les noms d'une foule d'objets qui répondent aux prtinièros sensations el aux premiers be- soins (le riinmme, et, en grande partie aussi, les ternies qui expriment les premières re- lations sociales, celles de la famille. Les noms de nomi ne présenient dans ces trois langues, sanscrit, persan et arménien, les ressemblances les plus frappantes. D'un autre côté, par suite de la domina- lion successive, directe ou indirecte dos As- syriens, des Macédoniens, des Komains et (les Parllies sur le sol arménien et aussi par l'eirot do l'inrorpornlion, dans la nation, de plusieurs tribus do race étrangère, il s'est introiluit dans la langue arménienne, dès uno époiiuo fort reculée, un certain nombre de termes chaldéens, syriaques, grecs, latins, persans, tartares, etc., em- prunts loulcfois qui n'ont point été assez nombreux pour altérer d'une manière sen- sii)le la physionomie générale de la langue nationale. Larménion compte environ quatre mille racines qui, dans la composition des mots, se combinent entre elles d'après des lois régulières, semblables à celles qui s'obser- vent en sanscrit, en grec, en allemand et autres langues synthétiques. Du reste, les monuments nous manquent jour suivre, autrement que dans «les con- j(>ilures, les diverses phases par lesquelles est passé l'idiome do l'Arménie. Si les fa- meuses inscriptions cunéifurmes de Van doivent, comme quelques savants le pen- sent, s'expliquer par I arménien, c'est a cet état primitif qu'il sera possible de le recons- truire. Ce qu'on connaît Jusqu'à présent d'inscriptions arméniennes n'a pas plusd'in- lérôt pour le philologue que pour l'anti- quaire. La plus ancienne ne remonte pas nu delà du x' siècle de notre ère. La nu- mismatique no jette pas plus de lumière »ur la question. La prononciation de l'arménien aflTecle d'une manière peu agréable une oreille eu- ropéenne par la fréquence des aspirées et surtout des articulalions siillantes et des sons nasaux qui s'y rencontrent. Joignez à cela un accent très-prononcé, qui, tombant uniformément sur la dernière syllabe des mots, produit par sa force même une mono- tonie fati.^ante. Kn arménien, la distinction des genres n'existe pas, et il n'y a, dans les noms commn dans les verbes, que deux nombres. La déclinaison otfre dix cas qui se distin- guent par des désinences et par des préfixes. Kilo a, outre les six des Grecs et des Latins, l'instrumental du sanscrit et du russe, le locatif du sanscrit, et enfin le narratif et le circonférentiel (|ui lui sont particuliers. Les grammairiens admettent seiit, huit, dix ol mémo jusqu'à vingt déclinaisons. En armé- nien, comme en persan, le vorbe substantif forme la base de toute la conjugaison, el se retrouve, du moins par ses consonnes, dans les désinences de tous les temps. Une chcso particulière à la grammaire arménienne, c'est l'emploi de T'articulation k, dans les verbes c-t dans les noms comtne marque du pluriel. Les